Christian Bobin : L’amour de l’instant

Voilà un homme qui ne croit pas dans l’Histoire, ni dans l’Économie, ni dans aucun des grands mots que nos Académies nous obligent à écrire avec des majuscules, État, Église, Esprit…

Autant de mots qui, pour lui, comptent beaucoup moins que les petits, comme robe, arbre, peau ou matin de pluie.

Un homme qui, pourtant, croit à l’Amour comme un fou – en lui reconnaissant un A immense.

Un amoureux permanent, mais qui a su intégrer à sa jubilation et à ses fièvres la lenteur, la patience, le silence, et même le vide. Un homme qui sait nous faire ressentir la plénitude lumineuse même de ce qui pourrait ressembler à des absences grises, mais avec tant de subtilité qu’il nous fait tressaillir longtemps encore après que nous l’ayons lu.

Pendant des années, il publia dans de petites maisons (aux éditions Brandes par exemple, ou aux Paroles d’Aube, ou au Temps qu’il fait, chez Théodore Balmoral, ou encore, et surtout, chez Fata Morgana). Et voilà qu’en 1992, la grande maison Gallimard, qui devait le suivre de l’œil depuis longtemps, publie son magnifique portrait de François d’Assise (il ne dit pas « Saint », ça porte une trop grande capitale). Le Très-bas est un chef-d’œuvre. Christian Bobin s’est mis à avoir beaucoup de succès, mais cela ne l’a pas abîmé.

Nouvelles Clés : D’où vous vient votre grand calme ?

Christian Bobin : Cela doit venir de très loin. De l’enfance. Les livres viennent de là, à mon avis. Le bavardage des livres vient d’un état muet de l’enfance. Bien avant de savoir lire et écrire, il y a des choses qui se passent. Ou qui ne se passent pas. J’ai la chance d’être issu d’une famille calme, tranquille. Je me suis toujours senti aimé.

Et puis, chez nous, il n’y a pas d’événements. Je viens du Creusot.

N. C. : Vous vivez toujours là-bas et vous vous y sentez visiblement à l’aise…

C. B. : Peut-être qu’un fil ne s’est jamais rompu, à la base.

À la maison, le sentiment dominant, la note qui donnait le ton, et qui demeure la mienne aujourd’hui encore, c’est un sentiment étrangement heureux que rien ne se passe, bien que l’on attende toujours qu’il se passe quelque chose. Cela semble contradictoire, mais ça va au contraire très bien ensemble. Je n’ai pratiquement aucun souvenir d’enfance. Je n’imagine pas, un jour, écrire mes mémoires. Cela tiendrait en deux ou trois pages maximum !

Sur mon enfance règne un sentiment de blancheur. Une lumière étale, dans une ville tenue de main ferme par une industrie solide, où tout paraissait devoir durer pour l’éternité.

Pourtant, dès l’époque de ma naissance, en 1951, ce monde-là s’écroulait. Mais la note de base, ce sentiment à la fois d’indifférence et d’attente par rapport au monde, je l’ai tenu. Beaucoup de choses sont passées sur moi sans laisser de traces.

Je les vois, j’en prends connaissance, mais elles glissent… Ce n’est pas du tout du mépris, ni de l’ignorance. Je lis les journaux, de la rubrique sportive jusqu’à la politique. Je prends connaissance du plus de choses possible. Mais ça me traverse.

Bien sûr, il y a parfois des moments d’éveil – mai 68, ou la chute du mur de Berlin. Mais ce sont des phénomènes collectifs, difficiles à penser. Je n’ai pas la tête organisée politiquement, et bien peu de goût, c’est le moins que l’on puisse dire, pour ce qui est collectif. Par exemple, je n’ai jamais craint de ne pas être publié.

La perspective qu’on refuse tout ce que j’écrirais me laissait totalement indifférent. Je m’en fichais vraiment – j’ai compris peu à peu que cet état n’était pas forcément celui de tous ceux qui écrivent. Pour moi, il en fut ainsi dès que, adolescent, j’ai commencé à écrire mes premiers poèmes.

N. C. : En vous lisant, on se dit que, pour vous, l’essentiel tient aux détails…

C. B. : Ça va avec le reste, avec cet autre système mental – le mot « système » me heurte un peu, mais pour aller vite je le dirai quand même – : ce mélange d’apathie et de détachement, qui permet une acuité formidable sur ce qui se passe. Au fond, c’est aussi bête que ça.

