Une si difficile compassion

coeur-feu

La compassion est liée d’une part, à notre capacité de nous décentrer (de nous mêmes, de nos soucis ou de nos préoccupation) et d’autre part à la possibilité de se centrer (être à l’écoute) et en résonance (ressentir en miroir) la douleur, la souffrance ou simplement le vécu de l’autre, ce qui voudrait dire aussi d’être capable de l’accueillir inconditionnellement.

Il ne s’agit pas de prendre sur soi, de faire sien ce qui est arrivé à l’autre, mais de lui témoigner combien nous entendons et ressentons ce qu’il vit comme il le vit.

La compassion ne suppose pas un transfert des malheurs d’autrui sur nous, mais une qualité de présence, d’accompagnement, de résonance qui permet à l’autre de ne plus se sentir seul, de pouvoir s’appuyer, de partager et peut être de s’alléger ainsi du fardeau qui est le sien.

Mais il faut savoir qu’il y a des obstacles à la compassion et même des dérives possibles.

Le principal obstacle c’est la banalisation possible de la souffrance ou des malheurs qui nous entourent. Quand nous avons le sentiment qu’autour de nous tout le monde va mal, que les informations regorgent de faits divers aussi épouvantables les uns que les autres, que l’univers est rempli d’injustices, de catastrophes, de guerre, d’attentats ou d’enlèvements.

Il n’y a plus de priorité dans la succession des événements qui sont mis sur le même plan, qu’il y a un amalgame entre les violences proches et plus lointaines. Et puis il y a notre propre aveuglement ou surdité, notre sélectivité implicite qui nous fait entendre ce qui rejoint nos valeurs et ignorer ce qui nous éloigne de nos croyances.

Un autre obstacle c’est la pitié, la pitié facile qui nous fait nous émouvoir et même nous indigner, simple exutoire à notre saturation, sans que cela laisse de trace, sans que cela puisse s’inscrire dans une action de solidarité ou un engagement concret.

Aujourd’hui notre compassion a du mal à trouver un espace où se vivre, ce qui explique peut-être une des dérives les plus pernicieuses à la compassion, c’est l’auto affliction. Un repli sur soi-même quand nous baignons dans l’impuissance et la plainte, quand nous sommes envahi par la tentation de la victimisation « comment avec tous les problèmes que j’ai puis-je encore m’occuper de ceux d’autrui ?

Comment avec toutes les difficultés que j’affronte puis-je avoir assez d’énergie pour me sentir concerné par les malheurs d’autrui ? Et qui m’aidera si je ne fais rien pour moi ? ».

Il est vrai que dans les moments où surgissent une catastrophe, un tremblement de terre, un raz de marée ou un tsunami un réflexe de solidarité, une compassion se réveillent, une générosité spontanée se manifeste à nouveau par des dons, par des secours offerts, mais le quotidien nivelle trop rapidement les enthousiasmes et les velléités s’éteignent vite, trop vite.

De plus pour beaucoup aujourd’hui, l’inquiétude pour demain les pousse trop souvent à consommer le présent de façon compulsive, à ignorer la solidarité, à se réfugier dans le narcissisme et la complaisance envers soi même, à survivre peut-être. Seulement survivre ! Mais survivre n’est pas vivre.

La compassion ne peut s’apprendre, elle ne peut que se vivre dans des échanges portés par le bon, le tendre, le juste qui scintille, petite flamme fragile qui ne s’éteint jamais en chacun.

