Boris Cyrulnik : Pour être heureux, il faut avoir souffert

Le bonheur et le malheur ne s’opposent pas, mais se complètent comme le jour et la nuit. L’inverse de leur indissociable couplage est la mort affective, l’indifférence. Attachement et amour ne peuvent se développer que si nous avons connu la souffrance et le retour à la sécurité. La neurologie cognitive n’a qu’une vingtaine d’années, et déjà ses découvertes se comptent par milliers, dont Boris Cyrulnik vulgarise génialement les paradoxes.

Dans la trajectoire de Boris Cyrulnik, il y eut d’abord les livres d’éthologie sur l’affectivité animale. Puis toute la série humaine sur la résilience, qui explique comme un enfant maltraité peut s’en sortir, grâce au regard de l’autre. Paru fin 2006, De chair et d’âme constitue le premier livre d’une nouvelle série sur l’inséparable unité de ce qui constitue l’humain.

Ce qui est frappant, c’est la précision ultrafine de ce que l’imagerie médicale est désormais capable de nous apprendre sur ce qui se passe en nous à chaque seconde, quand nous percevons, pensons, croyons, agissons – et comment cela bouleverse notre vision du monde, en décortiquant la genèse neuro-relationnelle de nos organes.

Quand un singe regarde un autre singe agir, il met en branle les mêmes processus neuronaux que s’il agissait lui-même. Même processus quand il rêve qu’il se trouve dans telle ou telle situation. Chez l’humain, cette imbrication du réel et de l’imaginaire va au-delà du concevable.

Nouvelles Clés : Ce qui frappe dans votre livre, c’est ce que vous dites sur le malheur. Il ne s’opposerait pas au bonheur, mais constituerait son indispensable complément. C’est leur tandem qui nous rendrait vivants…

Boris Cyrulnik : Toute vie psychique suppose une dualité bonheur-malheur. Privé de cet antagonisme, vous avez un électroencéphalogramme plat, une absence de vie psychique, autrement dit une mort cérébrale. Le couple bonheur-malheur fonctionne comme la manivelle en croix que vous utilisez pour changer les roues de votre voiture.

D’un côté vous tirez vers le haut, de l’autre, vous poussez vers le bas, et un observateur étourdi pourrait s’imaginer que ces deux gestes sont contradictoires alors qu’ils constituent un seul et même mouvement. Il en va de même neurologiquement. Dans la partie antérieure de l’aire singulaire de chacun de nos hémisphères cérébraux, il existe deux renflements.

Si une tumeur, un abcès ou une hémorragie altèrent le premier de ces renflements, ou si vous y introduisez une électrode, vous allez éprouver des sensations de souffrance, physique et mentale très aiguës.

Si vous déplacez un tout petit peu l’électrode, pour la planter dans le second renflement, vous allez éprouver une euphorie qui peut aller jusqu’à l’extase. Le réel n’a pourtant pas changé. Vous avez juste déplacé l’électrode de quelques millimètres. Au regard de la neurologie, le bonheur et le malheur ne sont pas extérieurs au sujet. Ils sont dans le sujet.

N. C. : C’est une découverte récente ?

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B. C. : En fait, on le sait depuis les expériences de James Olds et Peter Milner, en 1954. Ces chercheurs avaient placé des électrodes dans le cerveau d’un groupe de rats et montré que la zone de la douleur jouxtait celle de la jouissance. Par ailleurs, ayant équipé les rats de telle sorte qu’ils puissent électriquement auto stimuler ces zones, ils avaient constaté que les animaux n’arrêtaient pas d’appuyer sur le bouton électrifiant la zone du plaisir, sans pouvoir s’arrêter.

Au point d’en mourir ! Jouir à mort est un phénomène que l’on trouve aussi dans la nature. S’ils en ont la possibilité, toutes sortes d’animaux poussent leur recherche du bonheur jusqu’à se tuer. Quand les fourmis tombent par exemple sur un certain coléoptère dont la sécrétion lactée les enivre : elles en oublient leurs tâches, vont et viennent en tout sens et la fourmilière finit en un indescriptible chaos. On pourrait citer les pigeons et les corbeaux qui vont se saouler aux vapeurs de sarments, indifférents aux vignes en flammes…

N. C. : Trop de bonheur conduirait à notre perte ?

B. C. : La réalité est paradoxale. Placez des gens dans une situation de bonheur total, où tous leurs vœux sont immédiatement exaucés, où rien ne vient contrarier leurs moindres désirs : ils se retrouvent vite malheureux. À partir d’une certaine dose, tout bonheur devient insoutenable. Par contre, mettez ces mêmes personnes dans un état de malheur, elles vont souffrir, mais aussi lutter : « Je vais me battre contre le malheur et le vaincre.»

C’est dans la résistance au malheur que les humains s’associent, se protègent les uns les autres, construisent des abris, découvrent le feu, luttent contre les animaux sauvages… et connaissent finalement le bonheur d’avoir triomphé de leurs peurs. Malheur et bonheur ne sont pas des frères ennemis.

Ils sont unis comme les doigts de la main. On le constate aussi dans le rêve, l’utopie, l’espérance qui sont de grands pourvoyeurs de bonheur. On ne peut espérer que si l’on se trouve dans le mal-être. Le bonheur de vivre vient de ce que l’on a triomphé du malheur de vivre. J’ai faim. Arrive quelqu’un qui me donne son sein – qu’est-ce que je l’aime ! J’ai peur.

Voilà quelqu’un qui, par sa force et ses armes, me rassure – qu’est-ce que je l’aime ! Il fait froid. Quelqu’un me réchauffe avec son corps et sa couverture – qu’est-ce que je l’aime ! C’est le paradoxe de la manivelle en croix : d’un malheur peut surgir un bonheur ; sans malheur, ce serait impossible.

N. C. : Il y a là une leçon de philosophie naturelle. Accepter la vie, ce serait accepter aussi le malheur, sans lequel il n’y aurait pas de bonheur. Ne pourrions-nous, de même, pas aimer si nous n’avions pas souffert ?

B. C. : Exactement. Seule la complémentarité entre malheur et bonheur fait que nous pouvons aimer la vie. Des chevaux ailés tirent l’attelage de l’âme dans des directions opposées pour le faire pourtant avancer sur un même chemin, écrivait déjà Platon dans Phèdre.

