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Nous sommes trop souvent des prédateurs

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L’être humain est un redoutable prédateur (pas moi bien sûr ni vous qui me lisez, mais tous les autres certainement !). En fait chacun d’entre nous possède une gamme extraordinaire de moyens pour exercer sa créativité dans ce domaine.

Un domaine aux possibilités infinies : besoin de détruire, de supprimer ce qui nous gêne, de s’approprier ce qui nous manque, d’avoir du plaisir à humilier, à faire mal, à imposer nos croyances, nos désirs ou nos choix de vie. Tout ceci est présent dans nos possibles, même si nous avons du mal à le reconnaître. Il suffit parfois d’un élément déclencheur bénin, pour lever nos inhibitions, bousculer nos valeurs, déclencher une tempête en nous.

Non qu’il y ait toujours au départ une intention ou une volonté bien établie de porter préjudice,
de faire du mal ou de faire violence aux autres, mais le plus souvent, plus simplement, un enchaînement de réactions, de comportements ou de paroles, de prises de positions, de tentatives d’appropriation ou de dépossession, nos peurs et nos besoins déposés sur l’autre ou le désir d’imposer nos idées, nos valeurs, notre point de vue ou plus simplement d’avoir raison sur lui.

L’origine de notre violence peut être encore dans la difficulté à mettre des mots sur notre propre ressenti, sur nos sentiments, sur notre vécu avec la tentation de sortir de notre impuissance par un passage à l’acte.

« Tu ne veux pas me comprendre alors je cogne. Tu ne veux pas me rendre ce qui m’appartient alors j’essaie de te détruire. Tu souhaites m’entraîner dans ta foi et comme je résiste, tu veux me contraindre et me soumettre. Je n’ai pas le même désir que toi et je vais découvrir que tu n’hésiteras pas à m’imposer le tien par la force. J’ai ce que tu n’as pas et tu veux me le prendre ! ».

Mon propos ne consistera pas à dénoncer mais à mettre en évidence, avec un peu d’humour et beaucoup de tendresse, quelques points sensibles qu’il serait souhaitable de faire évoluer, pour se proposer, entre humains, des relations sans violence.

Par exemple, renoncer à pratiquer la communication indirecte, c’est-à-dire arrêter de parler sur les autres (de préférence en leur absence !) et accepter d’échanger plus directement avec la personne concernée par nos propos. Ou encore ne pas collaborer aux rumeurs ou aux anathèmes.

Le fait de lâcher prise ou de ne pas entretenir le système SAPPE, qui est un système anti-relationnel à base d’injonctions, de dévalorisations, de menaces, de culpabilisations, du maintien des rapports dominants – dominés, est le premier pas vers la non-violence.

Éviter de créer l’opposition et l’affrontement par l’opposition et la confrontation, dans laquelle chacun énonce sont point de vue après avoir confirmé celui de l’autre.

Trouver la bonne distance et oser pratiquer la restitution symbolique pour ne pas se laisser polluer par les messages toxiques ou les conduites agressantes qui peuvent venir de l’autre.

Rester à l’écoute de nos besoins vitaux et en particulier à celle des besoins relationnels sans les confondre avec nos désirs.

Accepter de procéder à un nettoyage de la tuyauterie relationnelle avec nos parents ou avec les personnes significatives de notre enfance et notre environnement actuel, quand cette tuyauterie est trop chargée de messages disqualifiants, dévalorisants ou violents.

Accepter d’assumer la responsabilité de ce que nous éprouvons et ressentons, sans tomber dans l’accusation, le reproche, la culpabilisation ou la victimisation.

Ainsi en procédant à un assainissement de nos relations, à une clarification de nos modes relationnels, en devenant plus lucide et vigilant sur notre façon d’être au monde, pouvons-nous espérer ne pas trop entretenir le prédateur qui nous habite et lui donner une place plus modeste dans notre existence.

Nous pouvons aussi nous mobiliser pour l’avenir, pour qu’on enseigne un jour à nos enfants, la communication à l’école comme une matière à part entière. Une communication qui proposerait des règles d’hygiène relationnelle qui seraient communes.

Savons-nous que le permis de conduire ne date que 1905 en France. Il a été inventé pour proposer des règles communes à tous ceux qui voulaient s’aventurer sur les routes, partir de chez eux et surtout revenir….sans incidents !

Nous voulons tous communiquer, mais nous le faisons dans l’anarchie la plus complète, imaginant que les autres ont les mêmes intentions que nous ! Cela s’appelle l’incommunication qui est à la source de beaucoup de violences, quand il y a le mal être des mots, se réveillent les maux, contre autrui ou contre soi- même. Car nous sommes aussi des prédateurs très habiles contre …nous-mêmes !

Jacques Salomé

 

 

Écouter, c’est avant tout savoir se taire

Si nous sommes souvent à l’aise pour parler avec les autres, peu d’entre nous savent réellement les écouter. Qu’est-ce qu’écouter vraiment ? C’est avant tout se taire, explique la psychothérapeute Christel Petitcollin. Et laisser la place à l’autre, selon Maxime Bonin, ancien écoutant de SOS Amitié.

Mains

Pourquoi savons-nous si peu écouter ?

Christel Petitcollin : Écouter, c’est avant tout savoir se taire. Mais dans nos conversations courantes, il est très rare que nous restions silencieux lorsque quelqu’un d’autre parle. Nous nous coupons sans cesse la parole, nous nous bombardons de questions, souvent, sans même nous en rendre compte.

Résultat : chacun coupe l’autre dans sa réflexion. Le décentre. D’ailleurs, nous sommes souvent parfois contents de dire « celui-là, je lui ai cloué le bec ! ». Nous avons également toujours envie de tout ramener à nous, ce qui est inhérent à la nature humaine : nous sommes les êtres les plus importants pour nous. Beaucoup pensent qu’écouter est quelque chose de simple, de naturel, alors qu’au contraire, cela s’apprend.

Pourquoi est-ce difficile d’écouter l’autre ?

CP : Beaucoup de personnes ne savent pas comment réagir face au mal-être d’autrui. Elles ne savent pas quoi dire, pas quoi faire. Elles ne veulent pas se laisser toucher par cette souffrance alors elles paniquent, se dépêchent, bombardent l’autre de conseils ou de reproches.

Il est malheureusement très rare que les gens qui ne vont pas bien bénéficient de la qualité d’écoute qui leur est nécessaire. Pourtant, ils ont besoin que l’on écoute leur mal-être : quand on peut confier à quelqu’un à quel point on est fatigué, triste, écœuré, on se sent apaisé.

Souvent, celui qui écoute a peur de ne pas trouver les mots…

CP : Mais c’est souvent parce qu’il n’y a pas de mots à trouver. Quand quelqu’un vit quelque chose d’horrible, cela ne sert à rien de lui dire des choses du type « il n’y a pas mort d’homme ». La seule chose que l’on puisse lui dire, c’est « je suis là ». C’est ça, écouter : c’est donner à l’autre un espace pour se raconter sans lui prodiguer de conseils, le juger, ou encore lui faire la morale.

C’est accepter les silences qui permettent à l’autre de réfléchir, d’ajuster sa pensée. Ça peut être tout simplement se contenter d’être silencieux et de hocher la tête. Ou reformuler ce qu’il nous dit, ce qui lui montre que l’on essaye de le comprendre, et lui permet d’approfondir. Ce faisant, on ne fait pas l’éponge, mais le miroir.

Et plus quelqu’un est écouté, mieux il réfléchit. On peut aussi demander à l’autre de développer : « est-ce que tu peux m’en dire un plus ? » … Quel bonheur pour votre interlocuteur de sentir ainsi que quelqu’un s’intéresse sincèrement à ce qu’il est en train de dire !

Quels sont les bienfaits de l’écoute ?

CP : Ça fait du bien à tout le monde d’être écouté. D’autant que lorsque l’on s’écoute, on se comprend, ce qui évite beaucoup d’intolérance et permet de sortir de nos a priori. Le problème, c’est que notre société souffre d’un grand manque d’écoute, et que par conséquent, les gens se sentent maladivement seuls. Car il n’y a pas que lorsque l’on a mal que l’on a besoin de parler.

Combien sont-ils, regorgeant d’enthousiasme face à un nouveau projet, à ne pas trouver l’écoute bienveillante dont ils ont besoin ? Combien de rêves détruits par des « tu n’y arriveras jamais » ou « tu ne te rends pas compte » ?… Souvent les gens qui vont trop bien n’arrivent pas à parler non plus. Cherchez l’erreur.

Comment apprendre à écouter ?

CP : La première étape, c’est de s’obliger à se taire. Et écouter l’autre parler pendant cinq minutes, cela peut paraître horriblement long au début ! On peut aussi s’entraîner à reformuler ses phrases. Au début, ce n’est pas naturel, mais plus on apprend à écouter, plus on prend plaisir à le faire. Et pour cause : lorsqu’on les écoute sincèrement, les gens deviennent passionnants.

J’ai appris à écouter grâce à SOS Amitié

Maxime Bonin, Président de S.O.S Amitié Paris Ile-de-France est un ancien écoutant. Écouter, il l’a appris dans l’association, et raconte les difficultés auxquelles il a dû faire face.

