La maturité ou l’homme renouvelé

Quels sont les signes de non-maturité spirituelle? Quels sont ceux de la maturité ?

La première vertu spirituelle est une objectivité incorruptible. Le jugement d’un homme mûr n’est plus soumis à sa subjectivité; il parle des choses telles qu’elles sont. Il est libéré de son petit moi, de ses angoisses et de ses désirs qui lui cachent la vérité des choses; il est ainsi dépourvu de la rigidité d’une opinion définitive. Mûrir, c’est apprendre toujours à nouveau.

La non maturité se distingue également à travers un manque de distance, de « recul » ; elle est craintive, impatiente, volontaire, impulsive et orgueilleuse. L’homme est lié aux choses par des liens purement subjectifs, en sorte qu’il n’est pas capable de les reconnaître telles qu’elles sont, et de les laisser parler par elles-mêmes.

La seconde vertu spirituelle est une calme assurance reposant sur un ensemble de valeurs objectives. L’homme non mûr manque de rectitude; dans la poursuite de ses buts il est instable, influençable, toujours prêt à suivre d’autres maîtres. Il a quelque chose de vague, de louvoyant.

Ses entreprises comme ses enthousiasmes ne sont que feu de paille et se refroidissent pour un rien. Ce qui lui manque : la formation d’un principe spirituel supérieur et, par conséquent, la capacité d’une conscience qui le tienne « en ligne ».

La troisième vertu est le témoignage de la profondeur. L’homme et l’œuvre qui stagnent toujours en surface ne peuvent pas mûrir. Les connaissances restent superficielles, les opinions manquent de conviction. Une œuvre spirituelle est d’autant plus mûre qu’elle a de la profondeur c’est-à-dire que quelque chose luit au travers d’un arrière plan. Le chef-d’œuvre a toujours une transparence vers un au-delà. Il est perméable à la Transcendance. C’est également la raison pour laquelle l’homme mûr dépasse toujours la médiocrité naturelle.

verticalité

La maturité nous affranchit des limites du temps, elle brille d’une lumière qui vient de l’au-delà. Ces possibilités ne sont offertes que dans la mesure où l’esprit humain domine le petit moi qui, enfermé dans le cercle de l’intelligibilité naturelle se barre le chemin conduisant à l’essence des choses.

La maturité spirituelle est donc toujours précédée d’un développement psychique, d’une métamorphose intime, d’un élargissement de la personne qui dégage le Soi profond du petit moi. Aussi longtemps que celui-ci domine, l’individu tourne autour de lui-même, ne pensant qu’à sa propre importance, sa sécurité, ou sa puissance. Afin de vaincre le moi, il faut vaincre sa susceptibilité et sa peur de la souffrance.

Ce qui nous frappe avant tout chez un individu manquant de maturité vis-à-vis de lui-même, c’est sans cesse le besoin d’être approuvé ; il ne tolère pas la moindre critique. Il est toujours prêt à bondir pour se justifier. Il n’a pas d’assurance intérieure. Pourquoi ? Il ne repose pas en son vrai centre, ou il ne l’a pas encore trouvé, n’ayant pas reconnu son être.

C’est pourquoi il lui manque la marque fondamentale de la maturité: le calme inébranlable; quiconque l’atteint ne peut plus être blessé personnellement. Ce qui renverse la personne non mûre – une lourde perte, une déception, une brutale injustice – sera l’occasion, chez l’homme mûr, d’un accroissement de sa maturité; la vraie maturation n’ayant pas de fin. C’est donc encore un signe de maturité que de rester ouvert à la transformation perpétuelle.

Le second signe de maturité personnelle est une sérénité qui ne se laisse jamais assombrir. L’homme non mûr, n’est jamais en paix, ni avec lui-même, ni avec le monde; il est toujours en désaccord avec lui-même et avec Dieu. Et il ne sait pas plus rire de son propre ridicule que de celui du monde. Il ignore l’humour.

De là son éternel passage de la résignation à la révolte. L’homme mûr n’en voudra jamais à la vie car, à travers son non-sens même, il y découvre un sens plus profond. Il accepte avec le sourire ce qui le contrarie, et la fermeté de son âme lui donne la force de transformer l’existence grâce à l’expérience de l’Être.

Le troisième signe de maturité personnelle est une bonté immuable. Il est des hommes entreprenants et très sérieux, mais auxquels manque la capacité d’aimer. Chez l’homme mûr vit l’Unité des êtres dans l’Être. C’est pourquoi son amour n’est pas dépendant de la sympathie ou de la reconnaissance d’autrui. La bonté rayonne de son être indépendamment de lui-même.

K. G. Dürckheim – La percée de l’être, ou les étapes de la maturité – Éditions Le courrier du livre

38 réflexions sur “La maturité ou l’homme renouvelé

  1. J’aime beaucoup l’expression « l’unité des êtres dans l’être ». Il me semble que c’est quelque chose que nous pouvons vivre à de brefs moments, quand, inexplicablement, nous nous sentons en harmonie avec ce qui nous entoure. La maturité spirituelle est un long chemin. parfois, on a un peu l’impression de se perdre. Mais peut-être nous est-elle donnée aussi de manière fulgurante et éphémère. Nous voyons alors vers quelle paix et quelle joie nous sommes capables de tendre.