C’est-à-dire que je me sens, dans la société, comme le gosse dans la cour de récréation qui ne participe pas aux jeux des autres. Ce n’est pas qu’il soit rejeté. Ce n’est pas qu’il méprise les autres – j’étais plutôt éperdu d’admiration. Mais je faisais toujours un pas de côté… Tous les enfants sont là, dans la cour, ils sautent, ils crient, ils jouent. Et c’est très bien.

Mais il y en a un qui est à l’écart, assis dans un coin, et qui regarde. Il a une vue fabuleuse sur ce qui se passe. Eh bien, pour moi, cette situation n’a jamais pris fin. Je suis toujours là, assis dans la cour de récréation.

N. C. : Tout en demeurant assis dans la cour de récréation, vous avez tout de même fait des études ?

C. B. : Oui, de philo. Mais là aussi, j’ai regardé passer les trains. Je dois avouer que j’ai eu un coup de foudre pour Platon. Et pour Kierkegaard, que j’aimais énormément. Il n’y a pas de hasard : c’est l’une des figures les plus ensauvagées de l’histoire de la philosophie. Il est à peu près le seul de l’époque qui ait osé, avec une pensée ferme, cohérente, résister à l’énorme vague hegélienne – résister à Hegel, qui portait déjà le bébé Marx dans son ventre !

Au nom de quoi résistait-il ? Au nom du souci de l’individuel, du singulier, contre la pensée globalisante, généralisante et, en germe, totalisante, totalitaire ! Mais rien, peut-être, n’a vraiment changé depuis Kierkegaard. Il y a toujours des normes qui, à ne pas être respectées, vous font risquer gros. Au minimum : le prix de la solitude. Heureusement, en ce qui me concerne, j’ai de bonnes racines. C’est aussi pour cela que j’ai eu envie d’écrire sur François d’Assise.

C’est quelqu’un qui parle du ciel, d’accord – en un sens, il ne parle même que de ça – mais il en parle avec un goût incroyable pour la terre. C’était un être profondément incarné.

Tout au long des années soixante-dix, j’ai cheminé seul, hors des endroits où il « fallait être ».

Je dois dire que je ne me suis jamais senti le moindre besoin de maître – ceci vraisemblablement parce que j’ai eu un père qui était vraiment un père. Ce qui me frappait le plus chez les intellectuels et les littéraires qui menaient le train (où je ne serais monté pour rien au monde, même pour un petit trajet) – le train de la langue, de la parole, de la littérature (qui correspondait aussi à d’autres choses sur le plan social) – c’était leur terrible froideur.

Des courants d’air glacé. Ça sentait la mort. J’ai toujours senti la mort dans les pensées désincarnées, d’ordre général, dans l’abstrait. Parfois, cela donne de très beaux livres.

Mais je ne saurais davantage entrer dans une théorie littéraire que dans une théorie politique ou scientifique, parce que théoriser, c’est endosser les vêtements de la mort, et que ça ne m’intéresse pas.

N. C. : Un sage oriental dirait que vous avez cherché à éviter le piège du mental.

C. B. : Oui, on peut dire ça. Ce ne fut pas toujours évident. Mais je me suis entêté, avec une opiniâtreté enfantine.

J’ai continué mordicus à écrire – et à vivre – à ma façon. Le problème, c’est que le moule universitaire m’apparut vite, lui aussi, mortuaire. Je lisais énormément, mais la plupart des lectures n’entraient pas dans ma vie. Je voyais passer une intelligence, mais je ne la ressentais pas comme déterminante dans mon incarnation. Je me suis donc retrouvé au chômage ! (rires).

J’ai connu les petits boulots – j’ai notamment été garçon de salle dans un hôpital – mais rarement plus d’un mois. Mon meilleur souvenir de cette époque, c’est d’avoir passé des journées entières à la bibliothèque municipale. Toujours la même chose. C’est un univers féminin, où règne une présence animale du livre.

Et puis je me suis retrouvé dans un institut de recherche, qui s’intéressait à l’archéologie industrielle. J’y étais chargé de l’organisation matérielle des colloques.