« Quand j’ai rejoint SOS Amitié, j’étais complètement novice en matière d’écoute. Je pensais qu’écouter visait à remonter le moral, à donner des conseils… ce qui est complètement à l’opposé des valeurs de l’écoute telle qu’elle est pratiquée dans l’association.

J’ai ensuite compris que si les gens appellent, c’est pour parler d’eux-mêmes, ce qui implique pour l’écoutant de s’oublier en quelque sorte. Alors qu’au début, on a envie d’intervenir, de donner son avis, on réagit par rapport à soi, par rapport à ce qu’on voudrait voir chez l’autre.

Ils n’ont pas envie d’être jugés -ils le sont suffisamment à l’extérieur-, et ne sont pas non plus en demande de conseils. Quand quelqu’un se confie à nous, on a tout de suite envie de plaquer nos suggestions. Mais on se trompe : la solution n’appartient en fait qu’à celui qui est confronté au problème. Et l’écouter, c’est justement lui permettre de faire son propre cheminement, le pousser à aller plus loin et trouver sa propre solution.

Tout ceci est beaucoup plus difficile que ce que l’on imagine. Écouter demande de prendre sur soi, c’est compliqué lorsqu’on n’en a pas l’habitude. C’est donner à l’autre une oreille attentive, une présence, pour lui permettre de s’exprimer. Parfois, c’est juste être là.

A SOS Amitié, il arrive aux écoutants de recevoir des appels de personnes sur le point ou en train de se suicider. Pour la plupart, il s’agit d’un appel au secours, elles veulent être raccrochées à la vie. Mais d’autres, heureusement très rares, appellent parce qu’elles ont pris leur décision et n’ont pas envie de mourir seules. Là, le rôle de l’écoutant, est, pour moi, de respecter ce choix, même si c’est extrêmement difficile. De laisser la place à la personne.

SOS Amitié reçoit plus de 700 000 appels par an. Les gens ont vraiment besoin de ce genre d’écoute désintéressée. Le problème, c’est que l’écoute, on n’en parle pas, on ne l’enseigne pas. La souffrance des autres, on a souvent tendance à croire qu’il vaut mieux l’évacuer car ce n’est pas la peine d’en rajouter, que c’est déjà assez difficile pour eux.

Or, une personne qui souffre a envie de parler de sa souffrance. Malheureusement, ce manque d’écoute génère de la solitude : les gens n’osent pas se confier car en face, ils ne trouvent pas de récepteurs de qualité. L’écoute est un enjeu de santé publique, de mieux vivre ensemble aussi.

Apprendre à écouter a changé ma vie et amélioré mes relations avec ma compagne, ma fille, mon beau-fils, mes parents, mes amis, mes collègues… C’est aussi un enjeu personnel, de développement personnel. »

Propos recueillis par Margaux Rambert

Savoir écouter, ça s’apprend, de Christel Petitcollin (Jouvence)

SOS Amitié : C’est 1 800 personnes qui se relaient 24h sur 24, 7 jours sur 7, pour écouter les personnes en souffrance. Un numéro : 01 42 96 26 26. Le site de l’association : http://www.sosamitieidf.asso.fr/

 

 

 

 

Peut-on vraiment se mettre à la place de l’autre ?

« Si j’étais toi… » Est-ce la bonne posture  pour aider un proche ? Savons-nous pratiquer l’art de l’écoute ? Réponses et conseils en quatre actes.

Reflet

Acte 1 : une projection inconsciente de soi

« Depuis la séparation d’avec son père, il me parle mal, ne m’écoute pas, ne fiche rien en classe… Je ne sais plus quoi faire, raconte Karine, mère d’un enfant de 6 ans.

– Moi, si j’étais à ta place, je commencerais par demander à son père de davantage s’en occuper, répond Sandrine, une amie, mère également. C’est quand même votre fils à tous les deux. Pourquoi ce serait toujours à toi de tout gérer ? »

Se mettre à leur place, n’est-ce pas, après tout, le plus beau rôle à tenir auprès de ses amis et des autres en général ? Une façon de se rendre concrètement utile ? « En affirmant “Je me mets à ta place”, nous cherchons en premier lieu à masquer notre malaise face à la confidence que l’on reçoit », corrige Jacques Lecomte, docteur en psychologie et auteur de La bonté humaine (Odile Jacob, 2012).

Tel est le pouvoir des formules toutes faites : nous permettre de combler un silence embarrassant. Cela prouve que, loin de nous préoccuper réellement de notre interlocuteur, nous restons obnubilés par nous-mêmes et empêtrés dans nos propres émotions.

Surtout, affirme la psychanalyste Valérie Blanco, auteur de Dits de divan (L’Harmattan, 2010),
« c’est nier que chacun est strictement singulier et unique, comme son vécu, son désir, ses besoins le sont ». Quand nous proposons de nous mettre « à la place de », nous avançons avec nos propres références, notre propre histoire.

Au risque de chercher, inconsciemment, à régler nos comptes personnels à travers celle de l’autre. Cette situation en donne l’illustration : quand Karine fait état de sa difficulté de mère, sa confidente déplace le problème en se tournant vers le père – probablement en écho à la relation qu’elle entretient avec son mari.

Ne pouvant consciemment admettre et exprimer cette colère contre lui, elle s’en « débarrasse » via l’expérience de son amie. C’est le principe même de ce que la psychanalyse appelle
la « projection ».

Acte 2 : une prise de pouvoir sur l’autre

« Oui, finalement, tu as peut-être raison, reprend Karine, je vais y réfléchir… — Mais bien sûr que j’ai raison ! Je te connais, je sais ce qui est bon pour toi. Franchement, je serais toi, je n’hésiterais pas. » « Vu de l’extérieur, il est parfois très frustrant de constater que la personne en proie au doute ne fait pas ce qui, de toute évidence selon nous, pourrait l’aider, constate la psychothérapeute Béatrice Millêtre.

Mais c’est oublier qu’elle n’est peut-être pas prête pour passer à l’étape suivante, qu’il faut un temps de maturation, propre à chacun, pour se sortir de sa situation. » Reste que, comme elle le remarque, « certains sont convaincus de savoir mieux pour les autres ce dont ils ont besoin », surtout à l’heure de la banalisation du discours psy, où il est tentant de se croire doté de toutes les clés pour entrer dans leur psychisme.

Cela démontre un désir inconscient de prendre l’ascendant sur eux. L’expression « se mettre à la place des autres » ne s’en cache pas : au sens propre, cela consiste bien à les chasser de leur place, à la leur usurper pour s’y installer.

« Si j’étais toi » est une façon de dire « Écoute-moi te parler de toi » et, par extension,
« Écoute-moi ». L’autre et sa souffrance sont oubliés, l’attention n’est plus tournée que vers soi… Sans toutefois parler ouvertement de soi.

L’amie qui nous connaît de longue date peut, en revanche, tout à fait nous aider en remettant la situation présente dans la perspective de notre histoire, c’est-à-dire en rappelant à notre souvenir des situations comparables dans lesquelles nous avons pu nous trouver, mais, toujours, sans nous juger.

Acte 3 : un partage d’expériences

Sur Internet, Karine tombe sur un forum de mères. Elle y raconte sa situation en concluant :
« L’une d’entre vous a-t-elle déjà vécu cette situation ? Que dois-je faire ? » Les réponses fusent, avec, pour titres, des « Je sais ce que c’est » ou « J’ai été à ta place ».

« Avoir vécu la même expérience accroît la capacité à se représenter les pensées et les émotions de l’autre : à faire preuve d’empathie, remarque Jacques Lecomte. C’est la force des associations de victimes, où là, en effet, s’entendre dire “Je me mets à ta place” est tout à fait supportable et même souvent souhaité : parce que l’expression renvoie, alors, à une quasi-réalité, elle donne le sentiment de ne pas être seul avec sa souffrance, de se sentir soutenu sans être jugé. »

Mais attention au piège de l’effet miroir, « quand l’expérience qui nous est confiée nous parle trop de la nôtre pour nous permettre d’être à l’écoute ». Autre danger, selon lui : vouloir faire de sa propre histoire une norme applicable à tous : « Si j’ai vécu la même difficulté que lui et que je m’en suis sorti de telle ou telle façon, je serai tenté de croire qu’il doit passer par le même parcours de résilience. Or, ce n’est pas parce que l’on a la même expérience douloureuse que l’on connaîtra la même expérience de reconstruction. Là encore, cela revient à nier la singularité de chacun. »

Acte 4 : une relation empathique

« Ton fils se retrouve entre deux foyers, entre deux parents un peu tristes : imagine-toi
à sa place ! » En écoutant cette autre amie, Karine y voit plus clair : elle n’avait pas songé à regarder les choses depuis le point de vue de son fils…

« Il y a une grande différence entre s’efforcer de “s’imaginer” à la place de l’autre et dire “Je me mets à ta place” », souligne Béatrice Millêtre. Alors que, dans ce second cas, on le nie en s’imposant à sa place, dans le premier cas, on tente au contraire de se décentrer, de sortir de son seul point de vue pour prendre le sien.

Des techniques de développement personnel telles que la programmation neurolinguistique proposent de s’asseoir sur la chaise de son interlocuteur, donc de littéralement prendre sa place, afin de devenir plus conscient des enjeux de la communication et de son impact sur lui.

