Le profil du sauveteur

Altruiste, généreux, adepte d’amour inconditionnel, le sauveteur semble avoir le beau rôle dans le triangle dramatique : quel est le revers de la médaille ?

Dans les jeux psychologiques qui unissent la figure de la victime, du sauveteur et du bourreau, le beau rôle semble être dévolu au sauveteur. Mais qui se cache vraiment derrière le masque de la générosité et de l’altruisme ? Quelles sont les motivations du sauveteur ? Présentation de ce profil et conseils pour sortir de ce rôle du triangle dramatique.

Amour gratuit, inconditionnel, générosité : mais qui se cache derrière ce masque ?

Dans le triangle dramatique, ce « jeu » de rôle psychologique où nous avons tendance à adopter de manière préférentielle un rôle plutôt qu’un autre, la figure du sauveteur a le beau rôle. C’est celui qui va avoir tendance à voler au secours du faible, de celui qui est (apparemment) la victime d’une situation.

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Pour reconnaître le sauveteur, soyons attentifs à ses phrases typiques : « Mais tout ce que je veux, c’est t’aider »! « Mon bonheur, c’est que tu sois heureux », « je me sens bien quand je fais du bien », ou encore… « après tout ce que j’ai fait pour toi, c’est comme cela que tu me récompenses ! ». Cette dernière phrase est la phrase clé du sauveteur.

Dans un premier temps, la sauveteur se pose comme celui qui se dévoue aux autres, on louera son sens de l’altruisme au bureau, en famille, dans la paroisse, dans les associations… mais que ferait-on sans lui ?

Il se fait indispensable, assure être sur terre pour aimer d’un amour inconditionnel, aime s’effacer et rester au service d’autrui. Ses motivations ? Rendre service, être utile, intervenir dans la vie d’autrui pour l’aider.

Ce qui met en crise la figure du sauveteur et comment l’aider à prendre conscience de son amour conditionnel

Et bien souvent, cela fonctionne, et le sauveteur s’entend répondre : « merci, qu’est-ce que j’aurais fait sans toi? ». Il a tendance à considérer l’autre comme une victime faible qui ne peut s’en sortir sans lui, d’où des prises de position paternalistes ou de « mère méditerranéenne » étouffantes et infantilisantes.

Et tout va bien pour la figure du sauveteur, tant que l’autre accepte de rester en position infantile, inférieure, dépendante, tant qu’il accepte les solutions du sauveteur. Mais le jour vient où l’interlocuteur du sauveteur lui dit : « Mais je ne t’ai rien demandé », ou pire : « Tu m’étouffes, tu m’empêches de vivre ».

L’amour inconditionnel supposé du sauveteur se révèle alors sous sa vraie nature: un amour conditionnel, qui attend une récompense, qui va se faire exclure de la vie d’autrui pour interventionnisme, qui vit par procuration tout en empêchant « sa » victime de vivre et de déployer ses ailes. Le sauveteur rencontrera alors tout ce qu’il a toujours fuit : il se sentira inutile, rejeté, non aimé, fera face à ce qu’il appellera l’ingratitude, et sera face également au néant de sa propre vie.

Des pistes pour aider un « sauveteur » à quitter ce rôle dans le triangle dramatique

La prise de conscience que son amour n’est pas inconditionnel, mais conditionné, et qu’il n’est pas indispensable à la vie et au bonheur de ceux qu’il aime est souvent un terrible moment de vérité pour une personne ayant tendance à se comporter en sauveteur. Face à ses propres besoins qu’il a fui depuis si longtemps en s’investissant dans le bonheur de l’autre, le sauveteur s’effondre bien souvent dans le néant.

