Archives

Avez-vous peur de vos émotions ?

Mal-être

Si nous adorons tous être joyeux, enthousiastes, pleins d’entrain, nous sentir confiants, en nous, en la vie, nous sommes également confrontés à des émotions perturbatrices, dérangeantes, déstabilisantes.

Et non seulement, cela nous déplaît mais entraîne le désir de nous en débarrasser car elles nous gênent et nous ébranlent.

Souvent, quand nous sommes emportés, nous perdons tout discernement et faisons ou disons des choses que nous regrettons par la suite.

Sans parler de la souffrance qui en résulte…

Nous les concevons donc comme des ennemies et cherchons à les brider, à les contrôler ou à les refouler.

Mais est-ce vraiment une bonne idée de nous en défaire ?

Non seulement nos émotions prennent source à un âge où l’intellect – pas encore développé – n’a pu y faire face mais ces difficultés continuent à vivre en nous, présentes et fortes, comme au premier jour.

L’inconscient, disait Freud, ne connaît pas le temps, et nos souffrances anciennes non réglées restent toujours actives.

Il faut donc comprendre que les problèmes qui en découlent sont récurrents, qu’ils sommeillent en nous depuis des années et qu’ils ne se résoudront ni par miracle, ni tout seuls.

Et qu’il sera nécessaire d’aller chercher au fond, pour mettre le doigt sur ce qui fait mal.

Prendre conscience que nous les retenons, en cherchant à rester dans ce que nous connaissons déjà, même si c’est désagréable, puisque la plus grande peur de l’être humain demeure l’inconnu.

Ces stratégies inconscientes peuvent nous conduire à adopter des comportements contraires à nos désirs profonds. Et nous nous enferrons dans des conduites d’échec et dans l’attachement à nos propres chaînes.

Nous reproduisons ces schémas, tout en mettant en place les tactiques pour éviter ou fuir ce qui les déclenche.

Posons le premier postulat : si, contrairement à ce que l’on pense, il n’y avait pas d’émotions « positives » ou « négatives », juste agréables ou désagréables ?

Ou celles de « bien-être » et de « mal-être ».

Et si ces dernières avaient leur utilité, en tant que messages importants, signaux d’avertissement, des indicateurs qu’un besoin, personnel ou social n’est pas satisfait.

Donc, qu’il faut en prendre soin.

Ces alertes sont nécessaires car si nous les négligeons, elles seront de plus en plus fortes… et se manifesteront d’une manière encore plus pressante, y compris par les maux du corps.

« Sans émotions, il est impossible de transformer les ténèbres en lumière et l’apathie en mouvement ». Carl Gustav Jung

Alors, ne vaut-il pas mieux se mettre à l’écoute ?

Souvent, nous ne prêtons attention à nos émotions que lorsqu’elles nous dérangent, et en prime, nous les nions, réprimons ou refoulons.

Parfois, parce que nous ressentons de la honte, de la culpabilité ou de la peur face à leur violence ou bien nous craignons qu’elles soient mal appréciées par notre entourage.

Habituellement, nous sommes convaincus que l’émotion est un phénomène provenant de l’extérieur, alors qu’il ne fait que déclencher, révéler ce qui est en latence à l’intérieur de nous.

Notre colère, notre tristesse, la violence, face à une personne, une situation, une parole, viennent-elles de l’autre ou ne font-elles que réveiller celles qui sommeillent en nous ?

Les émotions sont persévérantes et vont revenir chaque fois qu’une situation similaire se reproduit, jusqu’à ce que nous comprenions leur leçon.

Le refus est inhérent à l’émotion perturbatrice et naît du décalage entre nos attentes et ce qui est. Frustrés dans nos désirs, nous n’acceptons pas ou encore, nous nous révoltons contre cette « injustice » du sort.

Nombreux sont ceux qui renoncent à leurs besoins afin de ne pas revivre ces sensations douloureuses.

La plupart du temps, ces mécanismes de protection ou de défense sont inconscients  mais cependant, nous pouvons les mettre « à jour », lorsque nous faisons la liste des besoins que nous n’arrivons pas à combler depuis de nombreuses années.

Deuxième postulat : l’objectif n’est pas de faire disparaître le ressenti mais ce rejet qui le sous-tend.

