Yvon Dallaire : Chéri, parle-moi !

En 30 ans de thérapie conjugale, le principal reproche que j’ai le plus souvent entendu de la part des femmes envers les hommes, c’est que ceux-ci ne communiquent pas assez et ne sont pas ouverts au dialogue : « Il faut toujours leur tirer les vers du nez et on ne sait jamais à quoi pensent vraiment les hommes. » En dehors du sexe, évidemment !

Ce reproche est confirmé par nos observations : plus le temps passe, moins l’homme a tendance à se montrer communicatif dans l’intimité du couple. L’homme agit souvent comme si sa partenaire était acquise, comme s’il lui avait tout dit et qu’il n’était plus nécessaire de la tenir au courant de ses pensées et sentiments. Quand sa partenaire lui en fait la remarque, il lui répond qu’il ne veut pas la « déranger » avec ses préoccupations ou qu’il ne pense à rien et que tout va bien.

écoute moi

Il n’y aurait pas de problème si la femme ne possédait pas un besoin constant de communication. Pour se sentir vivante, attirante, aimée, pour se sentir en relation, la femme a besoin de s’exprimer verbalement. La femme retire beaucoup de plaisir à parler et à partager ses pensées et ses émotions, non pas pour résoudre un problème, mais tout simplement pour être en relation. 

Pour l’homme, communiquer veut dire échanger de l’information. Pour la femme, cela signifie partage, intimité et plaisir. La femme s’attend à retirer de ses conversations un important soutien émotionnel, dans la mesure où elle tente de se comprendre et de comprendre les autres. L’homme s’attend, quant à lui, à des conversations rapides, de préférence amusantes, qui lui permettent d’échanger des informations pratiques et utiles. L’homme aime rarement « parler pour parler ».

En général les hommes mettent l’accent sur l’action, la réussite professionnelle (et ses retombées sur le confort matériel du couple), l’indépendance et la paix émotive du foyer. Les femmes mettent l’accent sur la relation, la réussite romantique, l’interdépendance et l’expression verbale des émotions à l’intérieur du couple et du foyer. Le jour et la nuit, quoi !

Comparée à l’homme, la femme est experte dans la communication verbale, surtout s’il s’agit d’exprimer des émotions. Le besoin de communication verbale à couleur émotive est un besoin typiquement féminin, comme nous le confirme une étude faite par l’Ordre Professionnel des Psychologues du Québec. D’après cette étude, 73 % des femmes interrogées croient que « la communication dans le couple peut régler tous les problèmes » contre seulement 27% des hommes.

Les femmes parlent plus que les hommes dans l’intimité, mais communiquent-elles vraiment ? D’après les psychologues Yvan Lussier et Stéphane Sabourin « quand les hommes commencent à parler, si elles n’entendent pas ce qu’elles veulent, bien souvent elles refusent la communication ». 

Ce besoin de communication verbale et émotive est donc légitime et sain pour la femme, pas nécessairement pour l’homme qui, en général, manifeste plus de pudeur émotive. Il est toutefois possible pour la femme d’utiliser des stratégies qui lui permettront de mieux satisfaire son besoin: poser des questions précises, respecter les moments de silence de son conjoint, accepter sa difficulté à parler d’émotions, cesser de l’interrompre, ne pas parler à sa place, pratiquer l’écoute active, attirer son attention en le touchant, faire appel à ses compétences et, surtout, prendre la responsabilité de son besoin de communication et de ses émotions.

Quant à l’homme, s’il veut être heureux en couple, il n’a pas vraiment le choix : il doit se mettre à l’écoute de sa partenaire et aider celle-ci à satisfaire son besoin de communication au lieu de se mettre sur la défensive et lui donner des solutions pour faire disparaître ses émotions. Si l’homme connaissait réellement la valeur érotique de l’écoute, il ne refuserait jamais d’acquiescer à la demande de sa partenaire lorsque celle-ci lui dit :  » Chéri, parle-moi ! « . 

Yvon Dallaire est psychologue, sexologue, conférencier et auteur de S’aimer longtemps,
Chéri, parle-moi, Pour que le sexe ne meure pas
et Homme et fier de l’être

31 réflexions sur “Yvon Dallaire : Chéri, parle-moi !

  1. C’est curieux. On dit que l’homme manifeste plutôt le cerveau gauche (logique, raisonnement…). Or, c’est « le cerveau du langage ». Le cerveau droit « de l’intuition…) serait-il mieux communiquer sans avoir besoin du langage? Les articles que j’écris actuellement sur la conscience sont peut-être à voir plus profondément en approfondissant les réflexions? Celui qui va paraître va évoquer la renaissance du dualisme (cerveau gauche masculin? Cerveau droit féminin? Cerveau duel et unitaire?

