Pervers narcissiques : Comment s’en protéger?

Le point de vue de quatre experts : Chantale Paoli-Texier, Jean-Charles Bouchoux, Dominique Barbier, Isabelle Nazare-Aga: ils sont psychiatres, thérapeute et vous livre conseils et conclusions pour se protéger des pervers narcissiques. 

Au début, c’est très valorisant

seduction2« Si nous restions connectés à notre instinct primaire, nous verrions de nombreux signes susceptibles de nous alerter. Mais voilà les victimes le disent souvent elles-mêmes, elles n’ont pas pu -ou pas voulu- les voir, ces signaux… Et pourtant, ils existent bien: le pervers narcissique est souvent quelqu’un qui fascine, qui hypnotise.

Grand séducteur -mais pas forcément beau- il vous propose de vous confier, mais c’est pour mieux s’approprier votre propre histoire. Il sait tout sur tout, va vous sauver du monde extérieur. C’est un homme qui ressemble au prince charmant -alors même que, on le sait, ça n’existe pas « en vrai »!

Ou une femme qui se présente comme une petite chose fragile, vulnérable, qu’il faut secourir. On devrait se méfier, mais on veut croire à l’amour fusionnel, jusqu’à perdre son identité. Il y a pourtant une différence entre la capacité de manipulation qui est en chacun de nous, et la prise de pouvoir, la dépersonnalisation d’autrui.

Cela va bien au-delà du manque d’empathie ou de l’incapacité à se mettre à la place de l’autre : dans la satisfaction à dominer, il y a une violence morale, mais aussi une jouissance spécifique. L’autre a progressivement « grignoté » votre cerveau.

Et pourtant, au début, tout cela est très valorisant, d’autant que la victime balance entre fascination et sidération. Ainsi, les défenses tombent, la soumission apparaît et l’emprise commence. Il devient alors difficile de tenir le pervers à distance; le plus souvent, il n’est pas violent physiquement -ou alors, c’est qu’il a dérapé- mais c’est un continuum de violence invisible et insidieuse qui va, peu à peu, vous détruire.

Pour se construire « après », il faut se dégager du sentiment de culpabilité, et ne pas tomber dans le piège de l’idée que cela s’est fait à deux. C’est comme un état de stress post traumatique : vous n’y êtes pour rien, l’autre a progressivement « grignoté » votre cerveau.

C’est pourquoi il importe de déconditionner les victimes de leurs réactions émotionnelles. Car ainsi, même si le souvenir persiste et qu’il demeure douloureux, il n’est plus actif : vous sortez de la peur, de la honte. Mais cela prend du temps – des mois, parfois des années.

Chantale Paoli-Texier, présidente de l’association « AJC contre la violence morale », auteur de La violence morale au quotidien, Ed L. Lyon

Renoncer à être aimé à tout prix

« Le premier signe qui doit alerter, c’est le sentiment de malaise que nous éprouvons souvent devant un pervers narcissique. De fait, il est parfois à la frontière de la schizophrénie, et n’échappe à la folie qu’en rendant l’autre fou. Enfant dans un corps d’adulte, il fonctionne
en miroir : je te fais du mal/viens, je vais te consoler…

Il utilise ce qu’on appelle « l’identification projective », c’est-à-dire l’attribution, à l’autre, de traits de caractère qui ne sont pas les siens. Comme ce cadre supérieur qui monte dans sa voiture, entame une marche arrière, emboutit le véhicule derrière qui appartient à sa femme et… lui reproche de s’être mal garée!

Il faut renouer avec ses amis que l’on avait négligés

La difficulté pour se dégager de son emprise vient du fait que la victime veut parfois protéger son bourreau, tant elle est persuadée qu’elle est responsable de tout. Pour sortir de cette relation fusionnelle, il faut mettre de la distance, renouer avec ses amis que l’on avait un peu négligés, revoir sa famille que le pervers a éloignée.

Bref, il faut se faire du bien, prendre soin de soi, ne plus penser uniquement à travers l’autre. Mais, dans la réalité, ce n’est pas si simple… Surtout lorsque le pervers est un parent. Comme cet homme qui lance à son fils « Je veux que tu aies de bonnes notes » et qui trouve qu’un 14, un 16, un 19 même, ce n’est pas assez.

Ce même homme qui va dire à son enfant devenu grand et professeur agrégé, que cette distinction, on lui en a sûrement « fait cadeau »! Pour se reconstruire après être passé entre les griffes d’un pervers narcissique, le maître mot est « idéalisation ». Ou, plutôt, « dé-idéalisation » – de ses parents, de soi-même.