Bien-être

La première étape consiste donc à nous ouvrir, pour accueillir l’émotion car cette acceptation permet de la regarder bien en face.

Pour l’identifier, la reconnaître l’amener à la conscience, clarifier et passer d’un désordre affectif vague à quelque chose de plus précis.

En mettant des mots appropriés :

  • Suis-je en colère, contrarié, fâché ?
  • Triste ou déçu ?
  • Ai-je peur et quelle est sa nature : danger réel, imaginaire, de qui ou de quoi vient-il ?

Et posant de bonnes questions :

  • Comment se manifeste-t-elle ?
  • Par quels signes physiques, dans quelle partie du corps ?

Ensuite, il est important d’identifier les situations qui la déclenchent, d’observer si elles sont semblables, répétitives ou quel est leur point commun.

Ce travail permet d’envoyer à notre cerveau le message que ses signaux sont bien reçus et que nous allons nous en occuper.

Et surtout, d’être au clair avec ce qui se passe en nous.

Essentiellement, toutes nos réactions émotives sont là pour nous aider à nous adapter à chaque situation de notre vie.

Elles servent aussi à nous éviter les obstacles et les dangers qui se trouvent sur notre chemin, fournissent l’information nécessaire et les indices pour la rendre utilisable.

En effet, nos émotions nous renseignent continuellement sur notre état intérieur, comme sur les conséquences des événements et de nos propres actions sur notre équilibre.

Mais derrière, il y a toujours la quête de satisfaire nos besoins.

D’où la nécessité de les nommer ainsi que de trouver les moyens à mettre en œuvre pour les combler.

Cela nous emmène à tenter de comprendre quel est le manque, en posant la question : « Qu’est-ce que je ressens au juste ? ».

Si un geste, une parole, un événement nous atteignent, c’est qu’ils ont une résonance en nous. Ils nous renvoient à notre vécu, souvent douloureux et refoulé.

Et si cette émotion est éveillée par quelqu’un, au lieu de réagir négativement, regardez ce qui vous blesse, vous frustre ou vous dérange, et discutez-en avec la personne concernée.

Et si pour des raisons quelconques cela est impossible, vous pouvez toujours le régler entre vous et… vous.

Je ne vous propose pas dans ce billet d’analyse trop poussée, juste quelques outils bien efficaces :

  • Ne pas fuir, rejeter, ni mettre sous couvercle car la « cocote minute » risque de vous exploser à la figure. C’est un déni et si vous voulez éviter la souffrance, ou bien vous essayez de résister, cela vous épuisera.
  • Éliminer les « j’aurai dû, j’aurai pu, si j’avais su »… Les regrets et les ruminations ne vous mèneront nulle part.
  • Accueillir ce qui surgit, le reconnaître, simplement et, de préférence, sans culpabilité ni jugement.
    Mais sans complaisance, attachement ou auto-apitoiement
  • Exprimer son émotion, le plus précisément possible. Par exemple : « Je suis en colère parce que je me suis senti vexé ». C’est important, surtout quand nous sommes en interaction avec un proche. Il est alors essentiel de dire ce qui nous a blessé, sans accusation ni attaque pour qu’un vrai dialogue puisse avoir lieu.
    Éviter le « tu qui tue », parler juste de son ressenti.
  • Poser des actes appropriés, en en nous respectant mais sans faire du mal à quiconque, et surtout sans retourner la violence contre soi. Agir et évoluer dans la vie en gardant en tête nos objectifs et nos désirs.

Pour aller vers soi et uniquement vers soi. Ce n’est pas « l’autre » qui est la cause de ma réaction, seulement son comportement qui a été interprété d’une certaine façon et qui a éveillé quelque chose en moi. Alors pourquoi suis-je en colère ? Et contre qui ?
Ne vous coupez pas de vos ressentis car ils vous aident à comprendre et… à apprendre. La réponse vous renseignera sur l’état mental dans lequel vous êtes.

Et quand l’émotion « négative » revient, je vous suggère d’identifier les pensées qui y sont associées, ainsi que vos croyances.

Car celles-ci déterminent la perception que nous avons des situations et événements qui nous entourent, et agissent comme des filtres dont nous ignorons l’existence.

