Nos vulnérabilités sont une force

Tout nous pousse à afficher assurance et fermeté, à cacher notre vulnérabilité. Pourtant, acceptée et transformée, elle est une ressource vitale insoupçonnée.

Bulle

Jusque-là, tout allait bien. Depuis neuf mois, nous vivions comme en apesanteur. Choyé, aimé, nourri, flottant voluptueusement dans une poche tout confort.

Cette improbable bulle commença soudain à nous enserrer de manière imprévisible et clairement désagréable. Il nous fallut alors trouver une issue, traverser un canal inconnu, comprimé comme une éponge. Et naître sous d’autres latitudes, selon d’autres règles.

Ce paradis perdu, où tous nos besoins étaient satisfaits sans le moindre effort, est à la source de notre première fragilité. Et pour cause : nous naissons totalement dépendants et inachevés.
« Nous sommes dépourvus d’instincts à la naissance, notre système nerveux n’a pas encore fini de se construire et nous devrons tout apprendre, observe Jean-Claude Liaudet, psychanalyste et auteur de Du bonheur d’être fragile.

L’homme n’est pas le seul mammifère à avoir besoin de parents pour survivre, mais le temps d’apprentissage chez lui est particulièrement long : environ six ans pour les acquisitions de base permettant la survie, plus une dizaine d’années pour les plus complexes. Tel est le roi de la création ! »

Paradoxalement, nous vivons dans une société ultracompétitive, qui nous exhorte à être toujours plus forts, refoulant notre vulnérabilité, assimilée à de la faiblesse. Pourtant, au moment de la maladie, d’une séparation ou d’un orage, celle-ci nous apparaît évidente. Et si nous essayions aussi de la percevoir comme une ressource ?

Une source de lien et de créativité

Sans notre fragilité native, il n’y aurait pas de langage pour entrer en relation avec cet autre dont nous avons tellement besoin à l’aube de notre vie. Pas de langage, donc pas de transmission de l’expérience, et pas de mémoire de l’humanité. L’amour, l’amitié, l’empathie pointeraient aux abonnés absents.

Sans la reconnaissance de notre fragilité, pas de questions ni de doutes non plus. Donc pas de science ni de philosophie. Pas de littérature, de poésie, de théâtre, de cinéma… Ne resteraient que des certitudes, des dogmes, des armures. William Shakespeare, dans Mesure pour mesure (Les Solitaires intempestifs, “Traductions du XXIe siècle”, 2008), évoquait ainsi notre « essence de verre » pour symboliser la nature profonde de l’être humain.

Quant à l’écrivain Jean-Claude Carrière, il souligne dans Fragilité : « Un personnage ne peut nous toucher, et toucher les autres, que lorsque nous avons trouvé en lui cette “essence de verre” que nous appelons vulnérabilité. Alors notre vulnérabilité, loin d’être une simple et irrémédiable faiblesse, devient, parce qu’elle nous est commune, le moteur de toute expression, de toute émotion et, souvent, de toute beauté ».

Notre identité même – ce fameux moi dont nous souhaiterions souvent qu’il soit homogène, solide, cohérent –, est faillible, ondoyante et diverse. Une représentation monolithique de notre identité serait bien loin de notre réalité psychique. Nous sommes fragiles parce que nous sommes faits de conflits intérieurs. Si cela rend parfois nos décisions difficiles, cela nous permet aussi de nous adapter, de comprendre des points de vue opposés, de bouger, changer, chercher, découvrir.

Si nous n’étions pas fragiles, nous ne nous comprendrions tout simplement pas. « Accepter de l’être, c’est savoir que je ne me réduis pas à ce que je suis, mais que je peux penser autrement que je pense, ressentir autrement que je ressens,remarque Jean-Claude Liaudet. En réalité, je suis où la pensée et le désir me viennent. »

Accepter cela, c’est accepter nos contradictions plutôt que les refouler. Et apprécier la diversité des angles. Ce que Picasso résumait joliment ainsi : « S’il y avait une seule vérité, on ne pourrait pas faire cent toiles sur le même thème. »

Une porte pour nos désirs

Nos fragilités, il est vrai, ne sont pas toujours douces à vivre. Loin de là. À défaut d’être canalisées, elles nous condamnent aux circonvolutions et aux mélancolies. Reconnues et utilisées, elles peuvent devenir une force. Associées à certaines activités, elles permettent en effet d’exprimer toute la sensibilité qu’elles supposent.