De ce poste d’observation tranquille, j’ai regardé passer l’air du temps. Et j’ai ainsi vu, chose dramatique, comment l’économique, ne se suffisant apparemment pas de son seul domaine, a commencé à se répandre, comme une épidémie, ou comme une hémorragie, dans l’ensemble du champ culturel. C’est-à-dire que j’ai assisté à ce moment grotesque où les gens de culture ont commencé à parler de gestion.

L’état social des choses, tout comme l’état mental d’une époque, ont volontiers tendance à nous paraître éternels. Toutes les épaisseurs qui nous séparent les uns des autres, toutes les lourdeurs sociales, les stupidités politiques, on vit ça comme devant durer toujours. On le pensait, par exemple, de l’Union Soviétique.

Et tout s’est pourtant écroulé d’un seul coup, de manière imprévisible. Voilà vingt ans que nous vivons sous le règne de béton du discours économique, cette chape de néant, ce discours qui fait penser aux langues mortes. Mais cela n’est pas tenable, et donc ça ne va pas tenir.

Je ne peux pas dire quand, mais je sais que ça va craquer, et – lorsque j’observe les gens jeunes et ce qui, de temps en temps, apparaît d’eux, en surface – cela se fera sans doute avec une violence incroyable.

N. C. : Vous écriviez depuis une quinzaine d’années, grosso modo pour un petit cercle de cinq cents lecteurs, et voilà que vous devenez tout d’un coup célèbre, et que partout on se met à prononcer votre nom avec une sorte de vénération.

C. B. : N’exagérons pas, je ne suis pas si connu… Mais peu importe, je me dis que, puisqu’ils plaisent, mes bouquins doivent mordre sur un air du temps, sur quelque chose qui est en train de venir. Sur une soif.

Heureusement, les économistes auront beau multiplier les études de marché, on ne pourra jamais complètement industrialiser le livre. Les éditeurs le savent bien : il y a quelque chose d’essentiellement imprévisible dans l’émergence d’un grand livre.

C’est bizarre, mais je pense que les livres ne sont pas, contrairement à ce qu’on dit, de l’ordre de la littérature, qui est finalement un petit canton, mais de l’ordre de la vie, c’est-à-dire du désir.

Or, on ne peut pas susciter artificiellement un désir. Les besoins, oui, on peut les créer et les satisfaire, ou pas. J’ai besoin d’une pomme, je l’achète, je la mange, le besoin est momentanément éteint. Le désir, c’est autre chose, c’est une histoire d’amour, une histoire passionnelle qui va entrer loin dans la vie de l’autre. Le désir ébranle la chair, l’esprit, tout.

N. C. : Nouveauté et renouvellement… Pourtant, on dit que vous ne quittez jamais Le Creusot, que vous ne voyagez jamais !

C. B. : Je n’ai jamais eu le goût du voyage, c’est vrai. Une seule chose m’intéresse : la rencontre. Je pense qu’elle peut se faire à la porte de chez moi comme au bout du monde. Je ne ressens pas la nécessité de donner à mes rencontres des paysages autres, parce que je crois que tout est là, dans la cour de récréation où le gosse est assis et regarde les autres jouer. C’est une petite cour, dans une petite école, dans une petite province, et pourtant l’univers entier est là. Ça, j’en suis persuadé.

N. C. : C’est le Siddharta de Herman Hesse, qui, après une vie passée à chercher aux quatre coins du monde, découvre que tout se trouvait là, au bord de la rivière. Vous, vous êtes tombé dedans quand vous étiez petit !

C. B. : Un coup de chance ! Qu’on soit riche ou pauvre, qu’on voyage très loin ou qu’on reste sur place, nous vivons tous, finalement sur une poignée de pauvres choses, de pauvres idées fixes, une poignée de désirs. La richesse, la luxuriance, vient de la forme qu’on lui donne.

Et cette forme est unique pour chacun.

À lire de Christian Bobin : La vie passante ; Éloge du rien, la part manquante ; Une petite robe rouge, éd. F.Morgana. Et Le Très-bas, éd. Gallimard et Folio.

