Accueillir l’émotion : La fin du refus

coeur-feu

« Il faut restaurer une perméabilité et un contact plus fluide avec nos émotions. Habituellement nous ressentons nos émotions lorsqu’elles nous dérangent. Le reste du temps, nous les tenons réprimées. La première étape consiste à nous ouvrir à l’émotion.

Puis il devient clair que l’émotion est un phénomène provenant de l’intérieur. Habituellement, nous sommes convaincus que l’extérieur déclenche l’émotion, alors qu’il la révèle seulement. Nous pouvons donc faire l’expérience que toutes les émotions demeurent présentes, en latence, même quand nous ne sommes pas en situation. En apprenant à accueillir l’émotion, je peux plus facilement lui dire « stop ».

Le refus est inhérent à l’émotion… car elle naît justement de ce décalage entre ce que j’attendrais et ce qui est. Dans mon esprit, la situation pourrait être autrement et je ne l’accepte pas directement telle qu’elle est. Je suis d’autant plus excité et joyeux d’être reçu à un examen, que je doutais du succès. Je compare subconsciemment avec la situation inverse où j’aurais pu échouer. Ce n’est pas une unité totale et immédiate avec la réalité.

Dans une émotion joyeuse comme dans une émotion de tristesse ou de peur, on retrouve toujours un élément qui implique que la situation pourrait être différente. On ne vit pas une acceptation inconditionnelle du « c’est ainsi », où l’émotion se transformerait en un sentiment de paix.

Un aspect central de mon travail de thérapeute est de détecter les refus au quotidien. Cela consiste à aider une personne qui ressent une tension à contacter la pleine mesure de son émotion, à découvrir le point le plus sensible, jusqu’à cette qualité d’acceptation inconditionnelle qui ramène l’unité et la paix intérieures.

Le but n’est pas de faire disparaître l’émotion mais le refus qui la sous-tend. L’acceptation permet de retrouver une circulation fluide, une véritable spontanéité, que l’émotion reste présente ou disparaisse.

Ce n’est pas une technique particulière mais plutôt un état d’esprit. C’est une intention de ne pas se protéger vis-à-vis de ce que nous portons en nous de plus dérangeant – certaines pulsions, certaines souffrances, ce que nous avons le plus de mal à accepter en nous. Ce sera le moment privilégié pour nous ouvrir à ces aspects conflictuels et douloureux, en les exprimant – à la différence de la méditation où l’on reste silencieux et statique.

L’expression sans retenue de ce que l’on ressent facilite le fait d’aller au cœur de l’émotion. Au plus aigu de la souffrance, si nous cessons de résister et si nous nous ouvrons, nous découvrons soudain la paix, le silence, l’immobilité. Arnaud Desjardins cite souvent cette parole: « Pour sortir de l’enfer, il faut sauter là où les flammes sont les plus hautes », comme dans l’Enfer de Dante où la sortie se trouve au centre de l’enfer et non à sa périphérie.

À partir du moment où nous avons affronté ce qui nous fait le plus mal, la peur de le ressentir disparaît. L’aspect dérangeant ne pose plus problème et s’intègre, qu’il persiste ou non. Tant que l’on sent une menace, c’est qu’il reste une dualité avec l’émotion : « D’un second naît la peur » disent les Upanishad.

A partir du moment où l’on se plonge tout entier, corps et âme, dans l’expérience douloureuse avec l’impression que l’on peut mourir, suffoquer et être complètement anéanti, on s’aperçoit que l’on n’est pas détruit et qu’il existe un niveau de conscience absolument intact, inaffecté par la souffrance.

Cette attitude commence à imprégner le quotidien et ouvre à la plénitude de la vie, car nous avons contacté ce niveau indestructible. Au lieu de fuir et d’éviter, nous nous laissons traverser par les vagues et les remous, sans être submergés ni noyés. »

Christophe Massin

45 réflexions sur “Accueillir l’émotion : La fin du refus

  1. Est ce que pour entrer en acceptation il faut entrer en amour et dans le pardon ? Lâcher prise au point de ne plus rien ressentir ? Neutralité totale qui signifierait l’indifférence ? Ou amour total qui signifierait… Accepter aussi de souffrir ?
    Faire un choix ?
    Pour moi, c’est compliqué et complexe et difficile tout ça ! Va falloir que je retourne voir ma thérapeute…