Chacun peut, à sa mesure, les transcender par une activité créatrice. Prendre un stylo, un pinceau, une souris, un instrument, voire une feuille de papier pour en faire un masque africain, et voilà nos failles qui se cristallisent et nous renforcent.

Que dire de nos peurs dont les résurgences nous renvoient à notre essence de verre ? Elles sont aussi des portes. « Même si c’est surprenant, même si c’est difficile, on peut tenter d’écouter en soi les désirs qui se cachent, qui se terrent derrière chaque peur, aussi petite, aussi effrayante soit-elle », affirme le psychosociologue Jacques Salomé, auteur notamment d’À qui ferais-je de la peine si j’étais moi-même ? (Éditions de l’Homme, 2008).

Les peurs, lorsque leurs objets sont réels, peuvent être des limites salutaires mais aussi des moteurs incroyablement puissants. C’est Sarah Bernhardt qui, recevant une élève, lui demande : « Mon petit, avez-vous le trac ? » « Non, Madame », répond la jeune fille étonnée.
« Rassurez-vous, rétorque la tragédienne, cela viendra avec le talent. »

Les comédiens le savent bien, un trac bien négocié est un trac utile. Il mobilise l’énergie dont nous avons besoin pour faire face à une situation inhabituelle ou déstabilisante, il permet le passage à l’acte de la prise de parole qui, lui-même, fait disparaître… le trac.

La peur de la mort, fragilité universelle s’il en est, peut elle aussi s’inverser, nous inviter à agir autrement. N’est-il pas légitime de vivre au mieux sa fragilité lorsque l’on sait que l’on va mourir ? De se mettre à l’écoute de ses désirs propres, donc de son individualité profonde, plutôt que de cloner le désir des autres ?

Nos désirs, justement, découlent d’une autre fragilité fondamentale : le manque. Car c’est bien parce que nous manquons de quelque chose que nous le désirons, et ce manque nous fragilise, implacablement, voluptueusement. Le désir se nourrit de ce qui lui échappe.

« On devient humain quand on est amené à sublimer les désirs qui coexistent en nous depuis l’enfance, c’est-à-dire à les déplacer sur des buts socialement constructifs, précise Jean-Claude Liaudet. Pour assouvir un désir de toute-puissance, certains vont devenir des sportifs de haut niveau et d’autres cultiver des tomates hors du commun ! L’essentiel est bien de trouver l’accomplissement qui nous convienne. »

De nos vulnérabilités naissent nos diversités, nos possibilités, nos forces. Chacun de nous, à son gré, peut ainsi se fixer ses propres règles, enfin respectueuses de son essence de verre. Se reconnaître fragile, en somme, et en éprouver du plaisir.

Benoît Helme

A lire :
Du bonheur d’être fragile de Jean-Claude Liaudet Albin Michel 

Fragilité de Jean-Claude Carrière Odile Jacob Le scénariste et écrivain propose, à partir de sa lecture des grands poètes, une vision de l’homme qui tire sa ressource essentielle de sa vulnérabilité même

 

 

 

48 réflexions sur “Nos vulnérabilités sont une force

  1. J’aime ce papillon dans cette bulle.

    Sommes-nous vraiment dépourvu de tout instinct à la naissance ? « « Nous sommes dépourvus d’instincts à la naissance, notre système nerveux n’a pas encore fini de se construire et nous devrons tout apprendre, observe Jean-Claude Liaudet, psychanalyste et auteur de Du bonheur d’être fragile. »

    Je ne crois pas. Le bébé qui naît est certes vulnérable, dépendant de l’adulte, comme pour beaucoup d’autres espèces animales, mais il ne me semble pas dépourvu d’instinct.

    Ah, tu m’obliges encore à faire appel à mon dictionnaire 🙂

    ◆Ensemble des tendances innées et héréditaires qui déterminent certains comportements spécifiques et immuables, communs pour tous les individus d’une même espèce. Instinct grégaire, migratoire. Instinct sexuel. L’instinct de conservation.
    ◆Intuition, spontanéité, connaissance naturelle. Agir par instinct. Suivre son instinct. Se fier à son instinct. Faire quelque chose d’instinct. Y aller d’instinct. Elle a agi par instinct. Faire quelque chose à l’instinct.
    ◆Disposition naturelle pour faire quelque chose. L’instinct des affaires, du jeu, du commerce.

