Vous, sans voile

Être sincère ne se résume pas à exprimer toutes ses pensées. C’est une quête qui passe d’abord par l’introspection, l’honnêteté envers soi-même. Un chemin parfois difficile mais tentant, parce qu’il mène à plus de force et de légèreté.

Françoise, analyste financière en quête d’emploi, garde un souvenir cuisant de son dernier passage chez un recruteur. « A un moment, le consultant m’a regardée droit dans les yeux et m’a demandé : “Quelles compétences particulières pouvez-vous apporter à mon client ?” Je ne m’attendais pas à cette demande. J’ai alors senti une boule se former dans mon ventre. Mille réponses s’entrechoquaient dans ma tête, et j’ai bredouillé que je connaissais bien la fiscalité américaine, ce qui est totalement faux ! »

Désormais, Françoise redoute d’être convoquée pour un deuxième entretien, alors même qu’elle devrait l’espérer. Combien de fois nous prenons-nous ainsi les pieds dans le tapis ? Combien de fois, pour éviter l’inconfort d’assumer nos failles (ou nos talents !), nous retrouvons-nous en porte-à-faux avec nous-même ?

D’ailleurs, qu’aurait pu répondre Françoise ? Sa vérité du moment, à savoir qu’elle n’avait pas pensé à une telle question ? Aurait-elle dû se raccrocher aux compétences qu’elle peut nommer – sa rigueur dans les chiffres, sa grande capacité de concentration… –, mais qui n’ont pas de quoi bluffer un consultant ?

Sa vérité, à ce moment-là, se situait probablement entre ces deux options : montrer qu’elle était déstabilisée et s’appuyer sur ce qu’elle connaît d’elle.

Tout dire ?

Aujourd’hui, l’injonction collective à tout dévoiler de soi laisse penser qu’être vrai revient à « tout » dire. Que la révélation totale suffit à faire de vous quelqu’un d’aimable. Comme dans l’émission culte de M6, où les Lofteurs semblaient travaillés par une absolue sincérité quand ils faisaient face à la caméra pour déballer leurs états d’âme : « J’ai pas aimé… J’étais triste quand L. s’est rapprochée de lui. D’ailleurs je sais que, la nuit dernière, elle l’a mis dans son lit… », confie l’honnête Lofteuse au moment du « confessionnal cathodique ».

En fait, cette fille s’adresse à la France entière pour balancer sa copine et désigner la candidate à exclure. Est-ce cela « être vrai » ? Est-ce cela la télé-« réalité » ? Suffit-il de révéler tous ses sentiments, ses ressentis pour faire avaler la pilule au public ?

« La télévision est particulièrement pourvoyeuse et friande de ce voyeurisme, écrit l’essayiste Olivier Bardolle, auteur des Ravages du manque de sincérité dans les relations humaines (L’Esprit des péninsules, 2006). Les projecteurs appellent naturellement la confession, le grand déballage, et leur cortège d’émotions débordantes et incontrôlables (enfin). Dans la lumière des projecteurs, désormais sur la scène, reconnu par tous […], le bonhomme se retrouve parfaitement perdu, à la manière d’un insecte plaqué sous le microscope de l’entomologiste. »

Mais dans nos relations plus quotidiennes, est-il possible d’être totalement transparent aux autres ? « Il serait naïf de le penser, avancent Edmond Marc et Dominique Picard, professeurs de psychologie. Nous formons notre identité en élevant des barrières par rapport aux autres.

Nous nous construisons entre le dit et le non-dit. Quelqu’un de “totalement vrai”, quelqu’un qui n’aurait plus de frein entre son discours intérieur et son discours verbal…, c’est quelqu’un qui parle tout seul, à voix haute, dans la rue ! »

Un sentiment d’intégrité

Happy Sad Mask Girl

Ainsi, pour ces spécialistes de la relation, l’authenticité dans la communication est-elle toujours une recherche, un compromis entre ce que l’on veut exprimer et ce que l’on pense acceptable pour l’autre. « Être vrai, ce n’est pas dire tout ce que l’on pense, ajoute Edmond Marc. Mais c’est ressentir et penser tout ce que l’on dit. »

Cette aptitude se travaille. Et le grand psychologue américain Carl R. Rogers (fondateur de l’approche centrée sur la personne -ACP- une méthode psychothérapeutique majeure qui a profondément influencé la psychologie humaniste) lui a donné un nom : la « congruence ».

Particulièrement nourrissante pour l’individu et la relation, cette qualité s’atteint lorsqu’il y a concordance entre ce que je ressens, ce dont je prends conscience, et ce que j’exprime à l’autre. Un parallélisme, un équilibre presque parfaits qui me donnent mon intégrité. Muriel, cadre dans un laboratoire pharmaceutique, confie travailler pour atteindre cette congruence grâce aux formations sur l’authenticité que son entreprise propose depuis plus de quatre ans.