Plusieurs de ces croyances sont cristallisées, figées dans le temps, depuis notre tendre enfance et conditionnent la façon dont nous allons réagir.

Mais cela, c’est un autre sujet…

Bon, d’accord, c’est bien beau mais est-ce réalisable ?

D’abord, cela ne veut pas dire de ne plus avoir d’émotions car non seulement c’est impossible mais ferait de nous des sortes de monstres, des robots.

Nous pouvons très bien être en colère, souvent justifiée, d’ailleurs mais sans nous identifier à elle.

L’exprimer, en conscience et de manière appropriée mais en restant « détaché », comme si nous nous observions dans cet état.

Et après l’avoir lâchée, rigoler un bon coup, par exemple…

Vous êtes triste ? D’accord mais vous n’êtes pas cette tristesse, elle ne fait que passer, à moins que vous ne décidiez de la retenir, voire vous y complaire.

Là, vous allez trouver que je « radote » car je vais encore répéter la même chose : accueillir, sans jugement ni culpabilité – de préférence – et s’accepter dans tous ses états.

Quitte à avoir envie de balancer votre belle-mère par la fenêtre  🙂

Tant que vous ne passez pas à l’action, assumer ses pulsions violentes vous met bien plus en accord avec vous-mêmes.

En chacun de nous cohabitent Mère Teresa et l’Hitler, et comme avait coutume de dire cette « sainte » femme, elle est devenue ce que nous savons, pour « canaliser » cette autre énergie et la mettre au service d’une belle cause.

Alors, sublimez, dans ce qui vous convient, transmutez mais ne fuyez pas votre « ombre » car toujours, elle vous rattrapera.

Pourquoi le développement personnel c’est du grand n’importe quoi

Développement personnel 2

  • Je vais encore moins bien depuis que je fais du développement personnel…
    C’est grave, docteur ?
  • Non, Madame, c’est normal, voire recommandé, ça passe toujours par là…
  • Ah bon, et pourtant je voulais résoudre mes problèmes ?
  • Vous étiez assise sur un tas de fumier, en vous bouchant le nez, les oreilles, comme le reste, à présent vous avez décidé de voir de plus près et vous vous étonnez que ça sente mauvais ? Vous vous croyiez confortable dans vos certitudes et maintenant que tout a volé en éclat allez-vous en chercher d’autres pour vous rassurer ?
  • Bah oui, sinon, comment vivre autrement ?
  • La seule certitude que nous puissions avoir est celle que nous allons mourir… et encore…
    Et de quoi donc voulez-vous être sûre ?
  • Que j’avance
  • Vers où ?
  • Le bonheur, la réalisation de soi, l’amour, la sécurité, l’abondance…
  • Et tout ça tout de suite ?
  • Il faut positiver, non ou alors, à quoi ça sert ?

On se le demande, souvent…

Dans cette société en perte de valeurs, minée par l’incertitude, l’impératif de réalisation personnelle fonctionne comme un puissant levier. Et cette promesse de bonheur déploie son attrait en période de crise.

Si l’évolution intérieure, le cheminement, les interrogations, la remise en question permanente sont nécessaires, voire vitales, les sages, depuis la nuit des temps, n’ont pas attendu pour donner l’exemple.

Mais cet engouement qui gagne du terrain, ne cacherait-il pas parfois un effet de mode et ne deviendrait-il pas la dernière « religion » en date ?

Avec, à la clé, tous ses effets pervers.

Les coaches de vie, les éclaireurs de consciences, les éveilleurs, nous font miroiter tant de promesses, nous annonçant, à grands coups de marketing, l’assurance d’une vie épanouie… en étalant leurs réussites, sur tous les plans et toutes leurs dents blanches dehors.

Les rayons de livres en débordent, nous croulons sous des vidéos, conférences et conseils en tout genre.

Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain mais… un peu de discernement, est plus que jamais de mise.

Car, dans ce grand fourre-tout, la barre est souvent placée trop haut et cette quête désespérée du bonheur, menée par des désespérés de la vie peut vite devenir inquiétante et surtout culpabilisante.

« Vivez la vie de vos rêves » : une simple phrase qui peut vous déprimer pour longtemps, pour peu que la vôtre refuse de suivre cette direction.