Propos recueillis par Patrice van Eersel pour la revue Clés

68 réflexions sur “Christian Bobin : L’amour de l’instant

  1. Un grand monsieur ce Christian Bobin… J’ai pris beaucoup de plaisir à lire cette interview, merci du partage Élisabeth. Cette notion de détachement me parle énormément, je suis persuadée que c’est la pierre angulaire de la vraie spiritualité. Tes articles m’avaient manqué 🙂

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    • Tu me manques aussi, Biancat, surtout quand je pense à tes récentes mésaventures. A le lire, je vois que tu as mis ce détachement en pratique, donc il « marche » aussi pour la vie quotidienne, indissociable de la spirituelle, par ailleurs 🙂

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  2. Bonsoir Elisabeth,

    Je découvre Monsieur Christian Bobin grâce à ton article.

    J’aime beaucoup la conclusion qui résume l’ensemble de sa vision et du commentaire que j’avais envie de laisser sur l’unicité de chaque être et de son approche de la vie, très observatrice dans son cas : » Un coup de chance ! Qu’on soit riche ou pauvre, qu’on voyage très loin ou qu’on reste sur place, nous vivons tous, finalement sur une poignée de pauvres choses, de pauvres idées fixes, une poignée de désirs. La richesse, la luxuriance, vient de la forme qu’on lui donne.

    Et cette forme est unique pour chacun. »

    Le titre : »L’amour de l’instant », est également très parlant.

    En conclusion, j’ai ressenti cet article, comme un appel au respect de la différence, à la tolérance.
    J’ai par ailleurs de l’admiration pour ceux qui acceptent leur singularité et qui ose la révéler.

    Bises.

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    • Bonsoir Yveline,
      Si touchée que tu aies trouvé le temps de venir, malgré ton week-end si chargé… un grand merci. Ton commentaire est si juste mais il ne me vient qu’une envie… te dire que cette admiration que tu éprouves, tu en es le meilleur exemple… Et cela me fait sourire de tendresse…
      Je t’embrasse et te souhaite des instants pleins d’amour

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  3. Bonsoir Élisabeth ….

    Je ne connaissait pas et quelle belle découverte….
    je me retrouve assez en ses dires…en ce fait que moi aussi je me retrouve davantage en des mots comme robe,..arbre…matin de pluie qu’en des mots comme état…église…

    j’aime tellement quand il dit que les livres s’écrive a l’enfance…tu sais…même pour n’en retenir que cette phrase…je me sent riche de l’avoir lu….

    ne pas rechercher dans l’évènement mais dans la vie …wow…c’est tellement vrai…Tout se passe à l’intérieur de nous… dans le ressentis et l’émotion… à la toute fin… c’est ce qui nous restera…

    je dit souvent qu’il faut tout vivre…mais simplement laisser couler en nous les choses…les émotions…et ne pas s’y accrocher…juste en garder l’apprentissage ou le « bâtis-sage »….

    J’admire l’observateur…le voyeur qu’il est… …je crois que si on sait observer avec un « détachement équilibrer » on deviens riche de toutes les vies rencontrer…riches de toutes ces rencontres que nous faisons.. j’admire quiconque possède ce regard…….

    Je le ressent comme une vieille âme…si riche…

    Merci Élisabeth de cet enrichissement….

    Amitié
    Sorcière

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    • Merci, Sorcière, de mettre tes mots si justes, sur tes ressentis, si beaux et profonds… « Tout se passe à l’intérieur de nous… dans les ressentis et l’émotion… à la toute fin… c’est ce qui nous restera… »
      Tu as aussi ce regard tendre, détaché mais qui sait aller à l’essentiel, le regard d’une âme en « bâtis-sage »…
      Nos rencontres nous construisent et je remercie la Vie d’avoir fait la tienne…
      Tendresses, douce Amie

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  4. « …….Herman Hesse, qui, après une vie passée à chercher aux quatre coins du monde, découvre que tout se trouvait là, au bord de la rivière…….. »

    TS Eliot said something similar in one of his poems, when he said « …..the end of all our exploring will be to arrive where we started and know the place for the first time……. »

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  5. Bonjour Elisabeth,
    Je ne connaissais pas Christian Bobin. Par contre je peux dire que je me retrouve dans le portrait qu’on en dresse ici. J’ai moi-même toujours eu de la difficulté avec les grands préceptes…ici données en exemple l’État, l’Église, l’Esprit et les grandes philosophies..dès qu’elle sont tendance à devenir des dogmes ou des recettes universelles. Je crois que l’on se retrouve beaucoup plus dans les « détails » comme il est ici mentionné dans cette présentation.
    Heureux d’avoir pu connaître ce Christian Bobin.
    Mes amitiés

