Le solstice d’hiver

Le cycle du temps a quatre portes : les deux solstices et les deux équinoxes. Les équinoxes (jour égal à la nuit) marquent des changements de polarité dans le temps : d’une énergie émettrice à une énergie réceptrice pour l’équinoxe d’automne (du yang au yin) et de l’énergie yin à l’énergie yang pour l’équinoxe de printemps.

Les solstices marquent, eux le moment paroxysmique de chaque énergie. Avec le solstice d’hiver arrive le paroxysme de yin et de la puissance invisible, souterraine. C’est le moment où la lumière est la plus faible, où la nuit est la plus longue, avec la crainte que le soleil ne se lève plus, d’où le symbole de la fête du Sol Invictus, le soleil invaincu, qui a triomphé des ténèbres.

Au niveau du cycle de la nature, le renouveau arrive à ce moment, et pas à Pâques, bien que cela soit la fête de la résurrection visible et du renouveau visible de la nature, mais ce renouveau naît à Noël, et est justement représenté à la fois par la faible lumière des bougies des fêtes de Noël et par l’innocent enfant qui naît et qui est la promesse du futur.

Donc, dans la nature tout renaît d’abord dans l’invisible à Noël, durant tout l’hiver où la puissance est extraordinaire mais souterraine où tout germe à l’intérieur de la terre, comme à l’intérieur de soi, sort à la lumière au printemps, arrive à maturité pour être récolté en été et mourir à l’automne.

L’automne est associé à la mort et aux fêtes de morts, mais Noël est une fête de renouveau, de nouvelle naissance, à partir de l’innocence (ou du potentiel originel), qui doit à nouveau apporter la lumière, la paix, la joie et la chaleur.

nativité

La Nativité marque aussi dans la spiritualité chrétienne le départ d’un processus de spiritualisation de la conscience, qui est le mystère de la Passion et de la Résurrection.

Noël est la fête de la naissance de la lumière. Dans plusieurs traditions religieuses ou spirituelles, on fait naître un « sauveur » le soir de Noël ou du solstice : on dit que Mithra et Krishna sont nés ce soir-là, comme le Christ de notre tradition.

On les fait naître au cœur de la nuit la plus longue de l’année, c’est  à dire au moment où l’on touche le fond des ténèbres au bout de l’année, là où tout semble mort. L’arrivée de la lumière est la promesse de salut.

Et, c’est à ce moment que les journées commencent à s’allonger peu à peu,
comme si la lumière apportée devait triompher petit à petit jusqu’à ce qu’elle atteigne l’autre pôle de l’année, le solstice d’été, la fête de la Saint-Jean.

Le solstice est un moment qui nous permet de prendre conscience de la présence de l’esprit dans la matière, comme un éclair de lumière dans l’obscurité, une grande espérance. Il est le point culminant où l’énergie de Lumière s’ancre profondément dans notre terre intérieure.

Parce qu’il ouvre la porte de la phase ascendante du cycle annuel, parce qu’il voit renaître de façon encore secrète – et donc sacrée- la lumière, le solstice d’hiver est lié aux traditions les plus ésotériques, en célébrant la naissance de la vie réelle.

La tradition chinoise place au minuit du solstice d’hiver le moment le plus propice à la conception.

Quant aux Indiens d’Amérique du Nord, ils donnent à cette lunaison le nom de « lune du renouveau de la terre » en l’associant au même arbre totem que les Celtes, le bouleau, parce qu’il se propage seul et qu’il est le premier des arbres forestiers à sortir ses feuilles.

Comme chez les chrétiens célébrant la naissance de Jésus d’une vierge dans une étable, le rite celte d’Imbolc célèbre l’enfantement du fils de la déesse mère à minuit dans une caverne.

Les Berbères enfin consacrent cette « porte de l’année » au rite où l’on purifie la maison et où l’on se rassasie, pour écarter la famine sans oublier de réserver la part de l’Invisible.

