Les rêves, nos alliés de nuit

Loin d’être des fantaisies inutiles, nos rêves nous parlent. Ouvrir le dialogue avec eux, c’est se donner la possibilité d’évoluer.

 « C’est vraiment étrange. Cette nuit, dans mon sommeil, je retrouvais mon père, mort il y a quinze ans. Il était sans rides, jovial, en pleine forme. Nous avions une longue conversation, et ce matin, je me suis réveillée avec une belle énergie, comme renouvelée. ». « Moi, j’entrais dans une maison et je découvrais encore et encore des pièces inhabitées… »

Ces dialogues de rêveurs étonnés, nous en avons tous. Avec nos conjoints, nos collègues, nos enfants… A chaque fois, celui qui nous raconte l’un de ses rêves nous fait un cadeau.

Il nous révèle une part extrêmement intime de lui. Peut-être la plus intime et la plus libre : gratuite, poétique, non contaminée par les règles, les conventions sociales ou les attentes des autres, cette « seconde vie » onirique, comme disait le poète Gérard de Nerval, est un pur produit de notre être profond. Et un formidable outil d’évolution et de connaissance de soi.

Protecteurs des rêveurs

Messagers des dieux grecs, inspirateurs des prophètes ou des grands chefs indiens, nos récits oniriques ont toujours été perçus comme des guides bénéfiques. Freud, puis aujourd’hui certaines études scientifiques, confirment qu’ils sont des « contenants » réellement nécessaires à notre survie.

« Gardiens du sommeil » pour l’inventeur de la psychanalyse, ils nous aident en premier lieu à rester plongés dans le repos. Ainsi, rêver qu’il boit à une source d’eau fraîche évite à celui qui a soif de se réveiller.

Notre vie onirique nous permet aussi de recycler, trier, éliminer certaines informations accumulées lors des événements de la journée. Grâce à nos rêves, nous rejetons le superflu, dégageons nos priorités. Et assouvissons enfin, si l’on en croit Freud, nos désirs les plus inavouables. De quoi nous reconstruire et partir d’un bon pied chaque jour, en quelque sorte.

Surtout, les rêves semblent avoir le pouvoir de nous mettre en contact avec une réserve de connaissance ancestrale et universelle. Pour les Aborigènes, les visions oniriques préexistent d’ailleurs au rêveur.

Elles sont « avant » lui et fondent l’univers. « Nous disposons dans nos rêves d’un fonds de connaissances beaucoup plus vaste que celui que nous possédons à l’état de veille », affirme le psychanalyste Guy Corneau. La preuve : nous découvrons parfois dans notre sommeil des symboles ou des mots que nous ignorons ou n’utilisons jamais consciemment.

Des images venues de la nuit des temps

rêve

Freud appelait ces éléments qui ne sont pas individuels ou liés à l’histoire singulière du rêveur des « résidus archaïques ». Jung, lui, les nommera « archétypes ». Ces « formes psychiques qu’aucun incident de la vie ne peut expliquer semblent être innées, originelles et constituer un héritage de l’esprit humain (In Essai d’exploration de l’inconscient, Gallimard, “Folio”, 1988) ».

L’inventeur de l’inconscient collectif l’a observé en particulier auprès des enfants. Une petite fille de 10 ans avait raconté plusieurs rêves à son père, un patient de Jung. Y apparaissait une « bête malfaisante, un monstre à forme de serpent avec de multiples cornes ». Jung découvrit que ce
« serpent à cornes » n’avait été mentionné qu’une seule fois, dans l’alchimie latine du XVIe siècle. Comment l’enfant pouvait-elle avoir eu accès à cette image ?

Produits de notre « psyché vertigineusement ancienne », comme disait Jung, ces images sont des représentations instinctives venues de la nuit des temps et transmises de génération en génération. Figures du serpent, des frères ennemis, du labyrinthe, de l’eau, du soleil…

Nourris de mythologies, de religions, le plus souvent universels, ces symboles viennent peupler nos rêves au milieu de nos préoccupations professionnelles ou affectives du moment. Et apportent sur celles-ci un éclairage nouveau.

Les dictionnaires et clés des songes de tous bords tentent de réduire ces images à une simple signification : « ça » ou « ça ». Ils ont tendance à laisser croire qu’il existe un « prêt-à-interpréter » comme il y a un prêt-à-porter pour tous.