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    • Entrer en amour et dans le pardon, surtout envers soi, sans aucun doute. Lâcher-prise ne signifie ni indifférence ni anesthésie de ses émotions, cela est humainement impossible d’ailleurs. Juste ne pas s’accrocher, s’identifier avec car si nos ressentis nous font mal, c’est parce que nous leurs opposons une résistance farouche, et dans la souffrance, c’est la peur de cet état qui la rend la plus insupportable.
      S’ouvrir à ces aspects conflictuels et douloureux en les exprimant, mène vers l’acceptation de ce qui est, et conduit vers l’unité et la paix intérieures.
      C’est un grand défi, certes, un choix aussi, celui de se laisser balloter, impuissant… ou bien ne plus refuser l’émotion.
      Tendresses, Lady

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  2. Je crois que je suis actuellement en plein dans ce travail. Et je rame, je pousse, je crache. Le « refus » ici évoqué est probablement la clé de nombreux blocages et freins dans mon parcours de vie. Une semaine de ski m’a fait comprendre qu’il y a beaucoup de peur en moi. Peur de la pente, mais au-delà de cette contrainte extérieure, une peur chevillée au coeur et et au corps. Je crois bien avoir refusé la peur en moi depuis mon enfance. J’ai décidé durant ces vacances qu’il me fallait accepter cette peur en moi. Merci pour ce texte éclairant qui vient en écho à cette laborieuse prise de conscience. Amitiés.

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    • Laborieuse, puisque profonde, comme tout chez toi, Stéphane. La peur que tu évoques a sûrement des racines très anciennes, parce que tu n’es pas quelqu’un qui se dérobe ou se voile la face. Celui qui côtoie les sommets contemple les abîmes aussi… alors, courage pour « embrasser le monstre »

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    • Oui, pas toujours évident de nommer les émotions qui nous agitent et se confondent, surtout si les accepter nous fait peur. Mais pour ne pas se retrouver submergé, au bord de ce chaos, les accueillir permet d’apprendre à ne plus les refuser

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  3. Arnaud Desjardins cite souvent cette parole: « Pour sortir de l’enfer, il faut sauter là où les flammes sont les plus hautes », comme dans l’Enfer de Dante où la sortie se trouve au centre de l’enfer et non à sa périphéri.

    Avec la tête je suis parfaite d`accord avec ce texte.
    Mais parfois le corps à tellement de difficulter à suivre la tête.

    tendresse, tendresse car je ne sais que rajouter
    La je sens la pauvreter de mes mots.
    Ton image me parle beaucoup ainsi que tout le texte.

    Bonne nuit , Tendresse

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        • Ah, Anna et ses questions qui me font toujours cogiter 🙂
          Personnellement, je n’ai jamais critiqué la dualité, puisqu’elle est inhérente au monde, intérieur comme extérieur, et pas dans le sens manichéen mais tout simplement parce que tout est duel.
          Et comment parler d’une stricte différence en matière d’émotions qui sont floues par nature, et associées à l’élément eau ? Quand tu peins, délimites tu les noirs et les blancs ou plutôt dépeins tu tous les niveaux du gris ?
          Le mot « surface » n’était pas très approprié, je voulais dire véritablement, avec la totalité de son être et non pas de manière mentale

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  4. Ce terme « d’accueillir » me parle. Il me vient l’image de bras ouverts. Accueillir ses émotions c’est un peu s’ouvrir à soi-même, comme un invité que l’on laisse entrer, se poser et vivre le moment qui vient sans le juger. La guérison est à ce prix, accepter d’aller au cœur de ou des émotions, pour tendre à plus de liberté intérieure. Et je suis d’accord pour dire qu’à partir du moment où nous affrontons ce qui est douloureux, l’émotion sera moins vive, voire même elle disparaitra sans nous anéantir.
    Merci Elisabth de ce partage, bonne soirée , bisous ♥