Quelques pistes peuvent l’aider à reconnaître les situations où il se comporte en sauveteur et à adopter une autre stratégie :

  • toujours attendre que l’autre formule clairement une demande avant d’intervenir pour l’aider : ne pas hésiter à poser des questions, à s’assurer de l’intention de l’autre, avant d’intervenir
  • prendre conscience et apprendre à satisfaire ses propres besoins,
  • assumer ses propres limites, apprendre à assumer ses émotions et ses besoins

Pour aller plus loin :

Eric Berne, Que dites-vous après avoir dit bonjour, Editions Tchou.

Marshall Rosenberg : Les Mots sont des fenêtres… ou bien ce sont des murs. Introduction à la communication non violente. Ed La découverte, 2004.
 

26 réflexions sur “Le profil du sauveteur

  1. J’ignore si j’empruntais le rôle du sauveteur mais il fut un temps où j’étais incapable de dire non à un service demandé même quand cela me pesait. J’appelais cela mon débile intérieur; un manque de caractère flagrant, une lâcheté en somme. Est-ce que cela correspond au profil? En même temps j’aimais jouer le rôle de justicier (ce que je fais encore allègrement) Donc, sauveteur, bourreau?

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    • Je vous demande pardon, Musael pour cette réponse si tardive qui n’est pas dans mes habitudes, j’ai eu quelque soucis…
      Le fait de ne pas savoir dire « non » n’est pas une caractéristique propre à ce triangle, je dirais que c’est un trait commun à beaucoup de personnes.
      Si jouer les justiciers consiste à redresser les torts, ce n’est pas forcément être sauveteur.

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      • Merci, vous me rassuré. 😉
        J’apprécie énormément votre cite soit dit en passant ; il y a une belle générosité dans ce partage d’informations. J’espère que vos soucis sont maintenant derrière vous. Je vous fait la bise.

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        • Heureuse alors de vous voir rassuré 😀 Merci, vos appréciations me touchent, j’aime également ce que vous écrivez…
          Très touchée aussi que vous ayez pensé à mes soucis, tout va bien à présent…
          Je vous retourne votre bise et vous souhaite un beau week-end

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  2. C’est certainement comme pour l’amour. Je pense le « sauvetage doit être gratuit et spontané. Qu’en est-il réellement? Je crois que dorénavant je vais plus faire attention à mes comportements et à lui des autres pour y voir ce qui est spontané et sincère et ce qui est calculé, voire hypocrite.
    Merci pour cette intéressante analyse.

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    • Ce triangle fonctionne dans toutes les relations et entre deux partenaires il peut être figé à vie. Alors que personne ne sauve personne, nous pouvons juste donner l’impulsion du changement. Vous avez raison, seule l’observation attentive de nos propres comportements nous permet de voir si nous entrons encore dans le jeu ou si nous gardons notre authenticité.
      Merci pour ce commentaire précieux

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  3. La question est de savoir, si quelque soit le rôle que nous adoptons, nous ne sommes pas consciemment, inconsciemment, simplement des manipulateurs au fond…
    Est-ce que dans nos relations, nous ne voulons pas tous quelque chose en réalité ?
    Maintenant, face à ce constat, peut-être qu’il s’agit de se montrer raisonnable et le plus honnête possible, afin de laisser à l’autre sa liberté.

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    • Voilà le commentaire de quelqu’un qui ne se voile pas la face… Je le trouve plus que pertinent. Je dis toujours que nous avons droit à toutes les erreurs mais pas au mensonge, surtout le pire, celui à Soi.
      Accepter que nous sommes loin d’être parfaits et juste tendre de « faire de notre mieux », sans se blâmer ni culpabiliser fait de nous des personnes responsables. Pris aussi dans le sens « capables de donner une réponse ».
      Tu es une belle personne courageuse, Yveline, merci de l’avoir écrit, je rajouterai juste …et garder notre propre liberté.
      Bisous

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  4. un peu comme L, j ai spontanément tendance à aider l’autre
    pas pour des remerciements ou me sentir « utile » mais pour rétablir que qui me SEMBLE être un équilibre
    donc je me suis parfois bien vautrée, parce que ce qui est équilibre pour moi ne l’est pas pour autrui etc.
    mais je suis victime de ce besoin que les choses/la vie/ les relations soient dans une justesse qui m’est nécessaire
    c’est dire combien les déséquilibres peuvent hélas encore trop souvent m’atteindre