Un petit coup de « pensée positive » par-là, des injonctions sans appel : « soyez heureux » « créez votre réussite » ou « bougez-vous les fesses » par ci, n’entend pas implicitement que « si vous n’y arrivez pas, c’est de votre faute » ?

  • Je me sens de plus en plus coupable de ne pas être à la hauteur
  • J’ai 50 ans et je ne suis toujours pas arrivée, la honte !
  • J’en suis à mon dixième stage, cinquième thérapeute, centième livre… et rien ne change !
  • Mes relations empirent et mon auto-estime plonge vertigineusement.

Et cette sorte de pression qui vient de toute part.

  • Quoi, tu n’es pas encore heureux ? Tu ne réalises pas ton plein potentiel, ne nages dans l’abondance, tu n’as pas de partenaire qui te comble, un travail épanouissant (à aider les autres, bien évidement) ?

Accompagnée des injonctions : arrête de te plaindre, remue-toi, donne toi un coup de pied aux fesses, secoue-toi, décide-toi, pense positif, médite, reste zen, fais un stage, lis un livre, lâche prise, vis la pleine conscience, le moment présent…

Cela finit par vous rendre honteux et vous enfonce encore dans la conviction que vous n’êtes pas à la hauteur.

Donc, que vous êtes non seulement moins bien que les autres mais qu’en plus, personne ne peut vous comprendre.

Car, si vous appelez vos amis, qui « se développent » aussi, parce qu’une petite ou grosse « plongée » vous guette, sont-ils toujours compatissants ou vous disent-ils la même chose, en vous donnant l’impression de ne pas pouvoir vous « accueillir » dans tous vos états ?

Bien évidemment, nous sommes les créateurs de nos vies, qui ne fait que refléter nos pensées, nos croyances, nos convictions.

Comme nous attirons à nous ce qui correspond à nos blessures, manques et peurs.

Mais, sous prétexte que nous créons notre réalité, certains ont décidé de rejeter totalement tout ce qui leur parait « négatif ». Or, un être vraiment conscient ne fuit pas le « mal », il est simplement capable de le regarder en face ou de l’affronter sans que cela le fasse chuter.

Il a juste compris que l’important était de ne pas y rester trop longtemps mais sans pour autant devenir un forcené et s’infliger cette espèce de course perpétuelle à l’amélioration et au dépassement de soi.

D’ailleurs, peut-on dépasser ou seulement se mesurer à cette immense partie immergée de l’iceberg qui est notre inconscient, sans un véritable travail de fond, accompagné par un professionnel, de préférence ?

Et si la meilleure voie n’était pas de se développer mais de se dépouiller ?

Lotus

De tout ce qui empêche, bloque, freine, et en premier de cette envie d’y arriver ?

Arriver où, d’ailleurs ?

Celui qui me dit qu’il est arrivé, je m’en méfie car il y a de fortes chances qu’il se soit égaré en route ou qu’il se berce d’illusions.

Je caricature, forcément, j’accentue le trait mais n’y a-t-il pas une part de vérité dans tout ça ?

Dans cette course effrénée vers le bonheur le plus intense et le plus durable possible, dans ce rejet de tout ce qui n’est pas « positif ».

S’il est bon de savoir saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent, il reste nécessaire d’aiguiser son radar à pièges.

Il n’y a pas d’autoroute qui mène à l’accomplissement.

Il n’y a que le chemin, et il est étroit, escarpé, difficile, souvent, et c’est pour cela qu’il est la voie le moins fréquentée.

Comme le dit Jung, si cher à mon cœur : « Ce n’est pas en regardant la lumière qu’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. Mais ce travail est souvent désagréable, donc impopulaire. »

Et : « Ce qu’on ne veut pas savoir de soi-même finit par arriver de l’extérieur comme un destin. »

Plonger dans ses « ténèbres » est un passage obligé car non seulement, c’est là que se trouvent des réponses à notre mal-être mais surtout, c’est en les sortant à la lumière de la conscience que nous pouvons les transformer. Pour ne plus subir.