C’est la base du respect, ce devoir moral que souligne la règle chrétienne « Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas que l’on te fasse » ou la kantienne « Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée en loi universelle ».

Ours blancs

Le père de l’écoute active, le psychologue Carl Rogers, dans Le Développement de la personne (InterEditions, 2005), y voit le principe de l’empathie : « Sentir le monde privé du client comme s’il était le vôtre, mais sans jamais oublier la qualité du “comme si” ».

Certes, un ami n’est pas un psy ; pour autant, cette définition est applicable dans toute relation d’aide, qui suppose l’empathie, selon Jacques Lecomte : « La vraie empathie consiste à tenter de comprendre l’autre de l’intérieur, tout en ayant conscience que cela reste impossible, donc en restant vigilant à ne pas trop empiéter sur lui. Loin de la posture prétentieuse de celui qui se croit capable de se mettre à la place d’une personne, la posture empathique est profondément modeste, puisqu’elle reconnaît les limites de celle-ci. »

Le « comme si » sur lequel insiste Carl Rogers vise à éviter toute confusion entre soi et l’autre.
« On peut d’autant mieux comprendre la position de l’autre que chacun est conscient de ce qui lui appartient et de ce qui appartient au second », reprend Béatrice Millêtre.

Ma place n’est pas la tienne, ta place n’est pas la mienne ; quand je m’efforce à m’imaginer à ta place, je dois donc prendre en considération tout ce que tu vis. « À défaut de pouvoir se mettre à celle de l’autre, on peut s’ouvrir à ses références, tenter d’entendre sa singularité en faisant abstraction de nos propres références », renchérit la psychanalyste Valérie Blanco.

C’est cela, une posture empathique : celle qui consiste non pas à « vouloir être une grande bouche, pour conseiller, ou une grande main, pour montrer comment faire, mais une grande oreille, comme le dit Jacques Lecomte. C’est plus difficile, parce que l’on se sent d’abord inutile, pourtant, c’est là qu’on est le plus précieux ».

Car c’est en parlant à une oreille attentive que la personne demandeuse trouve la meilleure solution à son problème : celle qu’elle porte en elle-même.

Le B.A.-BA de l’écoute active

Mise en place par le psychologue Carl Rogers pour définir une relation plus humaine entre le thérapeute et le client, l’écoute active a été reprise par nombre de techniques de communication et de développement personnel pour s’appliquer à toutes sortes de relations.

Appelée aussi « écoute bienveillante », elle repose sur les principes suivants :
Savoir se taire : laisser l’autre parler jusqu’au bout, sans l’interrompre.
Se montrer disponible et attentif, sans se laisser distraire par des éléments extérieurs.
Donner des signes visuels et verbaux d’intérêt (hochement de tête, « J’entends », « Je vois »…).
Reformuler les derniers propos de l’autre ou ceux qui nous ont marqués pour s’assurer que nous avons bien compris.
Poser des questions neutres sur ce qui a été dit.
Faire une synthèse de ce qui a été dit.
Se refuser à tout jugement ou à toute interprétation.
Faire preuve d’empathie.

Les bonnes attentions

L’empathie comportementale, ou « effet caméléon », est le réflexe qui pousse à imiter spontanément les postures de l’autre. L’exemple typique est le bâillement. Des études ont révélé la spirale vertueuse de cette forme d’empathie, en prouvant que mieux on s’entend, plus on fait preuve d’empathie comportementale et plus l’autre a le sentiment d’être compris.

L’empathie cognitive est la capacité à se représenter les pensées de l’autre.

L’empathie émotionnelle est la capacité à se représenter ses émotions. S’il n’y a que de l’empathie cognitive, le risque est de jouer avec la connaissance aiguë que l’on a de l’autre sans respect, jusqu’à la manipulation.

C’est le propre du pervers narcissique. À l’inverse, s’il n’y a que de l’empathie émotionnelle, le piège est de se perdre dans l’émotion de l’autre, sans être capable de s’en distancier. La « juste empathie » consiste donc à associer ces deux formes.

La bienveillance, c’est considérer, envisager autrui de façon positive.

L’altruisme consiste à agir positivement pour les autres. La bonté suppose quant à elle de réunir trois facettes indispensables : la bienveillance (facette cognitive), l’empathie émotionnelle (facette émotionnelle) et l’altruisme (facette comportementale).

Anne-Laure Gannac avec Jacques Lecomte

 

Dans l’arène des échanges entre êtres humains

Tigre

Apprenez à exprimer vos besoins sans les transformer en ordre. Il faut donner pour recevoir… Mais il y a des limites au fait de solliciter.

Nul n’est une île. Personne ne peut se réaliser tout seul. Nous avons besoin des autres, et ils ont également besoin de nous. Une vie se bâtit à force d’échanges. Vous donnez et vous recevez. Vous rendez service et, un peu plus tard, quelqu’un vous rend la pareille.

C’est cette belle réciprocité qui permet à un individu de gravir les échelons et d’améliorer son sort. C’est la raison pour laquelle il est important d’avoir besoin des autres, à l’occasion. Ce faisant, vous les valorisez et vous justifiez le fait que vous serez là quand ils auront besoin de vous.

Une vie en croissance repose sur ces échanges, cette capacité à donner et à recevoir. Mais il arrive qu’on exagère. Surtout sur le plan émotionnel. On aime faire part de nos problèmes, demander aux autres si on est à la hauteur et même faire pitié pour attirer la compassion.

Ce faisant, on leur soutire une telle proportion de leur énergie qu’on les vampirise. Ce temps qu’ils passent à nous écouter, à nous valider ou à nous encourager est du temps qu’on leur vole et qui nuit à leur propre accomplissement.

Nous volons leur temps et leur énergie, et ils le savent bien. Pas étonnant qu’ils développent du ressentiment à notre égard et qu’ils en viennent à nous couper peu à peu de leur réseau de réciprocité. Vous reconnaissez-vous ? Si vous exagérez, apprenez à tempérer votre besoin d’être validé ou écouté par les autres. À la rigueur, allez consulter. Un spécialiste vous aidera à faire la part des choses.

Rappelez-vous également que, consciemment ou non, les gens desquels vous soutirez de l’énergie s’attendent à ce que vous leur rendiez la pareille à l’occasion. Ne soyez pas égoïste. Soyez à l’affût de leurs besoins.

Apprenez également à exprimer vos besoins sans les transformer en ordres. Si les gens ont du temps, tant mieux. Sinon, ce n’est pas la fin du monde. Soyez respectueux de cette précieuse ressource qu’est le temps.

Bref, dans l’arène des échanges entre êtres humains, que ce soit au travail ou à la maison, soyez conscient de l’importance d’un bel équilibre. Donnez autant que vous recevez. Sachez être reconnaissant et évitez d’exiger.

Et si vous traversez une période difficile qui vous impose de demander plus que vous ne recevez, assurez-vous de démontrer votre gratitude. Ces cadeaux que sont l’écoute ou l’empathie ne coûtent peut-être rien en argent à ceux qui vous les offrent, mais ils demandent de l’énergie et des efforts. Ce n’est pas rien.

Alain Samson  

Comprendre les manipulateurs et s’en préserver

Marionnettes

Les buts du manipulateur

Le but premier du manipulateur est de tenter de faire reconnaître qu’il est plus intelligent, plus compétent, plus bon, plus généreux que les autres. Comment s’organise-t-il ? Il observe, teste, épie ou s’arrange pour relever les failles et les défauts des autres.

De cette façon, il peut s’en démarquer lui-même. En relevant une faille chez l’autre, il ne peut qu’être différent, selon lui. On appelle cela le phénomène de projection.

Le manipulateur reproche à l’autre des lacunes qui sont les siennes. C’est une logique courante qui amène à la conclusion suivante chez la victime : « S’il me reproche de l’être, il ne peut l’être lui-même ». C’est cette fausse évidence qui nous piège et nous déstabilise.

Comment devient-on manipulateur ?

Il s’agit d’un système de défense mis en place dès l’enfance. On ne devient pas manipulateur du jour au lendemain. Le mécanisme de défense du manipulateur est différent de tout autre mécanisme, en ce sens que la manipulation est systématiquement utilisée comme moyen de survie.

Ce mécanisme devient automatique chez le manipulateur. Il devient son seul et unique mode ; le seul qui lui permette de communiquer. Un manipulateur forge sa personnalité dès l’enfance. Enfant manipulateur, il a commencé par noter les failles affectives de ses parents pour mieux les faire souffrir par la culpabilisation.

Il a compris rapidement que ce moyen lui donnait du pouvoir sur eux. La plupart des manipulateurs ont été considérés, dès leur enfance, comme plus intelligents, plus malins que les autres enfants. Ils ont été des enfants-rois, trop admirés, trop gâtés, qui ont obtenu ce qu’ils voulaient en utilisant la manipulation. Ils ont évidemment conservé cette attitude en vieillissant.

Le manipulateur est-il conscient de l’être ?

Environ 20% des manipulateurs sont bien conscients de leur état et en jouissent, puisqu’ils confondent ce pouvoir avec de l’intelligence. Ils prennent plaisir à être désagréables, à déstabiliser et culpabiliser les autres. La plupart cependant, n’ont pas conscience des dégâts qu’ils causent.