N. C. : Ce processus se met-il en place dès la naissance ?

maman ours

B. C. : C’est même de fondement des théories de l’attachement. Après le traumatisme de la naissance, le petit humain découvre le malheur. Il ne connaît rien du monde qui l’entoure. Il a froid. Il a faim. Il a peur. Il souffre. Il se met à brailler. Et tout d’un coup, hop ! On le prend dans les bras. On lui parle. On le nourrit. On l’essuie. Il a chaud.

Il reconnaît l’odeur et les basses fréquences de la voix de sa mère. Il se dit : « Ouf ! ça va, je suis à nouveau tranquille. » Il trouve là un substitut d’utérus, et c’est le premier nœud du lien de l’attachement qui va le rendre heureux.

À l’inverse, imaginons un bébé qui ne connaîtrait aucun malheur, dont l’environnement serait impeccablement organisé : température idéale, soif de lait aussitôt soulagée, couches propres dans la seconde, etc. Eh bien, ce bébé n’aurait aucune raison de s’attacher.

N. C. : C’est la vieille histoire du « too much »… L’excès nuit toujours ?

B. C. : Oui. Et il en va de même pour nous. Vous avez soif, vous buvez un verre d’eau. Quel délice ! Mais qu’éprouvez-vous au cinquantième verre d’eau ? Du dégoût. C’est un supplice. De même, si la mère entourait son enfant trop longtemps, si elle ne le laissait pas seul au bout d’un moment, il se retrouverait prisonnier d’un cocon étouffant et en viendrait à éprouver de la douleur. « Si maman ne m’entoure pas, je souffre.

Mais si elle m’entoure trop, je souffre aussi. » L’être humain ne peut se construire que dans l’alternance, la respiration bonheur-malheur. Et si cette dernière doit être la plus harmonieuse possible, elle doit également suivre un certain rythme. Car, si le bonheur ne peut durer, le malheur non plus…

Si on laisse pleurer le bébé pendant une heure, ça peut aller ; deux heures, ça devient beaucoup ; au bout de trois heures, ça commence à devenir difficile. Arrive un seuil où tout bascule. Le bébé arrête de pleurer. Il commence à s’éteindre. S’il n’est pas rapidement secouru, son système nerveux va interrompre son développement. J’ai été l’un des premiers à décrire les atrophies cérébrales liées à une carence affective.

Au début, bon nombre de neurologues ne m’ont pas cru : « Ce n’est pas possible, vous vous trompez. » Aujourd’hui, de nombreux confrères confirment cette observation, notamment aux États-Unis. Tous les pédiatres qui travaillent dans les pays en guerre ou en misère savent que les enfants abandonnés ne pleurent pas. Ils attendent la mort en silence. Ils sont morts psychiquement avant de mourir physiquement.

Leurs cellules cérébrales sont les premières à s’étioler puisqu’elles ne sont plus stimulées. Puis la base du cerveau arrête ses sécrétions hormonales. Et tout le corps dépérit. Le contre-exemple existe : mettez un enfant abandonné atteint de nanisme affectif dans une famille d’accueil, son cerveau va peu à peu reprendre son développement, c’est rigoureusement vérifié au scanner.

N. C. : Vous évoquez souvent l’image d’une « enveloppe affective sensorielle, faite à la fois de molécules que de mots », absolument vitale au développement de l’enfant. Comme l’a été l’enveloppe matricielle de sa mère…

B. C. : Absolument. Chez l’enfant, il y a d’abord une longue période d’intelligence sans parole. L’enfant décode le monde non par des mots, mais grâce à des images. Puis vient le stade de la parole maîtrisée, vers trois ans. La parole récitée, elle, c’est-à-dire la capacité à faire un récit de soi-même, n’arrive qu’à sept ans, quand les connexions du lobe préfrontal de l’anticipation se sont connectées au circuit de la mémoire – sans quoi vous ne seriez pas capable de vous faire une représentation du temps.

Or, toute cette maturation neurologique et hormonale ne se fait que si vous avez cette enveloppe affective autour de vous. Une enveloppe qui, donc, respire, avec flux et reflux, inspiration et expiration, diastole et systole. La vie fonctionne ainsi : par contraste. Et nos sens aussi : pour que le concept « bleu » me vienne en tête, il faut qu’il y ait autre chose que du bleu dans mon champ de vision ; s’il n’y avait que du bleu, je ne pourrais pas le penser. Pour penser le bonheur, il faut qu’il y ait autre chose que du bonheur : le malheur est parfait pour ça.

N. C. : Autre paradoxe, vous écrivez que la parole a une fonction bien plus affective qu’informative.

B. C. : On se parle pour s’affecter. Par mes mots, je peux modifier votre état physique, vous faire pâlir, rougir, rire, bailler, hurler. Si je fais des phrases, c’est pour vous convaincre, vous amuser, vous irriter, vous insulter, vous calmer… davantage que pour vous informer. Et il est à peu près impossible de parler longtemps à quelqu’un sans affecter ses sentiments.

N. C. : Vous dites: « Quand je suis face à Véronique, j’ai une certaine chimie intérieure. Face à Marion, c’en est une autre. Je ne suis littéralement pas le même moléculairement. »

B. C. : La présence de Véronique me stimule. Tout ce qu’elle dégage – qu’elle me communique implicitement par ses formes, son odeur, ses vêtements, ses gestes, sa voix, ses mots – touche quelque chose d’inscrit au fond de ma mémoire neuronale, sans doute depuis l’âge fœtal. Tout se passe à son insu et j’en suis également inconscient, mais tout ce qui vient d’elle m’intéresse et m’amuse.

Du coup, toutes mes catécholamines sont stimulées, condition biologique favorable à la mémorisation. Alors que Marion me renvoie, sans s’en rendre compte non plus, toutes sortes de messages qui ne me touchent pas et ne constituent donc pas un événement pour moi. Or, nous ne pouvons pas mettre en mémoire un non-événement.

N. C. : N’est-ce pas ce qu’en langage courant on appelle avoir des « atomes crochus » ?

B. C. : Si vous voulez. Avec des dosages et des catalyses étonnants. Les entraîneurs d’équipes sportives le savent bien, qui recrutent certains joueurs plus pour l’ambiance positive qu’ils vont mettre dans l’équipe que pour leurs qualités intrinsèques.

