Qu’est-ce que l’intimité ? Ce mot, si évident en apparence (ne sait-on pas d’un savoir indiscutable qui sont nos « intimes » ?) invite pourtant à la réflexion. Car il recèle un paradoxe. Intimité : ce mot désigne à la fois la plus grande ouverture à l’autre (être intime avec quelqu’un) et la plus grande fermeture (mon intimité). Quelle relation entretiennent donc ces deux sens qui coexistent si contradictoirement dans la même notion ?
Le sens commun répond : une relation d’exclusion. Être intime avec quelqu’un, c’est lui donner accès à mon intimité, de telle sorte que pour lui, mon intimité n’est plus un espace interdit. Ainsi, deux intimes, s’ils le sont vraiment, n’ont plus de secret l’un pour l’autre. Ils se connaissent « par cœur ».
L’intimité avec, ce serait donc renoncer à son intimité. N’y aurait-t-il pas cependant quelque chose à entendre dans cette étrange coexistence de deux sens contradictoires au sein de la même notion ? Que signifie en effet cet espace de l’intimité ? C’est un lieu où je ne suis qu’avec moi-même.
C’est-à-dire un lieu où je ne suis pas sous le regard de l’autre. L’intimité est donc l’affirmation qu’un être humain est aussi constitué d’une part inaliénable, une part qui ne peut être donnée sous les regards, une part qui transcende toute saisie par autrui. Si l’intimité entre deux êtres exige de sacrifier sa propre intimité, cela signifie que l’on renonce à cet espace où l’on est à l’autre un mystère. Danger : l’intimité dégénère en familiarité.
L’autre, que je connais si bien, ne peut plus me surprendre, et la relation repose alors sur un contrat implicite, qui stipule que chacun des deux contractants doit demeurer le même – le même que ce que l’autre connaît de lui, le même que ce qu’il a toujours été, le même que ce que l’autre attend qu’il soit.
Confort d’être en sécurité avec un « autre » dont l’altérité est neutralisée par l’habitude. Ainsi vont bien des vieux couples, et bien des vieux amis, persuadés de se connaître « intimement », en réalité coupés de la véritable altérité de l’autre. C’est pourquoi, bien loin de s’opposer, les deux sens apparemment contradictoires que laisse coexister en lui le mot intimité nous invitent au difficile travail de les concilier.
Car il n’y a pas d’intimité entre deux êtres sans le respect absolu de l’intimité de chacun. Accepter cet espace où l’autre n’existe pas pour nous, où il demeure opaque à notre savoir, où il peut déployer des possibilités de son être que nous ignorons, c’est lui donner l’autorisation de se découvrir autre que le personnage qu’induit les inerties de notre relation. C’est donc garder celle-ci vivante !
Respecter l’espace sacré de l’intimité permet à deux êtres d’avoir accès à cela qui est en eux le plus caché et le plus vrai (intimus en latin signifie « le plus intérieur ») – pour entrer ensuite en relation l’un avec l’autre depuis ce lieu des profondeurs : depuis leur vérité. C’est un risque : celui d’autoriser l’autre à dépasser les limites de ce que je sais, ou crois savoir, de lui. Mais c’est une chance : celle de le connaître. Non comme une image figée, mais comme un mystère, en perpétuel renouvellement.
Non « par cœur », mais par le cœur.
© Denis Marquet dans la revue Clé
Vrai et très juste. Il y a un équilibre à garder dans le partage de l’intimité. Par ailleurs, dans toute relation, croire que l’on va pouvoir « s’approprier l’autre » est pure illusion, s’avère dangereux et ne peut que déboucher sur quelque chose de stérile et qui s’assèche.
Je redécouvre au fur et à mesure tes articles avec plaisir… cela me manquait.
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Encore touchée que les articles t’ont manqué mais je sais que tu es si occupée et j’apprécie d’autant plus ta venue.
Tu l’as si bien décrit, cette relation faite de possessivité, qui étouffe prive de liberté, ne permet pas l’épanouissement et soit se sclérose, soit se termine très mal.
Merci pour ton passage, je t’embrasse.
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Cela me fait penser à un livre que j’ai beaucoup aimé : Fleur de Neige de Lisa See. Une histoire d’intimité entre 2 « âmes soeurs », qui montre bien que même quand on croit connaitre l’autre (et peut être justement à cause de ça ) on a tendance à se l’approprier d’une manière qui ne correspond pas toujours … Je te le conseille si tu ne l’as pas lu, je l’ai trouvé fabuleux !