Ils ne réalisent pas les conséquences de leurs actes : dévalorisation, perte de confiance en soi, stress intense, destruction psychique avec répercussions sur les plans physiologiques et physiques. L’attitude du manipulateur est semblable à celle du paranoïaque : surestimation du moi, méfiance, susceptibilité, agressivité.

Le manipulateur attribue aux autres les intentions persécutrices qui sont les siennes. Le manipulateur ne se remet jamais en question. Hormis quelques rares exceptions, le manipulateur n’est pas conscient de son attitude dévastatrice. Son égocentrisme est tellement puissant que ce seul facteur suffit à expliquer son ignorance des dommages qu’il cause.

Les dommages causés par un manipulateur

Un manipulateur est indéniablement un rongeur d’énergie. La victime dira : « Il me pompe toute mon énergie » ou « Il me rend malade par son attitude, ses remarques désobligeantes ». Un contact prolongé avec un manipulateur engendre un sentiment de culpabilité, d’anxiété, de peur ou de détresse.

Ces sentiments s’installent et deviennent de plus en plus lourds avec le temps. Les conséquences sont multiples : dépression, angoisse, stress, maux de tête, troubles digestifs, nervosité, tensions musculaires, manque de sommeil, troubles cardiovasculaires, troubles cutanés, etc. À long terme, une maladie grave peut en résulter.

Les moyens pour contrer la manipulation

Pour éviter d’être détruit par un manipulateur, il est très important de se protéger. Il faut pour cela utiliser la technique, dite du brouillard, c’est-à-dire d’un mode de communication floue et superficielle consistant à ne pas s’engager.

Il peut s’agir d’une réponse humoristique ou ironique, ou encore d’une réponse ferme de refus. Le manipulateur s’éloigne rapidement d’une personne insensible à son pouvoir. Il ne peut se sentir supérieur vis-à-vis d’un indifférent, puisque ce dernier ne réagit pas aux provocations, aussi subtiles soient-elles.

Le manipulateur glisse complètement sur un indifférent. Le principe est de toujours répondre avec indifférence et de faire en sorte que le manipulateur le comprenne rapidement. Il est important de répondre du tac au tac, sans animosité, ni agressivité. Les principes sont les suivants :

  • Faire des phrases courtes
  • Rester dans le flou
  • Utiliser des phrases toutes faites, des proverbes, etc
  • Utiliser le « on » régulièrement
  • Faire de l’humour si la situation le permet
  • Sourire, surtout en fin de phrase
  • Faire de l’autodérision
  • Rester poli
  • Ne pas entrer dans des discussions qui ne mènent à rien
  • Éviter l’agressivité
  • Ne pas tenter de se justifier, car c’est impossible avec un manipulateur
  • Faire de l’ironie, si le contexte le permet

En bref, il faut faire en sorte que notre comportement soit celui d’un indifférent. Le contrôle de soi est important pour éviter tout débordement d’émotions négatives pour soi. Voici quelques exemples de phrases courtes : a) C’est votre opinion ! b) Vous pouvez le penser, c’est votre droit ! c) C’est votre interprétation ! d) Prenez-le comme vous le voulez ! e) C’est une façon de voir ! f) Personne n’est parfait ! g) Ça peut arriver à tout le monde ! h) Je n’ai pas le don de voyant ! i) Chacun ses goûts ! j) Ne vous inquiétez pas pour moi ! k) Il ou elle a ses raisons ! l) On ne commencera pas à tomber dans les ragots !

Des réponses courtes déstabilisent le manipulateur en ce sens qu’il ne peut jouer son jeu.

Conclusion

Il faut être conscient des dommages considérables causés par un manipulateur et il faut s’en protéger. À moins de vivre cloîtrés, nous allons rencontrer des manipulateurs au cours de notre vie. Ils sont heureusement peu nombreux et leur existence ne doit pas nous rendre méfiants vis-à-vis tout le monde.

Sachons nous fier à notre instinct de survie et soyons à l’écoute de nos émotions. Puisque le manipulateur ne changera pas, à moins d’une thérapie, il est inutile de tenter de le changer soi-même. Il faut simplement se protéger sans créer de guerres inutiles et sans fin. Notre salut réside dans notre ferme détermination à ne jamais se faire manipuler par qui que ce soit.

Extraits du livre Les manipulateurs sont parmi nous d’ Isabelle Nazare-Aga Éditions de l’Homme

 

 

Mais que se passe-t-il lorsque la personne qui nous a déclaré son amour se révèle être un vampire affectif ? Que devons-nous faire quand une relation amoureuse nous détruit, écrase notre personnalité et notre identité propre ?

Et comment pouvons-nous sortir d’une pareille relation quand celle-ci dure depuis deux ans ou quarante ans ? Ce livre propose d’étudier au quotidien les méfaits et les conséquences d’une relation amoureuse destructrice avec un manipulateur.

À partir de témoignages recueillis au cours de son expérience de thérapeute, Isabelle Nazare-Aga expose les mécanismes et les manifestations de cette éprouvante emprise affective et donne des conseils pratiques pour nous en protéger.  

Trouvé sur :  http://batinote.wordpress.com/2014/07/21/les-manipulateurs-sont-parmi-nous-notes-de-lecture/

Un blog passionnant où vous pouvez télécharger ce livre en audio, ainsi que vous procurer de nombreux Ebooks gratuits

 

 

 

 

 

Comment reconnaître les manipulateurs ?

Qui sont les manipulateurs ? Comment s’y prennent-ils pour nous tenir sous leur emprise ? Pourquoi se comportent-ils comme ils le font ? En sont-ils conscients ? Leurs victimes portent-elles aussi une responsabilité?  Quels sont les moyens pour nous protéger de ces terroristes du sentiment ?

Les manipulateurs savent se dissimuler sous différents masques dont ils se servent pour mieux manœuvrer leurs proches. Ils sont passés maîtres dans l’art de modifier ces masques selon les personnes, les situations et les buts visés. Ils peuvent être sympathiques ou dictateurs.

Le manipulateur sympathique ne l’est que pour un certain temps. Lorsque nous touchons à son pouvoir ou à son territoire, il se transforme instantanément. Lorsqu’on lui refuse quelque chose, il devient ironique, sarcastique et même méchant.

Comment reconnaître un manipulateur ?

  • – Il reporte sa responsabilité sur les autres et se démet de ses propres responsabilités
  • – Il ne communique pas clairement ses demandes
  • – Il répond de façon évasive
  • – Il change ses opinions, ses comportements, selon les personnes ou situations
  • – Il invoque toutes sortes de raisons pour déguiser ses demandes
  • – Il exige des autres la perfection et une réponse immédiate à ses besoins
  • – Il met en doute la compétence, les qualités des autres ; il critique, dévalorise et juge
  • – Il fait passer ses messages par d’autres au lieu de le faire lui-même directement
  • – Il sème la zizanie, crée la suspicion, divise pour mieux régner
  • – Il joue à la victime pour se faire plaindre
  • – Il oublie les demandes des autres, après avoir promis de s’en occuper
  • – Il utilise les principes moraux des autres pour ses besoins (notions de charité, etc.)
  • – Il menace de façon déguisée ou utilise le chantage
  • – Il change carrément de sujet au milieu d’une conversation
  • – Il évite ou fuit un entretien, une réunion importante
  • – Il tente de démontrer sa supériorité et se moque de l’ignorance des autres
  • – Il ment constamment
  • – Il prêche le faux pour savoir le vrai et déforme les faits à son avantage
  • – Il est égocentrique à l’extrême
  • – Il est jaloux des autres
  • – Il ne supporte pas les critiques le concernant et nie l’évidence
  • -Il ne tient aucunement compte des besoins des autres
  • -Il attend au dernier moment pour demander, exiger ou contraindre
  • – Il dit une chose alors que son attitude et ses actes démontrent le contraire
  • – Il utilise la flatterie pour obtenir ce qu’il veut
  • – Il crée un sentiment de malaise chez les autres
  • – Il prend tous les moyens pour atteindre ses buts au détriment des autres
  • – Il force à faire des choses qu’une personne n’aurait pas faites de son plein gré
  • – Il est constamment l’objet de discussions entre les gens qui le connaissent

On peut qualifier de manipulateur celui qui possède une dizaine de ces caractéristiques. Il faut évidemment faire une distinction entre faire de la manipulation de temps à autres et être un véritable manipulateur.

Il est possible de retrouver dans notre comportement trois ou quatre de ces caractéristiques sans que cela fasse de nous des manipulateurs. Un véritable manipulateur n’agit pas comme tout le monde. Il ne s’agit pas chez lui d’un comportement passager.

Le manipulateur manipule car il ne peut faire autrement. Il s’agit pour lui d’un système de défense, souvent inconscient. Malgré les apparences, le manipulateur n’a pas confiance en lui. Il ne peut exister sans la présence des autres et se construit en dévalorisant les autres.

Les besoins, les droits des autres, sont pour lui très secondaires. Il a besoin des autres comme un noyé a besoin de s’accrocher à une bouée. Ce n’est qu’en dévalorisant, en culpabilisant et en critiquant les autres, qu’il se valorise et se déresponsabilise.