À l’inverse, il m’est arrivé de voir une excellente équipe de scientifiques lamentablement sombrer dans le spleen, simplement parce qu’on avait recruté un chercheur qui, par sa seule présence, stérilisait ou inhibait le travail de tous les autres !

On connaît ça en éthologie animale, par exemple chez les chimpanzés, où l’arrivée d’un nouvel individu va faire que tous les autres deviennent maladroits, laissent tomber les objets qu’ils tiennent, ratent les branches qu’ils visent : ils sont crispés, leur chimie intérieure est déséquilibrée.

N. C. : N’est-ce pas aussi au sein de cette enveloppe que naît la compassion, quand un animal souffre de ce qui arrive à un autre ?

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B. C. : Je le pense en effet, même si de jeunes confrères normaliens sont en désaccord avec moi. Vous faites allusion aux « neurones miroir ». Un chimpanzé voit un être signifiant (un congénère, par exemple, ou un être humain qu’il connaît) s’apprêter à manger un aliment qu’il aime (mettons une banane).

Automatiquement, il allume la partie de son cerveau qui le prépare à faire le même geste, par exemple tendre la main vers la banane. En même temps, il stimule son lobe préfrontal pour bloquer ce geste, qui doit rester imaginaire – ce qui fait que le cerveau du chimpanzé qui observe dépense deux fois plus d’énergie que celui du chimpanzé qui mange réellement !

De façon similaire, que je sois homme ou singe, si un personnage signifiant de mon enveloppe affective, quelqu’un que j’aime bien, souffre, je vais allumer la partie antérieure de mon aire singulaire antérieure, celle qui déclenche des sensations de souffrance. Ce n’est pas moi qui souffre, mon organisme est impeccable, pourtant ma zone de souffrance s’allume et déclenche en moi une sensation de malaise.

Alors, que c’est lui qui souffre. Mais je le vois et ça me fait entrer en résonance, parce que c’est un personnage signifiant pour moi. Sa souffrance et la mienne sont de nature différentes. Lui, il est blessé, il saigne. Moi, je souffre de la représentation que je me fais de sa souffrance.

N. C. : Dans son documentaire Shoah, Claude Lanzmann interviewe un paysan polonais qui labourait un champ près d’Auschwitz. « Alors vous labouriez à deux pas des barbelés, lui demande-t-il, ça ne vous faisait pas mal ? » Et l’autre de s’étonner : « Pourquoi auriez-vous voulu que ça me fasse mal à moi ? Si l’on vous coupe vos doigts, les miens vont bien ! »

B. C. : Cet homme est un pervers, pas au sens sexuel, mais par arrêt d’empathie. Les pervers ont, dans le développement de leur personnalité, quelque chose qui s’est déréglé dans l’empathie, soit par excès, soit par défaut.

Par défaut, c’est ce que vous racontez : si vous vous coupez le doigt, c’est vous qui avez mal, pas moi – donc, si l’on brûle des milliers de personnes dans des fours, ce sont eux qui brûlent ; moi, je laboure tranquillement mon champ.

Les situations de guerre pousse des masses de gens à basculer dans cette pathologie, puisque, si l’on veut gagner la guerre, il faut ignorer l’autre, le chosifier. À l’inverse, l’excès d’empathie, c’est Leopold von Sacher-Masoch, dont on a fait l’archétype du masochiste : « Moi, je ne compte pas, je ne suis rien, quasiment mort psychiquement, je ne jouis plus.

Mais si le fait de me faire souffrir fait plaisir à Wanda, la Vénus au manteau de fourrure, au moins éprouverai-je le plaisir de lui faire plaisir. Elle seule compte. En me maltraitant, en me fouettant, elle me donnera un petit sursaut de vie.  »

N. C. : Et si l’on vit dans une enveloppe sensorielle « positive », peut-on user de son empathie à son propre égard ? Ce serait une façon d’expliquer que l’on puisse volontairement influencer son état physique et « reprogrammer » sa santé…

B. C. : Je ne suis pas spécialiste de la question. Mais il est clair que les êtres humains peuvent intentionnellement se « recircuiter », c’est-à-dire s’entraîner à fonctionner et à « se représenter » autrement. Je pense que la psychothérapie fonctionne de cette façon… quand ça marche !

Cela dit, je n’utiliserais pas le mot « reprogrammer », parce qu’aujourd’hui, nous savons que personne n’est programmé. Même génétiquement. L’idée que nos gènes nous déterminent a fait long feu. Quelle est la conclusion du fameux « décryptage du génome humain » ? Vous avez entendu ce silence ! (rire)

La conclusion, c’est que nous avons à peu près le même génome que les vers de terre (il paraît que les vers de terre sont vexés !) et que nous sommes comme des chimpanzés à plus de 99% ! Il y a donc moins de 1 % de différence entre un chimpanzé et un humain.

Mais qui parle de « programme génétique » ? Des journalistes, des psychologues, des psychiatres, jamais des généticiens ! Attention, je ne nie pas l’existence d’un déterminant génétique. Lorsque le spermatozoïde de votre père a pénétré l’ovule de votre mère, ça ne pouvait donner qu’un être humain, pas un chat, ni un vélomoteur. Mais ça n’était en rien prédestiné à devenir vous ! Le déterminant génétique donne un être humain.

Mais pour donner telle personne réelle, il faut toute la condition humaine, la mémoire, la culture, l’histoire. La moindre variation de l’environnement modifie l’expression des gènes. Mieux : à l’intérieur d’un même gène, un morceau de gène sert d’environnement à un autre morceau !

Par exemple, vous avez des déterminants génétiques du diabète, mais sans diabète, parce qu’une autre partie du même chromosome du même bonhomme induit la sécrétion d’une insuline empêchant l’expression de la maladie. Autrement dit, l’environnement commence dans le gène lui-même ! Nous sommes pétris par notre milieu autant que par nos gènes.
Je crois ainsi que la distinction gène/environnement – c’est-à-dire inné/acquis – est purement idéologique et pas du tout scientifique.