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Merci Élodie, je le chercherai car je ne connais pas mais si tu le trouves fabuleux, ce qu’il vaut certainement la peine d’être lu.
D’ailleurs la description que tu en fais me plaît beaucoup…
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mariehelene59 a répondu pour moi.
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J’ai adorée !
J’ai aimée tout, lire l’article, les commentaires.
Je crois que l’on doit se respecter, respecter son intimité afin de respecter les autres.
Il y aurait finalement pour un millième de pages d’écritures juste ici encore une fois à écrire afin de tout dire……. ce que résume quelques uns de tes lecteur(e)s de ma pensée.
Bravo !
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Je crois aussi, que l’on doit se respecter, respecter son intimité afin de respecter les autres.
J’ai aussi aimé cet article et surtout tous les commentaires qu’il a généré, tant de riches et belles réflexions personnelles.
Merci de rajouter la tienne, si juste…
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It took awhile to translate, and it was worthwhie because it is an interesting point of view.
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So happy, Resa that you take the trouble to read. I love this philosopher very much. Thank you for your comment
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Bonjour Eliza
Il y a aussi le facteur «culture » qui trace l’espace de l’intimité : Ma sœur maghrébine porte bien son maillot de bain devant les femmes et son mari mais pas devant moi. Mais une amie occidentale se le permet devant tt le monde sans distinction et sans qcque gène.
Je pense que c’est la « morale » qui est à l’origine du besoin d’intimité et le besoin de se cacher du regard de l’Autre qui en partage les principes. Avec l’intime on se sécurise étant complice dans la transgression du dictat de cette morale ou contrat régissant la communauté.
Plutôt qu’appeler respect de cet espace d’intimité, je pense à complicité dans la transgression de l’interdit.
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Bonsoir Hassan,
Vous avez déjà évoqué ces différences culturelles et elles sont effectivement à prendre en compte, surtout dans ce que vous nommez la « morale » et les interdits, dictés par la religion ou la société.
Vos remarques sont justes mais elles élargissent le débat vers un côté plutôt sociologique, je dirai.
Merci pour votre commentaire.
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Juste pour te souhaiter un bon week-end, ma chère Eliza, malgré le vent, la pluie, la grêle !
Plein de bisous – Lili
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Ah, c’est adorable, Lili, surtout qu’à cause des défaillances de WP nos échanges quotidiens me manquent.
Hier, j’ai vu ta réponse dans les notifications mais j’ignore si la mienne t’est parvenue.
Nous avons le mois de mars en avance… si cela pouvait faire venir le printemps plus vite 😀
Gros bisous et excellent dimanche à toi.
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Bonsoir Elisabeth
Mes plus intimes c’est tous ceux avec lesquels j’ai osé être tel que je suis dans chacune des étapes de ma vie.ceux a qui j’ai osé montrer mes faiblesses mes peurs mes vulnérabilités. tous ceux qui m’ont aidés et accueillis dans mes moments difficiles ,dans des moments ou j’étais incapable de m,accueillir moi-même , tous ceux a qui j’ai assez confiance pour leur permettre de me guider dans certaines de mes grandes impuissances .
C’est a qui j’ai ouvert mon coeur et même mes pensées.
ce sont ceux aussi qui ont eu assez confiance en moi pour oser être eux-mêmes aussi.
J’ai du parfois toucher a une grande impuissance même je dirais presque au désespoir pour toucher a certaines profondeurs dans l’intimité.
J’ai un ami je ne le vois plus beaucoup aujourd’hui mais il resteras une des personnes les plus intimes de ma vie. rien de physique mais une intimité , qui a été là un jour dans ma plus grande détresse
Je sais que ces personnes me connaissent et je crois les connaître aussi mais je sais qu’il resteras toujours en chacun et chacune une part de mystère . car pour moi l’intimité est changeante je n,ai pas les mêmes émotions d’une journée a l’autre pas les mêmes ressentis ,
mon espace intérieur.
comme un ciel il est achevé mais jamais pareil. parfois bleu mur a mur et d’autres jours pleins de nuages .