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    • Nous en avons souvent discuté, Kleaude, de cette réticence à adhérer à ce que l’on cherche à nous imposer, de l’importance du cheminement personnel et intime, alors, si je suis heureuse que tu aies fait cette découverte, je n’en demeure pas étonnée que tu te retrouves dans ce portrait d’un homme qui peut apercevoir l’Univers dans une goutte de rosée…
      Merci et douce soirée à toi

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  6. Ton article est passionnant Elisabeth! « La souveraineté du vide » (C. Bobin) m’a été offert par une amie il y a quelques années alors que je vivais encore à Paris. Ce livre m’a vraiment touchée et je l’ai longtemps conservé à portée de main.
    J’ai envie de le relire.

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  7. Superbe, tu touches là à un de mes auteurs fétiches ! De quand date cette interview Elisabeth ? J’ai tellement lu de lui, non pas comme on dirait « j’ai lu toute son oeuvre » en se vantant de cela, mais plutôt sur le mode « j’ai bu chacune de ses lignes ». Une petite robe de Fête, La Lumière du monde, La part manquante, Louise Amour, Ressusciter, L’Enchantement simple… Un auteur sacrément prolixe du reste. Je me suis toujours senti proche de cet homme, non pas par le talent d’écriture que je n’ai pas, mais par cet individualisme chrétien qui fut celui de Tolstoï sur la fin de sa vie. J’ai la foi également, j’ai fait philo également… Mais le verbe desséchant de la philo ne m’a pas convenu, et une vie de 36 métiers s’en est suivi, également… Cette interview m’éclaire soudainement : je ne suis donc pas seul à être resté en observation dans la cour de récré. Aujourd’hui, j’écris sans ambition d’être publié. Je ne pense pas avoir le talent que cet homme a pour être lu un jour par tant de gens. Mais je me sens moins seul à communier avec l’univers entier sans m’éloigner de mon quartier. Différemment de Thérèse, c’est l’homme de « La petite voie » par excellence. Merci Elisabeth pour ce post qui m’éclaire plus avant sur cet être d’exception.

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    • L’interview est ancienne, Stéphane, tu as du le voir dans les références aux dates, et elle est parue dans la revue Clés, à l’époque où elle s’appelait encore Nouvelles Clés, je te mets le lien vers l’original :
      http://www.cles.com/debats-entretiens/article/l-amour-de-l-instant
      A voir la liste, tu as tout de même bien bu 🙂
      Sérieusement… cela ne m’étonne guère que Christian Bobin soit ton auteur préféré, non seulement à cause de tout ce que tu dis mais parce que vous avez la même approche du monde, un parcours semblable et la même exigence… subtile mais si haute. La référence à Tolstoï, l’anar chrétien… je m’en souviens bien, elle est dans ta présentation, et elle m’a tant touchée. Non, tu n’es pas seul et si je puis te le redemander, en toute sincérité et amitié que je te porte… cesse de minimiser ton talent. Si tu as touché ne serait-ce qu’un seul cœur, et le mien l’est à chacune de tes lectures, alors tu peux en atteindre des milliers.
      Ta voie t’est propre et elle est belle… alors, continue, et encore un immense merci pour qui tu es

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      • Merci Elisabeth, tes mots me touchent. Avec cette histoire de talent, j’essaye juste de savoir rester à ma place. A vrai dire, je tente surtout de rester honnête avec cette histoire d’écriture. Je veux dire que je nourris depuis toujours un rapport ambivalent avec les mots. J’admire ceux qui savent les assembler de façon vivante et en même temps les mots me semblent si souvent en-deçà du réel, fussent-ils formulés avec le plus grand brio. Bobin en parle d’ailleurs dans ces interviews. Je me sens bien dans l’oral aussi, et dans le silence. Parfois les mots et les belles phrases me fatiguent. Je ne sais plus dans quel ouvrage Bobin évoque lui aussi ces moments où il n’arrive plus à lire. Cela me parle bien. Je ne renie pas les mots, mais par exemple en ce moment je ne parviens pas à ouvrir un livre. Par moment, j’ai besoin de vacances des mots. Au sens le plus étymologique. Et voilà que je me fais piéger quand même puisque j’en suis déjà à ma dixième ligne 😉 Cette semaine sur mon blog, j’ai préféré laisser parler Han Shan. Merci en tout cas pour tes mots, ton amitié m’est précieuse…