Le gène est aussi vital que l’environnement, ils sont inséparables. Nous sommes déterminés à 100 % par nos gènes et à 100% par notre environnement. Scientifiquement, je dois dire que cela redonne du poids à la théorie de Lamarck, jadis pourfendue par Darwin : il n’est pas forcément faux de dire que les girafes naissent avec un long cou parce que leurs ancêtres ont beaucoup tiré dessus pour manger en hauteur – alors que l’auteur de L’évolution des espèces n’y voyait que le fruit d’un hasard écologiquement favorable…

Là où Darwin continue d’avoir brillamment raison, c’est quand il dit que les espèces disparaissent par leur point fort. Les élans du Canada réussissaient à se protéger, grâce à leurs formidables bois, lourds et tranchants, qui éventraient les loups d’un simple geste de la tête. Mais les bois sont devenus de plus en plus lourds, à tel point que les grands mâles ne sont même plus parvenus à se redresser… et les loups en ont profité pour apprendre à les égorger !

Le point fort de l’humanité, par lequel nous sommes clairement menacés de disparaître, c’est notre intelligence technologique, désormais si puissante qu’elle modifie la biosphère…

N. C. : Ce qui, si l’on fait preuve d’empathie, nous plonge dans la déprime. N’est-ce pas pour cela, par sentiment d’impuissance, que tant de gens prennent des antidépresseurs ? À ce propos, pourquoi selon vous les Français en consomment-ils tant ?

B. C. : Actuellement, le plus grand consommateur est l’Iran. Mais il faut se méfier de ces comparaisons, culturellement biaisées, car chaque pays gère la dépression à sa manière. Les gens se suicident, somatisent, consomment de la fausse médecine, passent de faux examens, parce que le problème n’est pas posé. Il est clair que l’on compense par la chimie une défaillance culturelle.

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On prend des molécules pour se sentir moins mal, alors que normalement, c’est la relation humaine qui devrait jouer ce rôle. Relation familiale, amicale, villageoise, professionnelle, confessionnelle, politique, artistique… peu importe. Si nous vivions comme jadis dans des structures affectives, nous n’aurions que rarement besoin de psychotropes et d’antidépresseurs. Mais notre culture a détruit ça.

Pour bien se porter, il faut participer à la vie sociale. Je suis convaincu que c’est fondamental. Ici, dans le Var, il y a beaucoup de retraités espagnols, ex-réfugiés, républicains comme franquistes. Ils prennent des antidépresseurs, comme tout le monde.

Mais dès qu’ils vont voir leurs familles en Espagne, ils arrêtent d’en prendre. Pourquoi ? Parce qu’il y a là-bas une vie sociale beaucoup plus intense que chez nous, avec notamment des fêtes incessantes.

Quand vous êtes tout le temps en cuisine, en train de vous maquiller ou de vous entraîner pour le lâcher de taureaux, vous vous couchez à trois heures du matin, et vous n’avez plus besoin de psychotropes. Mais dès qu’ils reviennent ici, hop ! ils reprennent des psychotropes.

N. C. : Pourquoi certains pays, la France en particulier, ont-ils une vitalité locale si molle ?

B. C. : Norman Sartorius, l’un des directeurs de l’OMS avec qui j’ai travaillé, a dirigé un énorme travail sur ce thème dans plusieurs pays. Sa conclusion est tragique : plus la solidarité est administrative (sécurité sociale, RMI, indemnités de chômage, etc), moins elle est affective et moins elle joue son rôle de tranquillisant naturel, qui est la base du sentiment de sécurité. « Je te connais ; quand je suis avec toi, on se raconte des histoires qui nous sécurisent ; tu as de l’expérience, je te fais confiance ; tu auras des solutions, parce que je t’attribue un pouvoir. »

C’est incontestable : plus la solidarité est administrative, plus le désert affectif se développe. Si nous ajoutons à ça le fait que l’amélioration de la technologie s’accompagne partout d’une augmentation de l’isolement, de l’angoisse et des dépressions, nous nous retrouvons avec un joli casse-tête.

Parce que, bien sûr, il n’est pas question d’arrêter le progrès technologique, ni celui des systèmes sociaux de solidarité. C’est donc à chacun de savoir augmenter la communication affective dans sa vie – prendre le temps de cuisiner lentement, de recevoir des amis, de rire en faisant les andouilles… Il faut multiplier les rituels de rencontres, les fêtes de quartiers, les retrouvailles de toutes sortes, les chorales, les associations de pétanque, les tables d’hôte…

Dès que vous rencontrez des gens et que vous buvez un verre avec eux, vos fantasmes agressifs baissent. Ça ne règle pas tout, mais vous mettez en place un rituel d’interactions affectives qui a un grand effet tranquillisant. C’est juste vital pour l’humanité.

Par Patrice van Eersel et Marc de Smedt

A lire :

De chair et d’âme, Boris Cyrulnik, éd. Odile Jacob. La fabuleuse aventure des hommes et des animaux, Boris Cyrulnik, Karine Lou Matigon. éd. Le Chêne. Les nourritures affectives, Boris Cyrulnik. éd. Odile Jacob. Le murmure des fantômes, Boris Cyrulnik. éd. Odile Jacob. 

 

 

 

 

52 réflexions sur “Boris Cyrulnik : Pour être heureux, il faut avoir souffert

  1. Bonsoir j’aime beaucoup cet article et suis d’accord a cent pour cent avec le fait que sans le malheur on ne saurait lutter et que bonheur et malheur coexistent ce qui est vrai et inévitable ,j’ai pas mal souffert enfant et ai développé une rage de vivre,j’ai toujours lutté par contre je n’approuve pas le passage et son avis sur les AD.j’ai fait une grave dépression en 2008 et pris des AD et j’en prends encore car j’ai un TAG et un fond anxieux et meme si je participe autant que possible a la vie associative et bien ca m’enlève pas mes angoisses qui viennent de loin.Je le trouve assez tranché la dessus et manquant de nuances car tous nous ne sommes pas égaux face a la souffrance,les traumas et la gestion de ces traumas.J’en ai vécu plus d’un et je dois prendre des médocs et je pense qu’il devrait admettre quon est pas tous égaux et qu’on a pas tous la même faculté a surmonter les traumas et que la chimie peut aider certains..voilà.SInon bon article assez intelligent..

