Méditer sur Pâques aujourd’hui

« Chaque fête de Pâques est l’occasion de se rappeler que la résurrection n’est pas ce qui doit arriver après notre mort, mais une réalité nouvelle qui commence aujourd’hui. Chacun de nous façonne, jour après jour, son visage d’éternité. Comme pour le papillon qui sort de sa chrysalide, il faut du temps pour que l’homme ressuscite, émerge de sa gangue de terre et devienne un fils de Dieu, un enfant de lumière.

Maurice Zundel se demandait souvent combien d’hommes et de femmes émergent consciemment de leur « moi » biologique préfabriqué pour devenir réellement des hommes vivants, des personnes libres et responsables de leur destin. Sans doute, toutes leurs potentialités spirituelles arriveront-elles, un jour, à maturité, mais probablement pas sur terre ! Il est inutile de chercher à imaginer ce que nous devenons après notre mort, si, en accueillant le Christ pascal, nous ne commençons pas dès maintenant à devenir des vivants.

Rappelons-nous que dans la tradition chrétienne il y a deux naissances. La première, biologique, que nous n’avons pas choisie, qui nous est donnée. Et une « seconde naissance », celle dont parle le Christ, quand il nous dit qu’il nous faut « renaître d’en-haut » par l’accueil et la croissance de son Esprit.

La résurrection est une victoire quotidienne sur les forces de mort. L’au-delà est une réalité déjà présente, intérieure à nous-mêmes. Cette vie nouvelle du Christ ressuscité doit devenir
« l’au-dedans » de notre vie quotidienne. Se convertir, c’est sans cesse passer du dehors, de l’écorce superficielle des choses au « dedans », rencontrer l’intimité de Dieu au plus intime de nous-mêmes, lui qui est la vie de notre vie.

Rencontrer le Christ de Pâques, c’est déjà re-naître, c’est s’affranchir de toutes nos servitudes. L’homme qui accueille, jour après jour son amour vivant et créateur, devient lui aussi un vivant et un créateur. Notre avenir se joue dans notre réponse à cet amour victorieux qui s’offre gratuitement à nous. C’est ce don de nous-mêmes qui nous construit, nous structure comme homme, nous ressuscite comme fils de Dieu.

La résurrection, l’au-delà, c’est Dieu intime à nous-mêmes qui nous intériorise et nous libère du moi préfabriqué. Devenir un homme, une personne, sortir de son moi infantile, biologique, égocentrique et mortel, c’est rencontrer le Dieu vivant. Naître, c’est centrer toutes ses énergies pour aimer comme lui, faire de toute son existence un don de soi-même.

La Résurrection de l’homme s’enracine dans ce dynamisme de l’amour qui « humanise » notre moi biologique, nous fait « passer » du moi possessif, fermé sur lui-même, au moi oblatif. Celui qui naît à l’amour, par l’amour, devient immortel puisque l’amour est l’être même de Dieu. Cet amour est notre devenir. C’est lui qui personnalise et divinise l’homme qui, comme saint François, n’est plus terrorisé par la mort biologique, car elle n’est plus qu’un « passage » de notre liberté d’aimer à un autre niveau, d’une ampleur nouvelle.

Dieu nous a créés pour devenir des créateurs. Nous devons nous libérer de la pesanteur des déterminismes pour devenir le sanctuaire de la lumière et de l’amour. Telle est le mystère de la transfiguration chrétienne, qui est un mystère d’intériorisation, de personnalisation, de divinisation. Il s’agit de devenir véritablement un « homme » dont l’espace intérieur est devenu assez grand pour accueillir la vie même de Dieu.

Et accueillir Dieu, c’est devenir un vivant qui possède en lui tout l’univers. L’immortalité n’est pas ce qui arrive après la mort, elle advient, aujourd’hui et maintenant, chaque fois que l’homme se dépasse pour aimer. C’est chaque jour que nous « immortalisons » notre vie. C’est chaque jour que nous ressuscitons un peu plus.

Voilà la nouvelle naissance à laquelle le Christ nous invite quand on atteint sa maturité spirituelle. Maturité qui entraînera aussi notre corps, car les énergies de l’amour vont aussi transfigurer notre corps, comme celui du Christ, libéré des contraintes de notre univers, sans être pour autant désincarné. Notre mort n’est pas un anéantissement, mais un mûrissement, un accomplissement, un passage -une Pâque- vers notre véritable identité. »

Michel Hubaut , franciscain, théologien, conférencier et animateur de retraites et de sessions de formation, ainsi que l’auteur de nombreux ouvrages.  
    

61 réflexions sur “Méditer sur Pâques aujourd’hui

  1. Je commente cet article avec retard, car Pâques me provoque un puissant effet de réflexion et de méditation. Saint Paul déclare: Chers frères et sœurs, « Et si le Christ n’est pas ressuscité, notre message est sans objet, et votre foi est sans objet… vous n’êtes pas libérés de vos péchés » (1 Co 15, 14.17). Pour moi, la résurrection donne son sens .au christianisme dont le message est le message d’amour des évangiles. La religion en elle-même, aussi importante qu’elle soit dans sa portée historique et dans la construction de nos sociétés est affaire de l’interprétation des hommes et doit être analysé comme telle avec ses aspects positifs, ses aspects négatifs voire destructeurs. Mais le message évangélique est intact et c’est lui qui guide ceux qui le reçoivent, comme il éloigne ceux qui le refusent. Mais au fond, il a de l’influence sur tous et c’est peut-être celui que recherchent ceux que désorientent, déstabilisent ou même détruisent nos sociétés matérialistes de la possession et de l’Avoir d’abord, de la performance d’abord etc..et dont le résultat est la peur, la violence, le rejet.