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        • Je crois, Stéphane, que quiconque doté des ressentis profonds, ne peut qu’entretenir ce rapport ambivalent avec les mots car s’ils peuvent être beaux, utiles, émouvants, voire nécessaires à la réflexion ou à l’action, ils ont leurs limites. Nous disons bien « c’est au-delà des mots »… et aussi « le silence est d’or ».
          Honnête, tu l’es car quand tu prends ta plume, tu es mû par un désir, tu exprimes tes opinions, tu parles de ton vécu et c’est d’une authenticité rare est touchante.
          Et cette « vacance » des paroles est un ressourcement nécessaire, pour ne pas dire des phrases, belles mais vides de sens.
          Les écrits de Han Shan en parlent, celui que tu as mis est significatif car après avoir parcouru le monde, il se pose, en ermite, pour se purifier dans une eau bienfaisante.
          Alors, tu éprouves peut-être aussi ce besoin, pour mieux revenir avec les mots vivants…
          Merci à toi, je tiens beaucoup à cette amitié

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  8. Bonjour Elisabeth 🙂 J’ai lu ton article ce matin au petit déjeuner et ne suis pas restée sur ma faim … 🙂 N’étant pas très douée avec les mots je vais juste dire que j’adhère (en toute modestie) avec SA façon de vivre et de voir les choses … un grand bonhomme, j’ai hâte de lire ses bouquins. Merci Elisabeth pour la découverte et le partage. Bonne journée 😉

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  9. A reblogué ceci sur Les Editions de l'Embellieet a ajouté:
    J’ai perdu mon verbe donc je ne suis plus ! Pas tout à fait cela mais ce « silence » dont je parlais tant dans mes écrits s’est emparé de ma vie… Silence ! Tout est relatif. Je travaille sur la biographie d’un livre qui prend du retard, enfin non ! Il sortira, disons, un peu plus tard prise entre des impondérables qu’il me faut accepter également et qui traversent ma vie, notre vie ! La tête dans le guidon, comme l’on dit, tant ce livre me tient à cœur et qu’il sera remuant et dérangeant également… J’ouvre mon ordinateur et là je te lis, je lis Bobin ! Que dire ? Tant de choses ou pas…Ainsi donc, il deviendrait « in » et ce n’est enfin que justice ou que repère dans cette jungle ou ce zoo ou toutes valeurs humaines et vraies partent à vaux l’eau ! Ou la simplicité n’est plus ! Ou être et vivre le présent, l’instant, le moment, la minute relèvent de l’absurde quand tout nous pousse à paraitre, à consommer, à posséder, à vomir l’autre, c’est si rassurant ! Ou s’émerveiller comme l’enfant aux yeux pétillants qui trouvent encore et toujours que malgré tout ce qu’elle subit la terre est un jardin, Le petit clin d’œil à Marceline Desbordes-Valmore que j’ai découverte également et dont je sors quelques extraits ici ou là ! Un verbe qui me parle également 😉 Je n’écris plus, je ne lis plus ou si peu ! Parfois j’en souffre et ce livre que je réécris en tant que biographe et que j’édite prochainement me prend aux tripes et…et…et… j’attends l’accouchement d’ici une quinzaine car il me pèse fort, si fort ! Une bouffée d’air pur que ta publication, que les mots de Bobin ! Merci beaucoup, je t’embrasse fort ♥

    « Un amoureux permanent, mais qui a su intégrer à sa jubilation et à ses fièvres la lenteur, la patience, le silence, et même le vide… » Christian Bobin

