Anselm Grün : « L’homosexualité n’est pas un péché »

Le moine bénédictin et écrivain allemand Anselm Grün, a réussi l’alliance du spirituel et du marketing.
Il évoque les mutations de l’Église catholique, le dialogue avec l’islam et l’importance d’une mondialisation humaine.

Loin du bruit des grandes villes, en plein cœur de champs cultivés et de paisibles villages, se dresse, majestueuse, l’abbaye de Münsterschwarzach. Si cet endroit de Franconie est devenu un lieu de pèlerinage spirituel, c’est surtout à lui qu’on le doit : au père Anselm Grün. Cet intellectuel timide, au visage mangé d’un bouc caractéristique, fait désormais figure de people de l’ Église catholique outre-Rhin.

Ses œuvres, comme Chacun cherche son ange ou Invitation à la sérénité du cœur figurent parmi les best-sellers du genre et ont été traduits en 28 langues. Le moine bénédictin compte ainsi parmi les plus importants auteurs contemporains de la littérature spirituelle internationale.

Un samedi ordinaire, le père Anselm m’accueille de bon matin à la porte de l’abbaye, avant de me conduire dans la cafétéria du cloître, le lieu idéal pour un brunch. Mais face aux dames qui nous entourent, visiblement en quête d’assistance spirituelle, il nous semble bientôt plus décent de nous retirer. Une tasse de café à la main, nous nous rendons à côté dans une pièce plus calme là, où Anselm Grün commence à dérouler son parcours.

Le choix d’une vie de bénédictions

C’est juste après le bac que ce Franconien, aujourd’hui âgé de 68 ans, se décide pour une vie d’ascèse monastique et qu’il choisit d’intégrer la communauté des bénédictins de Münsterschwarzach. Non sans scepticisme : « Bien-sûr que j’ai douté au début, je me demandais si une telle règle de vie n’était pas trop étroite pour moi. L’absence de mariage serait-elle vraiment supportable ? Ne refoulerais-je pas ainsi ma sexualité ? »

Même s’il considère aujourd’hui son choix de vie spirituelle comme « le chemin qui lui correspond», il arrive que des moments de tristesse surviennent encore. « Cela me fait vraiment mal de ne pas pouvoir me marier et de ne pas avoir d’enfants. » Le père Anselm parle calmement et lentement. Tout en sirotant son cappuccino, il évoque ses années d’études à Rome.

C’est en pleine contestation de la fin des années 60 qu’il achève son cursus de théologie, alors que les mouvements étudiants de nombreux pays européens manifestent de concert pour un monde meilleur. « A l’époque, nous aussi pouvions sentir le changement. Nous nous sommes rebellés contre les vieilles habitudes et les rituels poussiéreux. » Pas du côté de la société civile mais d’une Église qui vive plus avec son temps et replace l’homme en son centre.

Mystique chrétienne et psychologie moderne

C’est cette proximité avec les hommes qui marque les œuvres d’Anselm Grün. Dans ses livres, il fait le lien entre la mystique chrétienne, la psychologie moderne et la philosophie extrême-orientale. « Je parle une langue simple qui ne juge pas ». C’est là, selon lui, une des clés de son succès.

Une langue qui expose cependant à la critique et notamment parmi la frange conservatrice de l’Église, certains redoutant que les principes catholiques fondateurs ne soient noyés par l’ouverture spirituelle et les positions libérales de la philosophie du bénédictin. « Cela ne plaît pas à tout le monde… Il est vrai que certains conservateurs n’hésitent pas à m’attaquer », fait-il remarquer, embarrassé.

Anselm Grün serait-il un rénovateur, le pionnier d’une petite révolution ecclésiastique ? Le père esquive la question : « Je me sens parfaitement en harmonie avec la tradition catholique. » Concernant le Pape Benoît XVI, (à l’époque de l’entretien), le moine bénédictin choisit des paroles qui réconcilient : « Avec le Souverain-Pontife, nous avons trouvé un terrain d’ouverture. Je ne crois pas qu’il ait quelque chose contre ma théologie. »

Alors que nous évoquons l’attractivité croissante que l’ Église catholique exerce aujourd’hui sur les jeunes en Europe, Grün souligne qu’en ces temps de mobilité accrue, « ceux-ci recherchent des appuis et de la clarté. La jeunesse actuelle semble souvent détachée de l’ Église mais elle se montre curieuse. C’est en cela que l’ Église tient sa chance auprès des jeunes : elle leur apparaît authentique et leur offre des repères et une spiritualité saine », explique le théologien.

