Le lion et le serpent

Temple

Il y a bien longtemps, dans la vieille cité d’Angkor, existait un temple à l’abandon.

Ces vieilles pierres d’un autre temps servaient de refuge aux animaux sauvages. Certains venaient chasser, d’autres se posaient et se reposaient pour casser leur rythme quotidien de la poursuite ou de la fuite.

Il y en avait de toutes espèces, des grands, des petits, des blessés, des courageux. Chacun trouvait sa place dans cette société sauvage.

Mais alors que tout semblait réglé comme une mécanique d’horlogerie suisse, il apparut un lion majestueux, à la crinière d’or.

Il était là, allongé tel le sphinx de Gizeh, à observer et contempler ce royaume. Il restait immobile, comme paralysé. Son regard se posait sur chaque chose et chaque détail qui l’entourait.

Le premier à s’apercevoir que celui ci ne bougeait plus fut l’énorme boa du domaine. Le lion aussi l’aperçu de loin. Il était terrorisé mais restait là quand même.

La nuit tomba et ce malgré l’épuisement, le lion ne fléchit pas.

Le boa quant à lui, en se faufilant à travers les roches, se rapprochait de plus en plus. Jusqu’à pouvoir lui parler enfin.
– « Que fais tu, là, immobile ? »

Le lion tremblait mais ne bougeait pas. Il regarda le serpent dans les yeux et dit :
– « Je ne peux bouger car j’ai mes deux pattes brisées. »

– « Rassure-toi, je ne suis pas là pour te mordre », rétorqua le boa.
« Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? »

Le lion, peu rassuré, sentait sa vulnérabilité l’envahir tout entier mais sa petite voix intérieure, son intuition le calmait peu à peu.

– « Je me suis battu pour survivre et je suis tombé de très haut. Depuis, je me tiens là et j’attends. »

Le serpent, surpris, lui demanda :
– « Mais qu’attends-tu exactement » ?

– « J’attends le moment où je pourrai bouger et ne plus avoir peur. »

Le serpent, agacé, reprit le lion :
– « Le monde s’est-il arrêté de tourner depuis que tu es ici ? Penses-tu que ton royaume est immobile et qu’il attend que tu puisses te déplacer ? Regarde comme le temps poursuit son cours, comme chaque animal a sa place dans le tableau de la vie. Regarde comme les autres te craignent, ils savent que tu es leur roi et toi, tu as peur ! ? »

– « Que veux-tu que je fasse serpent savant ! ? », ironisa le lion.

– « Respire, vis, apprivoise tes peurs car quand tu pourras bouger, tu auras pris pour habitude d’être effrayé et tu resteras immobile. »

– « Je ne suis pas libre de régner, ni libre de bouger », déplora le Lion.

– « Ta liberté viendra de l’intérieur de ton cœur et pas du dehors. Tu as toi aussi ta place dans ce tableau, tu es déjà en train de régner sur ton royaume. Tu es libre de vivre ta vie. Accepte le moment présent, accepte d’avoir peur et accepte le sens de ta destinée. »

Le lion orgueilleux, tourna la tête et fit comprendre au serpent qu’il voulait rester seul. Le boa se retira dans son antre.

Quelques jours plus tard, le lion pût enfin se déplacer. Peu à peu, il reprenait goût à la vie. En partant de la cité, il tenait à s’entretenir avec le boa, et lui dit ces quelques mots :

– « Je te remercie serpent savant. J’ai compris que chaque chose a une place importante dans le monde, j’ai compris qu’il fallait des moments de doutes pour se sentir grandi. J’ai compris aussi que la peur pouvait immobiliser plus que deux pattes brisées. Pour terminer, j’ai aussi compris que tu n’étais pas arrivé dans ma vie par hasard et que parfois certaines rencontres pouvaient provoquer des changements dans la bienveillance, et ce malgré les apparences. Alors pour tout ça, je te suis reconnaissant ! »

Le lion s’en alla d’un pas décidé et sûr de lui. Le serpent, de son côté, aperçu un animal isolé et se rendit auprès de lui…

Le cycle de la vie reprit ainsi son cours.

Michel Mendes coach à http://www.saphirme.com/

 

 

43 réflexions sur “Le lion et le serpent

  1. L’image du serpent est bien choisie, car c’est parfois effrayant de s’autoriser à entendre et accepter des paroles édifiantes venues d’un étranger. Très sagesse orientale! 🙂

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  2. Je viens de terminer le livre : la fin de la plainte de François Roustang (dont tu as parlé il y a quelques semaines) et je trouve que le serpent est un super thérapeute! il encourage le lion à agir plutôt que de rester dans la plainte. Très belle histoire!