Pouvoir du Nord, chez les Amérindiens, le solstice d’hiver incarne en même temps la mort apparente de la nature et la plénitude spirituelle. Il est au cœur de la nuit, le moment où l’être – telle la graine enfouie dans l’attente d’une lointaine moisson – commence de s’éveiller à la Lumière.

PerséphoneLe solstice d’hiver a toujours été considéré comme un temps de naissances divines: Rhia y a engendré Pryderi et Déméter a donné naissance à Perséphone. De nos jours, cette célébration nous rappelle que la mort apporte finalement une renaissance.

La Déesse donne naissance à un fils, le Dieu, au moment de Yule ( une fête d’hiver, anciennement une célébration païenne pour les peuples germaniques, associée aux fêtes de Noël dans les pays nordiques depuis leur christianisation). Elle fût adoptée par les chrétiens et jusqu’au III ème siècle, on rendait un culte à Mithra (Dieu Soleil) né, selon la légende un 25 décembre dans une grotte.

Les Gaulois plaçaient à cette date, la venue sur terre de l’incarnation d’un fils d’Epona, la Déesse Cheval, Konerin (jeune fils de la Déesse-Mère).

La légende explique, que possesseur d’un potentiel énergétique suffisant pour vaincre les puissances des ténèbres, il fût cependant assassiné, démembré et brûlé. Au milieu des cendres il n’est resté qu’une pomme, que deux mendiants ont offert à une vieille femme qui devait la faire manger à sa fille vierge. Konerin renaît après cette fécondation buccale. Plus puissant puisqu’il a triomphé de la mort, Konerin justifie alors son nom « Fils de la Pomme » c’est à dire le fruit de la connaissance.

Yule, au solstice d’hiver est une fête du feu, de la lumière, de la fécondité et des morts, au milieu d’une nature plongée dans l’obscurité. Yule est probablement dérivé du mot « roue » lié au cycle solaire. Elle constitue un vestige des rituels primitifs célébrés pour hâter la fin de l’hiver et la fécondité du printemps.

A cette date on pratiquait le rite de la bûche de Yule, en utilisant une vraie bûche en hêtre, ormeau ou chêne, choisie à l’équinoxe d’automne et conservée précieusement pour cette date.

Les gens de la maison la décoraient et mettaient sous son écorce des vœux pour l’année à venir.

Il fallait s’occuper du feu avec les doigts ou des bâtons en bois, sans jamais utiliser le moindre instrument de fer et la bûche devait se consumer toute la nuit.

On conservait les charbons de la bûche car ils ont la réputation de guérir de diverses maladies et de protéger la maison ou on rangeait les cendres dans le grenier pour éloigner les souris et les répandre aux pieds des arbres fruitiers pour fertiliser la terre.

Yule est aussi l’époque où les destins sont fixés. Les Norrois avaient comme coutume de monter un sanglier consacré et de prêter serment. Cette tradition a survécu, malgré quelques déviations : au début du siècle, on cuisait un large pain en forme de sanglier ou on sculptait un cochon dans une bûche de bois que l’on recouvrait de peau de cochon.

De nos jours, on fait des gâteaux en forme de sanglier, pour prêter serment. Les serments symboliques et représentatifs étaient prononcés lorsqu’on faisait sonner la corne ou encore, lorsqu’on buvait pendant le festin de Yule.

Ces serments ont probablement donné naissance à une forme que nous pratiquons encore de nos jours, en tant que résolutions pour la nouvelle année.

Dans les traditions païennes, on accrochait du houx en l’honneur du Roi Houx et c’est une tradition qui perdure encore aujourd’hui dans certaines maisons. Il symbolise le Soleil renaissant, la protection, la chance et il était  utilisé pour décorer les portes, les fenêtres et les cheminées, en raison de ses formes pointues, pour repousser les mauvais esprits.

Les Romains aussi accordaient une grande importance au houx et cette plante faisait partie des cadeaux qui étaient échangés à  cette période car il représentait une protection efficace contre la foudre et les mauvais esprits. Il signifiait également l’aspect féminin (les baies rouges représentant le sang de la femme). A contrario, le lierre représentait le côté masculin, et il était fréquent de voir des décorations mêlant les deux plantes, comme un symboles d’union entre les deux divinités.