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  10. J’ai perdu mon verbe donc je ne suis plus ! Pas tout à fait cela mais ce « silence » dont je parlais tant dans mes écrits s’est emparé de ma vie… Silence ! Tout est relatif. Je travaille sur la biographie d’un livre qui prend du retard, enfin non ! Il sortira, disons, un peu plus tard prise entre des impondérables qu’il me faut accepter également et qui traversent ma vie, notre vie ! La tête dans le guidon, comme l’on dit, tant ce livre me tient à cœur et qu’il sera remuant et dérangeant également… J’ouvre mon ordinateur et là je te lis, je lis Bobin ! Que dire ? Tant de choses ou pas…Ainsi donc, il deviendrait « in » et ce n’est enfin que justice ou que repère dans cette jungle ou ce zoo ou toutes valeurs humaines et vraies partent à vaux l’eau ! Ou la simplicité n’est plus ! Ou être et vivre le présent, l’instant, le moment, la minute relèvent de l’absurde quand tout nous pousse à paraitre, à consommer, à posséder, à vomir l’autre, c’est si rassurant ! Ou s’émerveiller comme l’enfant aux yeux pétillants qui trouvent encore et toujours que malgré tout ce qu’elle subit la terre est un jardin, Le petit clin d’œil à Marceline Desbordes-Valmore que j’ai découverte également et dont je sors quelques extraits ici ou là ! Un verbe qui me parle également 😉 Je n’écris plus, je ne lis plus ou si peu ! Parfois j’en souffre et ce livre que je réécris en tant que biographe et que j’édite prochainement me prend aux tripes et…et…et… j’attends l’accouchement d’ici une quinzaine car il me pèse fort, si fort ! Une bouffée d’air pur que ta publication, que les mots de Bobin ! Merci beaucoup, je t’embrasse fort ♥

    « Un amoureux permanent, mais qui a su intégrer à sa jubilation et à ses fièvres la lenteur, la patience, le silence, et même le vide… » Christian Bobin

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    • Ton témoignage est d’une puissance rare, Marie… une bouffée d’air pur également… la fièvre de cet accouchement qui se prépare et les impondérables de ta nouvelle vie. Tu retrouveras l’équilibre car tu sais à qui ton cœur aspire et ce silence te nourrit.
      Le monde est fou mais il vit aussi un changement, de plus en plus de personnes ne rêvent qu’à retourner à cette simplicité, à l’émerveillement qui vient de l’immobile contemplation. Donc « ce n’est enfin que justice ou que repère dans cette jungle », les écrits, comme les siens, devenus populaires.
      Remue, dérange, nous en avons besoin, j’attends ton livre et je te remercie, de cœur à cœur…

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  11. Ce petit pas de côté qu’il a fait dans la cour de récré a permis à l’enfant qu’il était d’observer le monde en dehors de l’influence systémique dont nous sommes les victimes. C’est tellement difficile et pourtant, Christian Bobin semble vivre cela avec tellement de sérénité ! Un grand sage, assurément. Merci pour cette découverte mon amie. 🙂

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  12. Bonjour Elisabeth,
    En parcourant ta publication, j’ai ressenti la paix, oui la paix intérieure de ce monsieur. Je ne suis donc pas surprise que beaucoup de choses ont glissé sur lui. Pour moi c’est évident, lorsqu’on est ainsi, rien ne vous atteint. C’est chouette !
    Deuxième témoignage que je rencontre, une paix du foyer et un amour certain des parents, le constat, un être serein et calme. C’est donc les bases de la paix intérieur ? ! A méditer…
    Bonne semaine Elisabeth !

    Doux bisous d’amitié

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    • Heureuse pour cette paix, Fanfan… effectivement, elle est si belle. « Rien ne vous atteint »… je n’irai pas jusqu’à là :), il est humain, donc il a aussi livré ses batailles, voire les a encore mais il sait prendre ses distances, pour revenir à l’essentiel.
      Les bases que tu évoques sont certes, très importantes mais je crois profondément, que même si notre enfance a été troublée, nous pouvons trouver ce calme en nous et il est d’autant plus précieux…
      Merci, mes tendres baisers et douce semaine à toi

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  13. que j’aie cette façon d’envisager « Toutes les épaisseurs qui nous séparent les uns des autres, toutes les lourdeurs sociales, les stupidités politiques, on vit ça comme devant durer toujours »
    une lueur dans la nuit…

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  14. Très vite. Parce qu’il m’attendait, cet été, sur l’étagère à l’entrée de Super U….drôle d’endroit pour rencontrer un auteur n’est ce pas ? Un auteur et sa Grande Vie.
    Oh, je le connaissais. Un peu. Juste de nom et à travers deux ou trois citations partagées par des Gplusseurs.Peut être même chez toi, je ne sais plus trop. Mais j’étais heurtée…dans le bon sens. Alors quand poussant mon caddie vers le rayon boulangerie j’ai vu la petite couverture de chez Gallimard et son étiquette rouge, je l’ai précipité dans le chariot; Très vite.