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    • J’ignore, Séverine, si vous avez bien lu l’article, ainsi que d’autres sur ce blog ou ailleurs ou si vous vous êtes juste arrêtée sur ce passage sur les antidépresseurs.
      Nulle part Boris Cyrulnik, ne nie la souffrance, d’autant qu’en tant qu’un survivant de l’Holocauste, donc de l’horreur extrême, il l’a trop bien connue. Et face à laquelle il a décidé, à l’âge de 10 ans de devenir psychiatre, comme il a développé le syndrome de résilience.
      Il souligne aussi que personne n’est égal face aux épreuves, à commencer par les prédispositions génétiques, l’héritage/entourage familial et tant d’autres facteurs, qui font que certains développeront cette faculté, alors que cela sera impossible à d’autres, sans que personne ne soit à blâmer.
      Et même chez les résilients, la blessure demeure à jamais, elle est juste reconnue et soignée.
      Les médicaments sont parfois nécessaires pour surmonter une période de dépression aggravée, que j’ai connue d’ailleurs personnellement, comme j’ai aussi ce « fond anxieux » dont vous souffrez… et qui vient de très loin, également.
      Mais s’ils aident à supprimer les symptômes, ils n’en guérissent pas la cause qui ne peut se traiter que par une thérapie appropriée.
      Alors, libre à vous de choisir, si vous désirez rester sous cette « camisole chimique », avec tous ses effets secondaires ou bien, réveiller cette
      « rage de vivre » qui vous a toujours poussée.
      Et puisque vous mentionnez Aufeminin dans votre pseudo, voilà un petit lien :
      http://www.aufeminin.com/therapies/resilience-s637867.html

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  2. on di souven que le bonheur succede toujour o malheur pourtan il arriven a boucou des personnes de soufrir toute leur vie san pouvoir trouver le bonheur comen pouvai vous expliquer cela

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    • Bonsoir Kadiatou,
      Veuillez pardonner cette réponse tardive, ma pause a été assez longue. Vous posez une question difficile à laquelle il n’y a pas de réponse universelle et unique, il n’y a que des pistes et des approches personnelles. La mienne, vous pouvez l’apercevoir tout le long de mes publications, tout bonheur est relatif et il n’y a rien à chercher à l’extérieur car tout se trouve à l’intérieur de nous.
      Bien évidemment, les « coups du sort » existent et nous en voyons tous les jours mais comme dit le proverbe : « A quelque chose malheur est bon ».
      Je suis consciente qu’il est difficile d’entendre cela quand on souffre mais pourriez-vous envisager de tirer les leçons de ces expériences qui vous arrivent ou du moins, les relativiser, les prendre comme des épreuves, qui ont la capacité de vous faire grandir ?
      J’ignore si vous avez bien lu l’article mais Boris Cyrulnik souligne les faits importants :
      « Au regard de la neurologie, le bonheur et le malheur ne sont pas extérieurs au sujet. Ils sont dans le sujet. »
      « Placez des gens dans une situation de bonheur total, où tous leurs vœux sont immédiatement exaucés, où rien ne vient contrarier leurs moindres désirs : ils se retrouvent vite malheureux. À partir d’une certaine dose, tout bonheur devient insoutenable. Par contre, mettez ces mêmes personnes dans un état de malheur, elles vont souffrir, mais aussi lutter : « Je vais me battre contre le malheur et le vaincre.»
      Êtes-vous partant pour vous battre ou du moins, changer votre regard… tout n’est peut-être pas aussi noir dans votre vie, rien que les petits bonheurs de la vie quotidienne peuvent être une source de joie. Je vous en souhaite beaucoup, sincèrement

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  3. La souffrance fait partie de la vie, c’est un chemin différent qui peut nous mener au bonheur. Je crois que la souffrance est ainsi faite… par contre, certaines souffrances nous portes également ou peut nous porter vers des chemins moins heureux… il suffit de faire face 1 jour à la fois au problème à la douleur… du moins je crois. Changer son entourage si le problème vient de là, vouloir guérir si c’est la maladie, vouloir être heureux. Je crois que lorsque la vie nous a offert beaucoup de souffrances, nous désirons un jour nous lever et marcher sur les montagnes afin de retrouver un chemin moins sinueux et plus délicat que l’on aimerait prendre. Le recul, la compassion, les réflexions engagées, il y aurait tant à dire ici…

    Ceux qui ont souffert beaucoup désirent manifestement être heureux un jour mais il existera tout de même des souffrances car l’être est ainsi, fait de sensibilité et d’émotion. Il faut savoir gérer…

    C’est complexe comme sujet.

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    • Oui, c’est complexe, tu le décris si bien et je sens que tu parles d’expérience… avec ta sensibilité à fleur de peau et tes émotions si touchantes. Nous pouvons succomber à trop de souffrances, voire nous y complaire mais le recul, l’auto-compassion et les leçons que nous tirons de nos souffrances nous permettent d’en sortir et apprécier davantage les bonheurs de la vie.
      Le choix nous appartient, nous savons que la souffrance peut revenir mais si nous l’acceptons, non pas comme une fatalité mais comme un chemin d’avancement, nous pouvons « marcher sur les montagnes », comme tu le dis si joliment…

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  4. La souffrance et la maladie devraient nous permettre de relativiser les petites contrariétés quotidiennes qui, sans cet effort, nous pourriraient abominablement la vie, ce que ne comprend pas la majorité d’entre-nous… et là j’ai une pensée particulière pour ceux dont la vision de la vie est fortement influencée par l’image lénifiante que voudrait en donner la télévision (d’avant la télé-réalité et l’actualité-catastrophe) 😆

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    • Merci, Agathe, je suis heureuse de ton passage… et bien évidemment, tout à fait d’accord avec ton commentaire…
      Nous vivons dans une société qui a perdu tous ses repères et effectivement, entre le bonheur obligatoire et la peur, savamment distillée il y en a qui sont complétement déboussolés et ne trouvent le recours que dans les illusions ou dans les antidépresseurs…
      Restons conscients et responsables de nos vies

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      • Les ad ne sont pas une illusion!je suis choquée de lire ca,j’en prends et suis pourtant combative mais je vous trouve dure la! j’ai 43 ans et je pense que ce que dit cyrulnik et vous n’engage que vous!a ce compte la allez dire ca a des gens malades depuis des années et qui se battent!on est pas égaux si v ous me permettez et j’aime la vie pourtant.merci d’arreter de dire que c’ est une illusion car c’est culpabilisant!!