Extraits du livre Les manipulateurs sont parmi nous d’ Isabelle Nazare-Aga Éditions de l’Homme

A suivre…

 

 

 

 

Pourquoi avons nous besoin de mentir

Mentir, c’est mal. Nous le savons, nous le répétons assez à nos enfants. Pourtant, nous passons notre vie à faire de petits ou gros arrangements avec la réalité. Pourquoi ? 

pinocchio

Jamais, sans doute, le parler vrai n’a été plus tendance. Depuis la scène politique, jusqu’aux confessions intimes livrées à grand renfort d’autobiographies et de plateaux télé : il n’y en a plus que pour ceux qui affirment dire tout haut ce que les autres pensent tout bas, les personnalités
« vraies », « sincères », « nature », etc.

La psychologue Claudine Biland met ce phénomène sur le compte d’une peur très actuelle, celle d’être manipulé : « C’est typique, paradoxalement, d’une époque inondée par l’information ; plus on nous en dit et plus on veut en savoir, mais plus, aussi, on doute de la véracité de ce que l’on nous révèle ! » Un cercle vicieux : qu’y a-t-il de plus suspect, en effet, qu’un discours commencé par « Franchement… » ou « Très sincèrement… » ?

A chacun sa vérité

Le psychanalyste Juan-David Nasio est catégorique : « Il est impossible de parler complètement vrai. » Cela, explique-t-il, tient d’abord à la nature même du langage : « Dès lors que nous utilisons la parole, nous sommes condamnés à ne pas tout dire, car les mots ne reflètent jamais toute la vérité ; il y a toujours une partie de celle-ci qui reste cachée, inaccessible à la parole. »

Dire la vérité, toute la vérité, signifierait être dans un rapport direct avec la réalité. Or, assure le psychanalyste, « nous sommes toujours dans l’interprétation »… Donc dans le mensonge ?
« Cela signifie plutôt qu’il n’y a de vérité que subjective et affective. »

Exemple : votre meilleure amie vous demande ce que vous pensez de sa nouvelle coiffure. Ayant promis de ne jamais lui mentir, vous lui avouez : « Elle est ratée. » Mais une tierce personne pourrait lui dire l’inverse avec autant d’honnêteté. D’ailleurs, vous-même, un autre jour, soumis à d’autres humeurs, vous pourriez tout à fait trouver que sa nouvelle coiffure lui va comme un charme.

Ou bien estimer que dans de telles circonstances, être sincère serait lui faire remarquer que la coloration est réussie ou que la coupe lui donne un air plus sérieux, etc. Preuve que c’est toujours, comme le dit l’écrivain Luigi Pirandello dans sa pièce de théâtre éponyme, « chacun sa vérité », selon les affects et les personnes engagés.

Un acte réflexe

Il n’empêche : suivre « sa » vérité reviendrait à ne jamais (se) mentir. Impossible encore, poursuit J.-D. Nasio : « Nous sommes incapables de ne pas mentir. » Bien sûr, certains mensonges consistent en un détournement conscient et volontaire de la vérité dans le but de tromper l’autre.

Mais ceux-là, assure le psychanalyste, restent très minoritaires. Au quotidien, la majorité de nos mensonges sont « des actes réflexes, instinctifs, auxquels on a recours pour se protéger ». De quoi ? « D’une atteinte physique, morale, matérielle ou psychique (honte, perte d’estime de soi…).

En un mot : pour protéger la relation établie avec autrui. On ment par peur d’être privé de l’amour, au sens large, de l’autre. » Selon lui, le mensonge est d’abord « un acte défensif ». De fait, ceux qui ont tendance à dire tout ce qu’ils pensent sont avant tout très sûrs d’eux, assure le psychanalyste : « Ils ont une telle confiance en eux qu’ils ne sont pas retenus par la crainte de perdre l’amour de l’autre. »

Une marque de respect

Jouer avec la vérité serait ainsi indispensable à la vie en société : « Cela fait partie des conventions sociales », explique Claudine Biland. Vous saluez votre collègue par : « Ça va ? » S’il était décidé à dire toute sa vérité, l’autre vous répondrait en détail : « Pas totalement, je m’inquiète pour tel dossier que je dois boucler, j’ai peur de ne pas finir à temps »…

Mais il ment : « Très bien merci, et toi ? » Preuve non pas de malhonnêteté, mais au contraire de considération et de respect : « Bien communiquer, explique la psychologue, c’est savoir prendre en compte l’autre et ce qu’il est prêt à entendre. » En d’autres termes, c’est savoir mentir ou, du moins, ne pas dire toute notre vérité.

Preuve que, décidément, toute vérité a sa contrevérité, cette théorie s’oppose à celle du psychothérapeute américain Brad Blanton. Ayant mis au point la méthode dûment nommée Radical Honesty (http://www.radicalhonesty.com), il est convaincu que c’est en apprenant à dire absolument tout ce qui nous passe par la tête sans aucune censure que nous pouvons apprendre à nous connaître et à connaître les autres. Se décharger des pensées et autres jugements qui nous tourmentent serait, selon lui, le seul moyen de vivre des relations authentiques. A vérifier…

Vérité ou sincérité ?

Le grand menteur se trahit par des signes physiques et quelques caractéristiques psychiques. Psychologue sociale et spécialiste en communication non verbale, l’auteur nous aide à le reconnaître.

En attendant, Claudine Biland assure que mentir, par politesse ou omission, « ne nous empêche pas d’être sincères ». La sincérité n’a en effet rien, ou presque, à voir avec la vérité : tout dépend de la façon dont nous désirons nous positionner par rapport à l’autre.

Prenant l’exemple du mari qui, par amour pour sa femme et pour ne pas la perdre, décide de ne pas lui avouer qu’il lui a déjà été infidèle, la psychologue assure que « tout en mentant, cet homme reste sincère par rapport à ce qu’il considère comme étant sa vérité la plus profonde, à savoir qu’il ne veut pas blesser et risquer de perdre sa femme ».

Ainsi, son mensonge révèle une vérité plus essentielle pour lui et pour son couple. C’est ce que confirme Juan-David Nasio, en rappelant que, pour la psychanalyse, la parole délibérément fausse en dit au moins autant que la parole vraie. Mieux, « le mensonge est lui-même vérité : vérité d’un
désir ». Bien avant Freud, le philosophe Pascal nous avait prévenus : « Le contraire de la vérité n’est pas une erreur, mais une vérité contraire. »

Un apprentissage social

La capacité à mentir apparaît naturellement vers 4 ans : l’enfant comprend qu’il n’est pas transparent, que les adultes ne connaissent pas tout de lui.

C’est le début de la découverte de l’intimité, qui va s’affirmer tout à fait vers 7 ans. Il assimile le fait qu’il a des pensées secrètes et que toutes n’ont pas à être exprimées. Ainsi, grâce à l’éducation qu’il reçoit (« On ne dit pas ça aux gens », « On ne parle pas de ces choses-là », etc.), fait-il peu à peu l’expérience du non-dit. C’est la première forme de mensonge.

Puis, il découvre qu’il peut également dire autre chose que ce qui est : c’est le mensonge au sens où on l’entend couramment. En se socialisant, et selon les règles morales qu’on lui inculque, il apprendra à jouer toute la gamme du « craque » : depuis le mensonge pieux jusqu’au gros canular en passant par le mensonge de sollicitude.

Nos motivations principales

Le psychanalyste Juan-David Nasio dresse pour nous la liste des dix premières raisons qui motivent nos mensonges.

– Pour ne pas faire de peine à l’autre
– Pour défendre ceux que l’on aime
– Pour protéger son intimité
– Par timidité
– Pour obtenir le vrai (en prêchant le faux)
– Pour éviter une réprimande ou une punition
– Pour paraître plus fort ou meilleur.
– Par intérêt matériel
– Par plaisir ou par jeu
– Par médisance

Anne-Laure Gannac 

A lire :

Le Mensonge des enfants de Paul Ekman, préface de Juan-David Nasio
Psychologie du menteur de Claudine Biland Odile Jacob
 

 

Les dangers de l’auto mensonge

Si un petit mensonge blanc ne fait en général de mal à personne, il en est tout autre des mensonges profonds que l’on se fait à soi-même. Dans son livre Du mensonge à l’authenticité, Marie Lise Labonté prévient des conséquences que l’auto mensonge peut avoir sur la reconnaissance de soi.

Auto mensonge

Nous pouvons tenter de nous mentir à nous-mêmes, mais il y a toujours une partie de nous qui sait que nous nous mentons. Cette partie est notre corps, siège de l’inconscient. Souvent, lorsque nous sommes enfermés dans le mensonge, notre corps nous adresse des signaux, notre inconscient nous envoie des rêves nous informant qu’un temps de sincérité et d’honnêteté avec soi serait approprié pour notre santé physique et mentale.

Si nous refusons ces signes qui nous interpellent pour attirer notre attention, nous pouvons avoir l’impression que notre corps est notre ennemi et qu’une partie de nous tente d’avoir raison sur nous. Nous sommes alors aveugles ou sourds. Nous aimerions tellement que notre monde intérieur se mente à lui-même, tout comme nous le faisons avec notre personnalité.