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    • Belle image de ces bras ouverts, comme si nous nous donnions tout l’amour inconditionnel, quel que soit l’état dans lequel nous nous trouvons. Sans jugement, culpabilité, refus, accueillir même le plus sombre. Oui, la guérison est au prix de ne pas se mentir, d’explorer toutes nos facettes et se donner la liberté de choisir celle qui sera juste pour nous.
      En acceptant de plonger corps et âme dans l’expérience douloureuse, avec l’impression que nous pouvons être anéantis, nous contactons ce niveau de conscience absolument intact, inaffecté par la souffrance.
      Merci à toi, Lucia, bisous tendres

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  5. Bonjour Elisabeth,
    Pour parvenir à cela, il faut d’abord bien se connaître, il me semble. Puis effectivement accepter ses émotions, en les acceptant nous pouvons alors comprendre et vivre au mieux avec. C’est là qu’entre en jeu le lâcher prise. Nous ne pouvons gérer tout le temps, cela même si parfois nos émotions nous font peur. Je crois qu’il est essentiel d’arrêter de tout vouloir gérer, et d’accueillir ceux-ci.
    La plus belle erreur est certainement de refuser les émotions car même si nous pensons que cela suffira, tôt ou tard elles nous submergeront…
    Une publication qui est d’une richesse incontestable, il serai bêta de passer à côté…Merci à toi Elisabeth !
    Belle journée !
    Bisous tendres d’amitié

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    • L’inverse est vrai aussi car accueillir nos émotions nous permet de mieux nous connaître, en regardant ce qui émerge et pour quelle raison. Et cela peut être fort surprenant parfois, nous conduisant à des prises de conscience nouvelles.
      Gérer, n’est pas à prendre dans le sens « contrôler » mais justement, nous laisser déborder parfois, pour aller au cœur de ce qui nous submerge.
      En tout cas, une bonne dose d’amour pour soi est nécessaire pour entreprendre ce travail, et ne pas nous blâmer ni culpabiliser quand les émotions que nous croyons répréhensibles se présentent.
      Et là, l’acceptation prend tout son sens.
      Merci à toi, Fanfan et doux bisous

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  6. Bonjour Elisabeth,
    Accepter évite certes de dépenser beaucoup d’énergie à lutter contre ce qui est.
    Pourtant, la lutte est un reflex.
    Accepter la tristesse, la fatigue dans l’instant oú elles se présentent, c’est cependant prendre aussi le temps d’un instant de réflexion sur soi, n’est ce pas?

    Allez, aujourd’hui j’accepte la religieuse séance « psy ». Je m’offre une heure de lâcher prise. Et tant pis si j’ai face à moi tout ce que je déteste : ça m’entrainera à accepter ;).

    Même si, dans mon quotidien, le yoga et la sophrologie – visualisation positive – m’aident beaucoup; je me dis que si j’ai choisi cette personne, c’est peut être que mon inconscient veut accepter les autres tels qu’ils sont… même si j’ai très envie de la secouer pour la réveiller :D.

    La psy ne me fera aucun mal. Par contre son attitude m’apprend à éviter la compagnie des personnes dont l’attitude me désole. Suis je en bonne voie d’acceptation?

    Bonne journée chère Élisabeth.

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    • Si la lutte est un réflexe, il vient plutôt de nos cerveaux presque reptiliens, comme toutes les réactions physiques, face au stress, utiles à un homme de cavernes mais si handicapantes dans nos sociétés. Et pendre conscience de ce conditionnement est déjà un début, l’acceptation totale étant propre à celui qui chemine.
      Et non seulement en détectant le refus de nos émotions mais en nous accueillant avec amour et tendresse dans tous nos états, ce qui implique bien évidement ce temps que nous prenons à nous « sonder ».
      Il y a décidément quelque chose qui ne va pas avec ta psy car tu la trouvais si bien au début, et là, tu te forces à aller la voir.
      Je ne crois pas que cela soit l’objectif d’une thérapie, et tu as suffisamment de personnes que tu cherches à accepter telles qu’elles sont. Secoue la donc, peut-être elle le fait sciemment, en tout cas, il y a un miroir, voire un transfert, alors, il en sortira quelque chose.
      Bisous Annawenn

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      • « en nous accueillant avec amour « …. Dans la cours de récréation, les enfants se bagarrent, ça commence mal.
        Réflexion personnelle de mardi 😉
        Ma psy : j’y suis allée en retard et j’ai été très franche sur ce que j’attends de ma thérapie. Hier, j’en suis ressortie avec des questions pour la prochaine fois 😀
        Bises Elisabeth.