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        • Commençons par le principe que tout ce que dit quiconque n’engage que lui, et si vous lisiez mes commentaires, vous verriez que j’insiste toujours sur le fait que je n’exprime que mes propres opinions et ne demande à personne de me croire sur parole.
          J’accompagne tous les jours les gens dans une grande souffrance, que j’ai personnellement connue aussi, comme je vous ai répondu dans mon commentaire précédent.
          Et je sais les accueillir, sans nier leur douleur… et ne vous demande pas de me croire…
          J’entends aussi la vôtre, Séverine mais je ne culpabilise personne… je remarque juste la violence de votre réaction, et si vous permettez, je vous invite à réfléchir sur
          le « pourquoi » de cette colère…
          Amitiés et merci pour vos commentaires

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  5. Je m’invite pour commenter. Le sujet de l’article est intéressant, mais j’ai du mal à adhérer à la théorie voulant que les malheurs rencontrés sont gages de bonheur ultérieurement. Je peux concevoir qu’on peut développer une résistance au malheur mais l’idée de « souffrir » pour être heureux me paraît tellement dans la lignée judéo-chrétienne…. comme une manière d’accepter. Je n’ai peut-être pas le vécu pour comprendre, mais j’ose croire que le malheur n’est pas nécessaire, bien qu’il soit en quelque sorte parfois inévitable.

    Mes salutations
    Kleaude

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    • Bonsoir Kleaude et soyez le bienvenu sur ce blog. Je conçois aisément votre résistance devant l’énoncé : « il faut souffrir pour être heureux », effectivement, il est fortement connoté par la pensée judéo-chrétienne, dont je me débarrasse depuis des années…
      Mais si on remplace la souffrance par les épreuves de la vie, je ne suis pas la seule à confirmer qu’une fois dépassées, elles nous rendent beaucoup plus forts et nous permettent de relativiser un éventuel « malheur »…
      Je le conçois surtout dans le sens que tout est duel dans notre nature et que pour ressentir le bonheur, il est nécessaire de connaître son opposé…
      Le titre peut effectivement provoquer des réticences mais le contenu de l’article lui donne un autre éclairage.
      D’ailleurs, je ne cherche absolument pas à vous convaincre, surtout que je suis parfaitement d’accord avec votre commentaire 😀
      Mes amitiés

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  6. Un jour, j’étais morose et désenchantée par la violence, par la vie, par les êtres humains et je ne comprenais pas pourquoi le monde était si douloureux, pourquoi j’étais en souffrance et quelqu’un ma dit : vois-tu, il n’y a jamais eu autant de solidarité, de mouvements humanitaires d’entraide depuis que c’est de plus en plus dur. IL FAUT DES TENEBRES POUR VOIR JAILLIR LA LUMIERE.

    Depuis, j’essaie de voir la lumière en priorité, celle qui donne l’espérance et l’espoir, celle qui réchauffe et qui unit et qui un jour dissipera les ténèbres….

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    • Merci, Ladyelle pour ce magnifique commentaire… Effectivement, nous pouvons nous dire que le monde va mal mais nous pouvons aussi prêter plus d’attention à ce qui est beau, lumineux, plein d’espoir. Bien sûr, il y a des jours où nous sommes affectés par la souffrance, la nôtre ou celle qui nous entoure mais l’accueillir est le premier pas vers le changement.
      Et cette phrase est si belle et juste, si nous sommes plus nombreux à réagir comme toi, la Lumière dissipera les ténèbres…

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  7. J’aime beaucoup Boris Cyrulnik, il m’apaise… C’est très intéressant ce lien entre vie sociale intense et consommation moindre de psychotropes.. Les médecins le constatent en France lorsque par ex leurs patients repartent dans leur pays d’origine pendant les vacances. Dès leur retour, ils vont souvent moins bien (surtout les femmes apparemment)…

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  8. En partant de l’hypothèse que nous sommes dans la dualité, l’affirmation de Boris Cyrulnik : « Pour être heureux, il faut avoir souffert » est vrai.
    Et si l’on souffre, c’est parce que nous le valons (voulons) bien. Ha, haaaa, haaaaaaa.

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    • Ravie de voir que tu es d’humeur à rire, Constellation 😀 Et en même temps, tu as raison, la souffrance ne nous affecte plus de la même manière si, après un cheminement, nous décidons que nous pouvons être bien, peu importe les circonstances. Mais, c’est souvent la souffrance qui nous met sur ce chemin… alors, ce n’est pas si évident que ça…
      Bisous et bon dimanche

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  9. Ce qu’il explique est séduisant, pourquoi veut-il convaincre avec des preuves scientifiques mal comprises? la plus redoutable : je cite : » Nous sommes déterminés à 100 % par nos gènes et à 100% par notre environnement. Scientifiquement, …..etc

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    • Je ne suis pas une scientifique mais je crois que ce que vous citez, sorti de son contexte semble effectivement contradictoire… Mais il dit bien avant : « Cela dit, je n’utiliserais pas le mot « reprogrammer », parce qu’aujourd’hui, nous savons que personne n’est programmé. Même génétiquement. L’idée que nos gènes nous déterminent a fait long feu. Quelle est la conclusion du fameux « décryptage du génome humain » ? Vous avez entendu ce silence ! »
      Puis : « Mais qui parle de « programme génétique » ? Des journalistes, des psychologues, des psychiatres, jamais des généticiens ! Attention, je ne nie pas l’existence d’un déterminant génétique. Lorsque le spermatozoïde de votre père a pénétré l’ovule de votre mère, ça ne pouvait donner qu’un être humain, pas un chat, ni un vélomoteur. Mais ça n’était en rien prédestiné à devenir vous ! Le déterminant génétique donne un être humain. »
      Et : « Le gène est aussi vital que l’environnement, ils sont
      inséparables. »
      Donc, à suivre attentivement son raisonnement, il n’y a pas de contradiction, du moins je n’en vois pas…

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  10. Bonsoir Elisabeth,
    Voici une publication extrêmement riche d’enseignement, merci à toi de transmettre cela 😉
    Je suis en parfaite accord avec Mr Cyrulnik, lorsque tout va bien l’être humain oubli qu’il est heureux, il faut hélas passer par la souffrance, le malheur pour le comprendre…pauvre humain que nous sommes… Une chose me gène dans ma lecture de ce monsieur, il m’est beaucoup trop prolixe à mon goût 😉
    Je vais peut-être choquer en écrivant ceci, mais je pense, que de nos jours la vie est facile, trop confortable, un paradoxe lorsque qu’effectivement nous découvrons que nous sommes des champions de consommation d’anti-dépresseur, le Français est aussi champion en mal de dos et de ventre entre autre. Le mal psychique se traduit par le mal du corps !
    Avec le temps, je me disais que nous sommes trop heureux, ceci expliquant certainement cela.
    Ton billet relève un autre motif qui ma foi me parle, l’éclatement de la famille. Il est vrai qu’avant les membres d’une même famille étaient uni, ce qui donner un grand partage et une vie rassurante, ce qu’hélas la vie moderne à briser. Un autre facteur qui me semble important est l’individualisme de notre société.
    Lisant les coms de tes amis, cela m’a rappelé qu’il y a quelque temps, j’étais venu à cette réflexion, la philosophie devrait être enseigner à tous, car elle permet de cheminer dans sa vie, il me semble, bien plus facilement, qu’en penses tu ?
    Alors pointe une question essentielle, comment faire pour renverser le processus Elisabeth ? !
    Zou j’arrête là mon bavardage, il est plus que l’heure d’aller au lit, je te la souhaite belle et douce et t’embrasse tendrement