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    • C’est indéniable que les hommes sont plutôt cerveau gauche mais il est aussi prouvé que les femmes naissent avec la capacité de passer du gauche au droit avec grande facilité, grâce au corps calleux, bien développé à la naissance, ce qui leur permet notamment de faire plusieurs choses à la fois, tandis que la plupart des hommes sont « mono tâches ».
      Seuls ceux dont les mères leur auront appris à apprivoiser leurs émotions dès l’enfance et ne pas en avoir peur, arrivent à « activer » plus facilement ce passage.
      Vos réflexions sont justes et j’avoue que n’étant pas une grande spécialiste du cerveau il m’est difficile de me prononcer, excepté le fait que j’adhère plutôt à la théorie qu’il est un hologramme et que contrairement au zones définies habituellement, la moindre cellule contient le tout.
      J’attends votre article, qui sera sûrement passionnant et nous allons pouvoir en rediscuter après… il y a encore tant de choses à découvrir…
      PS. Vous connaissez certainement le livre de Michael Talbot L’Univers est un hologramme ?

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  2. Bonsoir; En tant qu’homme, je correspond tout à fait au schéma. Moi homme des cavernes. Les relations homme-femme sont trop difficiles. Surtout, lorsque l’on a en face de soi une tête de mule.
    Bon,j’y retourne… (dans ma caverne).

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  3. C’est vrai que de ce coté là, on est tellement différente des hommes, mais les solutions proposées sont excellentes si on apprend à les mettre en pratique

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  4. Bonjour Elisabeth,
    Un couple n’existe pas sans communication, cela même si nos hommes se terrent dans leur caverne de silence.
    Revenons au prémisse d’une relation, n’est-elle pas dans la construction par le dialogue dans ses débuts, il n’y a pas d’autre façon de se connaitre et de s’apprécier. Dans la construction de cette relation, cette communication n’est elle pas joie, un partage immense apportant beaucoup de joie, de bonheur, ceci pour nos deux jeunes tourtereaux ? ! Pourquoi donc avec les années cela devrait-il changer ? ! Cette communication n’est-elle pas épanouissement ? !
    Je pense qu’il faut trouver le juste milieu, respecter le faite que ces messieurs soient dans cet état mais aussi revenir à un dialogue sans pour cela les harceler 😉
    Je pense même qu’une femme, avec patience et subtilité, psychologie, peut aider un homme a découvrir sa partie de féminité.
    Aimer n’est pas juger, diriger, emprisonner, obliger, aimer c’est laissé sa liberté à l’autre cela mutuellement. Aimer est une complicité, non ? ! Je le crois !
    Quel beau billet, qui hélas semble mettre la gente masculine sur l’offensive, je peux le comprendre, elle se sent mise en cause fortement, que cela est dommage.
    Très bon 15 août Elisabeth avec mes plus tendres bisous

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    • La communication, comme l’amitié, la complicité et la construction quotidienne font partie des bases d’un couple solide. Certes, au début tout est rose, merveilleux et excitant y compris l’échange verbal pour mieux se connaître mais je dis toujours que la véritable relation ne commence quand les premiers émois sont passés.
      Et c’est là, la routine aidant, on croit si bien connaître l’autre que l’échange devient moins fréquent car on croit que tout est acquis. Il y a beaucoup de fausses idées, comme celle que si on s’aime, tout coulera de source…
      Le juste milieux est certes l’idéal et à chacun de faire les efforts.
      Mais tu as raison quand tu dis qu’une femme subtile et avisée peut aider l’homme à s’ouvrir car c’est à elle que revient l’initiative, comme énoncé dans l’article précédent.
      Et tu as si bien compris ce qu’aimer véritablement veut dire mais malheureusement, ce n’est pas le cas de tout le monde. Comme ces hommes qui restent sur la défensive car ils se sentent mis en cause…
      Mais j’ose croire que grâce aux articles comme celui-ci, la situation changera bientôt.
      Belle fin de semaine à toi et mes tendres bisous, Fanfan