En réalité, et toute personne en analyse le vérifie à chaque fois qu’elle associe un détail de son rêve à une figure mythologique (Œdipe en est bien une…), c’est dans le dialogue qu’elles ouvrent entre universel et singulier, entre inconscient et conscient, entre savoir de l’humanité et interrogations personnelles que ces images deviennent fécondes et inspirantes.

Des facteurs de création

En ce sens, il est impossible d’affirmer que tel rêve est positif ou négatif (même nos cauchemars les plus affreux font affleurer à la surface des angoisses qui, refoulées, nous empêcheraient d’avancer). Les images de nos scénarios oniriques ont toujours plusieurs sens, et c’est le travail d’association et d’interprétation qui nous permet de mieux comprendre et d’évoluer.

La plupart des thérapeutes et conseillers en développement personnel nous incitent à tirer profit de nos rêves en établissant un dialogue régulier avec eux via des carnets de rêves, des journaux intimes…

Si une image ne prend son sens qu’au milieu des autres, un rêve ne délivre en effet son message que dans sa continuité avec les rêves précédents ou suivants d’un rêveur particulier, ainsi que l’observait Jung.

Pour Guy Corneau, ce sont les rêves du matin, ceux que nous avons en phase de sommeil paradoxal, qui peuvent le plus nous aider. Ce sont d’ailleurs ceux dont nous nous souvenons le plus facilement. « Ils sont à la fois les plus symboliques et les plus près de nos préoccupations conscientes, car nous commençons à nous préparer pour le jour qui arrive.

L’inconscient propose alors son angle créateur et élargit le point de vue de la conscience sur les problèmes que nous rencontrons. » Certains font ainsi l’expérience d’un rêve qui les remet sur la bonne voie, celle qui est juste pour eux.

Raconter ses rêves à un autre est un premier pas. Écouter ceux des autres est aussi enrichissant, même si le récit détaillé de notre interlocuteur peut nous ennuyer (parce que ce ne sont pas
« nos » visions, « nos » images, et que nous avons donc moins d’émotions à leur contact). Mais le vrai bénéfice vient d’un lien approfondi et régulier avec nos visions personnelles.

« Soyons attentifs à nos images oniriques singulières, invite la thérapeute américaine Patricia Garfield. Méditons-les, suivons leur développement à travers notre journal de rêves, concrétisons-les à l’état de veille, intégrons-les dans notre moi conscient, et notre personnalité viendra ainsi à s’épanouir ». Alors peut-être nos jours seront-ils réellement plus beaux… grâce à nos nuits.

livreLe bréviaire du bon rêveur

Pour construire une relation plus intime avec ses songes, il faut d’abord s’en souvenir, puis les interpréter. Quelques pistes pour y arriver.

• En vous couchant, répétez-vous : « Je veux me souvenir d’un rêve demain. »

• N’interrompez pas volontairement votre sommeil. Mais soyez prêt à griffonner quelques mots dès votre réveil ou dans la nuit. Pour ce faire, posez sur votre table de chevet un cahier ou un magnétophone.

• Plus tard, reprenez ces notes succinctes pour écrire précisément le récit du rêve dans un carnet dédié. Comptez un petit quart d’heure. Ne vous souciez pas du style. Tâchez de détailler la description des événements et de ce que vous avez ressenti. Datez et titrez.

• Interrogez-vous sur la signification de vos songes : compilés dans un journal, ils devraient rapidement faire apparaître des situations ou des thèmes récurrents.

• Astreignez-vous à répéter cet exercice régulièrement. C’est avec le temps et l’expérience que des clés vous apparaîtront et que vous pourrez mieux comprendre vos rêves.

Pascale Senk

A lire :

Le Livre des rêves de Sylvain Michelet, Roger Ripert et Nicolas Maillard.
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur vos voyages nocturnes (Albin Michel, 2000).

Mille et Une Façons de décoder nos rêves de Tony Crisp.
Une lecture moderne de notre vie relationnelle telle qu’elle apparaît dans nos rêves (Éditions Contre-Dires, 2006).

 

 

 

 

35 réflexions sur “Les rêves, nos alliés de nuit

  1. J’aime beaucoup les mystères que nos rêves nous font découvrir. Parfois un peu dingue, rien à comprendre et par moment, révélateur. Énigmes à déchiffrer, essayer comprendre le sens réel, tenter de trouver l’interprétation. Pour ma part, je crois que les rêves sont importants. Tout est possible dans cette espace-temps, où notre subconscient est maître. Il n’y a pas de limite à ce que nous pouvons vivre dans l’imaginaire.