    Et pour n’en citer qu’un, il y a L’instinct de succion chez le nouveau-né.

    J’aime beaucoup cette idée de la fragilité comme « Une source de lien et de créativité » et de cette empathie qu’elle implique.

    Pour moi, l’acceptation de sa fragilité peut aussi être assimilée à une grande maturité, celle de sa lucidité et de l’acceptation de ses sentiments et donc de soi.

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    • Nous revenons à cette vieille discussion sur l’innée et l’acquis, et effectivement, même si je l’ai publié, je ne suis pas d’accord avec les affirmations de Jean-Claude Liaudet.
      Pour moi, le bébé, déjà au stade fœtal, ressent, réagit et éprouve les sensations, comme il vient au monde avec un « bagage » des mémoires, aussi bien familiales que transgénérationnelles, et toujours, en suivant Jung, avec cette connexion à la mémoire collective.
      Et les instincts, surtout celui de la survie est ancré en nous depuis toujours, sans parler des autres. Il reste donc cette vulnérabilité et la nécessité de tout apprendre, qui elle aussi peut être remise en question… mais bon, c’est un autre débat…
      J’aime beaucoup tes deux dernières affirmations car en effet, nos fragilités nous rendent plus attentifs et réceptifs à la souffrance de l’autre, comme elles nous poussent à entrer en lien, voire devenir plus créatifs.
      Et cette acceptation est sans doute signe de maturité car la lucidité sur qui nous sommes vraiment ne s’acquiert pas sans elle.
      Merci, Yveline pour cette attention que tu accordes à ces publications et pour tes commentaires si réfléchis… tu ne fais pas les choses à moitié 🙂

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  2. Merci Elisabeth pour cette vision du monde constructive que tu proposes. Identifier ses failles certes mais surtout ne pas les combattre ou les supprimer. A l’inverse, prendre le contrepied de ce que les objectifs de performance actuels nous dictent : se réconcilier avec elles et les sublimer pour mieux vivre… Vraiment, Merci 🙂

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  3. Merci beaucoup, Elisabeth, pour ce bel article…
    Sans doute nos fragilités sont-elles la « faille » par laquelle un peu de « quelque chose d’autre » peut entrer…venir nous toucher et nous transformer…

    Amitiés.

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    • « Heureux soient les fêlés car ils laisseront passer la lumière » ou la citation de Cohen, que j’ai postée plus bas…
      Nos failles nous fondent et nous transforment, elles se montrent aussi dans ces « grands rêves » sur ton blog, que je lis avec joie, sans me manifester…
      Merci, Licorne et toutes mes amitiés

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  4. Quand on peint (ou qu’on écrit, ou qu’on fait de la musique…), on a plutôt intérêt à laisser parler sa fragilité, comme il est dit dans l’article. Moi, j’ai consacré beaucoup de temps et d’énergie à peindre, à explorer ces fragilités, du coup j’y ai peut être laissé un peu trop d’instinct de survie. Il faut que j’équilibre. Une toile est finie quand on la sent équilibrée. La vie est la plus belle des toiles parce qu’on a vraiment quelque chose a y perdre. Sacré boulot!

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    • Et comme je répondais, avec la citation de Jean-Claude Carrière, à ceux qui soutiennent que dans notre monde seuls les « durs » sont acceptés, tant d’artistes ont clamé leur fragilité…
      Je pense surtout à Leonard Cohen, qui a énuméré la liste de toutes les drogues, légales aussi, lors d’un concert… il parle sans gêne de sa dépression chronique et quel artiste immense :
      « There is a crack in everything
      That’s how the light gets in”
      Tu en es une, alors tu sais combien la création est exigeante, voire dangereuse parfois… oui, le « métier de vivre » est un sacré boulot

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  5. Bonjour Elisabeth,
    Comme cette phrase me parle « Si nous n’étions pas fragiles, nous ne nous comprendrions tout simplement pas. « Accepter de l’être, c’est savoir que je ne me réduis pas à ce que je suis, mais que je peux penser autrement que je pense, ressentir autrement que je ressens,remarque Jean-Claude Liaudet. » Ah oui alors, c’est ainsi que nous cheminerons toute au long de notre vie 😉
    Encore une belle publication, merci Elisabeth elle me conforte avec ma pensée 🙂
    Belle journée !
    Bisous doux