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    • Aider avec le discernement et sans être lésé est une fort belle qualité, Pooky, sinon, le monde deviendrai inhumain…
      Et si tu t’es  » bien vautrée », tu as su en tirer des leçons adéquates, tu connais ta sensibilité, alors garde ton cœur grand ouvert mais pas à n’importe qui.
      J’ai envie de dire que la Lame de la Justice doit être bien présente dans ton « thème » car ton besoin est si fort.
      Reste donc dans TA justesse, entoure toi de gens qui te ressemblent et pour le reste tu sais bien : « accepter ce que nous ne pouvons pas changer »
      Je te lis depuis suffisamment longtemps pour te connaître un peu, et je te dirai : courage, parce que si personne ne se révolte contre les injustices, nous en serons tous responsables.

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  5. Le profil du sauveteur n’a pas vraiment bonne presse dans cet article Élisabeth, il est même devenu autant le gentil que le méchant … C’est le type non évolué qui aurait tendance à disparaître de la circulation fort heureusement que ces fréquentations sont extrêmement rare….
    Il faudrait partir du principe que lorsque l’on donne il ne faudrait rien attendre en retour sinon mieux vaut ne pas commencer. Parce que l’on peut très bien donner d’une main et le recevoir d’une autre et que ces deux situations n’ai aucun lien en commun…
    Il y a des fois qu’il faut savoir s’arrêter , ou savoir dire non ou encore faire comprendre que que la victime devrait commencer à inverser les rôles en devant soit même un sauveur , mais en se donnant des limites pour ne pas avoir l’impression d’être abusé ….Il faut trouver le bon équilibre, c’est une question de nuance pour ne pas subir les abus ; que cela soit dans un sens ou dans l’autre ….
    Bonne fin de semaine et Excellente Éclipse du Soleil 🙂

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    • Il est difficile de lui donner beau rôle, Lune car justement, derrière son air altruiste, il cache un énorme besoin de reconnaissance, voire le désir de rendre l’autre dépendant et il remplit ses propres besoins par procuration. Et contrairement à ce que tu dis, ce triangle dramatique, modélisé par l’Analyse Transactionnelle est très fréquent et je crois que chacun de nous s’est fait prendre à jouer ce rôle.
      Il y en a qui l’ont conscientisé et en sont sortis mais il se joue encore très souvent autour de nous.
      Bien évidemment, l’équilibre que tu évoques est l’idéal mais beaucoup de travail et de pièges à éviter mènent à lui.
      Merci et belle Éclipse à toi…

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      • J’évoquais le type non évolué et non celui qui prétend jouer le rôle du sauveur… Parlons en de dépendance , nous sommes dans une société qui s’est construit dans la dépendance et nous sommes devenu a notre insu des consommateurs dépendants de tout et de n’importe quoi ….
        Belle éclipse du Soleil , la Lune c’est dans 15 jours 🙂

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  6. Être le sauveteur signifie souvent qu’on néglige ses propres besoins d’être vu… J’aide les autres à faire ses démarches, mais j’oublie souvent les miennes… Par contre je sais bien qu’il faut parfois être égoïste pour le bien de soi-même…

    Je viens de me voir à la télé, le film Marie-Antoinette de Sofia Coppola, dans le bal masqué… Et à chaque fois un sentiment étrange… Moi dans un tel film…

    Bonne journée

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    • Exactement, Marie, être sauveteur, c’est oublier ses propres besoins et se dévouer aux autres avec, derrière, un énorme besoin d’amour, d’approbation et de reconnaissance.
      Être bon avec soi et écouter ses besoins n’est pas de l’égoïsme, contrairement à ce que on nous a inculqué depuis toujours. Le croire, c’est tomber dans un autre grand piège…
      Tu as joué dans ce film ? Tu veux bien le raconter ?
      Belle journée à toi

