La spiritualité de Jung

Le pionnier de la psychologie des profondeurs, le psychiatre, psychologue et essayiste Carl Gustav Jung, est mort le 6 juin 1961. Cinq décennies plus tard, quel est son héritage ? Nous avons posé la question au philosophe Michel Cazenave, membre fondateur et président du Cercle Francophone de Réflexion et d’Information sur l’œuvre de C.G. Jung.

INREES : Cinquante ans après sa mort, quel est l’héritage de la pensée de Jung ?

Michel Cazenave : Tout est fondé sur l’expérience personnelle et Jung le reconnaît franchement. On ne peut être jungien que si on bâtit sa conception du monde à partir de son expérience propre. Sans en avoir toujours conscience, on retrouve aujourd’hui ce que Jung disait.

La spiritualité n’est pas pour lui le résultat d’une névrose, mais une donnée absolument essentielle. L’expérience religieuse et l’expérience spirituelle sont constitutives de l’humain. La spiritualité de Jung correspond à une recherche à la base. Pour l’émission que je faisais pour France Culture, j’ai navigué dans beaucoup de milieux non intellectuels et j’ai constaté une énorme poussée de ce côté-là. Comme si en Occident, le fait que nous nous soyons débarrassés du christianisme ne signifie pas que nous nous soyons débarrassés de toute spiritualité, loin de là. Il y a au contraire une grande inquiétude spirituelle.

Freud tombe en disgrâce, la pensée de Jung est redécouverte. Y a-t-il un mouvement de balancier ?

méditation Jung

Sur le fond oui, même si ça ne me paraît pas juste. C’est l’esprit français : Si Jung a raison, alors Freud a tort. Alors que je pense qu’ils ne parlent pas des mêmes choses. C’est vrai qu’ils ont été opposés, mais on n’est pas obligés de rester prisonnier des histoires telles qu’elles sont arrivées il y a cent ans.

Sur certains points, c’est vrai qu’il faut choisir son camp. Freud dit que le religieux est une névrose obsessionnelle, ce que ne dit pas Jung. Quand ils parlent de l’inconscient, ils ne désignent pas les mêmes réalités. Ils ne sont pas au même niveau de profondeur. Freud parle d’un inconscient produit d’une histoire personnelle. Jung parle de l’inconscient comme d’un espace de non conscience de l’homme en tant que l’homme est le miroir de Dieu.

On ne cède pas à l’idée fausse selon laquelle Jung ne parle pas de sexualité. Simplement il a toujours dit : « il y a la sexualité d’un côté et la spiritualité de l’autre. » C’est une sexualité marquée de spiritualité, une spiritualité marquée de sexualité.

Des notions comme celles de synchronicité, élaborée par Jung, peuvent-elles nous aider à vivre ?

La notion de synchronicité, c’est l’idée d’un royaume éternel, l’ouverture à quelque chose qui nous échappe totalement et cela peut être un guide absolument extraordinaire.

Y a-t-il toujours une forte résistance à sa pensée ?

Il faut différencier entre ce qui se passe en France et hors de France, en Belgique, en Italie, aux États-Unis. Nous avons en France une résistance particulière. On dit toujours : c’est un irrationaliste. A mes yeux, c’est inexact. Sa pensée est de l’ordre du transrationnel : la raison a ses limites et à un moment, il faut faire un saut au-delà. Il y a un fossé entre la base et les instances médiatrices – universitaires, journalistes. Eux sont dans cette espèce de rationalisme français alors que la base s’en fiche complètement. A la base Jung passe très bien, alors que dans les milieux médiateurs, on ne veut pas en entendre parler.

 

38 réflexions sur “La spiritualité de Jung

  1. C’est toujours un plaisir de lire tes articles ainsi que les commentaires associés. Au delà des mots cela apprend beaucoup. Surtout à moi qui suit inculte dans toutes ces notions.
    J’avance avec mon ressenti et mes intuitions mais chez toi comme chez quelques uns je trouve des pierres pour progresser dans les eaux qui sont mon chemin.
    Merci.

