Denis Marquet : Remords et culpabilité

Qu’est-ce que le remords ? D’abord, une souffrance. Je pense avoir mal agi et, me retournant vers le passé, je souffre de cet acte, que je voudrais ne pas avoir commis.

Mais ce sentiment n’est-il pas vain ? Après tout, cet acte, je l’ai commis !

Que peut changer mon remords ? Désirer que ma faute n’ait pas été n’ajoute rien à ma résolution de ne jamais la reproduire. N’est-il pas préférable d’accepter le passé et ses conséquences ?

Pourtant, cette expérience a peut-être quelque chose à nous enseigner. Car dans le remords, je me parle ainsi : « C’est moi qui ai fait ça ? Non ! Je n’ai pas pu faire une chose pareille ! Je ne suis pas cela ! » Et si je souffre, c’est que cet acte, dont le souvenir me hante, je sens bien qu’il ne m’exprime pas, qu’il n’exprime pas l’être que je suis.

Le remords, c’est souffrir d’avoir été ce que l’on n’est pas. C’est pourquoi il y a aussi une douceur du remords : souffrance, certes, d’avoir fait ce que je ne suis pas ; mais, plus profondément, joie de n’être pas ce que j’ai fait.

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Je ne me réduis pas à ma faute, je suis autre que ma faute : tel est l’enseignement du remords qui, s’il est bien vécu, est une expérience de connaissance de soi, la joie d’une retrouvaille avec soi-même. Mais s’il est mal vécu, le remords peut vite dégénérer en son sinistre contraire, la culpabilité.

Car à trop ressasser la faute, à trop souffrir du passé, je peux en oublier ce qui est à la fois la cause et le sens de cette souffrance : l’écart entre ce que j’ai été, une fois, et qui je suis, au plus profond de moi. Tandis que le remords me rappelle que je ne suis pas ce que j’ai fait, la culpabilité, qui sait seulement me dire que je suis coupable, me laisse croire que je suis ma faute. Le remords bien vécu me ramène à moi-même et me libère de la faute ; la culpabilité m’attache à elle.

La souffrance de ce que je fus ne mène plus à la joie du « je suis », qu’elle a pour tâche de signifier, mais au contraire la masque. Identifié à ma faute, je ne suis plus conscient de mon être vrai. La seule manière d’échapper à ce désastre est alors de développer des stratégies de déni qui portent sur l’acte lui-même : « Ce n’est pas de ma faute ».

Non seulement une telle volonté d’auto-justification rend impossible l’expérience féconde du remords, mais elle produit également un sentiment d’impuissance : « Je n’y suis pour rien, je n’y peux rien… » Séparé de mon être, coupé de ma puissance, oscillant entre la morsure de la culpabilité et les mensonges de la justification, je suis alors totalement aliéné.

À l’heure où l’on entend chanter les vertus d’un retour de la culpabilité comme remède à la violence et aux désordres sociaux, il convient d’être précis : le sentiment d’être coupable est un déni de soi-même, une violence contre soi et un asservissement.

Il génère une terrible colère, qui est une des principales sources de violence. Tout chemin de libération exige un dépassement de la culpabilité. Mais tout chemin de libération requiert aussi un impitoyable et féroce auto-discernement, sur le fond d’un questionnement : mes actes manifestent-ils ma vérité ? Ma vie exprime-t-elle mon être ? Tout chemin de libération passe donc par un usage immodéré, mais léger et joyeux, du remords.

 

 

34 réflexions sur “Denis Marquet : Remords et culpabilité

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  2. Je retiens bcoup ce matin des mots dont: Car à trop ressasser la faute, à trop souffrir du passé, je peux en oublier ce qui est à la fois la cause et le sens de cette souffrance : l’écart entre ce que j’ai été, une fois, et qui je suis, au plus profond de moi.

    Je dirai également qu’à trop ressasser le passé nous n’avançons pas sereinement. J’ai été, je suis et je serai peut également exister.

    Tes articles m’ont manqué tu sais, c’est bon de te retrouver même si pas très longtemps absente rire

    Belle semaine de tout coeur ma chère.

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    • Si nous vivons dans le passé en le ressassant, effectivement, cela nous empêche de profiter du présent et bloque le futur. Sans parler de la souffrance que ces pensées génèrent.
      Très touchée de t’avoir manqué, ta venue me fait tant plaisir, comme aller lire tes articles qui m’émeuvent à chaque fois.
      Toute ma tendresse et excellente semaine, Marie

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  3. Comme un peu tout le monde je n’ai pas échapper aux conséquences douloureuses des remords et des culpabilités,mais ils sont aussi le résultat de ce que je suis a présent,a ce que j’ai combattu de par le passé …aujourd’hui sans remords et sans culpabilités je les remercie d’avoir exister,ils ne sont plus un frein au bonheur ,et la vie peut aller ainsi….

