Croître ensemble, progresser l’un par l’autre

Croître ensemble

L’acte sexuel peut donc être dissocié du mariage sans attirer pour autant la condamnation. Mais la voie normale passe par l’amour durable entre un homme et une femme, l’amour conjugal. L’amour est en lui-même un aspect de la voie : croître ensemble, progresser l’un par l’autre.

Malheureusement un amour conjugal réussi est, aujourd’hui, très rare. Si cet accomplissement est possible, il n’est pas probable. Tous les mariages ne sont pas des échecs mais bien peu ont une valeur suprahumaine et ont apporté tout ce qu’au fond d’eux-mêmes l’homme et la femme en attendaient.

Il n’y a sexualité parfaite que dans l’amour parfait, celui auquel rien ne manque, celui qui nous engage et nous anime entièrement, sans aucune frustration ou insatisfaction sur quelque plan que ce soit. La relation conjugale, la relation entre l’époux et l’épouse est la plus complète et la plus riche.

Une femme devrait être pour son mari tout ce que l’homme attend de la femme. Un époux devrait être pour son épouse tout ce que la femme attend des hommes. L’épouse doit être à la fois une maîtresse, une sœur, une mère, une fille, une amie, une infirmière, une associée et un juge ; l’époux, un amant, un frère, un père, un fils, un ami, un infirmier, un associé et un juge.

Toutes les relations possibles entre un homme et toutes les femmes, entre une femme et tous les hommes, sont réunies — ou devraient l’être — dans le couple. Le meilleur critère pour savoir si l’on s’aime et si on peut valablement se marier est de se demander honnêtement si toutes ces conditions sont remplies.

Sinon l’homme gardera toujours quelque part en lui la nostalgie de la maîtresse passionnée, possédant les attributs érotiques qui l’attirent le plus subjectivement et le plus intimement; la nostalgie de la femme camarade avec qui on peut être complice, parler, rire, partager ; de la femme mère qui sait servir, réconforter, consoler, rassurer; de la femme fille qu’il puisse protéger, guider, enseigner, à qui il puisse faire découvrir le monde et ses richesses ; de la femme sœur, qui partage ses rêves, dont il sent qu’elle et lui ont des affinités profondes, font partie de la même famille, qui lui donne la tendresse paisible et l’affection ; de la femme associée, qui comprend ses problèmes professionnels, l’aide et partage ses activités ; de la femme qui soigne, qui panse, qui secourt; de la femme en qui il a confiance pour l’aider à progresser, pour l’aider à se voir tel qu’il est, pour lui dire lucidement : « C’est ainsi » ou : « Ce n’est pas ainsi. »

Si une de ces femmes manque en la sienne, ou bien il la cherchera consciemment ailleurs, ou bien il niera, refoulera son regret et il la cherchera inconsciemment ailleurs. Il reprochera à son épouse de ne pas être aussi celle-là et son don à elle dans l’union sexuelle ne sera jamais parfait. Inversement, il en est exactement de même en ce que la femme doit trouver chez son mari.

Il semble qu’aucune femme et aucun homme ne soit assez complet pour assumer toutes ces tâches (dharma). En fait, un conjoint les accomplira d’autant mieux qu’il est plus libre intérieurement et son partenaire le ressentira d’autant mieux qu’il est lui-même aussi plus libre de sa subjectivité et de son mental.

L’époux et l’épouse doivent remplir l’un pour l’autre ces différentes fonctions. Mais celles-ci devraient être impersonnelles : la mère, la sœur, la fille. Plus le conjoint attend inconsciemment une certaine mère particulière, une certaine sœur, une certaine fille, moins il y a de chance, en effet, que son attente soit satisfaite.

La loi du mariage est la loi générale de l’être et de l’avoir : je suis un mari, et non pas : j’ai une femme. Ou encore : je suis son mari, et non pas : c’est mon épouse. Seuls peuvent obéir à cette loi des êtres libres et adultes. Tant que : « je t’aime » signifie « aime-moi », aucun mariage heureux et durable n’est possible. Une exigence infantile est condamnée à être déçue…

Arnaud Desjardins, extrait de Les chemins de la sagesse

 

25 réflexions sur “Croître ensemble, progresser l’un par l’autre

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  2. Il y a autant de couples qu’il y a d’individus, donc autant de manière potentielle différente de fonctionner 🙂 Une recette unique ? Comme un médicament unique ??? Il y a bien longtemps que je ne crois plus à cette formulation… Chacun est unique, chacune aussi, donc tout couple aussi dont tout fonctionnement de couple aussi 🙂 bisous Elisabeth

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    • Pas de recette toute faite, c’est certain mais comme dans toutes les relations humaines, des valeurs, comme le respect, la bienveillance, la confiance et le désir de rendre l’autre heureux me semblent indispensables.
      Et partant de ces bases, chacun les vit à sa façon unique… mais il y en a tant qui fonctionnent mal 🙂
      Bisous, Cathie

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      • Les couples d’aujourd’hui marchent comme la société, à la consommation… on veut les choses rapidement, sans faire d’effort, il faut que ça marche tout de suite et puis s’il y a un écueuil on jette pour aller voir ailleurs… triste état de chose…. Je ne suis pourtant pas contre le divorce (j’en ai subi un il y a longtemps) mais ce sont des choses à réfléchir. bises