« En tant que responsable d’un grand service, j’ai compris que je peux tout dire à mes collaborateurs. A condition de prendre un temps pour moi afin de trouver les clés sur la manière dont je vais l’exprimer. Ainsi, chacun de mes collègues sait ce que je pense de son travail. Parce que j’ai appris à le leur dire en les respectant. Être vraie, dans mon management, c’est être en équilibre par rapport à ce que je pense. »

Être honnête avec soi

Impossible d’être authentique, donc, si l’on ne l’est pas d’abord avec soi-même. Si l’on n’est pas à l’écoute profonde, sans fard, de ses films intérieurs que l’on veut bien regarder… en version originale. Nos colères dévastatrices, avec leurs images cruelles en Technicolor ? Nos angoisses rampantes ? Telles sont sans doute les parts de soi les plus difficiles à accepter pour tout à chacun. Comme l’ont montré les plus grands psychanalystes – Freud, Jung… –, tant de zones de nous-même nous dérangent et nous restent opaques !

Nos traumatismes refoulés, nos désirs inconscients, notre « ombre » surtout, ces sentiments négatifs et désagréables – honte, peur ou mépris – que nous ne voulons surtout pas regarder par crainte qu’ils nous détruisent. Ce sont eux les réels obstacles à notre quête d’authenticité.

Mais ces obstacles ne sont pas insurmontables. Plus d’introspection, de connaissance de ses propres sentiments facilitent forcément une « vraie rencontre » avec l’autre. Et même si l’on n’a pas appris à le faire dans son milieu d’origine, il n’est jamais trop tard pour apprendre une telle « grammaire relationnelle » en compagnie de ses propres enfants.

Car s’il y a un bonheur à être vrai, ce n’est pas d’abord pour obéir à un dogme, comme nous y invite la confession dans la religion catholique. C’est parce que cela enrichit et simplifie nos vies. Enrichissement de pouvoir vivre intensément nos sentiments, d’exprimer notre être profond, de pouvoir réinventer chaque jour nos relations. Et simplicité de pouvoir se présenter sans fard ni hypocrisie, donc sans charge sur les épaules. Comme le bébé que nous avons été lorsqu’il s’est présenté au monde. Si nu, si fragile, et pourtant si fort.

Pascale Senk

A lire : Thomas d’Ansembourg « Cessez d’être gentil, soyez vrai ! » Être avec les autres en restant soi-même Les Éditions de l’Homme

http://www.thomasdansembourg.com/fr/telechargements/docs/presse/1visibleOct2010.pdf

27 réflexions sur “Vous, sans voile

  1. L’honnêteté envers soi est le premier gage d’honnêteté envers les autres.
    Néanmoins, de mon point de vue, une personne élégante n’est pas une personne qui dévoile tout de ses sentiments et de ses états d’âme. Le faire, c’est manqué selon moi d’un peu d’intériorité.
    En développant cette vie intérieure, l’on devient quelqu’un de plus vrai et apte réellement au partage.
    Quant à l’exemple de la candidate à un poste, grossière erreur, que d’ailleurs en préparation d’entretien d’embauche, on vous apprend à ne pas faire !

    Bon dimanche.

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    • Tu as raison, Yveline, celui qui est honnête avec soi, ne peut ne pas l’être avec les autres et une certaine pudeur, voire la protection de son intimité, de son jardin secret est de mise. D’ailleurs, il y a des ressentis ou des états d’âme difficiles à partager, à exprimer par la parole.
      Ce sont nos trésors intérieurs.
      L’exemple de la candidate n’est sûrement pas le meilleur, disons que c’est pour démontrer que l’authenticité paye toujours.
      Je t’embrasse et te souhaite une bonne semaine.

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    • En réponse à Yveline Glaude-Brécy.
      Bonjour,
      L’exemple de la candidate, je comprends sa réaction, car un entretien d’embauche est si stressant, si oppressant actuellement. Surtout lorsque l’emploi souhaité avec à la clé, l’enjeu de son gagne-pain est actuellement un vrai challenge. Vous voyez, sans pour autant critiquer vos paroles, mais la vie dans laquelle nous sommes entraînés dans le monde du travail, c’est que vous dite : « On vous apprend à ne pas faire ». Et c’est là où rien ne va plus. Il nous est enseigné pour pouvoir arriver à décrocher un emploi à devenir de véritables robots et à oublier que nous sommes des êtres humains. Pour moi ce n’était pas une grossière erreur. Il est écrit qu’elle ne s’y attendait pas. Ce qui prouve qu’elle n’a été « formatée » ni n’a eu de « lavage de cerveau » ou de conditionnement préalablement pour pouvoir traiter un entretien d’embauche. Et c’est là où personnellement je dénonce ce genre de démarche. Celle du monde des employeurs vis à vis des futurs travailleurs.

