Si nous adorons tous être joyeux, enthousiastes, pleins d’entrain, nous sentir confiants, en nous, en la vie, nous sommes également confrontés à des émotions perturbatrices, dérangeantes, déstabilisantes.
Et non seulement, cela nous déplaît mais entraîne le désir de nous en débarrasser car elles nous gênent et nous ébranlent.
Souvent, quand nous sommes emportés, nous perdons tout discernement et faisons ou disons des choses que nous regrettons par la suite.
Sans parler de la souffrance qui en résulte…
Nous les concevons donc comme des ennemies et cherchons à les brider, à les contrôler ou à les refouler.
Mais est-ce vraiment une bonne idée de nous en défaire ?
Non seulement nos émotions prennent source à un âge où l’intellect – pas encore développé – n’a pu y faire face mais ces difficultés continuent à vivre en nous, présentes et fortes, comme au premier jour.
L’inconscient, disait Freud, ne connaît pas le temps, et nos souffrances anciennes non réglées restent toujours actives.
Il faut donc comprendre que les problèmes qui en découlent sont récurrents, qu’ils sommeillent en nous depuis des années et qu’ils ne se résoudront ni par miracle, ni tout seuls.
Et qu’il sera nécessaire d’aller chercher au fond, pour mettre le doigt sur ce qui fait mal.
Prendre conscience que nous les retenons, en cherchant à rester dans ce que nous connaissons déjà, même si c’est désagréable, puisque la plus grande peur de l’être humain demeure l’inconnu.
Ces stratégies inconscientes peuvent nous conduire à adopter des comportements contraires à nos désirs profonds. Et nous nous enferrons dans des conduites d’échec et dans l’attachement à nos propres chaînes.
Nous reproduisons ces schémas, tout en mettant en place les tactiques pour éviter ou fuir ce qui les déclenche.
Posons le premier postulat : si, contrairement à ce que l’on pense, il n’y avait pas d’émotions « positives » ou « négatives », juste agréables ou désagréables ?
Ou celles de « bien-être » et de « mal-être ».
Et si ces dernières avaient leur utilité, en tant que messages importants, signaux d’avertissement, des indicateurs qu’un besoin, personnel ou social n’est pas satisfait.
Donc, qu’il faut en prendre soin.
Ces alertes sont nécessaires car si nous les négligeons, elles seront de plus en plus fortes… et se manifesteront d’une manière encore plus pressante, y compris par les maux du corps.
« Sans émotions, il est impossible de transformer les ténèbres en lumière et l’apathie en mouvement ». Carl Gustav Jung
Alors, ne vaut-il pas mieux se mettre à l’écoute ?
Souvent, nous ne prêtons attention à nos émotions que lorsqu’elles nous dérangent, et en prime, nous les nions, réprimons ou refoulons.
Parfois, parce que nous ressentons de la honte, de la culpabilité ou de la peur face à leur violence ou bien nous craignons qu’elles soient mal appréciées par notre entourage.
Habituellement, nous sommes convaincus que l’émotion est un phénomène provenant de l’extérieur, alors qu’il ne fait que déclencher, révéler ce qui est en latence à l’intérieur de nous.
Notre colère, notre tristesse, la violence, face à une personne, une situation, une parole, viennent-elles de l’autre ou ne font-elles que réveiller celles qui sommeillent en nous ?
Les émotions sont persévérantes et vont revenir chaque fois qu’une situation similaire se reproduit, jusqu’à ce que nous comprenions leur leçon.
Le refus est inhérent à l’émotion perturbatrice et naît du décalage entre nos attentes et ce qui est. Frustrés dans nos désirs, nous n’acceptons pas ou encore, nous nous révoltons contre cette « injustice » du sort.
Nombreux sont ceux qui renoncent à leurs besoins afin de ne pas revivre ces sensations douloureuses.
La plupart du temps, ces mécanismes de protection ou de défense sont inconscients mais cependant, nous pouvons les mettre « à jour », lorsque nous faisons la liste des besoins que nous n’arrivons pas à combler depuis de nombreuses années.
Deuxième postulat : l’objectif n’est pas de faire disparaître le ressenti mais ce rejet qui le sous-tend.
La première étape consiste donc à nous ouvrir, pour accueillir l’émotion car cette acceptation permet de la regarder bien en face.
Pour l’identifier, la reconnaître l’amener à la conscience, clarifier et passer d’un désordre affectif vague à quelque chose de plus précis.
En mettant des mots appropriés :
- Suis-je en colère, contrarié, fâché ?
- Triste ou déçu ?
- Ai-je peur et quelle est sa nature : danger réel, imaginaire, de qui ou de quoi vient-il ?
Et posant de bonnes questions :
- Comment se manifeste-t-elle ?
- Par quels signes physiques, dans quelle partie du corps ?
Ensuite, il est important d’identifier les situations qui la déclenchent, d’observer si elles sont semblables, répétitives ou quel est leur point commun.