L’introspection suppose une détermination, des efforts, une discipline quotidienne, et une souffrance, parfois. Elle nécessite de se confronter à sa part d’ombre, d’apprendre à s’ouvrir à ses émotions, à analyser leurs mouvements internes, à les appréhender, les saisir.

Apprendre à se poser les bonnes questions, à chercher les réponses au fond de soi, sans les attendre nécessairement de l’autre, de l’extérieur.

Et si nous ressentons le besoin d’être aidés, il est judicieux de se tourner vers un bon thérapeute et de bonnes méthodes, celles qui résonnent en nous, et non pas se précipiter sur le dernier objet qui brille, en suivant des modes ou des avis des autres car ce qui a fonctionné pour eux, ne nous conviendra pas forcément.

Les « boîtes à outils » débordent et si nous sommes constamment à la recherche du meilleur, le plus rapide, plus précis, plus efficace, et cela, sans jamais vraiment mettre en pratique ceux que nous avons déjà, n’est-ce pas totalement absurde ?

Comme les « touristes » qui se promènent d’un stage à l’autre, se revendiquent d’avoir pratiqué telle technique, rencontré tel thérapeute lu tant de livres.

Belle excuse pour une fuite. Sous prétexte de toujours « faire », ils n’appliquent jamais rien, s’évitant ainsi la confrontation avec leurs problématiques psychiques, et ils continuent de souffrir et de nier l’origine de ces souffrances.

Vous pouvez : « décider » d’être heureux, si cela vous parle, cela a fonctionné pour beaucoup mais quant à moi, je préfère : choisir.

Entre mes pensées ou émotions « négatives », qui ne le sont jamais vraiment car c’est juste l’expression de notre « ombre », et le précieux indicateur qui signale quel problème, quelle incohérence entre les différents niveaux de l’être sont en difficulté.

Choisir ce qu’il faut travailler, faire évoluer, comment, dans quel ordre…

Pour ne plus être malades de ne pas être ce que nous sommes vraiment.

Et ne surtout pas éviter ce qui fait mal, ne pas avoir peur d’être déprimé, triste ou traverser un passage à vide. Accepter ses pulsions destructrices, sa violence la puissance sourde de ses émotions.

Dans la quête de sens, la création de liens avec son histoire de vie, la prise de conscience de ses schémas de fonctionnement, de ses répétitions traumatiques et surtout de ses failles ne peut pas être négligée.

Et ce bonheur que l’on nous « vend » au sens propre, est-il le véritable but de notre vie ?

Pour les anciens, il résidait dans le travail sur la conscience et la connaissance de soi. Dans l’attention portée à la qualité et à la nature de ce que l’on sème et cultive.

Or, se connaître soi-même implique toujours une grande humilité face au mystère, la reconnaissance de ses limites et surtout, un respect des lois sacrées de la vie que l’on ne cherchera pas, à tout prix, à violer ni à transgresser.

Comme dans ce beau conte amérindien : nourrir le loup blanc mais ne pas se boucher les oreilles quand le noir hurle, parce qu’il est affamé et qu’il réclame notre attention.

Ne pas l’alimenter mais l’apprivoiser, voir ce qui fait mal, ce qui veut sortir… et l’accueillir, le mettre à la lumière de la conscience pour le dissoudre dans l’accueil inconditionnel de toutes les parties qui nous composent.

Nos facettes les plus sombres nous apprennent bien davantage sur nous que tout notre « positivisme », souvent forcé, derrière lequel se cache le déni.

Donc, je ne me développe pas, je me dépouille : de tout ce qui n’est pas mon « moi véritable » celui qui est lumière, paix, sérénité amour. Pour déterrer, ce diamant brut, enfui sous des tonnes de boue, faire pousser le merveilleux lotus, qui prend toujours ses racines dans de l’eau trouble.

Je laisse mes « bagages », tout ce « malheur qui vit en moi », qu’il soit le mien ou acquis dans l’enfance, à commencer par ce que nous avons pris dans le ventre de notre mère, venu des histoires familiales, des souffrances transgénérationnelles, comme celles du monde.

Je ne lutte pas contre, puisque c’est un combat perdu d’avance, j’accueille ou du moins je ne fuis pas, je m’observe dans toutes mes stratégies d’auto-sabotages, d’évitements.