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    • Je ne suis nullement étonnée, Fanfan, que cette phrase te parle, puisqu’elle décrit exactement ce que tu fais 🙂
      La fragilité permet l’ouverture, la réflexion, le questionnement permanent, qui nous incite à cheminer, et surtout elle nous évite de nous durcir et nous scléroser dans nos certitudes.
      Bisous tendres à toi et voilà que je te souhaite une douce fin de semaine… comme le temps passe 🙂

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  6. ‘Without our native fragility, there would be no language to engage with the other of which we need so much at the dawn of life. No language, so no transmission of experience, and no memory of humanity. Love, friendship, empathy would point conspicuously absent.’

    how true.

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  7. Bonsoir Elisabeth,
    Une conclusion qui me vient hâtivement à la lecture de ce texte…C’est lors de nos premiers neufs mois d’existence et les cinq à six premières années de notre vie que nous sommes les plus vulnérables…mais n’est-ce pas aussi la période habituellement la plus inconditionnellement sereine et heureuse… Et de cette période pourtant vulnérable, on ne veut surtout pas sortir. Et si on essayant d’appliquer ce principe avec les années, on apprendrait à vivre plus sereinement. Certes il faut apprendre à se débrouiller…. mais on le fera de toute façon… qu’on soit à l,aise ou pas avec notre vulnérabilité ou nos faiblesses..alors aussi bien s’en complaire pour mieux cheminer, avancer et ce dépasser… oui se dépasser plutôt que de vivre toujours dans la crainte.

    Tu nous fais encore cogiter… n’ayons pas peur de le faire… malgré notre vulnérabilité à tout saisir….. 🙂

    Mes salutations sincères,

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    • Aïe, Kleaude, si ta conclusion, hâtive ou pas, pourrait être vraie en général, et bien que cela soit décrit ainsi dans l’article, la période fœtale n’est pas toujours si heureuse, l’accouchement est l’un de plus gros traumatisme de notre vie, et quant à l’enfance heureuse ?… Nous sommes si nombreux à en guérir encore, et personnellement, puisque nous sommes à nos fragilités, je ne retournerai pour rien au monde, ni dans le ventre de ma mère, ni dans mes premières années…
      Pour ce qui est du reste de ton raisonnement, le mot qui me convient le mieux et accepter et vivre sereinement, en guérissant ces fragilités, acquises surtout dans l’enfance…
      Effectivement, il y a de quoi cogiter 🙂
      Merci d’être toujours partant pour le faire et toutes mes amitiés

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      • Oui….bien sûr mon interprétation est biaisé par mon propre cheminement. On tombe trop souvent dans le piège de la généralisation.
        Mais oui..peu importe les méandres parcourus, il fait bon arriver à un point où l’on peut analyser son parcours avec une sérénité qui s’avère alors si douce.
        Mes amitiés sincères

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    • « Le monde » c’est vaste, Ava 🙂 Si tu parles de nos vies professionnelles ou sociales, effectivement, il est préférable de ne pas étaler nos vulnérabilités.
      Mais il y a des proches, des amis vrais et surtout nous-mêmes… face à soi ou à travers nos blogs où nous nous dévoilons aussi…
      Et encore, comme je viens de répondre à Orepuk, il existe des personnes bien courageuses, qui n’ont pas hésité de montrer leurs faiblesses à la face de ce monde

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  8. Reconnaitre et accepter ça fragilité et une grande chose, mais le reconnaitre publiquement dans notre société et un suicide, c’est se faire massacré.
    Pour la mort je viens de lire  » quand la mort arrive  » de Stéphane Allix, et se ne sont pas forcément les plus fragiles qui la refuse, j’ai était malheureusement étonné du comportement d’Élisabeth Kübler-Ross face à sa propre mort.