Cela suppose d’accepter ses défauts mais, aussi de ne pas être aimé de tout le monde – en l’occurrence, admettre cette réalité que l’autre ne vous aime pas parce qu’il n’est pas capable d’aimer! Ce qui suppose, au passage, de renoncer, à un fantasme de toute puissance qui nous tyrannise.

Jean-Charles Bouchoux, psychanalyste et formateur. Auteur de Les pervers narcissiques, Ed Eyrolles

Un discours doucereux

masque

« Le pervers narcissique avance masqué – sauf s’il est mégalomane, ce qui donne alors de terribles et insatiables dictateurs! En général, lorsqu’il a trouvé une proie – au travail, en famille, en couple – il s’en contente. Mais sa capacité de séduction reste forte : souvent, on le repère à son discours doucereux, hypnotique, monocorde.

Il vous regarde droit dans les yeux, vous touche sans cesse, envahit votre bulle. Assez vite toutefois, on perçoit une certaine incohérence dans ses propos : il peut adopter votre discours dans un premier temps et, deux heures plus tard, dire exactement le contraire à quelqu’un d’autre.

Il faut parfois aller voir un thérapeute

D’où l’importance de décortiquer ses mécanismes d’emprise à lui et, parallèlement, d’être attentif à ses propres intuitions. Pour sortir de la nasse dans laquelle il vous a mis, il faut, même si ce n’est pas simple, recréer son environnement habituel « d’avant « , se changer les idées, retrouver la capacité à se donner du plaisir.

Parfois néanmoins, le pervers a tellement fait de dégâts qu’il faut aller voir un thérapeute – ne serait-ce que pour prendre conscience de ce qui s’est mis progressivement en place. Par exemple, si vous expliquez à une victime que le pervers est un vampire, mais que ce n’est pas de votre faute si vous avez du sang, cela permet de désamorcer le sentiment de honte.

Car les mots, aussi, sont importants, même s’ils ont un peu perdu leur sens dans notre société actuelle. Or, plus on parle de ce qui nous gène, et moins on est gêné de ce qui nous est arrivé.

Dominique Barbier, psychiatre, psychanalyste, psychothérapeute, spécialisé dans l’aide aux victimes Auteur de La fabrique de l’homme pervers Ed. Odile Jacob

Oser dire stop !

Attention à ne pas tout confondre : si 90% des pervers de caractère sont des manipulateurs, en revanche, tous les manipulateurs ne sont pas des pervers, dans la mesure où ils ne sont pas nécessairement conscients du mal qu’ils font aux autres. Pour autant, le moyen le plus sûr de les repérer, c’est observer leur attitude, notamment dans le domaine professionnel.

En effet, ils choisissent des métiers particuliers, ceux où ils peuvent exercer leur pouvoir : s’ils sont médecins, ils iront plutôt vers l’hôpital que vers l’exercice libéral à la campagne, car il leur faut une « cour ». De même, dans l’Éducation nationale ce seront des professeurs d’université et pas des instituteurs.

On ne se reconstruit pas tout seul dans son coin

Trop souvent, les psychanalystes induisent l’idée que la victime est en quelque sorte co-responsable de son sort, alors que, dans un couple par exemple, on ne choisit pas de rester avec un manipulateur : c’est lui qui vous choisit. Pour résister, il faut oser.

STOPOser dire stop, oser se mettre en colère, oser défendre ses valeurs et son intégrité, quitte à passer pour quelqu’un de froid ou d’agressif, quitte même à apparaître comme un couple désuni. Je songe à cette femme que son mari appelait « pupute » en public, et qui n’a fait cesser les choses que le jour où elle l’a traité de « sale pédé » devant des amis…
Cela dit, on ne se reconstruit pas « tout seul » dans son coin.

Il faut se faire aider, et de préférence par un spécialiste qui connaisse bien les mécanismes du manipulateur. Le premier pas vient souvent d’une prise de conscience, d’un déclic. Les victimes en parlent d’ailleurs comme d’une « révélation ». L’important, c’est donc moins de chercher le « Pourquoi? » (pourquoi on s’est fait avoir) que de se pencher sur le « Comment? » (comment en sortir).

Isabelle Nazare-Aga, thérapeute comportementaliste et cognitiviste. Auteur de Les manipulateurs sont parmi nous, Éditions de l’Homme)

Par Vincent Olivier pour L’Express

Un dossier complet sur : http://www.lexpress.fr/styles/psycho/pervers-narcissique_1209387.html

20 réflexions sur “Pervers narcissiques : Comment s’en protéger?