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    • Sincèrement, Marie-Hélène, je trouve cela si injuste que tu puisses te trouver inculte…
      Entre le savoir livresque et la véritable co-naissance, dans le sens « naître avec », tu es si bien pourvue, grâce à tes ressentis, tes émotions et ton intuition si développée…
      Alors si tu trouves chez nous des pierres pour marcher, l’eau vive que tu nous offres est tout aussi précieuse…
      Merci à toi

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  2. Je n’est toujours pas lu Jung, mais je suis étonnais qu’on attribut toujours spiritualité et religion, je considère que l’on peut être incroyant et faire fonctionner son esprit.

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    • Tout à fait d’accord avec toi, Orepuk, les religions n’ont rien a voir là dedans, elles pourraient même être un obstacle à la véritable spiritualité, vu leurs déviances. D’ailleurs Jung utilise la notion du « numineux » qui lui est propre.

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  3. 1961 est une excellente année 🙂
    La pensée de Jung avec l’inconscient collectif , les archétypes … fontt progresser homme dans sa dimension individualiste…
    Jung je l’ai découvert avec l’astrologie humaniste tout comme Dane Rudhyar que je ne connaissais pas avant internet …

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    • La pensée de Jung a influencé tant de domaines, y compris la physique quantique. Sans ce grand penseur, la psychologie de profondeurs, appliquée aux différentes techniques n’aurait pas été révolutionnée. C’est justement l’astrologie humaniste que je préfère et j’aime beaucoup Dane Rudhyar

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      • Dane Rudhyar , j’aime beaucoup mais je ne possède aucun livre de lui , trop côté à mon goût et en livre occasion trop cher !
        Voilà un site qui lui rend hommage, je ne sais as si tu le connais => http://www.khaldea.com/rudhyar/
        On peut l’avoir en traduction par Google.
        Il est le précurseur du cycle de la Lunaison 🙂
        Pour revenir à Jung , dont la prononciation parlé est différente de l’écrit pour ceux qui sont familier à sa pensée qui est souvent cité chez de nombreux astrologues surtout dans le domaine de la psychologie…

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  4. La raison, la science … et leurs limites. La spiritualité est dans la vie comme un sentiment je crois. J’admire le bleu du ciel, serait ce une névrose? Je blague. Nous sommes tous névrosés, la névrose nous protège. A bientôt 😉

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  5. Bonjour Elisabeth…merci d’aborder ce sujet…j’ai passé près de quinze ans à lire et à approfondir la pensée jungienne, je n’essaierai donc pas de dire tout ce que cela m’inspire…cela nous emmènerait trop loin…
    Oui, il y a en ce moment une sorte de « retour de Jung », on le redécouvre, en France, après n’avoir eu d’yeux et d’oreilles que pour Freud, pendant longtemps…
    Jung a fait cette chose extraordinaire, je crois, de sortir la définition de l’homme de celle du Moi et de la personnalité…il nous fait comprendre que le « fond » de l’être humain, son centre véritable n’est pas le Moi mais le Soi, ce centre spirituel qui dépasse infiniment notre partie « visible » et matérielle…Centre qui paradoxalement (mais toute vraie vérité est paradoxale) est aussi notre Tout, notre entièreté.
    Jung réhabilite l’Esprit…alors que Freud nous emmenait vers une psychologie qu’on pourrait presque qualifier de « matérialiste »…

    Phédrienne, je suis contente que tu trouves Jung « à portée »…et compréhensible…ce n’est pas la première impression, en général, de ceux qui lisent ses livres ( très complexes et demandant une vaste culture dans tous les domaines).
    Mais, c’est vrai, qu’au fond, si on saisit bien l’ensemble, c’est « simple »…;-)
    Je suis tout à fait d’accord avec Thomas : le parallèle avec la physique quantique est passionnant (pour comprendre les synchronicités, par exemple, et l' »unus mundus », le monde UN).