    « Ceux qui nous sauvent de notre vie ne savent pas qu’ils nous sauvent »

    En préambule à ce livre. Et puis tout un texte qui s’adressait à Marceline Desbordes-Valmore:
    Sa rencontre par texte interposé avec la poétesse douaisienne.
    Marceline aussi, moi je l’ai croisée. L’an dernier. Pas à la gare du Nord comme ce fut le cas pour Christian Bobin. Mais à la fenêtre de mon ordi. Entre deux coups au coeur. Avec des mots dans ses poèmes et qui me parlaient. Précisément. presque de manière synchronique. Ou tout au moins de manière aussi précise que je voulais qu’ils fussent.

    J’ignorai, avant d’acheter ce livre, que Bobin avait écrit sur François. Là aussi , un grand bang au niveau de la poitrine. François, je le rencontre partout. Depuis des années. Souvent dans ce même tableau que celui qui illustre ton texte. En reproduction dans l’église de mon village, lors d’une exposition de peintres locaux, sur les blogs amis et qui comptent pour moi, et par des lectures ou association d’idées, dans des passages très précis de mon existence.
    François et Chiara aussi.
    L’ Arche d’Alliance, l’Amour, comme il est dit par Juliette Binoche figurant Claire dans l’Oratorio de François des Oiseaux.
    Des Oiseaux…tu sens le lien ma chère Elisabeth.

    « Ceux qui nous sauvent de notre vie ne savent pas qu’ils nous sauvent ». Ils peuvent aussi nous emporter au bout du Monde. Sans le savoir vraiment.

    Très heureuse de te revoir. Je vais aussi faire un petit tour sur la Harley. Mais juste avec les yeux…je ne suis pas très courageuse. Je t’embrasse, en attendant de te raconter le voyage…un peu plus loin.

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    • Marie-Hélène, tes mots ont le don de m’émouvoir aux larmes, aussi bien ceux de tes poèmes que ceux que tu viens de déposer ici… Nous ne croyons pas au hasard et ce que tu racontes dans ces lignes, n’évoque que des magnifiques synchronicités… Tu me conduis vers Marceline Desbordes-Valmore, je la connais peu mais je la croiserai sûrement quelque part… puisque tu l’aimes… comme j’adore Christian Bobin et vénère le Saint-François, lui, qui parlait aux frères Oiseaux… et ils sont plusieurs dans ton dernier poème…
      L’Oratorio m’émerveille toujours, je te mets un extrait

      Si heureuse de te lire… et ne dis pas que tu n’es pas courageuse… tu as le plus grand de courages, celui de vivre… et d’aller si loin.
      Toute ma tendresse

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    • Tu as suscité un doute, alors, je suis allée relire. Il dit : « Or, on ne peut pas susciter artificiellement un désir. Les besoins, oui, on peut les créer et les satisfaire, ou pas. J’ai besoin d’une pomme, je l’achète, je la mange, le besoin est momentanément éteint. Le désir, c’est autre chose, c’est une histoire d’amour, une histoire passionnelle qui va entrer loin dans la vie de l’autre. Le désir ébranle la chair, l’esprit, tout »…
      Telle que je te connais, tu pourrais affirmer la même chose… dis le moi, si je me trompe…

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      • Non, question de définitions de termes je pense ! Nous avons *besoin* de manger, nous avons *envie* d’une pomme.

        Susciter artificiellement le désir, quoi de plus banal ? Cela se produit tous les jours ! La propagande, notamment commerciale, est phénoménale… et les effets (méfaits) du marketing sont largement sous-estimés 😦

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  15. Ah, je l’aime bien lui et son éloge du rien, ça me parle et puis un monde, que dis-je un univers dans une micro-sphère, là aussi je le rejoins. Bien contente de retrouver tes articles plein d’enseignements, merci chère Elizabeth ;O)

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