Heureusement pour nous et malheureusement pour notre ego, notre corps et notre inconscient portent en eux une sagesse, une partie intacte qui sait que nous sommes dans le leurre, même si nous croyons que nous faisons les bons choix. Cette partie ne nous ment pas, même si nous nous mentons à nous-mêmes. Notre corps et les dimensions inconscientes en nous sont les amis de notre sincérité profonde. Ils sont nos guides vers l’authenticité.

Nous avons tous le droit de mentir et nous avons nos raisons pour le faire. Mais, à la longue, mentir blesse le corps et l’âme. Il y a un prix à payer pour utiliser le mensonge comme outil de protection, de manipulation ou de pouvoir. Ce prix est une inauthenticité envers les autres, mais avant tout et surtout envers soi-même, ce qui n’est pas sans conséquences physiques, émotionnelles et psychiques.

Mentir cause du stress. Il y a décharge hormonale, libération d’adrénaline, sueurs, anxiété. Les menteurs chroniques s’habituent à ces symptômes physiques, s’y identifient jusqu’à les cultiver, car ces symptômes peuvent engendrer une accoutumance semblable à certaines drogues. (…)

Nous mentir à nous-mêmes nous éloigne de notre propre vérité et creuse un fossé entre les parties de soi qui « savent » et les autres parties qui font semblant de ne pas savoir. Se mentir à soi-même est souvent accompagné d’un retour vers des compulsions telles que l’alcool, le sexe, la drogue physique ou affective.

Ce phénomène est pernicieux, car le fait de nier une vérité intérieure engendre d’importantes frustrations, beaucoup d’irritation et de colère dirigée contre soi. Ces expériences émotionnelles sont souvent suivies d’un sentiment de désespoir et de séparation intérieure.

Pour notre personnalité consciente, ces émotions sont douloureuses, c’est pourquoi nous pouvons ressentir le besoin urgent de combler cet état de frustration par la compulsion. La satisfaction est alors immédiate et elle anesthésie la partie de nous qui sait la vérité.

Plus le degré de colère contre nous est élevé, plus durement nous pouvons utiliser la compulsion pour nous punir, nous faire souffrir. C’est un cercle vicieux d’autopunition. Si nous prenons le cas de Mylène, l’achat de magnifiques vêtements satisfait sa personnalité, mais vide son compte de banque.

La sensation excitante des achats compulsifs est comme un anesthésiant qui lui permet de faire face au fait qu’elle vient encore une fois de se mentir à elle-même. Cette anesthésie ne sert qu’à endormir la souffrance reliée à l’acte de se mentir.

Lorsque Mylène est venue me voir pour sa première consultation, elle était consciente de cette autodestruction, mais elle y était enfermée. La prise de conscience est un pas dans la bonne direction, mais ce n’est pas toujours suffisant pour s’en sortir.

A l’opposé de Mylène, pour beaucoup, l’auto mensonge n’est pas un acte conscient. Au contraire, il peut s’agir de bons vieux réflexes d’autoprotection, de survie, qui sont devenus des habitudes comportementales non réfléchies. C’est là que le mensonge blesse. Le mensonge envers soi-même n’est pas innocent dans l’écologie intérieure : il entraîne des conséquences qui bouleversent notre être.

La blessure de se mentir

La blessure du mensonge ressemble à une compresse de gaze qui au début remplissait sa fonction. Une compresse de gaze recouvre et protège une plaie, réalisant un pansement qui prévient l’infection. On peut retirer périodiquement ce pansement pour permettre à la plaie de respirer, ce qui favorise la cicatrisation.

Imaginons maintenant que la compresse est laissée en place pendant des mois et que la plaie n’est plus traitée. Que se passera-t-il ? La plaie s’infectera et la gaze s’amalgamera à la chair. Si l’on tentait alors de retirer le pansement brusquement, on arracherait la peau, laissant une nouvelle plaie encore plus grande que la première.

Cette description peut choquer, car l’image est forte. Il n’empêche que se mentir à soi-même, c’est comme mettre des pansements sur une plaie qui s’infecte, alors que cette souffrance ancienne aurait plutôt besoin de vivre à l’air libre, dans une expression juste de soi.

Se mentir laisse en place une blessure de non reconnaissance de soi. Elle crée en nous un doute profond sur notre authenticité et perturbe gravement la relation de confiance de soi à soi, confiance pourtant nécessaire dans la construction de notre réelle identité.

Du mensonge à l’authenticité, Marie-Lise Labonté Éditions de l’Homme (Février 2014 ; 176 pages)

Source Inrees

Byron Katie : Soumettez vos pensées aux questions

Le moral en berne, l’humeur maussade, la pensée confuse… Comment prendre du recul ? En s’appuyant sur la méthode américaine de Byron Katie : The Work. Notre journaliste l’a testée. Convaincant.

Phare

Soirée pluvieuse sur Strasbourg-Saint-Denis, à Paris. Un environnement peu ensoleillé pour découvrir la dernière technique d’épanouissement « in » sur la côte californienne… Mais puisque cette vague vient jusqu’à nous, autant plonger.

Byron Katie, la soixantaine rayonnante, est la créatrice de ce travail sur soi sobrement baptisé The Work (Le travail, en français). Son livre, paru en 2003, est un best-seller et Time Magazine a classé son auteur parmi les « leaders spirituels les plus innovateurs ».

Aujourd’hui, des groupes mensuels animés par certains de ses élèves naissent à travers toute l’Europe… et dans notre capitale. Il était donc temps de découvrir l’un de ces « cercles d’investigation ». Pas de meilleur endroit, en effet, pour comprendre cette méthode qui cherche à nous libérer de notre confusion intérieure. Ni thérapie ni dogme spirituel ou philosophique, The Work est une expérience à vivre.

Je me raconte des histoires

Ce soir, ça se passe dans un centre associatif. Dans la salle réservée au « travail », un éclairage improbable, huit chaises de plastique bleu alignées en demi-cercle. Vacances obligent, nous sommes peu nombreux : quatre femmes et deux hommes, dont Frank Kane, chef d’orchestre de la soirée. Traducteur technique de profession, il a suivi une formation – deux grands stages de neuf jours – qui l’autorise désormais à transmettre The Work.

« Pratiquer régulièrement cette technique a changé ma vie, explique-t-il. J’ai de plus en plus de mal à croire mes “histoires”, ce que je me raconte toute la journée. Une de mes préférées parmi ces pensées qui me font souffrir, c’est : “Ma femme ne se rend pas compte de tout ce que je fais pour nous”…

Aujourd’hui, quand je vois ce scénario arriver, je n’y adhère plus. Ou plutôt, lui semble me lâcher. En pratiquant le “Turn around” (inversion) , j’intègre très vite de nouvelles options : “Je ne vois pas tout ce que ma femme fait pour nous”, ou “Ma femme voit ce que je fais pour nous”. Cela renouvelle mon énergie, un peu comme quand on essaie une nouvelle chemise. »

Suit une lecture d’un extrait du livre de Byron Katie sur cette technique d’inversion. Pour elle, en effet, toute pensée que nous nous répétons et qui engendre de la souffrance mérite d’être revisitée sous différentes formes, notamment en se l’appliquant à soi-même.

« Tant que vous estimerez que la cause de votre problème est extérieure à vous, tant que vous supposerez que quelque chose ou quelqu’un d’autre est responsable de votre souffrance, la situation restera sans espoir. […] Ramenez la vérité à vous-même et conquérez votre liberté », écrit-elle.

C’est donc un travail approfondi sur nos projections, quand nous reprochons aux autres ce que nous ne voulons pas voir en nous, que sa technique propose.

Je m’étonne de ce côté interchangeable de toutes nos pensées : « Mais si tout ce que nous pensons est aussi facilement transformable, est-ce que ça veut dire que rien de ce que nous pensons n’est vrai, fondé ? » Frank me répond que la vérité ultime, c’est ce qui peut apparaître, enfin, lorsque toutes ces pensées inutiles se sont évaporées. Je pense à la recherche du vide mental : The Work serait-il une forme occidentale, accélérée, de l’ascèse zen ?

Ma pensée au crible

Après la théorie, la pratique. Frank nous invite à écrire l’une des pensées qui nous traversent régulièrement l’esprit. J’écris : « Le monde, les gens sont durs. » Mes voisins sont concentrés sur leur papier. Frank nous invite à mettre celui-ci dans un chapeau.

« Nous allons tirer l’une de ces pensées au sort, indique-t-il, et la soumettre au “travail”. » C’est une phrase rédigée par ma voisine qui est choisie : « Le perfectionnisme tue la créativité. » Pendant une vingtaine de minutes, alternant le rôle de « facilitateur » (celui qui pose les questions) et celui de « client » (lorsqu’on répond), nous allons passer cette phrase au crible des questions.

Le brouhaha va grandissant dans la pièce. Je perçois des bribes de dialogues : « Est-ce vrai ? »
« Oui, quand je commence un travail, je veux tellement bien faire que ça m’empêche toute fantaisie, originalité. » Je demande au « client » assis en face de moi : « Peux-tu absolument savoir si c’est vrai ? » Il hésite.