Pour moi mon intimité c’est mon intérieur, et j’ai du avoir une ouverture car je m’y étais perdu .
être intime pour moi ce n’est pas vouloir tout savoir de l’autre , mais être prête a tout entendre .mais c’est aussi être prête a être avec lui dans le silence. a respecter ce silence .
l’intimité c’est personnelle a chaque personne.
J’aime beaucoup cette chanson je connaîs des bateaux .
Je crois vraiment que cela n’est pas connaître par coeur , mais connaître par le coeur et avec son coeur.
amitié
Jeanne ..
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Bonsoir Jeanne,
Elle est très belle ta description de l’intimité véritable et ressemble fort à la mienne.
Les personnes devant lesquelles tu n’es pas obligée de porter des masques et tu peux te montrer telle que tu es, sans craindre des critiques, des jugements ou les « bons conseils ». Et qui, à leur tour sont eux-mêmes avec toi, proches au point que les paroles sont inutiles et le silence ne devient pas une gêne.
Amitiés si précieuses et rares de ceux qui, même absents sont avec toi, de sorte que le contact peut être renoué instantanément.
Présents dans les moments de détresse où tous les autres se sont éloignés.
Bien sûr, il y a toujours une part de mystère, aussi bien chez l’autre qu’en toi, cela fait partie de notre nature et du changement qui est constant.
Souvent il est nécessaire de se perdre, afin de mieux se retrouver, et : « heureux les fêlés car ils laissent passer la Lumière. »
Belle métaphore du ciel, je pense que quand nous arrivons à croire que sa véritable nature est de demeurer bleu, au-dessus des nuages, nous nous sommes rapprochés de notre nature profonde.
Et la seule véritable connaissance passe toujours par le cœur.
Merci pour ce magnifique commentaire et toutes mes amitiés.
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Elisabeth, j’adhère à 100 % à ce que vous dites dans cette réponse à Jeanne (D’Arc !). Restez bien telle que vous êtes ; c’est absolument parfait.
Biche
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Bonsoir Biche, je vous revoie avec grande joie. Merci pour votre gentillesse, le commentaire de Jeanne était très riche, profond et en accord avec ma propre pensée. Heureuse que vous aussi la partagiez. Très touchée par votre réponse mais personne n’est parfait :D, nous cherchons juste à nous améliorer un peu tous les jours…
Mes amitiés sincères.
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En réponse à Jeanne D’arc.
Vos mots sont intenses quel beau partage.
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Coucou chère Eliza,
Dès le début de notre vie commune et ensuite mariage, mon mari et moi avons respecté l’intimité de l’autre ! Nous avons toujours vécu dans de grandes maisons, alors forcément c’est facile, mais j’imagine dans un studio…. pas évident !
Nous n’avons pas de secret l’un pour l’autre, mais un besoin de solitude par moment et ça c’est tabou à la maison !
Douce soirée – des bisous – Lili
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Bonsoir chère Lili,
Alors vous avez trouvé la solution idéale, qui permet à votre mariage de durer et rester harmonieux.
Certes, pas évident dans un studio mais il y a aussi un état d’esprit, j’en connais qui, même dans des grandes maisons arrivent à empiéter sur l’intimité de l’autre.
Magnifique weekend à toi et gros bisous…
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Bonjour Elisabeth….
Autrefois les femmes et les maris, je ne sais trop pour quelle raison, se sentaient obligés de tout, tout, tout, se dire …même le confidences des autres …etc….Une réalité à laquelle j’ai fait face, dans ma relation avec une amie ( j’ai filtré mes confidences par la suite ) …J’ai entendu aussi des reproches de part et d’autre dans le genre : » Comment se fait-il que tu ne m’en a rien dit ? … » etc …
La nuance entre l’intimité et son intimité personnelle ( jardin secret ) ..est primordiale …et doit être respectée…Sauf exception bien sûr…il y a des couples qui vivent très bien en accord avec l’idée de tout-tout-tout se dire…
Le respect de l’intimité va encore plus loin ….Une amie a déjà consulté une voyante , et a demandé des choses sur ma vie à moi …la famille…etc….et elle nous a raconté …Je n’ai pas aimé ça du tout …et il y avait des détails sur la santé…elle nous a toutes inquiétées avec cette possibilité d’une masse aux intestins …etc….Tu imagines ? ….On s’est toutes demandées laquelle de nous , tu comprends ? ….C’est grave …!……Je ne suis pas du tout à l’aise avec le fait que quelqu’un de mon entourage, sache mon avenir ..etc….et surtout qu’elle en parle ….