Le gui, également associé au solstice d’hiver, est une plante sacrée, symbole de la sagesse spirituelle et de la guérison. Il illustre le passage cyclique de l’année et son renouvellement. Les petites boules blanches montrent son aspect lunaire, c’est pourquoi le gui est coupé avec une faucille, illustrant elle-même la croissant de lune et dont la couleur or rappelle le soleil.

druidePour les Druides le solstice d’hiver marque le triomphe de la Lumière sur les Ténèbres. C’est le temps de la renaissance après la mort. Dans le silence de la Terre endormie, les graines commencent à germer, répondant à l’appel de la Vie.

Tout comme la graine, qui ne trouve son énergie qu’au centre d’elle-même, c’est au plus profond de chacun qu’il faut chercher la force de la Lumière. Les influences cosmiques particulières à cette période, incitent à s’intérioriser et la Lumière qui est accordée en ce jour peut aider à faire naître le divin caché au plus profond de chaque être. C’est aussi une invitation à abandonner ce qui fait obstacle à la Lumière ainsi qu’à l’attachement aux choses matérielles qui empêche de progresser.

Pour les chamans, la froidure de l’hiver apporte la sagesse des réflexions, la maturité de l’intégration des acquis. C’est le moment des compréhensions obtenues lors de la quête des connaissances. Les énergies de l’hiver sont relativement lentes et lourdes et incitent à la pacification mentale, à la méditation, au regard porté sur la résignation, sur le doute et le désespoir.

Le rituel d’hiver marque la reconnaissance des esprits des vents froids et des esprits des mondes souterrains, qui pourront apporter leur concours dans les protocoles d’intégration, de regard intérieur. C’est la période idéale pour faire le point sur un processus thérapeutique et spirituel.

32 réflexions sur “Le solstice d’hiver

  1. Bonsoir Elisabeth, j’ai de plus en plus l’impression que nous sommes des icebergs et que la partie cachée est bien plus ….. qu’on peut se l’imaginer. Tout est important à mon avis ; les radicelles et les surfaces, comme le reste. La nature a horreur du gaspillage et tout est si bien agencé … nous ( non : « je » parce que je refuse de parler pour un (e) autre )peux être reconnaissante même pour ce que je ne comprends pas et qui peut être un jour me sera accessible.
    tendresse

    J’aime

    • Je partage cette impression depuis longtemps et il me semble, que plus nous avançons sur le chemin, plus l’importance de cette partie immergée grandit. Mais de l’autre côté, nous en devenons conscients et travaillons à la sortir à la Lumière.
      Et même, si nous n’arriverons jamais à tout comprendre, la Nature est bien faite, et ce que nous ne comprenons pas encore, nous sera révélé en temps utile.
      L’important (pour moi) est de me rendre compte que je suis souvent une marionnette de mon inconscient, l’accepter mais ne pas subir.
      Tendresses à toi

      J’aime

  2. Bonjour Eliza,

    Je marche sur la pointe des pieds pour venir mettre mon grain de sel pendant que tu dors !
    Oui, enfin il est là ce solstice d’hiver, les jours vont enfin rallonger, même si le froid est encore là pour longtemps, sur le plan pratique j’ai horreur des jours courts ! Dès que la lumière revient c’est un peu comme une rennaissance …. pour moi, je ne dois pas être la seule à le vivre ainsi !