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    • Pâques, ce ne sont pas juste les quelques jours où nous fêtons la résurrection, c’est une période qui dure, et surtout ce temps, consacré à la réflexion et à notre propre renaissance. Vous dites justement, que seules les paroles des Évangiles comptent car, comme nous l’avons déjà répété a plusieurs reprises, les religions ne nous nourrissent plus de la vraie parole.
      Mais si le sacrifice du Christ est essentiel, je n’aime pas trop cette notion de la libération de nos péchés car à mes yeux, le seul dont nous pouvons être coupables, est celui de nous être coupés de la Source. Sinon, cela renvoie encore à cette triste interprétation de l’exil du Paradis.
      Jésus est venu pour apporter le message d’amour et de liberté, et son sacrifice signifie à mes yeux « faire du sacré », en nous ouvrant les yeux sur le Divin qui demeure en chacun de nous, par notre propre renaissance à notre vraie nature.
      Cela dit, chacun reçoit la Parole dans son cœur, selon la manière qui le rapproche le plus de sa vérité.
      Et vous soulignez très justement, que ceux qui rejettent toute croyance, la cherchent aussi, par des moyens détournés et injustes.
      Merci, Jean-Michel pour ce toujours très riche commentaire…

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  2. Bonne nuit Elisabeth,
    Quel beau texte qui rejoint bien des pensées auxquelles j’adhère en tant que chrétienne. Ces jours passés l’ont apportés de petits bonheurs au quotidien qui illustrent bien les propos des mots à lire et à relire concernant notre résurrection emboîtant celle du christ qui nous montre le chemin jour après jour dans l’amour et la liberté qu’il nous accorde à être rempli en lui et avec lui de ce qui est écrit ci- dessus. Merci pour ce texte très beau, moderne et qui fait du bien à découvrir.
    Je t’embrasse et te remercie d’avoir écrit ce partage qui parle à mon coeur.
    Geneviève

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    • Je suis heureuse, Geneviève, que ce texte parle à ton cœur et que ces jours des Pâques t’aient apporté de belles joies dans les pas du Christ, qui, comme tu le dis si bien : « nous montre le chemin jour après jour dans l’amour et la liberté qu’il nous accorde à être rempli en lui et avec lui ».
      Merci pour ces belles pensées, je t’embrasse et te souhaite une lumineuse journée.

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  3. Joyeuses pâques et merci Elizabeth. Ce très beau texte vibre en moi et de plus en plus. C’est vraiment ce qui m’a été révélé après mon AVC et qui m’imprègne profondément dans ma personne intérieure, même si l’extérieur est malmené par un monde à la dérive. Mais je reste guidé par la parole qui me dit « rend à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».

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    • Comme toutes les personnes sensibles et aussi engagées dans la recherche que vous, Jean-Michel, nous ne pouvons pas faire abstraction du monde extérieur qui nous éprouve tous les jours, ce qui n’est pas forcément mauvais d’ailleurs, puisque nous y avons été placés pour des raisons précises. Comme votre accident, dont vous avez su tirer de si belles leçons.
      Alors, restons juste dans notre centrage, et comme vous dites si bien : « rendons à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».
      Toutes mes amitiés et que l’Esprit de Pâques nous accompagne…

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  4. Pingback: dire non | sansadjectif

  5. Merci Elisabeth pour ce magnifique article de circonstance, en ce temps pascal …

    Le printemps est une des plus belles saisons…
    C’est aussi, celle de Pâques et de la Résurrection.
    Puisse Pâques t’ apporter paix et sérénité
    et te permettre de toujours continuer
    de t’ émerveiller devant le miracle de la vie…

    Tendresse
    Manouchka

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    • Merci, douce Manouchka, que cette merveilleuse période du renouveau et de renaissance, dans la Nature, comme dans nos cœurs te remplisse aussi de joie, de paix et de sérénité. Le miracle de la Vie est continuel, alors gardons cette capacité d’émerveillement qui nous rend véritablement vivants.
      Toute ma tendresse…

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  6. J’aime beaucoup …
    je trouve que les épreuves du quotidien nous permettent de vivre la Pâques au plus profond de nous même. C’est vraiment ce que je ressens.
    Heureuse Pâques Elisabeth ♡
    Avec tendresse ☆

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  7. Très intéressant…les peintures restent très « traditionnelles » et je trouve une grande ouverture à travers les mots un très beau regard des fêtes de Pâques…merci Elisabeth pour ce choix de texte. J’avoue que j’ai mis du temps à le lire…. « Rencontrer l’intimité de Dieu au plus intime de nous même », et « la résurrection, l’au-delà, c’est Dieu intime à nous-même qui nous intériorise et nous libère du moi préfabriqué ».
    Belles fêtes pascales et tendresses.