Voilà ma belle …..
Merci pour cet article si pertinent ….L’image est magnifique
Bonne soirée et bon weekend
tendresse
Manouchka
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Bonsoir Manouchka,
Tu évoques plusieurs phénomènes différents et malheureusement courants, à travers lesquels je constate que la curiosité (souvent malsaine) des humains est si grande, que parfois elle dépasse les bornes et peut nuire.
Je suis une ardente adepte du jardin secret, bien évidemment si les autres éprouvent le besoin de tout se dire, cela leur appartient mais il n’y a plus de part de mystère…
Ton histoire de la voyante est hallucinante et je me demande qui est le plus à blâmer, ton « amie » où la voyante, qui a failli à toute déontologie.
En plus, je ne crois absolument pas que quiconque puisse connaitre notre avenir, puisque celui-là dépend en sa plus grande partie de nos actions, choix et pensées, et même, à supposer qu’elle ait pu voir un problème, c’est plus que grave de le dire, sans précision ni précaution aucune.
C’est la raison principale d’ailleurs, pour laquelle je ne crois pas aux voyantes…
J’ai choisi cette image car elle représente bien cette vision de la relation : deux parties autonomes qui s’emboitent, tout en gardant chacune son intimité.
Magnifique weekend à toi et toute ma tendresse.
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Il y a intimité et jardin secret….pas pareil.
Et aussi le caractère public, social.
pour ce dernier c’est ce que l’on partage sans restriction et qui est apparences de soi.
L’intimité c’est ce qu’on partage de manière privée.
Le véritable jardin secret ne se partage pas.
et il reste encore la part d’inconnu…qu’on ne partage même pas avec soi même puisqu’on l’ignore en soi même.
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Merci, Marie-Hélène, tu as parfaitement décrit toutes ces sphères, je n’ai plus rien à rajouter, juste dire que je suis parfaitement d’accord.
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C’est une bien belle réflexion ma foi. Elle nous mène cependant (et tout naturellement, comment pourrait-il en être autrement? 🙂 )à la même conclusion que précédemment: nous ne pouvons posséder l’autre! Il ne nous appartient pas. Quelle prétention de croire que nous connaissons l’intimité d’un autre quand nous en sommes encore à balbutier avec la nôtre 😦
Et nous ne voulons d’ailleurs (encore et toujours) posséder l’autre, TOUT connaître de l’autre que parce que nous vivons dans l’illusion d’un manque en nous et nous espérons tant que l’autre viendra combler ce vide…
A quand le réveil….
Merci pour ce bel article qui invite à l’introspection
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Merci à toi, Maria de souligner les points les plus important de cet article.
Comme tu dis, nous ne nous connaîtrons jamais vraiment nous-mêmes, alors que l’illusion d’entrer vraiment dans l’intimité de l’autre est si grande, puisque nous croyons que la vie commune nous permet de le faire. Illusion si trompeuse et qui mène si souvent à la lassitude de la vie quotidienne, alors que le plus beau cadeau que nous puissions nous faire mutuellement est de dire, après des années : « j’ai encore tant à découvrir chez toi ».
Comme tu le soulignes aussi, cela : « nous mène cependant (et tout naturellement, comment pourrait-il en être autrement? :D) )à la même conclusion que précédemment: nous ne pouvons posséder l’autre! ».
Inévitablement, quel que soit l’angle abordé, tout dans une relation nous renvoie à nous et à la quête permanente de cet amour de soi, qui permettra enfin de vivre en donnant, sans rien attendre de retour.
Tu es de celles qui savent la nécessité de cette introspection constante, il ne reste qu’à souhaiter, effectivement que le réveil advienne.
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Cela m’a fait penser à une chanson de Mannick « Je connais des bateaux »
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Avec toi, Myriam, j’aurai bientôt toute une anthologie des chansons 😀
Tu m’en fais découvrir encore une belle, merci.
Et, effectivement, elle correspond bien, il y a des personnes qui ne s’éloignent jamais du rivage par peur, tandis que d’autres font de beaux et longs voyage ensemble.
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