    Je reviendrai pour te souhaiter un Joyeux Noël 🙂

    Des gros bisous – Lili

    J’aime

    • Bonsoir Lili,
      Tu es adorable de ne pas vouloir me réveiller 😀 mais la porte t’est toujours grande ouverte.
      Je te comprends si bien, la lumière me manque tant aussi et même, si cela ne se verra pas tout de suite, les jours plus longs permettent de mieux supporter le froid. Tu n’es pas la seule, nous sommes nombreux dans ce cas.
      Oui, nous aurons encore le temps de nous souhaiter un Joyeux Noël.
      Bisous

      J’aime

  3. UNE LUMIERE AU COEUR DE L’HIVER

    Texte de Dominique Duquet, spécialiste en symboles et architecture médiévale.
    La bûche de Noël
    Elle semble directement ratachée à l’ancien culte hivernal du Soleil et du Feu. Dans quelques régions de France , la bûche devait durer trois jours. C’est la raison pour laquelle elle porte le nom de « trefouet » en Normandie, de « Terfou » dans l’Anjou et de « Terfal » dans le Maine.

    En Provence, la bûche était naguére bénie par le chef de famille, au moment du « gros souper »; le maître de maison arrosait le »cachofiot » d’une libation de vin cuit en disant: A l’an que ven! Et se sian pas mai, sieguen pas nen!( A l’an que vient! Et si nous ne sommes pas plus, qu’on ne soit pas moins!). Marchetti, chroniqueur Provençal du 17 ème siècle, décrit cet usage dès 1683.

    A Marseille, la bûche de Noël était allumée conjointement par un vieillard (représentant l’année finissante) et un enfant (l’année nouvelle) qui symboliquement s’y reprenait à trois fois.

    Ainsi à travers toutes ces traditions s’exprime le besoin de l’homme de vivre plus consciemment les cycles de la vie associés à ceux de la Nature, perpétuant le souvenir des origines et du sens de chaque chose.

    Puissions nous faire renaître à chaque moment ce nouveau soleil intérieur, et générer ce Père Nöel en nous-mêmes, chargé de transmettre l’expérience et la sagesse aux nouvelles générations.

    J’aime

  4. Oui, magnifique article! (encore un). J’adore les contes et les légendes et les comparaisons et ressemblances … Il manque peut-être une petite légende martienne pour compléter..?
    En tout cas nous avons la de quoi intérioriser pour faire naître aux beaux jours le meilleur de nous en chacun.

    J’aime

    • Merci Myriam, j’aime aussi beaucoup ces liens, que nous pouvons établir avec les mythologies et rituels des temps anciens.
      Et cette période est effectivement propice à la gestation d’une nouvelle vie, qui va éclore dans la nature mais aussi en nous, si nous le désirons.
      Pas pu entrer en contact avec les martiens pour apprendre leurs légendes 😀

      J’aime

  5. J’adore ce texte. Car tout y est. La Vérité qui a traversé les époques. Malgré tous les « matraquages dogmatiques ».

    L a reconnaissance d’un savoir ancestral, celui des Druides. La force de la Nature, Les images associée aux rites. Certains connus mais d’autres que je découvre ici avec grand intérêt.

    « Les influences cosmiques particulières à cette période, incitent à s’intérioriser et la Lumière qui est accordée en ce jour peut aider à faire naître le divin caché au plus profond de chaque être. »
    C’est ça aussi Noël. Associé au partage c’est merveilleux.
    Tout cela semble tellement évident.

    J’adore tes billets Elisabeth.

    J’aime

    • Merci, chère Marie-Hélène, je suis ravie qu’il te plaise. Effectivement, les rites liés aux solstices, remontent à des temps très anciens, quand l’Homme vivait en accord avec la Nature et savait respecter ses rythmes et ses lois.
      Ainsi, il sortait d’un temps profane, pour entrer dans le sacré et s’unir avec les forces cosmiques.
      Je n’ai pas pu décrire toutes les traditions, bien trop nombreuses mais j’aime à faire le lien avec les sagesses anciennes et revenir aux symboliques oubliées mais présentes quelque part en nous.
      Nous sommes en plein dans cette période et pouvons, comme tu le dis, recevoir une aide si précieuse, si nous acceptons de s’intérioriser et permettre la naissance de ce divin en nous.
      Je te remercie encore et te souhaite de vivre pleinement ces moments magiques de l’année.

      J’aime

Laisser un commentaire