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    • J’aime ces peintures à la beauté intemporelle, elles me touchent particulièrement. Mais le texte est d’une « modernité » si surprenante, éloignée des discours habituels. Le Christ ressuscité n’est plus seulement le Sauveur mais porteur d’un message, que la Vie est à trouver et à déployer à l’intérieur de chacun de nous.
      Toute ma tendresse à toi, Marylaure et lumineuses Fêtes des Pâques

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  8. ❀ ♫ ♬ ♪ ♩ Bonjour mon amie

    Excuse mon copié-collé,
    je m’ennuie de mon ordinateur qui est présentement en rafraîchissement.
    Mon IPad sait me consoler, en me permettant de vous rejoindre.

    Je te souhaite de passer une belle fin de semaine et
    ***JOYEUSES PÂQUES !***

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  9. Euh, je suis dubitative. La religion catholique est culpabilisante dans ses grandes généralités. Et puis Pâques n’a pas la même histoire pour les juifs. Je pense que la religion est une manière de se donner des raisons d’agir (bien ou mal, Dieu pardonne alors …..). La religion est une tutelle (je fais ça parce que Dieu l’a dit), ça ne rendrait pas les gens irresponsables? En plus, de tout temps, les religions ont engendrées la guerre parce que chacun veut imposer SON Dieu. Comme toujours, Pâques est pour moi un jour comme un autre. Et puis la mort, j’ai remarqué que les anciens retournent tous à la messe par peur de la mort. La vie après la mort, ça rassure? Au lieu de se poser des questions sur la mort, prenons le temps de vivre libre.
    Si je me lâche, je vais te déballer une thèse sur les croyances délétères 😉 mais je vais sagement retourner à ma couture.
    A bientôt

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    • Nous sommes nombreux à dire dans les commentaires la même chose au sujet des religions, si dogmatiques, culpabilisantes et sclérosantes, et à prôner notre désir de revenir aux Sources qui ne transmettent que le message d’Amour, de paix et de liberté. Ainsi que notre volonté de vivre une spiritualité personnelle, basée sur l’ouverture du cœur. J’ignore si tu as lu ce texte mais il ne parle que de cela… nous libérer, devenir responsables et déployer nos possibilités.
      Il y est dit aussi : « Il est inutile de chercher à imaginer ce que nous devenons après notre mort, si, en accueillant le Christ pascal, nous ne commençons pas dès maintenant à devenir des vivants ».
      Tu sais, Annawenn, je désire que ce blog soit le reflet de toutes les sagesses, ainsi qu’un lieu ou chacun puisse s’exprimer librement, alors, tu peux te lâcher, aucune punition ne t’attendra 🙂
      Bisous….

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  10. Se rendre compte que nous devons être chaque jour un homme et pas seulement une mère une compagne une travailleuse … être dans notre totalité avec la grâce divine. Merci pour ce texte

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  11. Pingback: Obesssion and balance in creativity. Greeks’ and Romans’ Golden Mean (& Paolo Buonvino’s, a Sicilian composer.) Dialcetics 5b | Man of Roma

  12. J’aime cette perspective de la résurrection de notre vivant…. J’y adhère beaucoup plus. Émerger de son soi! Et savoir être créateur! Que j’aime cette approche dynamique et motivante!

    Bravo pour ce texte et cette perspective  » nouvelle » ou inhabituelle ».

    Mes salutations

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    • C’est justement cette perspective inhabituelle et si riche que j’aime chez certains membres de l’Église, ceux qui transmettent le véritable message de Vie, de courage et d’évolution, à la place d’un paradis hypothétique.
      Amitiés, Kleaude

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  13. J’ai connecté mon dernier post à votre article (beau et de grande consolation).

    N’ayant pas le temps de commenter on espère que la réflexion de Pâques me permettra de le faire, ici et ailleurs, chers francophones!

    Il tuo / vostro lavoro est magnifique (tuo, e della parte di blogosfera a cui appartieni).

    La parte sul buddismo m’a frappé. A bientôt

    Giovanni

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  14. Intéressant, résurrection ou renaissance ! ou aussi comme le Phénix renaître de ses cendres : je pense souvent qu’on devrait avoir droit à une autre vie, rien que pour corriger les erreurs de la première, et à l’aide de la première expérience, en éviter les écueils, et oser ce que l’on a pas osé dans la première !

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    • Nous sommes tous des Phénix qui renaissent de leurs cendres, c’est juste une question de la façon dont nous le vivions, en acceptation ou bien en révolte. Beaucoup de gens conçoivent la réincarnation comme ton désir, Ava : la possibilité de corriger les erreurs, oser et évoluer mais même, si on n’y croit pas, les épreuves peuvent toujours être prises comme des leçons et il n’est jamais trop tard…

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  15. « Il est inutile de chercher à imaginer ce que nous devenons après notre mort, si, en accueillant le Christ pascal, nous ne commençons pas dès maintenant à devenir des vivants. »

    Merci Elisabeth

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