Jacques Salomé

30 réflexions sur “Une si difficile compassion

  1. Je ne sais pas… la lecture de ce passage me laisse assez perplexe. Pourquoi exactement ? Je n’en sais trop rien ou n’arrive pas à le définir précisément en ce moment. Mais, ce que je puis écrire, c’est qu’il me semble que nous sommes doués d’empathie et que par conséquent nous pouvons ressentir et partager la souffrance d’autrui. Mais, le plus important, n’est-ce pas l’aide que nous pouvons apporter à l’autre, dans la mesure de nos possibilités ? L’aider à dépasser et à se sortir de cette souffrance ? Mais je suis sans doute en train d’évoquer la douleur de personnes qui sont plutôt proches de nous, alors que l’extrait en question se veut beaucoup plus large. Lorsque cette souffrance est plus éloignée, notre capacité d’action est moindre, mais peut ne pas être inexistante si nous le souhaitons. Je repense au tremblement de terre qui a dévasté Haïti et à toutes ces personnes extérieures qui ont apporté leur soutien.
    Enfin, petit bémol, et c’est sans doute ce qui me laisse pensive… D’une façon générale, je crois qu’il faut absolument éviter de se complaire dans la souffrance, mais cette réflexion est à lire avec beaucoup de réserves, car bien sûr, lorsque le malheur frappe, il peut dévaster !
    Et pour finir sur une note joyeuse : l’homme a la capacité de reconstruire, de continuer.

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    • Je crois, Yveline, que telle que je te connais, tu es tellement motivée par l’envie d’avancer, dépasser la souffrance et que ton optimisme, lié à la volonté de t’améliorer te laissent perplexe. Bien sûr, la frontière entre l’empathie ou l’auto compassion et la complaisance dans la souffrance est souvent si tenue que nous pouvons toujours basculer.
      Quand tu dis :  » nous sommes doués d’empathie et que par conséquent nous pouvons ressentir et partager la souffrance d’autrui » tu parles en ton nom mais es tu sûre que les autres le sont aussi ? Cela ne coule pas forcément de source, d’où le triste état de nos sociétés.
      Bien sûr, les élans d’entraide sont fréquents, lors de catastrophes très médiatisées mais pour les autres ?
      Merci pour le questionnement que tu es venue partager, cela nous permet de mieux nous positionner et restons sur cette note joyeuse 😀

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      • Oui Elisabeth, ce n’est pas très simple, tu as raison. Je pense néanmoins que la plupart d’entre nous ressent de l’empathie, mais il est vrai que la société est bizarre et ce de plus en plus. Les personnes semblent fonctionner sur le mode de « c’est moi qui compte » et ce qu’elles que soient leurs origines.
        Je me faisais cette réflexion par plus tard que ce soir dans les rues de Paris, où le monde, parisiens, touristes semblent avoir perdu toute civilité, près à vous écraser pour exister !
        C’est un monde très individualiste que nous connaissons.

        Bises et bonne soirée.

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  2. La compassion, l’empathie, la solidarité : des termes qui seront absents de notre dictionnaire dans peu de temps. Je rencontre pourtant quelques humains qui savent trouver un juste milieu entre altruisme et égoïsme (il faut garder un peu pour soi). Mais tu vois, j’ai le sentiment que nous sommes devenus rares 😉

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  3. Bonsoir Elisabeth,
    Un petit saut ce soir dans ton superbe blog ou on ne se lasse pas de venir lire , puiser, chercher, essayer de comprendre pour avancer, s’améliorer un peu plus encore…Ici il y a de la lumière! Je suis toujours touché par les beaux et nombreux commentaires. Oui, il y a vraiment un bel esprit qui règne ici et ça c’est génial!
    Moi quand j’entends parler de compassion j’ai le cÅ“ur qui fond!
    Je t’embrasse,
    Myriam

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  4. Bonsoir Elisabeth !
    La compassion difficile !
    Non, la compassion devrait faire partie de chacun de nous, cela le plus naturellement, spontanément.
    Aimer l’Homme et lui venir en aide et le moteur de celle-ci, à mon sens. Lorsqu’on est dans cet état d’esprit, il n’est pas possible d’oublier les souffrances de l’autre.
    Le plus difficile à mon sens et de ne pas s’oublier et oublier ceux qui nous entourent en étant dans cette démarche, qu’en penses tu Elisabeth.
    Enfin ceci n’engage que moi, comme je te l’ai dis précédemment je ne suis pas toute à fait en accord avec Mr Salomé.
    Je te souhaite une très bonne nuit et t’embrasse tendrement en espérant que cette fois-ci mon commentaire soit pris en compte, les joies du web il me semble…