  1. Bonjour,

    Je ne vis plus en France et je pense sincèrement être tombée dans les griffes d’un pervers narcissique depuis 5 ans. L’an passé je suis rentrée en catastrophe pour des raisons d’identité, je n’arrêtais de dire que je perdais mon identité culturelle… au final c’était ma propre identité que je perdais, je me suis perdue en route…
    Bref tout ça se termine mais je n’arrive pas à mettre fin, je sais pourtant que c’est fini mais j’ai besoin d’être connectée à lui tous les jours (ça a tjs été une relation très fusionelle et pdt 5 ans on était tous les jours connectés 1 2 3 fois par jour). J’espère qu’il change, qu’il se batte autant que j’ai pu le faire pour sauver notre couple. J’ai tellment cru qu’on vivait un amour spécial et qu’on arriverait à tout surmonter! Il m’a « quitté » récemment alors qu’on venait de s’installer dans une situation géographique isolée et limitée socialement pendant que lui s’est rapproché de la ville! Ca aurait pu marcher avec la bonne personne mais depuis il en a rien à faire il vit que pour lui; je passe les détails;..
    Aujourd’hui je me sens humiliée,sale je n’arrive pas à y croire, je suis sous le choc, j’arrive pas a encaisser, ça me ronge, je suis épuisée…. j’ai besoin d’aide et je souhaiterrais savoir si vous connaissiez des thérapeutes qui peuvent offrir des consulation via skype et/ou si vous aviez des lectures que vous recommandez pour passer au dessus pour continuer mon chemin(article/livres). Je suis dans un pays anglophone et je souhaiterais pouvoir être supportée en français.

    Merci d’avance

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    • Sincèrement désolée pour ce qui vous arrive et effectivement, il serait bon que vous vous occupiez de vous car si c’était un vrai PN, il ne changera jamais, et de toute manière, cette relation était toxique, donc c’est à vous d’en faire le deuil pour revivre et reprendre des forces.
      Les lectures ne manquent pas, vous avez sur ce blog plusieurs articles, il y a, à la fin de celui-ci un lien vers les dossiers de « L’Express », qui sont sérieux et bien documentés, de nombreux forums, sur lesquelles vous pouvez échanger existent.
      Je vous donne un lien vers un blog qui y est consacré :
      http://leperversnarcissique.wordpress.com
      Pour une aide personnalisée, je pourrais vous indiquer les pistes, sur ce qui a fait que vous l’avez attiré mais je crois qu’un suivi thérapeutique serait préférable.
      Allez explorer les dossiers et les sites et vous y trouverez des conseils et témoignages de ceux qui ont vécu des situations semblables.
      Amitiés et prenez bien soin de vous

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  2. J’ai vécu 27 ans avec un pervers narcissique et les dégâts sont importants bcp de migraines, des nerfs fragilisés. Et le plus dur c’est l’après-divorce . Quelle galère pour obtenir notre dû !!!
    Il a la haine et veut que vous vous retrouviez sans argent . Il n’a jamais indexé la pension alimentaire, ni celle de notre fille, ni la mienne. Il ne paie pas la prestation compensatoire. Quelle galère !!! Et la justice ne nous aide guère ! Il a été relaxé au bénéfice du doute en correctionnel
    N’allez pas en correctionnel c’est une perte d’argent et de forces !
    Et essayez d’être rusé comme lui, rassemblez des preuves (enfin si la justice veut bien en tenir compte car j’avais des écrits, des mails qui montraient sa rage à mon égard et ses idées délirantes
    mais cela n’a servi à rien.) Il faut qu’il y aie une nouvelle loi claire et efficace dont les avocat(e)s
    puissent se servir pour nous défendre , ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
    Je souhaite bcp de forces à toutes les victimes et restez ce que vous êtes : honnêtes, serviables et aimantes. Mes amitiés à vous qui souffrez.

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    • Merci pour votre témoignage, qui prouve encore à quel point les pervers narcissiques sont dangereux…
      Si je puis me permettre, il existe de nombreux forums, sites et associations d’aide, et des moyens pour obtenir ce qui vous est du existent… il faut juste beaucoup de courage et de persévérance…
      Amitiés sincères à vous

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  3. le problème c’est le traumatisme, à la limite bon on peut arriver à ne plus voir le pervers, mais le traumatisme qu’il nous a fait, est très long à partir, très difficile à oter, car le pique à été enfoncé profond en nous, le cerveau oui grignoté comme dit le billet, du coup meme si il est pas là le pervers est encore en nous ! pfff
    cela faisait longtemps je n’avais pas mis de mot, comme tu le sais, mais là j’avoue que ce sujet m’interpelle,
    bonne continuation pour ton blog qui ouvre à la reflexion

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    • Alors, je vois, Julie que tu es aussi concernée par ce sujet délicat. Effectivement, le PN peut provoquer tant de dégâts qu’il faut beaucoup de temps pour s’en remettre. Mais si on le voit comme une occasion de se reconstruire, cette épreuve, même si elle est très dure peut nous faire grandir. Et si nous n’y arrivons pas tout seuls, l’aide d’un thérapeute ou d’une de associations des victimes est toujours possible.
      Merci pour ton passage et belle semaine à toi

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  4. Si j’avais su tout cela avant, cela m’aurait éviter 3 ans de galère, de malheur, chronique, de culpabilité de -20 kilos, et des années à m’en remettre.