« Non, parce que parfois en étant très précis et appliqué, perfectionniste, me répond-il, j’ai vu arriver de bonnes idées… » J’enchaîne : « Quelle réaction suscite en toi cette pensée ? » Il ferme les yeux, se tait un moment. « Ça me coupe les ailes, je retarde le moment de commencer mon travail… »

Et ainsi de suite jusqu’à ce que cette pensée, apparemment si personnelle, précieuse, profonde, soit essayée par tous, « triturée » en quatre ou cinq inversions possibles, au point de perdre finalement tout son impact.

Son auteur, ma voisine, rit, s’amuse de voir tous les scénarios que son texte de départ a suscités avant d’être comme dissous dans l’espace. Je me dis que c’est là l’effet Karcher du « travail », une sorte de nettoyage radical et en profondeur nous évitant de rester « accrochés » aux pensées qui nous encombrent.

Je change mon regard

Arrive le moment fort de la soirée. Le face-à-face entre Frank et une volontaire. Voir comment notre mental fait barrière à notre bien-être est très pédagogique. Déborah, la belle quarantaine, expose son problème : « Pierre, mon compagnon, n’est pas assez intime avec moi. Il ne s’intéresse pas à moi, ramène toujours la conversation à lui… »

Frank rappelle une des consignes de Byron Katie : « Laissez le mental poser les quatre questions, laissez le cœur y répondre. » Puis il commence l’investigation : « Est-ce vrai ? » « Oui, j’aimerais bien qu’il s’intéresse plus à moi, mais il s’intéresse plus à ce que je pense de lui… » Frank demande alors à Déborah de se visualiser dans une pièce avec son compagnon. « Vous regardez Pierre et vous pensez : “Il ne s’intéresse pas à moi.”… Êtes-vous certaine que c’est vrai ? »

« Oui, je le vois indisponible, isolé, il me semble difficile à approcher… » Frank l’arrête : « Et vous, qu’est-ce que vous ressentez ? » « J’en ai assez de cette situation, je me sens résignée, en crise toute seule dans mon coin… » « Comment seriez-vous sans cette pensée ? », continue le facilitateur.

« Eh bien… je crois que je me dirais simplement : “Tiens, il lit son journal”, je pourrais alors être plus légère, plus libre d’aller lui parler… » Peu à peu, Déborah réalise combien elle s’éloigne de toute intimité avec Pierre. Frank lui propose d’inverser sa pensée de départ, qui devient : « Je devrais m’intéresser plus à lui », ou encore : « Je devrais m’intéresser plus à moi-même. »

Le dialogue, intense, dure près de trente minutes. Pour Déborah, l’idée qu’« un homme doit s’intéresser à sa femme » mène le bal. Mais cette pensée est-elle enrichissante, ouvre-t-elle à des pistes d’épanouissement ou d’aliénation ? Déborah découvre qu’elle a toutes les réponses en elle. The Work lui a permis d’aller les chercher.

Je quitte le stage avec la sensation d’être prête à vivre avec un esprit plus ouvert, allégé. Je me dis qu’en France, où l’on est tellement attaché à ses idées, on aura du mal à comprendre ce genre de technique. Puis, très vite, je pense : « Est-ce vrai ? »

Chemin forêt

« Derrière chaque sensation désagréable se cache une pensée qui n’est pas vraie pour nous », affirme Byron Katie. Lorsque vous ressentez un malaise, menez un travail d’investigation : soumettez votre pensée à quatre questions, toujours les mêmes. N’hésitez pas à vous munir d’une feuille et d’un crayon, ou à vous adresser à un proche.

A propos de cette pensée, demandez-vous :

– « Est-ce vrai ? »
Écrivez ou énumérez différents développements de cette pensée.

– « Pouvez-vous absolument savoir si c’est vrai ? »
Avez-vous des preuves concrètes de ce que vous avancez ? Si oui, lesquelles ? Quels éléments vous permettent d’affirmer cela avec certitude ?

– « Quelle réaction suscite en vous cette pensée ? »
Entrez en contact avec les sentiments que fait naître en vous cette pensée. Quels comportements en découlent ?

– « Qui seriez-vous sans cette pensée ? »
Imaginez-vous libéré d’un tel scénario. Que feriez-vous de différent? Comment cela changerait-il?

Retournez votre phrase. Plusieurs types d’inversions sont possibles : on retourne le jugement vers soi-même, vers l’autre et vers son contraire. Exemple : « Paul devrait m’aimer » peut devenir « Je devrais m’aimer », « Je devrais aimer Paul », « Paul ne devrait pas m’aimer. » Inversez l’affirmation initiale à votre guise jusqu’à ce que vous trouviez l’inversion qui vous touche le plus.

Katie Byron

Femme d’affaires alcoolique, dépressive et constamment sous tranquillisants, Byron Katie mène jusqu’en 1986 une vie sans espoir. Elle alterne crises de boulimie et périodes d’abattement, jusqu’à la sensation de vivre un « effondrement de la personnalité ». Elle intègre alors un centre de cure.

Durant son séjour et ses longues marches dans le désert Mojave, elle vit une forme d’éveil :
« C’est comme s’il n’y avait plus de moi, écrit-elle. J’ai pu voir monter toutes les pensées qui m’envahissaient, et surtout je ressentais leur impact sur mon corps. » Peu à peu, à force de questionner ces pensées, elle s’en libère et se transforme.

Depuis 1992, elle dispense son enseignement dans tous les États-Unis, dans les prisons, les écoles et les hôpitaux. Son livre, Aimer ce qui est Éditions Ariane, 2003, est devenu une véritable référence.

Pascale Senk

http://www.thework.com/francais/

http://www.byron-katie-paris-2014.com/

 

 

 

 

 

 

Intelligence émotionnelle : une aptitude maîtresse

Sommet montagne

Le caractère

Le muscle psychologique nécessaire à une conduite morale
Amitai Etzioni, sociologue

L’affermissement du caractère conditionne l’existence des sociétés démocratiques : pas de caractère sans autodiscipline : « la vie vertueuse est fondée sur la maîtrise de soi », Aristote.

Capacité de se motiver et de se gouverner, aptitude à différer la satisfaction de ses désirs, à contrôler et à canaliser le besoin d’agir que l’on appelle aussi la volonté.

Pour cela, la volonté doit placer les émotions sous le contrôle de la raison, savoir surmonter son égocentrisme et ses pulsions, c’est se montrer empathique, faire vraiment attention aux autres et se placer de leur point de vue.

L’esclave des passions

La colère n’est jamais sans raison, mais c’est rarement la bonne raison 

La colère est le mouvement de l’âme le plus difficile à maîtriser, la plus séduisante des émotions négatives. L’enchaînement de pensées qui alimentent la colère est aussi l’instrument le plus puissant permettant de la désamorcer en sapant les certitudes dont elle se nourrit au départ.

Plus nous ruminons la cause de notre fureur, plus nous risquons de nous inventer de « bonnes raisons ». Le fait de remâcher sa colère attise celle-ci, alors qu’en changeant de perspective on éteint les flammes. Le fait de reconsidérer la situation sous un angle plus positif constitue l’un des moyens les plus sûrs pour calmer l’irritation.

Remèdes contre l’anxiété et la mélancolie :

  • Se distraire.
  • Se relaxer.
  • S’offrir des plaisirs.
  • Se gratifier d’un petit succès facile ou mettre en valeur son image personnelle.
  • S’efforcer de voir les choses différemment : il s’agit du recadrage cognitif (l’un des antidotes les plus puissants contre la dépression).
  • Se redonner du courage en venant en aide à autrui, la dépression se nourrissant de ruminations et de préoccupations centrées sur soi-même.

L’aptitude maîtresse

La motivation positive : c’est quand l’enthousiasme, le zèle et la confiance se mobilisent pour atteindre un but. Ce qui semble distinguer les membres du peloton de tête de ceux qui possèdent des dispositions en gros équivalentes, c’est leur capacité à persévérer pendant des années et depuis leur plus jeune âge dans une pratique systématique et difficile. Et cette ténacité repose avant tout sur certains traits psychologiques : l’enthousiasme et la persévérance face aux déconvenues.

Une solide éthique du travail scolaire se traduit par une motivation, une persévérance et un zèle plus grands, ce qui constitue un avantage psychologique indéniable.

Dans la mesure où nos émotions bloquent ou amplifient notre capacité de penser et de planifier, d’apprendre en vue d’atteindre un but lointain, de résoudre des problèmes, etc., elles définissent les limites de notre aptitude à utiliser nos capacités mentales innées et décident donc de notre avenir.

Et dans la mesure où nous sommes motivés par l’enthousiasme et le plaisir que nous procure ce que nous faisons – voire par un niveau optimal d’anxiété – les émotions nous mènent à la réussite. C’est en ce sens que l’intelligence émotionnelle est une aptitude maîtresse qui influe profondément sur toutes les autres en les stimulant ou en les inhibant.

Nulle aptitude psychologique n’est sans doute plus fondamentale que la capacité de résister à ses pulsions. C’est d’elle que dépend la maîtrise des émotions, puisque par nature celles-ci déclenchent un besoin impérieux d’agir.

L’intelligence émotionnelle est une méta-faculté qui détermine dans quelle mesure l’individu saura tirer parti de ses capacités.