Aspiration à un grand cœur

La recherche d’une spiritualité saine est un aspect central du travail théologique fourni par Anselm Grün. Il se montre soucieux quant aux nouvelles tendances au fanatisme religieux. « Il y a des formes de religiosité qui rendent malade et fanatique, pas seulement dans le christianisme mais aussi dans les autres religions. » La clé d’une forme de croyance salutaire et non fanatique, le père Anselm l’a lui trouvée auprès du fondateur de l’ordre des Bénédictins. « Pour Benoît de Nursie par exemple, la caractéristique d’une spiritualité saine, c’est d’avoir un grand cœur », professe-t-il. Derrière cette formulation, se cache une aspiration à l’ouverture, à la tolérance et à l’attention aux autres.

Mais lorsque je l’interroge sur les relations entre l’ Église catholique et l’islam, Anselm Grün se montre plus hésitant. « D’un côté, il est important de nouer un bon dialogue avec l’islam qui respecte les traditions des autres, glisse t-il. Mais nous devons aussi nous montrer critiques face à l’intolérance qu’on peut voir dans certains pays islamiques. Ce qu’il faut, c’est un dialogue critique. »

La mondialisation pour les forts

Parallèlement, le moine bénédictin met en garde contre le danger de projeter l’image d’un islam ennemi. « Au lieu de cela, nous devrions nous demander ce que nous pouvons apprendre de l’islam », dit-il faisant allusion à la tradition libérale Soufi. Le père Anselm n’hésite pas à affirmer que sa propre Église comporte une part de courants intolérants. Est visée la position catholique sur l’homosexualité.

« Il subsiste encore des parts d’ombre », souligne pensivement le théologien en faisant allusion à l’utilisation de la croyance catholique pour justifier certaines politiques discriminatoires contre les gays, comme c’est le cas dans quelques pays d’Europe centrale et orientale.

« Nous devons arrêter de considérer l’homosexualité comme un péché », affirme Grün.

Encore et toujours, mon interlocuteur revient sur le principe d’un « grand cœur ». S’appuyant sur cette image, il esquisse la philosophie d’une mondialisation humaine. « Si la mondialisation ne profite qu’aux plus forts, alors c’est une malédiction ». Il en appelle à la responsabilité de l’économie globale, encourageant la « création de valeurs par l’estime ». Au cours de séminaires de management qu’il donne régulièrement, Anselm Grün enseigne comment diriger une entreprise avec générosité, tolérance et compassion face au personnel. « Le but n’est pas de juger mais de comprendre », le plus grand des commandements selon lui.

Par Christian Lindner, traduction : Emilie Dubos

31 réflexions sur “Anselm Grün : « L’homosexualité n’est pas un péché »

  1. Bonsoir Elisabeth,
    Il est clair que l’homosexualité a toujours existé , aujourd’hui nous entrons dans l’air ou il faut demander la permission de respirer mais rien de nouveau pour tous ces gens qui se disent aurifiés par cela et qui veulent instituer des lois , pourquoi ne pas parquer tous ceux qui ne sont pas conforme à nos idées? Cela fait vraiment peur , il y a comme un gout de déjà vu à d’autres époques ..
    Ce prêtre est courageux oui, mais il va avec l’air du temps, plus de mensonges plus de tricheries et que chacun soit qui il est sans jugements dans les deux sens et pour toutes choses ..

    « Le but n’est pas de juger mais de comprendre », le plus grand des commandements selon lui. »

    tellement évident…:-)

    Merci Elisabeth .Je te fais un tendre baiser , à très vite 🙂
    Bisous à tous 🙂

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    • Comme un goût du déjà vu, exactement, Sashah… Combien de personnes persécutées, torturées, mortes, à cause de leur race, des croyances, voire au nom de Dieu ? Notre époque prône la tolérance et l’égalité mais sur le plan pratique, nous en sommes si loin. Et qui doit instaurer les règles et en fonction de quels critères ? Tu le soulignes, si justement… mais si cela est évident pour nous, le racisme, l’homophobie et le rejet de la différence perdurent
      Alors, l’existence des hommes courageux, qui n’ont pas peur de dire les vérités, basées sur l’amour, la tolérance et le non-jugement est si précieuse. Et malgré les temps difficiles, nous sommes de plus en plus nombreux à penser et agir ainsi.
      Merci à toi, de le faire à travers ton blog…
      Je t’embrasse tendrement 😀

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  2. La compréhension et la tolérance sont les clés de l’amour et de la paix. Cet homme a le mérite d’entrer dans cette démarche.
    Je pense que l’homophobie est une métaphore de la peur de soi et qu’une religion qui enseigne comment combattre le mal qui nous habite est une religion qui induit que l’homme est mauvais par essence. Je croyais qu’il était écrit quelque part que nous devions nous aimer les uns les autres…
    Merci pour tes articles, Elisabeth.
    Bise.