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  3. « Le meilleur critère pour savoir si l’on s’aime et si on peut valablement se marier est de se demander honnêtement si toutes ces conditions sont remplies…. Sinon l’homme gardera toujours quelque part en lui la nostalgie de la maîtresse passionnée, possédant les attributs érotiques qui l’attirent le plus subjectivement et le plus intimement »…🌟★🌟

    Heureusement, le sexe est pas le même que l’amour, et je dis ça à la fois pour le mariage et les rapports sexuels occasionnels… Dans nos jours se coucher avec quelqu´un ne signifie pas nécessairement un engagement, même fortuite… Cela est plus une conséquence de la culture hédoniste dont les désires doivent être satisfaits à tout prix… L´un puis l’autre…
    Même les amitiés deviennent matérialistes, parfois jetables.
    Toute relation doit transcender les valeurs purement épicuriens, je crois.
    Dans le cas du mariage,l’engagement fait partie intégrante.
    Notre culture de la ségrégation, Le plaisir ici et maintenant…
    Peut-être cela est la raison pour laquelle il y a si tant de divorces maintenant.
    De toute façon, les relations authentiques prospèrent, malgré certains valeurs non substantielles

    Merci pour cet excellent billet, chère Elisabeth… Tu m’aides à penser au-delà de cet éphémère instant. Bisous, mon amie! Aquileana 😀

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    • Tu as bien raison, nous vivons une époque où tous les désirs doivent être satisfaits, et non seulement cela nous infantilise mais enlève toute notion d’engagement, de sincérité ou même de l’honnêteté. Et augmente celle d’intérêt personnel qui exclue souvent le respect de l’autre.
      Chacun est libre de vivre ses relations sexuelles comme il l’entend, tant que cela se passe entre adultes consentants mais il y a une forme de dégradation de l’acte qui peut être assimilé à une forme de consommation qui entraine la banalisation, l’usure, voire de la frustration, puisque aucun lien véritable n’est créé.
      Donc, tout devient jetable, puisque personne ne fait d’efforts pour grandir à travers les difficultés de la relation et on se sépare au moindre problème.
      Ton analyse est toujours belle et lucide et tu reviens vers ces valeurs profondes qui font de nous d’authentiques êtres humains.
      Merci à toi, chère Aquileana, je t’embrasse fort

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  4. Bonsoir Elisabeth,
    Voilà une belle publication encore !
    J’allais te dire qu’il est difficile, voir impossible, d’être tout à la foi. Ce que je lis est le summum, mais est-ce vraiment possible. Car avant toute chose, nos sommes nous, de plus avec un vécu. Tu crois vraiment cela possible Elisabeth ? Tu me laisses interrogative et pensive…
    Mais alors, si cela devrait être ainsi, combien d’entre nous sont « mal marié » !
    Je te souhaite une très belle soirée et une douce nuit Elisabeth !
    Et te dépose de doux bisous
    🙂

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    • Sincèrement, je ne le crois pas, d’ailleurs Arnaud Desjardins non seulement dit : « Il semble qu’aucune femme et aucun homme ne soit assez complet pour assumer toutes ces tâches » mais il ne l’a pas réussi lui-même…
      Alors, en gardant juste à l’esprit ces belles recommandations, tel un idéal auquel nous tendons, tâchons juste d’être le moins « mal mariés ».
      Tendres bisous et beau dimanche, Fanfan

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      • Oui tu as mis le terme un idéal !
        Faire de son mieux pour y parvenir, tout en n’oubliant que cela est irréalisable. Car je visionne un danger en cherchant cet idéal, la déception qui accompagne le sentiment d’être malheureux…
        Merci Elisabeth, très bon dimanche à toi aussi !
        Doux bisous

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        • Cela me fait penser à cette citation d’Oscar Wilde : « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles ». Avoir un idéal comme modèle mais ne pas se surestimer, puisque, comme nous le disons toujours… nous sommes humains.
          Et en mettant trop d’exigence, cela engendre la frustration, voire la culpabilisation, ce qui n’a jamais fait évoluer personne.
          Merci, Fanfan et tendres bisous

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  5. Bonsoir Elisabeth,
    Voilà la recette idéale…. c’est déjà quelque chose d’en avoir tous les ingrédients…. mais le défi est de les conserver et de les faire épanouir dans l’évolution de chacun….en parallèle….

    Bon week-end et mes amitiés sincères

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  6. Bonsoir, Elisabeth,

    Tous les extraits que vous citez des livres d’Arnaud Desjardins sont fascinants. Je ne connaissais pas cet auteur (je me suis renseigné entre temps) et je rends grâce à Internet de pouvoir le, découvrir, par votre pédagogique intermédiaire.

    Je vais donc mettre à cette lecture et vous remercie de me l’avoir fait connaître.

    Bonne soirée.

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  7. houla… pour une fois je mets un bémol. tout ce qui concerne le désir, la sexualité, tout cet intime si unique ne saurait supporter des règles aussi définies
    mon Pookito et moi formons une équipe solidaire et aimante. c’est tout ce qui compte

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    • Effectivement, seul le vécu individuel d’un couple compte et chacun est entièrement libre de le construire à sa manière.
      Mais je ne parlerai pas de règles, dans ce qui est juste une proposition d’un cheminement… et pour être une épouse, pas besoin de passer devant Mr le maire ou le curé 🙂

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