L’anxiété mine l’intellect et sabote les résultats scolaires et universitaires dans toutes les disciplines. : plus un individu est enclin à se faire du souci, moins il réussit dans ses études. Les pensées négatives perturbent la capacité de décision comme « je n’y arriverai jamais » ou « je ne suis pas bon pour ce genre de tests ».

Les ressources mentales accaparées par la rumination des soucis ne sont plus disponibles pour le traitement d’autres informations ; quand nous sommes préoccupés par la crainte de l’échec, notre attention est d’autant moins disponible pour rechercher les bonnes réponses. Nos noires prophéties finissent par se réaliser ; nos soucis nous entraînent inexorablement vers le désastre qu’ils prédisent.

En revanche, les personnes sachant employer leurs émotions à bon escient sont capables d’utiliser leur appréhension pour se préparer comme il faut, et elles franchissent donc l’épreuve avec succès.

OptimismeLe rire, comme la bonne humeur en général, libère la pensée, facilite les associations d’idées et permet ainsi de découvrir des relations qui, autrement, auraient pu passer inaperçues, et cette faculté mentale est importante non seulement d’un point de vue créatif, mais aussi parce qu’elle aide à saisir des relations complexes et à prévoir les conséquences d’une décision donnée.

Le pouvoir de la pensée positive : espérer c’est refuser de céder à l’anxiété, de baisser les bras ou de déprimer quand on est confronté à des difficultés ou à des déconvenues. Les gens confiants sont en général moins anxieux et moins sujets aux perturbations affectives dans la vie de tous les jours.

L’optimisme, grand motivateur : comme l’espérance, c’est la ferme conviction que, de façon générale et en dépit des revers et des déconvenues, les choses finissent par s’arranger.

C’est un état d’esprit qui empêche les gens de sombrer dans l’apathie, la dépression, et de se laisser envahir par un sentiment d’impuissance dans les périodes difficiles. Comme la confiance dans l’avenir, sa cousine germaine, l’optimisme est payant (pourvu, naturellement, qu’il reste réaliste, un optimisme naïf pouvant être désastreux).

L’optimisme se manifeste par la façon dont les gens s’expliquent à eux-mêmes leurs succès ou leurs échecs :

l’optimiste considère qu’un échec est toujours dû à quelque chose qui peut être modifié de sorte à réussir le coup suivant, tandis que les pessimistes se reprochent leur échec et l’attribuent à un trait de caractère non modifiable.

Ce que les examens d’entrée ne permettent pas d’évaluer, c’est la motivation de l’individu. A intelligence égale, la réussite ne dépend pas que du talent, mais aussi de la capacité à supporter l’échec.

Il faut être capable de supporter les refus avec le sourire. La réaction émotionnelle à une défaite détermine la capacité de l’individu à trouver le courage de persévérer. L’aptitude de l’optimiste fait naître l’espérance.

Il est possible d’apprendre à devenir optimiste et confiant dans l’avenir tout comme à se sentir impuissant et découragé. Ces deux attitudes sont sous-tendues par une autre nommée efficacité personnelle (self-efficacy) : il s’agit de la conviction que l’on maîtrise le cours de sa propre vie et que l’on est capable de relever les défis qui se présentent.

En acquérant des compétences dans un domaine quelconque, on renforce son sentiment d’efficacité personnelle : on accepte alors plus volontiers de prendre des risques et de relever des défis plus difficiles. Et cela accroît à son tour le sentiment d’efficacité personnelle.

Cette attitude permet aux gens d’exploiter au mieux leurs capacités ou de faire ce qu’il faut pour les développer. Ils se remettent vite de leurs échecs. Ils se demandent comment régler les problèmes au lieu de s’inquiéter de ce qui pourrait aller de travers.

La fluidité : c’est le summum de l’intelligence émotionnelle. Elle est caractérisée par le plaisir spontané, la grâce et l’efficacité. 

Les émotions sont mises au service de la performance ou de l’apprentissage. Celles-ci ne sont pas seulement maîtrisées et canalisées, mais aussi positives, chargées d’énergie et appropriées à la tâche à accomplir. C’est lorsqu’on donne le meilleur de soi ou que l’on va au-delà de ses limites habituelles.

Parce qu’elle procure un bien-être intense, elle est intrinsèquement gratifiante. Au lieu de se laisser envahir par une anxiété nerveuse, l’individu fluide est si absorbé par ce qu’il fait qu’il perd entièrement conscience de lui-même et oublie les tracas de la vie quotidienne.

Il y a plusieurs façons d’atteindre l’état de fluidité :

Se concentrer intensément sur la tâche à accomplir, ce qui réclame une certaine discipline.

S’engager dans un travail pour lequel on est compétent, mais qui exige un certain effort. Si la tâche est trop facile, on s’ennuie ; si elle est trop difficile, on devient anxieux. La fluidité apparaît dans cette zone délicate délimitée par l’ennui et l’anxiété.

Dans l’état de fluidité, l’attention est à la fois détendue et très focalisée.

La fluidité est un état dépourvu d’« électricité statique » émotionnelle, sauf un sentiment irrésistible et extrêmement motivant de légère euphorie.

L’utilisation de la fluidité et des états positifs qui la caractérisent est le moyen le plus sain d’éduquer les jeunes, car cela revient à les motiver intérieurement et non par la menace ou la perspective d’une récompense ; à les amener à étudier des domaines où ils peuvent cultiver leurs talents.

L’enfant doit découvrir l’activité qu’il aime et s’y tenir. Il apprend mieux quand il s’intéresse à ce qu’il fait et y prend plaisir. La stratégie consiste à établir un profil de ses talents naturels et à travailler ses points forts tout en essayant de renforcer ses points faibles.

Empathie

L’empathie

Source de l’affection, de l’altruisme et de la compassion.  Comprendre ce que ressentent les autres et savoir adopter leur point de vue, respecter leur manière de voir ; s’initier à l’art de la coopération, de résoudre les conflits et de négocier des compromis.

L’empathie repose sur la conscience de soi ; plus nous sommes sensibles à nos propres émotions, mieux nous réussissons à déchiffrer celles des autres. Dans toute relation humaine, la bienveillance, l’affection trouvent leur origine dans l’harmonie avec autrui, l’aptitude à l’empathie.

« Ne cherche jamais à savoir pour qui sonne le glas ; il sonne pour toi », John Donne : c’est l’essence même du lien qui unit l’empathie et la bienveillance : la douleur de l’autre est la nôtre. Eprouver la même chose que l’autre, c’est se soucier de lui.

En ce sens, le contraire de l’empathie est l’antipathie. L’attitude empathique met en jeu des jugements moraux répétés, car les dilemmes moraux impliquent des victimes potentielles.

Les jugements moraux trouvent leur origine dans l’empathie, puisque c’est en compatissant avec les victimes potentielles – ceux qui souffrent, sont en danger ou dans le besoin – et donc en partageant leur affliction que l’on est poussé à leur venir en aide.

Au-delà de ce lien immédiat entre l’empathie et l’altruisme dans les relations entre individus, c’est cette aptitude à éprouver de l’empathie, à se mettre à la place d’autrui, qui conduit l’individu à respecter certains principes moraux.

L’empathie se développe dès la prime enfance et atteint sa forme la plus accomplie vers la fin de l’enfance, l’enfant devenant alors capable de comprendre que le chagrin peut aller au-delà de la situation immédiate et de voir que la condition ou la position de quelqu’un dans la vie peut être une source permanente d’affliction.

Les rudiments de l’intelligence sociale

Composants de l’intelligence interpersonnelle : aptitude à organiser des groupes : c’est la capacité première du leader ; elle consiste à savoir amorcer et coordonner les efforts d’un réseau d’individus.

Capacité à négocier des solutions : c’est le talent du médiateur, celui qui permet de prévenir les conflits ou de les résoudre. Les personnes possédant cette aptitude excellent à négocier des arrangements, à arbitrer les différents.

Capacité à établir des relations personnelles : c’est la capacité à éprouver de l’empathie et à communiquer. Elle facilite les contacts et permet d’identifier les sentiments et les préoccupations des autres pour y répondre de manière appropriée – c’est tout l’art des relations personnelles.

Capacité d’analyse sociale : c’est le fait de savoir percevoir les sentiments, les motivations et les préoccupations des autres. Cette compréhension permet une plus grande intimité et procure un sentiment de sympathie.

Le génie émotionnel

Si la marque distinctive de l’habileté sociale est le fait de savoir apaiser les émotions perturbatrices chez autrui, alors la capacité à gérer la fureur de quelqu’un est sa plus haute expression. Ce que l’on sait des mécanismes d’autorégulation de la colère et de la contagion émotionnelle suggère qu’une stratégie efficace consiste à distraire la personne en colère, à manifester de l’empathie pour ses émotions et son point de vue, puis à lui faire adopter un autre point de vue, associé à des émotions plus positives.

A suivre…

La synthèse du livre de Daniel Goleman Comment transformer ses émotions en intelligence
par Emmanuelle Fiton-Hellier, coach à http://www.saphirme.com/

Je vous recommande aussi son très beau et riche blog où vous trouverez quotidiennement des citations inspirantes : http://louvertureducoeur.wordpress.com/