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    • Chacun pourrait témoigner de son expérience, et je te remercie d’apporter la tienne, riche et profonde mais je crois qu’effectivement, ces moments, si précieux, de se sentir relié, en paix et en lien avec le Tout, nous sont donnés, comme des cadeaux et aussi comme preuves que cela existe.
      Et je crois aussi, que se perdre sur le chemin est une expérience qui, paradoxalement nous y remet, si nous nous rendons compte que nous nous sommes égarés.

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        • Je suis honorée par tes partages et ton intérêt, Coquelicot, autrement, tous ces articles resteraient lettre morte. L’échange, autour des sujets qui nous touchent est si important, surtout s’il s’agit du chemin qui donne sens à nos vies. Et rassure toi, je te trouve très modérée, tu sais passer l’essentiel dans un message somme toute assez bref.
          Je réponds toujours avec grande joie aux personnes qui partagent la même recherche, donc, merci à toi

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  2. Merci pour ce partage
    « La bonté rayonne de son être ». Oui, j’en ai rencontré quelques uns de ces êtres privilégiés… un jour peut être j’en ferai partie
    j y aspire grandement mais je mesure le chemin à parcourir…

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  3. Coucou Elisabeth,
    Comme il me parle ce billet !
    Bon j’ai encore du chemin à faire, je ne désespère pas ! 😉
    Tu avoueras que cela n’est pas des plus facile, mais lorsqu’on a une idée du chemin et de sa direction, ma foi, c’est déjà moins complexe 🙂
    Bonne soirée Elisabeth avec quelques notes, il y avait bien longtemps…

    Plein de bisous de tendresse

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    • « Le chemin le moins fréquenté » n’est pas facile mais nous l’avons choisi en pleine conscience et il n’y a aucune raison de désespérer, Fanfan.
      Nous avons la direction, les compagnons de route et surtout, nous sommes guidés et aidés par ces Présences invisibles, comme celles de ta belle vidéo.
      Merci, je t’embrasse avec tendresse et te souhaite un beau dimanche

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  4. Super Elisabeth ….!
    Nous sommes tous et toutes en devenir ….en cheminement vers…!
    En attendant …..Compassion et bonté …autant que possible …J’y travaille très fort ( sourire )
    Je partage sur FB …
    Bon weekend ma belle
    Tendresse
    Manouchka

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  5. comme souvent ce texte vient m’éclairer au bon moment. IL met des mots sur beaucoup de choses qui tournent dans mon esprit sans réussir à devenir limpides. Quand arrive le moment de la clarté quelque chose se transforme à l’intérieur de soi, quelque chose est prêt à être définitivement lâcher.
    Merci pour la lumière, qui vient éclairer mes nuits du moments avec un point de vue tout à fait nouveau. Tu viens grâce à ce texte de me donner un grand calme. Au bord du lac tranquille que je contemple , tu es à mes côtés, telle une présence bienfaisante, qui se passe de mots, car c’est au-delà des mots.

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  6. Je prends du temps pour toi mais beaucoup pour moi, sourire. Comme il me manquais d’avoir ce temps pour te lire. J’aime ainsi la description de l’homme mûr. La profondeur de l’âme, du soi…Le calme de l’homme, la découverte, etc.

    C’est un des très beaux textes que j’ai pu lire sur les hommes. Tu piques ma curiosité de lire plus… J’ai pris note.

    Bon vendredi ma chère

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    • Merci d’avoir pris ce temps et heureuse que ce texte t’inspire. Je trouve qu’il donne envie d’avancer, pour se rapprocher de cette maturité véritable, elle est si belle.
      Ici, c’est déjà samedi 😀 Excellent week-end à toi

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  7. Très bel article Elisabeth… ‘la formation d’un principe spirituel supérieur et, par conséquent, la capacité d’une conscience qui le tienne « en ligne » ‘ Cette phrase me parle beaucoup, c’est en effet comme cela que je vois la spiritualité : je pense que quand elle est fortement ancrée en nous, ce principe supérieur est comme une lueur qui nous guide dans toute notre vie. Vivement que cette lumière brille encore plus fort chez moi 🙂

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    • Une lumière de la conscience, connectée à celle de la Source, qui nous guide et nous permet d’éclairer et de traverser nos ténèbres.
      Elle brillera, Biancat, puisque tel est ton désir, alors il suffit juste de l’entretenir et de le renforcer

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  8. Juste! Vous venez de décrire la raison pour laquelle je n’ai que très peu d’amis « homme ». Très très peu.

    Bonne journée Elizabeth.

    PS: J’attends la partie 2 sur l’immaturité des femmes… 😉

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