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  6. Parle, ami vent !
    Raconte-moi ces chemins d’où tu viens
    Quel espace t’a rendu fou
    D’où te vient cette sagesse
    Cette sonate d’automne
    Cette symphonie du printemps
    Meneur de fêtes,
    Les feuilles dansent
    Les pollens s’échappent
    Les nuages accourent
    La terre s’ouvre
    La fleur s’entrouvre
    Tu emporte les parfums d’amours
    Tu vas, tu viens, enchante…
    As-tu d’autres royaumes
    Connais-tu d’autres soleils, d’autres mystères
    Qu’as-tu vu là-bas?
    Y parle t-on de bonheur comme ici?
    A l’Univers, il a fallu un musicien
    Je t’écoute jouer
    Et quand vient le silence
    J’imagine les lieux
    De ta bohème libre
    Ou vas-tu?
    Vers quel ailleurs continuer
    L’ouvrage du temps
    D’où te vient ce souffle
    Qui porte la semence

    Je dirais de Jung qu’il était comme un chercheur d’or. Il cherchait dans les profondeurs de l’être pour comprendre ce qui pouvais l’animer. Et le trésor qu’ il y a trouvé est tout simplement l’âme. Tout son travail était d’en faire prendre conscience entre-autre à ces patients…Quand on prend conscience de son âme, alors on fait un pas dans l’au-delà…Et l’expérience du Divin n’est pas loin. C’est vrai qu’à la force de chercher, de batailler pour comprendre, de jours en jours, de nuits en nuits, d’années en années, de vies en vies, on fini par la trouver, cette lumière Divine qui fait couler tant d’encre, chanter tant de voix, désespérer puis espérer…Et ces magiques synchronicités qui nous émerveilles…Souhaitons qu’il y en ai de plus en plus.

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    • Merci de tout cœur, chère Myriam, ton magnifique poème et la façon dont tu as saisi l’essence du travail de Jung, témoignent de ce long chemin que tu as parcouru, pour t’approcher de cette étincelle divine et la faire briller dans ton âme.
      Je suis si émue, tes mots résonnent en moi…
      Il y aura de plus en plus de synchronicités pour ceux qui comme toi savent les voir

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  7. Icone de la spiritualité. La « vraie ». En revanche, je m’interroge car cela fait la 3eme fois que je lis quelque chose à son propos en quelques jours. Il y aurait un anniversaire qui m’échappe, une conscience globale… ou simplement un message pour moi ! Humm à méditer…
    Merci !

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  8. Merci de faire ce rappel à propos de Jung. J’apprécie beaucoup les aspects que Jung a mis en évidence (synchronicité, spiritualité, aspects complémentaires de l’être humain, animus et anima…). Je crois qu’il avait traduit ce que nous a appris la physique quantique et que peu de physiciens ont pu mesurer, si ce n’est que la non-localité finit par être acceptée, même si elle n’est pas vraiment comprise.

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    • J’apprécie également beaucoup tous les apports de Jung, sans lesquelles la psychologie moderne ne serait jamais ce qu’elle est.
      Très intéressant le lien avec la physique quantique mais vous êtes tellement mieux placé pour en parler…

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  9. « La raison a ses limites et à un moment, il faut faire un saut au-delà. »….je suis en plein dans ce saut là! Après avoir trop fait travailler mon cerveau…il était temps!!!
    Je sens, Elisabeth, que tu vas nous transporter dans le monde jungien, et je m’en réjouis d’avance……je ne l’ai jamais lu…quelle grosse lacune, doublement pour une suissesse!!!
    Belle soirée à toi.

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  10. C’est peut-être parce que son langage n’est pas hermétique, qu’il est à portée. Notre pays a une peur bleue. au fond de la diffusion des savoirs; Etre compris, c’est être dans le vulgaire. et perdre un peu de son aura. J’aime l’approche de Jung, très spirituelle dans le bon sens du terme, Très profonde et humaine;
    Merci pour ce partage.

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    • Entièrement d’accord avec toi, Colette, ce qui est simple et facilement accessible passe souvent pour « ne pas assez savant », et se mettre à la portée de gens dégrade le prétendu savoir qui se cache derrière les termes hermétiques.
      Je suis une grande admiratrice de Jung, son approche est exactement telle que tu la décris.
      Merci pour ton passage…

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