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    • Nous sommes les deux, Sashah, et il est merveilleux de devenir le serpent savant et vaincre les peurs du lion.
      De quoi donc m’es tu reconnaissante ? Par les partages de ton beau blog tu nous enrichis tant.
      Gros bisous et doux week-end à toi ❤

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  3. Un conte plein de sagesse…. Combien d’entre nous pourraient se reconnaître en ce lion? La peur est si paralysante. Que de fois on se limite soi-même… On se met souvent soi-même bien des entraves. Faudrait-il attendre d’être certain pour agir? Nous ne bougerions jamais. Tant d’entrepreneurs pourraient en témoigner!!!!
    J,aime la formule du conte qui se veut porteur de message.

    Salutations
    Kleaude

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    • Il est porteur d’un beau message que tu as si bien saisi et exprimé, Kleaude. Nous sommes tous ce lion à la flamboyante crinière mais qui, paralysé par la peur, doute de sa puissance. Les entraves extérieures sont souvent si petites, face à celles que nous nous mettons, comme tu le dis et aussi, attendre pour être certain (de quoi, d’ailleurs ?) nous immobilise.
      Amitiés, à toi et merci pour ta belle sagesse…

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  4. Pour une fois que le serpent n’endosse pas le rôle du méchant… 😉 « Accepte le moment présent, accepte d’avoir peur et accepte le sens de ta destinée. » Ce sont des mots d’une telle sagesse !
    J’aime beaucoup ce conte. Merci pour le partage Elisabeth et saphir me.

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    • La symbolique du serpent est si riche et nous l’oublions souvent, conditionnés à y voir le symbole de la tentation qui conduit vers la chute. J’aime aussi beaucoup cette autre façon de le présenter.
      Merci encore à Michel pour ce beau conte et merci à toi, Gaïa, pour ta sensibilité

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  5. « parfois certaines rencontres pouvaient provoquer des changements dans la bienveillance »
    C’est tellement vrai! Et des rencontres qu’on ne cherche pas, elle arrivent et puis la vie change de couleurs. Coté Boa, un jeune habitant du village en a deux chez lui : ça ne mord pas. Mais je ne suis pas allée vérifier hein 😉

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    • Ces rencontres qui sont les cadeaux de la Vie et l’illuminent, voire changent son cours…
      Ne vas surtout pas tester, certes, les boas ne mordent pas mais ils t’avalent toute entière et te digèrent longuement… horreur !
      A moins que ce ne soient les serpents savants mais effectivement, vaut mieux ne pas vérifier 🙂

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      • Nan, j’avoue que je ne suis pas emballée par les boas. Comme ils sont deux maisons à coté, j’espère qu »ils sont bien enfermés. J’ai un peu peur pour mes chats …. digérés longuement, beurk.

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        • Double beurk… Il me semble d’ailleurs, qu’il est interdit de garder ce genre de reptiles chez soi et je comprends bien ta peur pour les chats qui se promènent librement. Bon, reste confiante mais vigilante, tout de même

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  6. Bonjour Elisabeth,
    Superbe petite histoire qui nous délivre un bel enseignement…
    Hé oui, ce n’est pas en attendant passivement que cela ira mieux, de nous lamenter, a nous de prendre en main notre vie 😉
    Bonne semaine Elisabeth !
    Bisous tendres

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  7. Tout cela est bien mystérieux pour moi, les choses deviendront peut être plus claires si un jour je parviens à les vivre plutôt que d’essayer de me convaincre de leur sagesse. En même temps, c’est une bonne choses qu’elles soient énoncées, un peu à la manière d’une asymptote, un idéal vers lequel tendre. Donc merci pour cette fable!

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  8. En chacun de nous il y a un autre.Qu’on ne perçoit pas de prime abord. Le roi des animaux que l’on croit invulnérable peut être paralysé par la peur et le serpent, souvent représenté comme persifleur, ou tentateur,peut porter assistance à autrui.
    Outre le message véhiculé qui indique que nous sommes tous utiles les uns aux autres, je trouve intéressant le paradoxe dans le choix des protagonistes. Il renforce l’esprit du conte.

    Quelques jours de congés que j’apprécie beaucoup et qui me laisse un peu de temps pour me promener ça et là…et surtout, chez toi.
    Je t’embrasse Elisabeth. Bonne soirée.

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    • C’est une bien juste remarque, Marie-Hélène, le serpent, le symbole de la tentation, suivie d’une chute dans la Bible, est au fait la voix de la sagesse et le lion, tout puissant roi des animaux est sujet à la peur.
      Très heureuse que tu puisses te reposer et profiter de l’arrivée du printemps, et touchée par ton passage.
      Je t’embrasse et te souhaite des belles promenades…

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