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    • L’ombre et la lumière existent en chacun de nous, après, c’est une question de choix. Dieu nous a laissé le libre arbitre.
      La question que vous posez tourmente l’humanité depuis la nuit des temps, vous êtes si bien placé pour le savoir, puisque vous le cherchez partout…
      J’ai ma réponse mais c’est à chacun de trouver la sienne

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  5. Cet article m’interpelle tellement ces deux sentiment furent présent dans ma vie, j’ai vécu des remords et je me suis perdu aussi dans la culpabilité ces deux sentiment m’ont conduites presque au bord du suicide.
    Pour moi je crois que ce sont les deux sentiments les plus souffrants. (Pour moi les remords sont plus comme des rats morts en nous) c’est l’image de la souffrance de ce sentiment qui me vient.
    Les remords et la culpabilité furent pendant longtemps l’histoire de ma vie. Un jour mon papa m’as dit alors que je me perdais, dans la culpabilité de ne pas avoir été la mère que j’aurais voulu être, la sœur que j’aurais voulu être, l’amie et la fille non plus.
    Et j’essayais de me racheter pour le passé, mais cela aussi n’est pas possible.
    Donc nous devons vivre avec ce que nous sommes au présent et ce qui est là aujourd’hui.
    Si le passé ou ce que nous avons fait ou pas fait dans le passé a des conséquences.
    Il nous faut accepter complètement ce passé.
    Et vivre avec.
    Cheminer vers le pardon, se pardonner.
    Les remords ne viennent pas seulement des actions faites, mais aussi des actions non faites. Des absences, même en étant présentes.
    Mais mon papa lui m’as dit <> au moment ou il m’a dit cela il y a un non qui est monté. Mais je regardais mon passé avec mes yeux d’aujourd’hui peut-être de 25 ans plus tard. Et non je ne referais sûrement pas la même chose, j’ai appris et pris conscience de d’autres choses, mais a ce moment la dans ma vie, je ne pouvais faire mieux .j’avais fais le mieux avec mon bagage et mes outils du moment, ou ces évènements sont produit.
    Donc oui j’ai fais le mieux que je pouvais. Dans le passé.
    Et mes actions furent tellement imparfaites.,
    .
    Et dans le présent je suis complètement une personne nouvelle.
    Mais peut-être que les remords m’ont fait prendre des prises de conscience.
    Ils m’ont conduite vers une recherche de cheminement personnel, une recherche d’aide.
    Non je ne suis pas réellement ce que j’ai fait, ou ce que je n’ai pas fait je suis un être en cheminement.
    Je ne sais pas encore tout ce que je suis, mais je ne suis plus ce que j’étais ou ce que je croyais
    être
    Oui je suis un être en devenir a découvrir.
    Jeanne

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    • Quel merveilleux et émouvant témoignage de ton vécu, dont je te remercie de tout cœur, Jeanne…
      Nous vivons entre les remords et les regrets qui engendrent la culpabilité, ce poison de l’âme. Souvent, nos proches nous accablent et la chape de la souffrance se fait de plus en plus lourde.
      Je sais que tu reviens de loin, que tu as vu beaucoup de démons intérieurs qui auraient pu t’anéantir.
      Mais ton courage de les apprivoiser t’a permis d’en sortir grandie.
      Nous faisons toujours de notre mieux et personne ne peux nous demander davantage. Et sur le chemin vers Soi, nous comprenons, devenons plus lucides, apprenons le pardon, surtout le plus difficile : celui de se pardonner.
      « Je suis un être en devenir a découvrir », cette phrase est si belle et elle résonne en moi, comme d’ailleurs tout ce que tu écris ici ou sur ton blog. Je me sens tellement, tellement proche de toi, chère Jeanne…

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  6. J’ai ressenti une autre énergie a la lecture de cet article dont la démarche était plus philosophique avec un accès direct au lâcher prise. C’est comme être spectateur de sa vie et non s’identifier à un scénario qui nous appartient pas, on est libre de changer de chaine si l’on en a envie … 😉

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  7. J’adhère complètement, c’est limpide. Avec le remord on construit, on grandit, avec la culpabilité on s’aliène et on se détruit.
    Merci Elisabeth pour ce bon choix!
    Tendresse.

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  8. Pingback: #Eris déesse de la discorde en conjonction à la Nouvelle #lune du 10 Avril 2013 | L'actualité de Lunesoleil

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