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  2. J’ai lu l’article avec intérêt. Je partage le contenu et les références à Jung.
    Depuis mon AVC, et mon opération pour le cancer du colon, je revis l’anesthésie pratiquement tous les jours surtout pendant ma sieste. Je fais des rêves fantastiques que je cherche à prolonger au réveil. Ils ont surtout un lien avec tout ce que j’ai vécu et connu. J’aimerais bien les analyser avec des spécialistes qui pourraient m’aider à comprendre leur signification.
    En tout cas, merci pour la qualité de vos articles.

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    • Je crois que Jung sera toujours notre référence commune. Et encore une belle synchronicité, je fais aussi souvent des rêves magnifiques et presque « tactiles » (j’espère que les vôtres le sont aussi) et il m’arrive souvent de me rendormir pour les prolonger et ça marche… un pas vers le rêve lucide…
      Quant à la signification, je crois que vous êtes pas mal « outillé » pour les interpréter, sinon, les spécialistes existent.
      Merci pour vos riches commentaires

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    • Sois la bienvenue sur ce blog, Flipperine et merci pour ton témoignage. Je crois que si tu fais des cauchemars, ce que ton inconscient essaie d’évacuer quelque chose. Et si l’événement est ancien et bien ancré, l’espace-temps sont abolis, comme souvent dans les rêves.
      Il serait peut-être bon, que tu voies d’autres récurrences, à part le lieu, pour te mettre sur la piste du « pourquoi » et faire le travail qui te permettrai de ne plus être aussi tourmentée la nuit.
      J’aime beaucoup ton beau blog mais je n’ai pas pu y laisser de commentaire…

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  3. Bonjour Elisabeth,
    Très très intéressant ton billet 🙂
    Je suis comme Yveline, il est extrêmement rare que je me souvienne d’un rêve… D’ailleurs voilà quelques années que cela me questionne, sans pour autant trouver la réponse.
    Voilà plusieurs fois que je lis que les rêves permettent de se connaitre, cela m’interpelle, après réflexion, je pense que cela est vérité.
    Une fois, j’ai lu qu’il était mieux dans certains cas de ne pas s’en souvenir car nous deviendrions fou, alors se serai une protection. Je ne sais vraiment pas et j’avoue que j’aimerai vraiment comprendre.
    En attendant continuons notre p’tit bonhomme de chemin, ceci toujours dans un partage agréable et en …musique…

    Belle journée à toi Elisabeth avec le soleil jusqu’au coeur de ton coeur et mes plus tendres bisous

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    • Je crois, Fanfan, que s’il y a un sujet où il est difficile de comprendre, ce sont nos rêves. Beaucoup de personnes disent ne pas s’en souvenir, pourtant tout le monde rêve. J’avancerai une hypothèse, que le fait de ne pas garder trace de notre vie nocturne ne change en rien le fait que le travail se fait, que ce soit sur le recyclage, la reconstruction de nos journées mais aussi et surtout le symbolique.
      Et sûrement, il y a des rêves qui ne viennent pas à la conscience car leur contenu pourrait menacer notre psychisme. Déjà, nous savons, dans quel état peuvent nous mettre certains cauchemars.
      Je suis certaine d’une chose : notre réveil est conditionné par notre vie nocturne, parfois nous nous levons de très bonne humeur, parfois maussades, tristes et fatigués. Comme je suis de ceux qui gardent le souvenir de leurs rêves, je peux te dire, que justement, leur tenue nous influence aussi en état de veille.
      Peut-être un moyen de t’en souvenir, serait émettre, en te couchant, le désir de te souvenir de tes songes… essaye, si tu as envie.
      En attendant, je t’embrasse fort, merci pour ce beau morceau de musique au titre si évocateur…

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      • 🙂
        Merci Elisabeth pour tes explications, nos réactions sont parfois un mystère…moi qui aime comprendre…sur ce sujet, je suis quelque peu frustré 😉
        Je vais essayer, cela ne mange pas de pain 😉 🙂
        Je ne résiste, je te dépose un p’tit bonheur