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    • Merci à toi, Gaïa, pour ce commentaire si juste et pertinent. Ton interprétation de l’homophobie me parle, je ne l’ai jamais envisagée sous cet angle… Oui, le message de l’amour, de la paix et de la liberté, donc, de non jugement, est à la base du christianisme mais il a été bien perverti par l’église, qui nous voit tous comme des pécheurs et nous menace des flammes de l’enfer…
      Je t’embrasse…

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    • Oui, chère Floray, toutes les opinions qui respectent l’autre sont à partager, nos différences nous enrichissent et nous pouvons discuter librement et surtout faire de notre mieux.
      Excellente fin de semaine à toi, sous la neige, je présume 😀

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  3. Élisabeth, t’es bien courageuse d’aborder des sujets qui « fâchent », dérangent, comme la religion et/ou la politique… 🙂 comme je suis agnostique, je n’ai pas la notion du péché, alors… à bon(s) entendeur(s), salut! 🙂 homosexualité entre des ADULTES, oui, mais pour la pédophilie et les abus sexuels sur les mineurs: peine capitale!!!
    * * *
    bonne soirée et pensées amicales, Mélanie

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    • J’adore aller à contre-courant, Mélanie 😀 mais je ne parle jamais de politique, et concernant la religion, je présente juste des avis éclairés, donnés par les hommes au grand cœur, qu’ils soient croyant ou pas.
      Et il es bien évident, qu’il n’est question que de l’amour véritable entre deux personnes du même sexe, et absolument pas des déviances.
      Je t’embrasse 😀

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  4. Heureusement que dans une Eglise souvent psychorigide, il y a de vrais hommes de coeur, ça donne de l’espoir !
    Et au passage, un petit award pour toi Elisabeth, je sais que tu en reçois très souvent et que tu ne peux pas toujours passer le flambeau, mais ce n’est pas grave, l’essentiel c’est qu’il soit donné avec le coeur 🙂 http://biancatsroom.wordpress.com/2013/12/05/le-sisterhood-of-the-world-bloggers-award-a-tes-souhaits/

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  5. Bonjour Elisabeth,
    L’église catholique a encore beaucoup à faire, il lui faut être plus tolérante, je m’explique. Pourquoi refuser le mariage à nos prêtres, moines, soeurs etc… Et bien au tout départ, il semble que cela soit une question d’argent, hé oui… Car le mariage implique un conjoint et des enfants et donc un héritage ! Alors le clergé sera déposséder du bien de ses serviteurs…
    Qu’en a l’homosexualité, cela n’est pas un fait nouveau, depuis la nuit des temps elle est présente. Alors pourquoi aujourd’hui cela est si combattu ? !
    Notre société se dit tolérante, mais en réalité qu’en est-il ? !
    Ce moine est très avant-gardiste, j’aime son ouverture d’esprit !
    Très bonne semaine Elisabeth !
    Bisous de tendres amitié

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    • Tu as tout compris, Fanfan, le mariage des prêtres a pour l’origine l’argent, ni plus ni moins. L’église voulait garder tout pour elle et a privé ces hommes et ces femmes d’une vie normale, qui les aurait rapproché des fidèles. Comment recevoir les conseils d’un prêtre sur la vie maritale, qu’il est censé ne pas connaître ?
      Je passe sur les autres déviances, qui m’ont éloignée des cathos et pas moi seule, les églises sont vides et les gens trouvent leur accomplissement spirituel ailleurs.
      Heureusement, les hommes tel Anselm Grün existent, et bien que je ne croie pas vraiment qu’ils puissent changer la position officielle, au moins, ils délivrent le véritable message.
      Quant à l’homosexualité, il y aurait beaucoup à dire aussi mais je crois que c’est surtout la peur de la différence qui attise la haine.
      Merci à toi, je t’embrasse et te souhaite une belle fin de semaine.

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      • Lorsque j’ai découvert cela, j’ai été choqué Elisabeth. Pire encore lorsque j’ai découvert que cette même église protéger ses serviteurs en gardant secret leurs déviances. Au début de ma vie d’adulte, j’ai donc pris une vraie distance avec l’église catholique, trop déçu par l’ensemble de ses ouailles mais aussi par le manque de tolérance et d’ouverture d’esprit de celle-ci.
        Je respecte tout de même le faire que d’autres y trouvent leur équilibre de vie, c’est pour cela que je rentre jamais dans le vif du sujet 😉
        Je ne pense pas non plus qu’Anselm Grun puisse avoir un gros impact sur la manière de fonctionner de l’église, mais il est par sa vision une épine dans le pied.
        Qu’en à l’homosexualité, je pense que cela est très complexe, comme toi je pense qu’il y a un grand débat sur ce sujet.
        Bon vendredi Elisabeth !
        Bisous tendres