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        • Cela ne veut pas dire que ça doit mal finir… tu es bien placée pour savoir que l’éducation y est pour beaucoup, que nous pouvons changer, et que les personnes à l’enfance la plus difficile deviennent des résilients…
          J’espère que tu y arriveras avec ta psy 🙂
          Bisous, Annawenn

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  7. Bonsoir Elisabeth,
    Je trouve très pertinent l’affirmation que les émotions sont avant tout intérieures et surtout pas qu’extérieures. Ce sont certes souvent des événements extérieures qui en déclenchent les réactions…mais tout est latent et mijote à l’intérieur. Comme il est dit dans l’article, une fois ce constat fait, on peut s’ouvrir à un cheminement personnel « émancipateur ».Mes salutations sincères

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    • C’est un bon terme, « s’émanciper », lors de ce cheminement qui nous conduit toujours au constat que tout se joue à l’intérieur, et qu’il nous appartient de demeurer en conscience de pouvoir réagir différemment à ces éléments déclencheurs.
      Merci, Kleaude et douce nuit

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    • Il s’agirait plutôt de ne pas nous laisser diriger mais d’accepter cette
      « plongée », afin de nous connecter au cœur de ce qui nous agite et constater, qu’une part de nous peut rester calme, même en pleine tempête. N’est-ce pas ce que tu fais à travers tes œuvres, Marie ?
      Doux rêves, pour arriver à bon port 🙂

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  8. C’est là le problème justement. Se laisser aller à l’émotion revient à se révéler entièrement et ce faisant, à se rendre vulnérable. Pas facile, facile… !!! Merci pour ce partage Elisabeth qui donne encore une fois à méditer 🙂

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    • Mais ne revenons nous pas à cette vulnérabilité, qui n’est pas seulement notre force mais une grande ouverture aussi ?
      Pas facile, certes, d’où la nécessité de nous faire accompagner dans ces « plongées » trop difficiles, voire les « exorciser » par l’écriture ?
      Tu connais le poids des émotions réprimées, Elisa…

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  9.  » On s’aperçoit que l’on n’est pas détruit et qu’il existe un niveau de conscience absolument intact, inaffecté par la souffrance.
    Cette attitude commence à imprégner le quotidien et ouvre à la plénitude de la vie, car nous avons contacté ce niveau indestructible. Au lieu de fuir et d’éviter, nous nous laissons traverser par les vagues et les remous, sans être submergés ni noyés. »….

    Voila des mots qui me touchent …!
    Oui …nous nous laissons traverser par les remous ……et
    Dans la barque qui tangue nous ne sommes pas seul(e)s ….mais humains nous sommes et souvent c’est épeurant…L’angoisse et la foi, malgré le paradoxe, s’entremêlent…
    Mais au fond de moi…je sais ….qu’au bout de la tempête…se trouve une Île …où je me reposerai …dans les verts pâturages ….!

    Merci Elisabeth …..
    Avec toute ma tendresse

    Manouchka

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    • Humains que nous demeurons, submergés par les vagues de nos remous intérieurs, nous ne sommes pas à un paradoxe près, l’angoisse et la foi coexistent.
      Mais c’est dans la deuxième que nous pouvons trouver ce point d’ancrage, ainsi que ces « verts pâturages » de mon psaume préféré…
      Merci, douce Manouchka, tendresses

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  10. Merci Elisabeth pour cet article ! Toujours aussi intéressant. 🙂
    Est-ce que le travail consiste à éviter l’écueil de la projection ? Une émotion qui nous submerge rien qu’à l’idée de revivre une situation? Bises

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    • Il y a certes cet écueil de se sentir submergé mais comme dit ce psy :
      « Le but n’est pas de faire disparaître l’émotion mais le refus qui la sous-tend. L’acceptation permet de retrouver une circulation fluide, une véritable spontanéité, que l’émotion reste présente ou disparaisse ».
      Et en se connectant pleinement à ce qu’il y a de plus « souffrant », nous constatons que nous ne sommes pas obligés de nous y identifier, juste à nous lasser traverser, en demeurant dans l’unité et la paix intérieures.
      Merci, Gaïa et gros bisous à toi

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