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    • Il n’est nullement question dans ces articles d’aller crier sa fragilité sur la place publique, bien que les plus courageux l’aient fait, sans se faire massacrer… je pense à certains artistes, poètes, philosophes, écrivains car, comme le dit Jean-Claude Carrière : « Un personnage ne peut nous toucher, et toucher les autres, que lorsque nous avons trouvé en lui cette “essence de verre” que nous appelons vulnérabilité. Alors notre vulnérabilité, loin d’être une simple et irrémédiable faiblesse, devient, parce qu’elle nous est commune, le moteur de toute expression, de toute émotion et, souvent, de toute beauté ».
      Je n’ai pas lu le livre que tu mentionnes, et je suis fort étonnée par l’affirmation concernant Élisabeth Kübler-Ross, puisque cette femme d’un courage immense, et qui en plus a côtoyé la mort sa vie durant, et surtout pendant sa très longue maladie est restée si humaine, jusqu’au bout.
      Si cela t’intéresse, je te mets un lien vers un site qui retrace sa vie, il est un peu long mais tu peux juste lire une autre version de sa fin

      http://ekr.france.free.fr/destin.htm

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    • C’est pour cela que la notion du « métier de vivre » a été évoquée dans l’article précédent, et que la citation « personne n’a jamais dit que cela serait facile, juste que ça en vaut la peine » est toujours d’actualité 🙂 Merci, Julie

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  9. Bonsoir Elisabeth,
    Je prends note de la bibliographie qui me sera très certainement utile.
    Exprimée dans cette article, la fragilité nous distingue, nous offre une ouverture sur le monde.
    Pour te répondre au sujet de mon père, ma famille à toujours été obligée de se battre. Mon grand-pere paternelle était à Mattahausen, ma grand-mere maternelle orpheline à 5 ans. Mon père est un « accident » et son jumeau n’a pas survécu plus d’un mois.
    En cela, ils ne se sont jamais donner le droit d’être fragile. Mon père me considère comme une « guerriere » parce que je suis aussi une survivante. J’ai grandi comme ça. Avec la certitude que dans cette vie, il n’y a pas de place pour les faibles.
    Mes 10 ans d’analyse m’ont obligés à revoir mes convictions ;).
    Je n’accepte pas vraiment d’être « fragile ». J’ai cependant bien compris que je suis extrêmement sensible. Je dois admettre que cette sensibilité fait de moi celle que je suis. On dit que l’art exprimé la sensibilité, c’est le reflet de l’âme.
    Mais c’est aussi un handicap. Les désaffectés ne se prennent pas la tête avec des phobies, des questions existentielle ou philosophique. Je ne sais pas s’ils sont heureux – malheureusement ils sont dangereux – mais ils sont probablement moins sujet aux maux d’estomac.
    Il y a vraiment des jours où je voudrais me moquer de tout et faire ce que je veux – mettre un bon coup de pelle aux trolls par exemple – mais voilà, voilà, ma sensibilité bloque en moi toute violence, m’impose le respect de l’autre et la réflexion personnelle.
    Merci pour ce superbe article. Je suis sortie du sujet (pour changer) mais je trouve les sentiments très bien exprimés.
    Je te souhaite une bonne soirée.
    Je t’embrasse.

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    • Alors, tu comprends bien la réaction de ton père… et si tu n’avais pas entrepris ce travail d’introspection, tu continuerais à maintenir cette croyance que seuls les battants survivent.
      Mais cette notion est relative aussi car les véritables guerriers, ce ne sont pas des gros bras insensibles mais les « résilients » ou ceux qui domptent leurs dragons personnels.
      Et la première et indispensable étape vers un changement durable est l’acceptation, sans laquelle tu continueras à te battre… contre toi-même.
      Bien évidemment, être une hypersensible n’est pas facile à vivre au quotidien mais s’il y a beaucoup de difficultés, les « avantages » sont nombreux aussi : l’ouverture, l’empathie et cette créativité qui t’est chère.
      Et je reste fort sceptique sur ses personnes apparemment « normales » car qu’en savons-nous, de leurs vies, leurs problèmes et interrogations ? L’herbe est toujours plus verte ailleurs 🙂 et s’ils n’ont peut-être pas de maux d’estomac, ils « se fabriquent » des ulcères, voire des maladies bien plus graves…
      Tu es comme tu es, et que tu le veuilles ou non, tu es obligée de faire avec… et je crois que tu es capable d’apprendre à mieux vivre, en accord avec tes valeurs si tu es un peu moins dure avec toi.
      Je t’embrasse, Annawenn

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      • Tu me trouves dure avec moi même? C’est peut être que je trouve long le chemin du bien-être ;).
        Comme je l’ai dit dans un autre commentaire, j’ai suivi 10 d’analyse et je m’étais adaptée à la vie citadine, aux personnes autour de moi, j’avais établi des repères…
        Je vis dans un autre monde aujourd’hui. Un monde hermétique à la psychologie, un monde où l’ordre est établi et figé. Tu n’imagines pas ces « grandes » familles qui vivent toujours comme au XIX ème siècle.
        Un monde où le cimetière est une priorité (les enfants passent apres).