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    • Tu as raison, Fanfan, il y a beaucoup de contradictions dans l’être humain et il nous faut vivre en les acceptant, sinon le paradoxe même de l’existence la rendrait impossible.
      Certes, l’interview est longue, j’ai pensé à la couper ou publier en deux parties mais je trouve qu’elle y perdrait car certaines choses, surtout en ce qui concerne le fonctionnement du cerveau sont tout de même nécessaires à la compréhension.
      La vie est-elle trop facile ? Du côté de confort matériel certainement mais nous vivons tout de même dans la société anxiogène et il nous faut résister en permanence à la peur générée par les médias et à toute cette ambiance négative : il suffit de regarder le journal télévisé pour avoir le moral dans les chaussettes. La crise, la peur du chômage, le jeunisme, tout ça sape sérieusement le moral.
      Peut-être aussi le fait que les Français n’ont pas vécu de situation vraiment difficile depuis la révolution y contribue aussi ?
      Quant à l’individualisme c’est certain, les liens sociaux et familiaux ont éclaté au point que pour être écouté, il faut payer un psychiatre.
      La philosophie est bien enseignée dans tous les lycées mais je ne crois pas que cela change quelque chose…
      Je dirais qu’il serait préférable d’apprendre aux enfants la confiance en eux et en la Vie mais comment demander cela aux parents qui ne la possèdent pas ?
      Je crois qu’il y a beaucoup de sages qui enseignent comment inverser la tendance mais il n’y a qu’un minorité qui les écoute.
      Ne perdons tout de même pas confiance, je crois qu’avant d’aller vraiment droit dans le mur, les consciences vont se réveiller.
      Beau dimanche, Fanfan, je t’embrasse

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      • Je suis en accord avec toi Elisabeth, je n’ai pas été assez pointilleuse sur mon analyse, pardon, nous vivons dans une société de confort qui génère d’ailleurs plus encore de besoins, apportant donc son lot de frustration, mais en matière de sécurité cela laisse a désirer effectivement.
        Je pense plus près de nous les guerres de 14-18 et 39-45 ont donner des situations complexes, je me trompe ?
        Tu sais, personnellement, la philosophie m’a beaucoup apporter, me faisant réfléchir sur les questions existentielles, j’ai donc beaucoup acquis à travers elle, voici donc pourquoi j’ai noté cela 😉
        Non Elisabeth, il ne faut effectivement pas désespérer ! Il faut croire en la vie et en l’être humain quoi qu’il en soit 😉 🙂
        Je te souhaite une très bonne nuit et te dépose quelques notes, d’espoir !

        Plein de bisous tendres 🙂

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        • C’est un sujet très sensible, que j’évite habituellement, Fanfan mais si la guerre 14/18 a effectivement généré beaucoup de souffrances chez les soldats, celle de 1939 a très peu affecté la population. Je m’exprime en tant que représentante d’un peuple qui a été décimé et qui s’est vraiment battu et a résisté : les Polonais. Les Français ont juste eu faim, ce qui pour eux est une grande souffrance, effectivement mais bon… il faut connaitre l’histoire de la Pologne. De l’autre côté, si les Polonais avaient vécu comme les Français, ils se seraient comporté différemment, je suppose… Bref, comme je dis, je ne parle plus de sujets qui fâchent, évitons les jugements.
          Quant à la philosophie, tu l’as mise en application mais si elle n’est pas vécue, elle n’aide en rien, pas celle des écoles en tout cas.
          Restons donc optimistes et gardons la foi en l’humanité, comme dans ta belle chanson… et merci pour cette passionnante discussion qui nous entraine si loin. Bisous tendres et belle nuit

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          • Bonjour Elisabeth,
            Pardon, je t’ai poussé dans tes retranchements, j’ai vraiment été maladroite. Si à l’avenir cela devait encore être, ne réponds pas à mon com, ne le publie pas, je suis sincèrement désolé de t’avoir emmener dans une période de l’histoire qui a tant marqué et qui pour certain et très lourde… Excuse moi…
            Je te souhaite un très bon dimanche Elisabeth avec le soleil au coeur et au dessus de ta tête ainsi qu’avec mes plus tendres bisous

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            • Chère Fanfan,
              Si je me suis laissée pousser dans mes retranchements, ce que je gère encore mal certaines remarques mais c’est nullement de ta faute, juste un sujet sensible que j’ai encore du mal à aborder. Nos discussions me sont très précieuses et je sais que tes intention étaient bonnes et tes questions, posées en toute bonne foi. Ne me demande surtout pas pardon, c’est à moi de ne pas me laisser emporter par le poids du passé…
              En amitié, nous pouvons aborder tous les sujets, juste si nous tombons sur les blessures de l’une ou de l’autre, celle qui les ressent se doit de prévenir. Où bien apprendre à mieux gérer ses émotions…
              Tu n’as pas à t’excuser, au contraire, cela a encore été une belle leçon de vie et de non jugement et je t’en remercie.
              Je t’embrasse très tendrement, douce amie, et ne te prive surtout pas de ce que tu as à dire, je crois qu’entre nous, nous pouvons nous le permettre. Douce soirée, Fanfan

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  11. On ne pourrait pas connaître le positif
    si on ne connaissait pas le négatif…

    Il faut savoir jeter l’ancre
    pour attendre que la tempête se passe…

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    Bon Mois de Septembre !
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  12. Hé oui, tout dans ce monde est dualité l’ombre ne peut exister sans la lumière, le bien et le mal, la matière et l’anti-matière, le plaisir et la douleur, Dieu et le Diable… Et comme tu dis si bien le Yin et le Yang bref pour apprécier une chose, faut connaitre son contraire.
    Bises Élisabeth, je te souhaite un doux et merveilleux WE, @+

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  13. J’ai beaucoup aimé …
    J’ai appris…ça aussi j’aime ….( sourire )
    Par contre je suis désolée que la France vienne en 2e, pour le taux de dépressions…je n’aurais pas cru ….