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  5. Je peux peut être aller encore plus dans le sens de cet article sachant que dans mon couple niveau communication l’homme c’est moi… Et si je ne parle pas c’est que le problème ne m’intéresse pas dans ce cas pourquoi faire semblant?
    Si l’on ne parle pas c’est aussi parce que parfois il vaut mieux ne pas le savoir sous peine de rupture… C’est complexe les sentiments, on reste par devoir, par peur, par habitude et bien sûr on ne communique plus. Les thérapie de couple sont une belle mascarade, tout le monde ne peut pas aimer de la même façon.
    Alors ne leur tirez pas les vers du nez ou ils auront encore plus envie de s’enfuir, s’il vous aime cherchez le ailleurs que dans des mots…

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    • Je comprends et respecte votre position, bien qu’elle me semble un peu désabusée…
      Si on reste par devoir, habitude ou peur, bien sûr, je ne porte aucun jugement mais où est l’amour dans tout cela ?
      Et si la communication était meilleure, ce point de rupture pourrait être évité.
      Certes, comme dans toutes les thérapies, le nombre de charlatans est élevé mais les propos d’Yvon Dallaire sonnent juste.
      Là où je vous approuve pleinement est de ne surtout rien forcer… la communication ne passe pas seulement par la parole et comme vous dites, même s’il y a des points communs, chaque couple est différent.

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      • Je suis entièrement d’accord avec vous dans ces cas là il n’y a plus d’amour je soulevais seulement les causes sous-jacentes de ces non communications. On se donne un délai pour avaler la pilule. Cette explication ne concerne que l’espèce où l’un des deux n’a plus les mêmes sentiments…
        Bien souvent on cherche milles excuses alors qu’il n’y a plus d’espoir car c’est trop dur à encaisser!
        Je pense à la chanson l’un part et l’autre reste de Charlotte Gainsbourd.
        C’est là que je rejoins la phrases où « les femmes n’acceptent pas la communication si elles n’entendent pas ce qu’elles veulent ».
        J’ai mal à la tête en imaginant le travail du psy face à ces situations… Ces gens sont des magiciens de la patience!
        PS : j’adore échanger des avis avec vous! C’est un nuage de matière grise émotionnelle (non je ne prends pas de drogue)!

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        • Merci pour ces précisions car je crains avoir mal saisi le fond de votre pensée…
          Nous sommes donc d’accord sur le fait que le manque ou la mauvaise communication conduisent dans les impasses. L’être humain est d’ailleurs si complexe, entre ses croyances, ses attentes, souvent faussées par l’éducation, les images d’Épinal du style : « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants » 😀 les Princes charmants et les Belles au Bois dormant… alors que la vraie relation ne débute qu’au moment où les premiers émois sont passés.
          Et je passe sur nos modèles parentaux, nos peurs et blessures, notre inconscient et le fait que quand les émotions nous emportent, nous n’arrivons plus à exprimer le fond de nos pensées.
          Quand il n’y a plus d’espoir, nous pouvons nous leurrer encore ou bien avoir trop peur de rompre, pour les raisons que vous avez évoquées précédemment. Il n’est pas simple d’être en couple, comme il est difficile d’en sortir. Le divorce figure en haut de l’échelle du stress et donne si souvent le sentiment d’échec…
          Je ne connaissais pas cette chanson, merci de l’avoir citée, je la trouve très émouvante

          Très juste la phrase que les femmes ont du mal à entendre ce qui ne les arrange pas…
          Certes, le métier du psy est si exigeant, c’est pour cela qu’il y en a si peu de bons.
          Très touchée par cet échange de : « nuage de matière grise émotionnelle » et je trouve votre expression très belle. Moi aussi j’adore discuter, surtout quand les avis semblent diverger, c’est également un bel exercice de communication et je vous en remercie…
          PS. J’adore votre sens de l’humour 😀

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  6. Hello Elisabeth …bien lu ce texte et …je le trouve tout à fait exact …enfin pour mon vécu personnel en tous cas …la ‘communication » … (le dialogue) …reste décidément une véritable problématique et sans elle …c’est le blocage assuré des deux côtés et plus on essaie de leur expliquer moins ils comprennent ! … persuadés que nous nous faisons un monde avec rien… (?) :/
    Merci pour ton billet …
    Gros bisous

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    • Quel plaisir de te revoir, chère Maïa… Merci pour ton témoignage, je crois que nous sommes très nombreuses dans ce cas et que les hommes ont toujours du mal à comprendre notre besoin de communiquer, pour être en lien, nourrir la relation et surtout exprimer nos besoins fondamentaux, dont l’écoute bienveillante fait partie.
      J’espère qu’il reste toutefois un espoir, vu le nombre de publications de ce genre qui va ouvrir les yeux des hommes sensibles. Pour que les deux en tirent de grands bénéfices.
      Je t’embrasse fort, ma douce Belette

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