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  2.  » Ainsi, pour ces spécialistes de la relation, l’authenticité dans la communication est-elle toujours une recherche, un compromis entre ce que l’on veut exprimer et ce que l’on pense acceptable pour l’autre. « Être vrai, ce n’est pas dire tout ce que l’on pense, ajoute Edmond Marc. Mais c’est ressentir et penser tout ce que l’on dit. »

    J’ai longtemps pensé qu’il fallait tout dire ….avec certaines restrictions bien sûr …( Je me suis améliorée au fil des ans )
    J’ai compris que certaines personnes ne sont pas prêtes à tout entendre …aujourd’hui, j’essaie de discerner…Dernièrement j’ai interrompu une relation avec une femme, qui me harcelait pour tout savoir sur ma spiritualité ( étant elle-même en cheminement ) …et comme j’ai étudié en théologie, nos opinions et perceptions n’étaient pas sur la même longueur d’ondes…mais elle insistait pour entendre des choses qu’elle n’était pas prête à entendre…et arriva ce qui devait arriver …
    J’ai pris mes distances en lui disant que j’accepte de la revoir, à condition que nous évitions le sujet …Je n’ai plus eu de ses nouvelles …
    Je lui ai écrit une lettre d’amitié …L’invitant à continuer son cheminement avec un prêtre en qui elle a grande confiance …etc….( je résume )

    Tout ça pour dire ; qu’il faut se respecter soi-même …dans cette autenticité ….etc….

    Merci pour ce magnifique article Elisabeth ….
    Tendresse ma belle

    Manouchka

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    • Merci, Manouchka pour ce témoignage personnel, ce sont eux qui illustrent le mieux la théorie des articles.
      Je crois que nous sommes tous passés par là, avant de comprendre que toute vérité n’est pas bonne à dire et que les personnes doivent être prêtes pour entendre certaines choses.
      Ton exemple est d’autant plus parlant, que l’insistance de cette personne pouvait être causée par une sorte de curiosité malsaine et qu’elle empiétait sur ton territoire et voulait te forcer.
      Tu as bien fait, d’ailleurs comme tu dis, faire respecter notre temps et notre espace est absolument nécessaire et parfois il nous faut du temps pour l’apprendre.
      Merci, ma douce, les échanges avec toi sont toujours si enrichissants.
      Tendresses

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      • Merci Elisabeth….
        Tu sais, je crois que la vérité, l’authenticité, ce sont des engagements…on ne peut pas être des deux côtés …
        Certaines personnes de mon entourage apprécient vraiment ce côté de moi …Elles m’on souvent dit:  » Qu’en penses-tu Madeleine ? …Je sais que tu toi, tu vas me dire la vérité….!
        Parfois le sujet est  » touchy  » comme on dit …mais à date, je ne me suis pas fait d’ennemi(e)s…
        Je dois faire attention et ne pas me comparer avec elles …Car pour ma part, on peut tout me dire…et je trouve que mes enfants m’épargent trop encore …Non, je veux savoir …Un de mes fils me disait l’autre soir :  » tu vas trop dans les détails, je n’ai pas besoin de tout savoir  »…
        Les hommes et les femmes sont si différents à ce niveau ….
        Voilà douce Elisabeth …
        J’ai eu ce flash en lisant ta réponse à mon commentaire …

        Bon dimanche

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        • Très juste ce flash et c’est certain que personne ne réagit pareil à des situations semblables. Par ton intégrité et ton authenticité tu encourages les autres à venir chercher conseil auprès de toi et je suis sûre que tu trouves les paroles justes et adaptées à la personne.
          Les hommes et les femmes sont différents, cela ne fait aucun doute mais en ayant conscience de cela, nous arrivons à nous adapter aussi.
          Et je présume que tes enfants ne se comportent pas pareil et que tu trouves d’instinct la bonne attitude.
          Merci encore de partager tes expériences, je suis vraiment heureuse de te connaitre.
          Bisous et bonne soirée.