        Un monde où les commémorations sont légions. Ils vivent dans le passé, leurs non-dits, leurs secrets de famille qu’ils gardent précieusement.

        La culture est inexistante parce qu’ils ne veulent rien de nouveau. Je leur fais peur autant qu’ils m’angoissent.

        A moi de revenir sur l’analyse, de réfléchir, de trouver comment vivre ma vie dans ces nouvelles conditions. Pas de psychanalyste ici, même pas de psychologue. Il n’y a que le CMP mais ils s’en tiennent à la psychiatrie institutionnelle.
        Je fais une auto-analyse et je viens sur ton blog pour avoir un regard extérieur et ne pas tourner en rond dans mes idées et convictions.

        La thérapie par l’art se fait dans mon atelier. Je lis, j’écris. J’évite les personnes toxiques ce qui revient par ici à rester seule. Par ici le « lien social » est dans les bars. Mais après 3/4 verres, les tournées sont l’unique sujet de conversation. Les relations sont superficielles. Et comme je ne bois pas d’alcool, je suis mise à l’écart.
        Les quelques animations tournent autour de la bouffe dès 9h du matin le dimanche. Cochon et vin blanc… je ne mange pas de viande et en plus ça m’écoeure. je suis jugée bizarre et « folle ».
        Peu à peu, j’arrive à me détacher de tout ça mais l’isolement est pesant. Ce qui me fait dire que l’analyse, la remise en question, la réflexion n’ont pas de fin.

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        • Je ne voudrais pas te faire de peine mais quand on est fragile et hypersensible, c’est à vie, et bien que l’analyse aide, elle ne résout pas tous les problèmes…
          Tu le sais bien, comme tu n’ignores pas que nous ne faisons que « déléguer » au thérapeute notre propre capacité de guérison… donc au fait, c’est nous, notre meilleur thérapeute… d’où la nécessité d’être patient, doux et aimant avec soi, ce qui n’exclue pas l’exigence, bien au contraire mais dans l’acceptation, pas dans la lutte.
          C’est un avis qui n’engage que moi… mais tu dis bien que l’analyse, la remise en question, la réflexion n’ont pas de fin.
          Il y avait des raisons à ton choix de quitter Paris, et certainement des avantages à choisir de vivre dans cette région, non ?
          Certes, ce que tu décris est lamentable mais sont-ils vraiment tous pareils ? Pas un être humain intéressant à l’horizon ?
          Bon, je crois qu’à présent, je te donne ce lien vers le site des psys en ligne, tu verras bien

          https://biancatsroom.wordpress.com/2014/09/08/chouette-mon-psy-sinvite-a-la-maison/

          En plus, Biancat est une amie et une fille formidable, une autre expatriée 🙂 et tu aimeras peut-être son univers.
          Bisous, Annawenn

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    • Belle définition : « la sagesse s’acquiert au prix de fragilités maîtrisées », Thiébault, quant à la suite, merci pour ton humour inimitable 🙂
      Pour le paquet d’années, nous en sommes tous là, et personnellement, je n’aspire nullement à devenir un être vénérable 😛

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  10. Elle est sans à dévoiler aux autres avec précaution sa fragilité… C’est vrai que c’est mal vu dans la vie professionnelle où la compétition prend largement le pas sur l’entraide. Il ne faut se livrer qu’à des gens qui peuvent comprendre sans les surcharger de nos propres fardeaux.

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    • Je suis bien d’accord, Mo, dans la vie professionnelle ou sociale, il vaut mieux ne pas montrer ses fragilités, comme ne les confier qu’à ceux qui sont en mesure de comprendre. Et sans abuser, sinon, nous nous plaçons en position de victime.

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