    Le déclic ? Mes 20 ans. Mes amis d’enfance avait organisé un anniversaire surprise avec tous les gens qui ont traversé ma vie de près ou de loin et d’immenses surprises. Lui était évidemment dans la confidence, du coup, il a fait en sorte pour que j’arrive 2h30 en retard, pas habillé, avec la moitié de mes amis partis et mécontents prétextant que c’était de ma faute car je ne voulais pas venir. M’ignorant toute la soirée pour attirée l’attention à lui.

    Quelque chose s’est brisé en moi. Pour mon bien. Je me suis sentie humiliée devant tous les gens que j’aime. Famille compris. Mon père m’a pris dans ses bras, et murmuré : « il ne remettra jamais plus les pieds chez nous ». J’ai fait bonne figure le restant de la soirée. Puis j’ai fuis. Je suis partie à l’étranger 3 mois, j’ai changé de numéro de téléphone, d’adresse mail… J’ai fini par me retrouver. Loin de lui.

    Encore aujourd’hui, il n’a pu s’empêcher de me poursuivre en cherchant en vain mes coordonnées par des connaissances, à me récupérer… A continuer… Mais depuis je l’ai affronter, je lui ai dis, écrit… J’ai compris. Lui n’a pas compris. Il ne comprendra jamais. Car il est malade au fond. Et moi guéris !

    Je t’embrasse fort Elisabeth, merci pour ce que tu fais à chacun qui te lira.

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    • Merci, Mau pour ce merveilleux témoignage. Oui, si tu avais su…et tu as payé le prix fort pour cette expérience…
      Le profil type du PN qui ne lâche jamais sa proie, et la seule solution pour lui échapper est de fuir, comme tu l’as fait.
      Et tu as raison en disant qu’il ne comprendra jamais, l’essentiel est que toi, tu as compris et que tu t’es guérie.
      Te connaissant, je suppose que tu es sortie grandie et plus forte de cette épreuve.
      C’est moi qui te remercie car tu apportes le témoignage vécu de la libération de l’emprise du PN.
      Je t’embrasse de tout cœur

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  5. I know this well…still today…tonight… in an instant ..a word, a movement can take me there again…
    it can take a long time to become your self again….
    even the strongest and independant fall…..
    a Good post Elsabeth….
    Take Care…
    )0(
    ladyblue

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  6. Bonjour Elisabeth,
    oui, beaucoup d’aides et de réflexions existent, en particulier sur la toile et dans les livres.
    Pour moi, rien n’a remplacé le travail personnel de reconstruction ni surtout l’aide apportée par les personnes que j’aime, juste leur présence en ma vie et le tissu de nos relations….
    Comme toujours, la convergence est bénéfique.
    Merci d’apporter ta pierre à la construction. Si cela peut apporter du soutien ne serait-ce q’à une seule personne, tu auras atteint ton but.
    Merci Elisabeth, tendres pensées.

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    • Bonsoir Prunelles,
      Les publications sur les pervers narcissiques se multiplient, donc il y a suffisamment de sources pour se renseigner sur leur manière d’agir et les moyens pour sortir de leur emprise. Mais comme tu dis, rien ne remplace le travail personnel et l’aide des proches.
      Parfois, il est bon de suivre une thérapie, si les dégâts sont trop importants.
      Merci à toi et toute ma tendresse

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  7. Nous sommes tous des êtres psychiques et que nous évoluons très souvent dans des contextes sociaux ou la projection est omniprésente…
    Si nous sommes attirés inconsciemment par des pervers narcissiques c’est que nous avons une partie de nous mêmes qui a besoin de vivre cette expérience …
    Nous sommes tous des névrosés, il suffit de le savoir et de réagir en conséquence dans le bon sens…

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  8. 🙂 Bonjour Elisabeth !
    Un billet qui clôture parfaitement le lourd sujet qu’est le pervers narcissique. C’est par l’approche d’Isabelle Nazare-Aga que je m’étais documenté 😉
    Merci à toi pour ces publications.
    Je te souhaite une très bonne fin de journée Elisabeth et de dépose de tendres bisous d’amitié

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    • Vu le nombre de personnes qui sont victimes des pervers narcissiques, il m’a semblé judicieux d’indiquer les moyens de s’en défendre, surtout que tous ne possèdent pas des connaissances aussi larges que toi, Fanfan.
      Merci pour tes commentaires, toujours pertinents. Belle soirée à toi et de tendres bisous

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