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  3. Bonsoir Élisabeth
    Être vrai ce n’est pas de dire tout ce que l’on pense , mais de toujours penser et ressentir ce que l’on dit
    .Je crois aussi que presque tout est là entièrement dans cette phrase.
    Que ta pensée ton sentiment et ta parole soit les mêmes
    Mais tout dépend aussi de la relation , une relation patron employée ne sera pas au même niveau de dévoilement.
    les dévoilements ne seront pas de même nature.
    Un jour une personne qui m’a employée pour travailler avec des personnes handicapées , m’a dit alors que j’avais dû dévoiler quelque chose sur moi dans l’entrevue qui n’était pas vraiment facile .
    mais je sentais le besoin de le dire même au risque de perdre l’emploi.
    Car je n’aurais pas été capable de garder ma sérénité intérieure en ne le disant pas .
    Elle m’as dit :Jeanne si tu dit la vérité tu ne te tromperas jamais..
    Ce fût pour moi une réelle prise de conscience et aussi une leçon de vie.
    Même au risque de manquer des occasions , en prétendant être autre que ce que je suis .
    Quand je suis seule avec moi-même , je me sens sereine si je rester vrai .
    Je dis ce que je ressent le besoin de dire.
    Dans une relation amie très proche ou des confidentes , ou une relation de couple. je crois que tout peut se dire mais souvent tout est dans la façon de le dire.
    Car on peut dire sans tout détruire .
    Et on n’est aucunement forcer de tout dire,
    mais la seule personne que je me dois d’être totalement sans aucun voile est moi-même .
    Jeanne

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    • Bonsoir Jeanne,
      Voilà bien un commentaire qui te ressemble, telle que je te ressens à travers tes écrits. Une énorme exigence t’anime et pour garder ton intégrité tu es prête à perdre les occasions importantes. Et je crois que les gens le sentent, pas tous, bien sûr mais ceux qui sont animé du même désir d’authenticité se reconnaissent entre eux.
      Tu fais bien de rappeler que les échanges ne sont pas les mêmes en fonction de la relation et que les paroles dites avec sincérité et amour à une personne qui est prête à les entendre ne feront pas souffrir, juste avancer.
      Je dis souvent que nous avons droit à toutes les erreurs mais jamais au mensonge, dont le pire est celui fait à soi.
      Merci, Jeanne, je suis vraiment heureuse de te connaître

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  4. « Être vrai, ce n’est pas dire tout ce que l’on pense, ajoute Edmond Marc. Mais c’est ressentir et penser tout ce que l’on dit. » cette phrase résume bien cette problématique : être honnête sans blesser. 🙂

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    • Exactement, cette phrase, si juste, revient dans les commentaires. Toute vérité n’est pas bonne à dire, justement pour ne blesser personne mais rester dans la congruence entre ses pensées et ses paroles est la marque des gens intègres.

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  5. Je continue… bug un fois de plus !
    Tout dire ! non ! pas à tout le monde, c’est comme rire de tout, faut choisir avec qui !
    La vie est bien trop courte pour être parfaite de toutes les façons, enfin, c’est comme ça que je ressens la situation ! Avoir confiance en l’autre soit, mais avec « délicatesse » si je puis dire !
    des bisous noyés, inondés 😉 – lili

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    • Entièrement d’accord, tout dire n’est pas une bonne chose… Comme dans la blague où la femme demande si elle est grosse et le mari répond : « oui ma chérie » 😀 Même si la vie était plus longue, la perfection n’est pas de ce monde…
      Alors tu n’arrives plus à passer entre les gouttes ? Rassure toi, moi non plus 😀
      Gros bisous, ma chère Lili

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  6. « Être vrai, ce n’est pas dire tout ce que l’on pense, ajoute Edmond Marc. Mais c’est ressentir et penser tout ce que l’on dit. » Voilà une très belle phrase ! que je retiens . Avoir une parole habitée, c’est insuffler l’énergie du coeur dans chaque mot. pas question forcément de s’emballer, au contraire, il s’agirait d’écouter , de s’écouter avant de parler.  » Le mot que tu retiens est ton esclave, le mot que tu prononces est ton maître ». proverbe arabe.
    Et pour aller plus loin sur le thème du voile. j’ai le sentiment, que l ‘ere du temps nous pousse à lever nos voiles et à regarder l’ombre dans les yeux. belle journée à toi 🙂
    Et pour info je serai installée à paris début juillet 🙂

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    • Oui, très belle phrase et magnifique proverbe que je ne ne connaissais pas, merci, Sandra…
      Lever les voiles, au propre, comme au figuré, ce que tu es en train de faire… ravie de pouvoir bientôt faire connaissance, en vrai 😀
      Belle soirée à toi

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  7. Oh oui, cheminer sans voile, sans masque…être authentique d’abord avec soi-même pour faire un travail d’introspection sincère…Je suis en parfaite adéquation avec ce qu’exprime l’auteur dans le dernier paragraphe! Et chaque jour porte ses fruits quand on accepte de cesser de lutter, tout se simplifie…
    Merci pour la vidéo et belle soirée, Elisabeth.

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    • Toujours commencer par soi, même si le travail d’introspection est souvent difficile. Mais en devenant authentiques et intègres, nous nous donnons le pouvoir de vivre intensément nos sentiments et d’exprimer notre être profond. C’est tellement plus reposant de faire confiance à la Vie, au lieu de nager à contre-courant.
      Merci à toi et belle soirée, Marylaure

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