        🙂
        Très bonne journée Elisabeth avec plein de bisous de tendresse

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        • Cela fait partie de notre cheminement, Fanfan, d’accepter qu’il y a tant de questions auxquelles nous n’aurons jamais de réponses.
          Et souvent, en lâchant prise sur ce qui nous frustre le plus, les choses se débloquent…
          Merci pour cette adorable vidéo et plein de bisous tendres

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  4. Fascinant comme sujet. Mystères en soi, les rêves nus subjuguent et ont tant à nous dire. Faut apprendre à les .couter et les décortiquer..quoique encore là, il faut peut-être laisser libre cous à la spontanéité. Ils font leurs œuvres, qu’on les comprennent ou pas, mais mieux les saisir permettraient d’en maximiser la portée.

    Amitiés

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    • Les rêves fascinent et interrogent depuis la nuit des temps. Ils ont beaucoup à nous apprendre, même si certains sont difficiles à décrypter.
      Mais comme vous dites, il faut apprendre à les écouter et déchiffrer leur mystère car ils délivrent les messages venus de nos profondeurs.
      Merci et amitiés à vous, Kleaude

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  5. La magie de la machine humaine, si loin des plus hautes performance technologiques qu’on puisse imaginer. On ne sait pas d’où l’on vient mais quelle merveille nous sommes… C’est cette complexité qui est inexplicable un vrai mystère! Comment catalyser des penser et évacuer un trop plein par des rêves… Miracolo!

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    • Oui, c’est bien de la magie et l’âme humaine et si complexe. Nous avons beau vivre au milieu de toute cette technologie, dans nos rêves nous sommes toujours connectés aux Archétypes et à l’histoire la plus reculée de l’humanité…
      Tu as raison de dire que nous sommes des vraies merveilles… merci pour ce beau commentaire

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    • Bonjour Candide, bonjour Elisabeth …

      J’ai beaucoup aimé ce film que j’ai revu plusieurs fois…Une histoire qui sort de l’ordinaire…
      Pour ce qui est des rêves….: j’ai rêvé beaucoup, et j’ai utilisé les outils mentionnés dans ton article ainsi que ceux proposés dans les livres que j’ai chez moi… et ça marche …
      Je ne sais pas si c’est parce que j’ai réglé beaucoup de choses de ma vie, mais je rêve moins…et quand je rêve…c’est assez banal alors qu’avant mes rêves étaient remplis de puissants symboles…
      Encore une fois ..merci pour la richesse de tes articles ….
      T’ai-je dit que je les garde tous….pour une référence future ? ( sourire )….

      Bonne soirée à vous deux …
      Tendresse

      Manouchka

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      • Je n’ai pas encore vu le film mais si vous aimez tant, nous en reparlerons.
        Merci d’évoquer ton expérience des rêves, cela peut être utiles à ceux qui s’interrogent. Tu as si bien travaillé, que les choses les plus importantes sont réglées et peut-être aussi, dans ton cas, grâce à ta créativité diurne, tu exprimes ce qui apparaissait avant en rêve… qui sait ?
        Je suis si touchée que tu gardes ces articles, tu me fais un grand honneur. Et moi, je garde ton beau roman, dont je ne me lasse pas, surtout que tu nous tiens encore en haleine….
        Belle soirée, douce Manouchka, toute ma tendresse.

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        • En réponse à candide57.
          Alors tant mieux …!
          Devons-nous comprendre par ces petits signes que nous nous améliorons dans quelque chose? ..( sourire)
          Merci pour votre visite sur mon blog, j’en ai fait autant…Ce concours de photos, est vraiment génial …Bravo…
          Bon weekend

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          • En réponse à Madeleine Lafrance.
            je ne sais pas si nous nous améliorons ou si nos envies et nos peurs diminuent… mais j’aimais bien rêver!!! c’était toujours des trucs pas possibles!!! 😛
            bon dimanche aussi… pluvieux, j’en ai peur!!!
            merci pour le concours… peut-être participeras-tu au prochain!!! 😛

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  6. J’en parlais ce matin sur le net…de mes rêves.
    Synchronicités !
    Comme dans l’un je traversais la mer du nord à pied, sur un genre de limon recouvrant l’eau et praticable…et que nos rêves remontent à loin dans le temps, bien avant nous…
    jadis, on pouvait rejoindre l’Angleterre à pied par la mer….mais c’était au temps reculés de la préhistoire….oups!
    bises

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