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  7. Bonjour Elisabeth
    Merci pour ce texte intéressant
    J’essaie beaucoup d’aider mon prochain, d’être à son écoute mais je n’attends rien en retour.
    Je me dis que si j’étais à sa place, j’aimerais bien qu’on m’aide moi aussi.
    Mais je m’aperçois que quand je souffre intérieurement, il n’ y a que moi et ma foi qui m’aident réélement
    Tout le monde n’est pas forcément à mon écoute et pour celles qui le sont, elles n’ont pas forcément la clé car chaque situation est unique et quand on n’a pas vécu une situation, il est difficile de la comprendre.
    Alors j’essaie d’être mon propre sauveteur avec l’aide de ma foi.
    Je fais aussi du bénévolat.
    Une lectrice
    L………….

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    • Merci à vous, c’est très louable de vouloir aider son prochain, sans rien attendre en retour. Le problème est que vous vous retrouvez seule, quand c’est à votre tour d’avoir besoin d’aide et du soutien. Bien sûr qu’il est difficile de comprendre les situations que l’on a pas vécues mais cela n’empêche pas d’être à l’écoute.
      La vie c’est un échange et peut-être à force d’aider, vous vous êtes oubliée ?

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      • Rebonjour
        merci pour votre réponse à mon commentaire
        j’ai cherché de l’aide chez les autres, mais je ne l’ai pas trouvée sous la forme que je cherchais.
        Bien sûr j’ai eu quelques conseils pertinents mais sans que cela m’apaise durablement intérieurement. Car face aux soucis, je suis seule avec moi-même.
        On m’a certes écoutée plus ou moins selon les personnes mais après j’ai réalisé qu’il fallait que je sois moi aussi à l’écoute .
        Chacun a ses soucis et mes amies ou copines n’avaient pas toutes forcément la clé pour m’aider.
        Certaines sont plus « à l’écoute » que d’autres, cela m’a permis de distinguer copines et amies.
        Et je n’avais pas forcément envie de parler de mes soucis à toutes, parfois des conversations de tous les jours sont reposantes et changent les idées.
        En cherchant de l’aide, je suis plus allée vers les autres et je me suis fait de nouvelles copines ou amies et ça c’est bien. J’ai une vie sociale agréable et je suis d’ailleurs quelqu’un de sociable.
        J’ai surtout trouvé de l’aide dans ma foi et dans moi-même, dans les épreuves et leurs « leçons de vie » pour la sérénité intérieure que je cherche.
        Et la lecture de textes profonds sur des blogs ou dans des livres est une aide précieuse aussi.
        Quant au bénévolat, la récompense c’est le sourire et la gentillesse des personnes aidées…
        Merci Elisabeth pour vos réponses, je trouve qu’à votre façon vous aidez les autres en répondant à tous, en y passant du temps…mais les autres vous apportent-ils des bienfaits par leurs commentaires?
        Une lectrice
        L…………………

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        • Je suis bien contente de lire : « J’ai surtout trouvé de l’aide dans ma foi et dans moi-même, dans les épreuves et leurs « leçons de vie » pour la sérénité intérieure que je cherche ». Bien que les amis ou même les thérapeutes peuvent vous écouter et vous aider, la clé de l’avancement se trouve toujours en vous. Personne ne peut faire le travail à votre place et je suis heureuse que vous puisiez du réconfort dans votre foi car « le plus grand que nous » ne vous abandonnera jamais.
          Les commentaires, comme le vôtre, le fait de vous voir avancer, depuis la première fois que vous m’ayez écrit est un bienfait énorme. Savoir que les articles font écho et surtout provoquent les échanges si riches est la plus belle de gratifications.
          Je tâche de garder l’attitude juste, contraire au rôle du sauveteur 😀
          Merci pour ce commentaire.

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