    Merci pour ce partage …Génial !!!
    Bon weekend Elisabeth
    Tendresse
    Manouchka

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    • Si, Manouchka, les Français sont champions de la consommation des anxiolytiques et des antidépresseurs, prescrits par facilité et souvent à tort.
      Heureusement, de plus en plus de voix s’élèvent contre ces abus.
      Merci pour ton passage, ma douce, tendresses et excellent week-end

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  14. J’aime beaucoup les écrits de BCyrulnik. Et je suis entièrement d’accord avec ce qu’il dit. C’est drôle en lisant l’article, je repensais à mes cours de philo. J’avais été percuté par un cour où le prof disait justement que l’on ne sait que les choses sont blanches QUE parce que nous avons du noir; que quelque chose est petit parce qu’autre chose est grand, moche parce que beau et ainsi de suite.
    L’alchimie psychologique incite également, Jung également, à plonger dans l’obscurité, la traverser pour atteindre la lumière. Sans désordre chez soi, comment avoir la satisfaction d’une maison bien rangée?
    Le propre de l’être humain est de croire que tout doit toujours être beau, lisse, net et sans bavure. C’est faux. Et cet article l’explique parfaitement. Nous vivons dans une société qui veut tellement cacher ses erreurs, ses problèmes, ses crasses qu’on finit par ancrer dans l’inconscient que tout cela est MAL. Et dès qu’on y touche, qu’on le voit, on se sent MAL à notre tour, coupable et détestable.
    Ah vite, vite réhabilitons l’erreur, le problème, l’ombre. Viiite! Et nous pourrons alors vivre sereinement!

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    • Merci, Maria pour ce commentaire si riche. Les anciens le savaient déjà, une chose ne peut exister que par rapport à son opposé. Et les travaux de Jung, que j’adore également, ont démontré la nécessité de plonger dans ses zones d’ombre pour les éclairer à la lumière de la conscience. Sans cela, aucun avancement psychologique n’est possible.
      Il est vrai aussi que ce besoin de perfection et le sentiment de contrôle nous donne la fausse impression de maîtriser ce qui de par sa nature n’est pas maitrisable… et que cette croyance nous fait vivre dans un sentiment de culpabilité et de honte de ne pas être à la hauteur.
      Alors, comme tu dis : « Ah vite, vite réhabilitons l’erreur, le problème, l’ombre. »

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  15. Plein de sagesse cet article même s’il est difficile d’admettre que le malheur nous est aussi nécessaire que le bonheur, l’interpénétration de l’un dans l’autre assure l’équilibre à l’image du yin et du yang

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  16. A reblogué ceci sur Thomassonjeanmicl's Blog and commented:
    J’ai rarement vu un article si passionnant et qui pose de vraies questions. J’y retrouve bien les notions de complémentarité, réalité paradoxale.. Cyrulnik utilise à fond les données des neurosciences en essayant de ne pas tomber dans un scientisme à la J.P. Changeux. Il dit aussi une chose que je ressens aussi: Le point fort de l’humanité, par lequel nous sommes clairement menacés de disparaître, c’est notre intelligence technologique, désormais si puissante qu’elle modifie la biosphère…La conscience humaine était fondamentalement basée sur à l’harmonie et l’équilibre et sur l’amour qu’avaient développée les cultures basées sur la spiritualité et qui risquent de disparaître avec une culture purement binaire et technologique. Mais heureusement les révélations sont possibles…

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    • Je me doutais qu’il vous plairait cet article car il est tout à fait dans la lignée de vos recherches si approfondies, et vous êtes à même de bien saisir toutes ces notions scientifiques qui puissent paraître ardues.
      Vos remarques sur les forces/faiblesses des civilisations sont toujours aussi justes mais je crois que tous les deux, nous attendons le renversement de la situation et le retour aux vraies valeurs.

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  17. J’adore Boris Cyrulnik, il nous apprend beaucoup de notre condition d’homme, et de la possibilité de surmonter le pire.
    C’est curieux cette fourni, une maladie de la grosse tête ou juste une race ?
    Le bonheur ne s’apprécie malheureusement que par opposition au malheur, nous serions heureux toujours, cela n’aurait pas de charme.
    bonne journée

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    • Le pire qu’il a bien connu, surtout dans son enfance et qui lui a inspiré la notion de la résilience.
      La fourmi n’a pas de grosse tête, elle pousse juste une goutte de miel et cela pur illustrer l’état d’ivresse dont il est question dans l’article, j’ai trouvé la photo drôle 😀
      Merci pour ton commentaire, Ava, cela me fait penser au dicton : « l’éternité c’est long, surtout vers la fin »
      Belle soirée à toi

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  18. Chère Elisabeth, à nouveau une perle. B. Cyrulnik est passionnant et cette interview est d’une richesse immense par les pistes, éléments qu’elle dispense. Gratitude à toi et à lui pour la diffusion. Bises, De tout cœur, Agnès

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  19. Ca fait très longtemps que je lis Cyrulnik et sa notion de la résilience m’a beaucoup apporté ; J’aime particulièrement sa distanciation intelligente vis-à-vis de la conception du bonheur à tout prix dont on nous bassine à longueur de temps, au mépris de toute interrogation de fonds sur ce que ça veut dire, et en méconnaissant effectivement les mécanismes profonds qui sont à l’œuvre chez l’humain. Et ce qui ne revient pas non plus à légitimer bêtement toute forme de souffrance.

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    • Boris Cyrulnik est un homme et un thérapeute que j’estime aussi particulièrement car, non seulement sa notion de la résilience a aidé tant de personnes mais justement, comme tu dis, il sait faire la distinction fine et intelligente entre le bonheur vrai et celui, prôné partout dans cette société, qui veut nous faire croire qu’il y a une solution à tout…
      Et comme il connait les mécanismes qui régissent nos comportements, il est en mesure d’apporter des vraies solutions, basées sur son parcours de vie où la souffrance a tenu place d’un moteur pour avancer

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