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    • Aurais tu posté un commentaire qui n’est pas paru ? Préviens moi, dans ce cas là par mail car cela serai bien trop dommage, tu sais à quel point je les apprécie.
      Je suis heureuse que vous qui venez ici, pensez que c’est une évidence d’être compatissant… Ce sont vos belles âmes qui ne conçoivent pas la vie autrement mais tu le sais, combien de personnes restent insensibles à la souffrance de l’Autre…
      Je suis d’accord que le plus difficile est de nous accorder ce que nous donnons si généreusement aux autres, je posterai un article dans ce sens demain.
      J’apprécie beaucoup que tu ne sois pas entièrement d’accord, chacun a sa façon de penser et j’aime à ce que tu donnes la tienne. Liberté de pensée et d’opinion avant tout…
      Merci, chère Fanfan, tendres bisous et à bientôt

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      • Oui hier soir lorsque j’ai validé mon com, oups, disparu, envolé, seul rester une simple phrase en anglais, laquelle mystère ! la langue de shakespeare et moi cela fait deux 🙂
        Alors je me suis remise au travail plus tard, mais hélas pas comme précédemment. Je t’explique mon fonctionnement, je viens lire ton billet, puis je médite et lorsque cela est bien clair, je reviens pour te déposer ma pensée profonde, ce qui te donne ces commentaires que tu apprécies tant…Hélas, trois fois hélas, je suis incapable de les exprimer aussi bien plusieurs fois, hier en début de soirée j’ai donc pesté contre wordpress, le vilain censeur 🙂
        Voili voilou, rien de bien grave somme toute, encore merci à toi pour ta grande qualité de partage, qui nous enrichit tant, ta grandeur d’esprit qui permet d’échanger nos idées et nous grandit.
        Très belle soirée à toi avec mes plus tendres bisous, toujours en musique 😉

        http://www.youtube.com/watch?v=g1TWrZ4kkdE&list=PL4CF87A088D4BBFCE

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        • Je crois que WordPress nous en veut perso 😀 Je comprends très bien ce qui t’arrive, il fut un temps où tous mes commentaires sur les autres blogs tombaient systématiquement dans les indésirables. Depuis, je vérifie bien les miens…
          Pour éviter de perdre ce que j’écris, surtout si c’est long, je fais une sauvegarde sous Word, parce qu’effectivement, c’est si pénible d’avoir mis un commentaire bien réfléchi et le perdre ainsi.
          Je te remercie encore pour tous les tiens, par contre la qualité d’échanges est due à des lecteurs fidèles, comme toi, qui permettent de discussions enrichissantes, sinon, je serai toute seule et pour le partage, c’est difficile 😀
          Quant à la grandeur d’esprit, la tienne n’a rien à envier à la mienne et tu n’as besoin de personne pour grandir, sinon, comme nous tous, nous enrichir mutuellement.
          Pour continuer avec WP, ta vidéo a aussi un souci, quand je clique sur le visuel, il dit qu’elle est inexistante…
          J’ai recopié le lien, pareil, alors je laisse juste l’adresse, c’est le seul moyen d’écouter cette belle chanson.
          Excellente soirée à toi, Amie… tendresses

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  5. Il m’a toujours semblé, à tort ou à raison, que les êtres humains étaient naturellement « doués » de compassion ou pas du tout. Et je n’arrive toujours pas à comprendre que l’on ne puisse pas être doté de compassion, c’est quelque chose qui m’échappe totalement. Je me demande comment on fait pour vivre sans avoir de compassion ? c’est un grand mystère pour moi.
    D’autre part, trop de compassion devient….. souffrance… C’est compliqué tout ça !

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  6. La compassion se manifeste lorsque notre cÅ“ur est ouvert et que nous lui permettons d’être sensible à la douleur des autres…
    C’est un flot de bonté et d’empathie pour tous les êtres vivants sur cette Terre…
    Namasté ♥

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