Ce travail permet d’envoyer à notre cerveau le message que ses signaux sont bien reçus et que nous allons nous en occuper.
Et surtout, d’être au clair avec ce qui se passe en nous.
Essentiellement, toutes nos réactions émotives sont là pour nous aider à nous adapter à chaque situation de notre vie.
Elles servent aussi à nous éviter les obstacles et les dangers qui se trouvent sur notre chemin, fournissent l’information nécessaire et les indices pour la rendre utilisable.
En effet, nos émotions nous renseignent continuellement sur notre état intérieur, comme sur les conséquences des événements et de nos propres actions sur notre équilibre.
Mais derrière, il y a toujours la quête de satisfaire nos besoins.
D’où la nécessité de les nommer ainsi que de trouver les moyens à mettre en œuvre pour les combler.
Cela nous emmène à tenter de comprendre quel est le manque, en posant la question : « Qu’est-ce que je ressens au juste ? ».
Si un geste, une parole, un événement nous atteignent, c’est qu’ils ont une résonance en nous. Ils nous renvoient à notre vécu, souvent douloureux et refoulé.
Et si cette émotion est éveillée par quelqu’un, au lieu de réagir négativement, regardez ce qui vous blesse, vous frustre ou vous dérange, et discutez-en avec la personne concernée.
Et si pour des raisons quelconques cela est impossible, vous pouvez toujours le régler entre vous et… vous.
Je ne vous propose pas dans ce billet d’analyse trop poussée, juste quelques outils bien efficaces :
- Ne pas fuir, rejeter, ni mettre sous couvercle car la « cocote minute » risque de vous exploser à la figure. C’est un déni et si vous voulez éviter la souffrance, ou bien vous essayez de résister, cela vous épuisera.
- Éliminer les « j’aurai dû, j’aurai pu, si j’avais su »… Les regrets et les ruminations ne vous mèneront nulle part.
- Accueillir ce qui surgit, le reconnaître, simplement et, de préférence, sans culpabilité ni jugement.
Mais sans complaisance, attachement ou auto-apitoiement - Exprimer son émotion, le plus précisément possible. Par exemple : « Je suis en colère parce que je me suis senti vexé ». C’est important, surtout quand nous sommes en interaction avec un proche. Il est alors essentiel de dire ce qui nous a blessé, sans accusation ni attaque pour qu’un vrai dialogue puisse avoir lieu.
Éviter le « tu qui tue », parler juste de son ressenti.
- Poser des actes appropriés, en en nous respectant mais sans faire du mal à quiconque, et surtout sans retourner la violence contre soi. Agir et évoluer dans la vie en gardant en tête nos objectifs et nos désirs.
Pour aller vers soi et uniquement vers soi. Ce n’est pas « l’autre » qui est la cause de ma réaction, seulement son comportement qui a été interprété d’une certaine façon et qui a éveillé quelque chose en moi. Alors pourquoi suis-je en colère ? Et contre qui ?
Ne vous coupez pas de vos ressentis car ils vous aident à comprendre et… à apprendre. La réponse vous renseignera sur l’état mental dans lequel vous êtes.
Et quand l’émotion « négative » revient, je vous suggère d’identifier les pensées qui y sont associées, ainsi que vos croyances.
Car celles-ci déterminent la perception que nous avons des situations et événements qui nous entourent, et agissent comme des filtres dont nous ignorons l’existence.
Plusieurs de ces croyances sont cristallisées, figées dans le temps, depuis notre tendre enfance et conditionnent la façon dont nous allons réagir.
Mais cela, c’est un autre sujet…
Bon, d’accord, c’est bien beau mais est-ce réalisable ?
D’abord, cela ne veut pas dire de ne plus avoir d’émotions car non seulement c’est impossible mais ferait de nous des sortes de monstres, des robots.
Nous pouvons très bien être en colère, souvent justifiée, d’ailleurs mais sans nous identifier à elle.
L’exprimer, en conscience et de manière appropriée mais en restant « détaché », comme si nous nous observions dans cet état.
Et après l’avoir lâchée, rigoler un bon coup, par exemple…
Vous êtes triste ? D’accord mais vous n’êtes pas cette tristesse, elle ne fait que passer, à moins que vous ne décidiez de la retenir, voire vous y complaire.
Là, vous allez trouver que je « radote » car je vais encore répéter la même chose : accueillir, sans jugement ni culpabilité – de préférence – et s’accepter dans tous ses états.
Quitte à avoir envie de balancer votre belle-mère par la fenêtre 🙂
Tant que vous ne passez pas à l’action, assumer ses pulsions violentes vous met bien plus en accord avec vous-mêmes.
En chacun de nous cohabitent Mère Teresa et l’Hitler, et comme avait coutume de dire cette « sainte » femme, elle est devenue ce que nous savons, pour « canaliser » cette autre énergie et la mettre au service d’une belle cause.
Alors, sublimez, dans ce qui vous convient, transmutez mais ne fuyez pas votre « ombre » car toujours, elle vous rattrapera.