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        • Pareil que toi, Fanfan, il y a beaucoup de choses qui me choquent profondément dans les positions de l’église, surtout toutes ces affaires de pédophilies qu’elle tente de camoufler.
          Élevée dans la religion catholique, je l’ai aussi quittée, pour les mêmes raisons que toi.
          J’admire juste quelques prêtres, qui délivrent le véritable message du Christ, je suis leurs enseignements et je trouve que leur existence est précieuse et leur courage bien grand.
          Cela dit, chacun est libre de vivre sa spiritualité, comme il l’entend, je vais donc m’abstenir d’émettre des jugement, mon objectif était juste de partager la grande sagesse et l’immense amour d’Anselm Grün.
          Je t’embrasse fort et te souhaite un beau week-end

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  6. J’aime l’ouverture d’esprit de cet homme. C’est un progressiste. Il dérange sûrement, mais c’est ainsi que les choses évoluent. J’aime qu’il prenne l’individu en considération avant la religion elle-même.

    Merci pour cet autre partage où j’apprends à connaître un intéressant personnage.

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    • Exactement, Kleaude, les progressistes dérangent toujours mais sans eux, le monde ne changerai jamais. Et Anselm Grün revient aux sources de la chrétienté où l’ouverture du cœur, l’amour et le bien être de l’homme passent devant les dogmes de la religion sclérosée.
      Je suis ravie que cette découverte t’ait intéressée, merci à toi

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  7. Qu’on l’approuve ou non, il ne nous appartient pas de juger l’homosexualité. Il y a des choses et des raisons qui nous dépassent en ce monde, et un peu d’humilité ne ferait pas de mal pour retrouver notre part d’humanité. Elle n’empêchera personne d’avoir sa propre opinion.

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    • Oui, Polina, il y a des choses et des raisons qui nous dépassent en ce monde, et de quel droit jugerions nous l’autre.
      Tu le formules si justement : « un peu d’humilité ne ferait pas de mal pour retrouver notre part d’humanité ».
      A chacun ses opinion, la mienne est que l’amour, s’il est pur et véritable, n’a rien à voir avec le genre du partenaire.

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  8. Ah ! Ce monsieur est très bien !!! heureusement que l’homosexualité qui existe depuis la nuit des temps n’est pas un délit ( sauf peut être pour des partis extrémistes horribles qui ont sévi et sévissent encore ) et c’est malheureux que certains prêtres ne puissent pas se marier et avoir une sexualité que tout être humain devrait avoir !
    Dis Elisabeth connais tu ce prêtre ouvrier que j’admire depuis fort longtemps : http://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_Gilbert et que j’ai lu ?

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    • J’ignore pourquoi tu t’es retrouvée dans les indésirables, Juliette mais je les vérifie toujours.
      C’est effectivement malheureux que les prêtres catholiques ne puissent pas se marier, d’autant qu’ils sont les seuls, et que cela entraîne tant de déviances. Anselm Grün évoque aussi sa profonde tristesse de ne pas avoir pu être époux et père…
      Bien sûr, je connais ce prêtre « loubard », et j’admire ses actions pour aider les marginaux. La seule chose qui me gène est qu’il condamne le divorce mais personne n’est parfait 😀
      Merci pour l’évocation de ce beau personnage et pour le lien

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  9. Il y a toujours une contradiction entre la rigidité du dogme et l’ouverture de cœur à laquelle nous invite la spiritualité chrétienne. Et oui, il est temps de sortir l’homosexualité d’une vision archaïque du péché! D’ailleurs la formule « tous pécheurs » est plus déculpabilisante que culpabilisante. Cela peut s’interpréter tel que « personne n’est parfait » et bien malin qui pourra dire ce qui relève du péché pour autrui. Seule notre conscience, appliquée à nous-même, peut nous indiquer le bon chemin. L’histoire de la femme adultère dans les évangiles me parait très claire sur ce point.

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    • Le véritable message du Christ n’a été que l’amour, la paix et la liberté. Les dogmes ont été instaurés par l’église, pour mieux contrôler le peuple et bâtir sa puissance. J’ai suivie les enseignements des prêtres, du genre d’Anselm Grün, pour lesquels, le seul péché était de s’être coupé de la Source. Ensuite, comme tu dis, chacun est confronté à sa conscience.
      Et les paroles : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette une pierre » confirment que le jugement ne nous appartient pas…

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    • Anselm Grün a une excellente expérience du management et si ses idées de diriger une entreprise avec générosité, tolérance et compassion face au personnel étaient appliquées, cela profiterai à tout le monde, y compris à l’économie

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