Et si je n’y arrive pas, je me dis calmement, OK, j’en suis là, à ce jour, en ce moment, et je m’accepte avec tout ça. Sans jugement ni culpabilité.

Et s’il vous arrive (comme à moi, récemment) de constater que vous êtes encore victime de quelque chose… et bien, cette « claque », dure à admettre et à gérer, peut s’avérer salutaire si vous avez le courage de ne pas vous épargner cette leçon.

Persévérer mais surtout – et c’est un grand écueil qui nous guette – sans complaisance et sans attachement à nos souffrances.

Faire la différence entre l’accueil et la résignation, entre le non-jugement et les excuses que nous nous trouverons toujours, entre la compassion et l’auto-apitoiement.

En gardant toujours présent à l’esprit que si la responsabilité de ce qui est arrivé peut incomber aux personnes qui nous ont blessé, nous demeurons toujours les seul à « gérer » les conséquences que cela a engendrées.

Ne pas « se flageller » mais acquérir la conviction que le bonheur, la joie se trouvent dans la croissance, l’évolution constante, dans l’assurance que nous cheminons, et que nous faisons de notre mieux, à notre rythme, même si celui d’une tortue.

L’humilité, la patience et la prudence, nous éviteront de foncer tête baissée dans des mirages dont on ressortira déçu et découragé.

Comme le « bon sens » nous mènera dans la bonne direction.

Si l’ère de la consommation veut exonérer l’individu d’aller chercher au fond, ce qui l’enferme au lieu de le libérer, cette illusion ne leurre qu’un temps. La guérison n’est jamais miraculeuse ni extérieure.

Personne n’est et ne sera jamais parfait, nous sommes juste « perfectibles ».

Cela se joue toujours « sur le fil du rasoir » et nécessite une énorme vigilance, la conscience claire et la sagesse d’accepter que l’on ne gagnera pas toutes les batailles.

 

 

Pourquoi est-il si difficile de trouver l’amour ?

L’amour fait tourner le monde, depuis toujours mais souvent, il nous fait si mal…

Vous l’avez exprimé dans vos courriels, alors, commençons par ce sujet intemporel, avec quelques pistes des réponses, inspirées par les cas précis.

Le prince image Disney

Sommes-nous encore dans cet idéal des contes de fées, d’un prince sur son blanc destrier, de la belle endormie à réveiller par un baiser ?

Dans la conviction que l’amour est plus fort que tout, engagés dans sa quête illusoire et la croyance que si nous « tombons » sur la bonne personne, tous nos problèmes disparaîtront, comme par magie ?

Ou bien, dirigés par nos manques, blessures anciennes, schémas parentaux, voire transgénérationnels, inconscients de nos peurs enfuies et émotions refoulées et refusées, continuons nous à retomber dans les mêmes ornières et attirons toujours le même type de personnes ?

Et sommes-nous capables de vivre ces expériences, si douloureuses mais pleines d’enseignements comme des leçons de vie ou bien demeurons nous dans le rôle de victime ou refusons la relation par peur de souffrir, encore et à nouveau.

Tombons-nous amoureux de quelqu’un, juste parce qu’il nous apporte de l’attention, semble capable de remplir cette multitude de carences émotionnelles, répondre au besoin de se sentir accepté ?

Ou avons-nous juste besoin de combler notre solitude, cesser de nous sentir différent.

Bref, continuons nous encore de chercher à l’extérieur ce que nous avons la possibilité de nous offrir : l’acceptation et cet amour de soi, qui reste la chose la plus facile à dire mais si difficile à mettre en pratique.

C’est le travail de toute une vie, parfois, et si nous attendons de nous aimer suffisamment, nous risquons de ne jamais nous engager.

Nous ne pouvons pas espérer d’avoir réglé tous nos problèmes pour nous décider à agir, d’ailleurs, cela n’est point possible. Ce qui l’est, par contre, c’est de continuer, malgré ou avec eux, sans renoncer à les résoudre mais sans nous laisser paralyser.

Et la relation peut aider à le faire, à condition de ne pas compter sur l’autre pour combler nos manques ou guérir nos plaies car il devient alors une béquille et non un partenaire.

Les pistes les plus importantes

Chercher toujours dans les blessures « archaïques », celles de la petite enfance, qui nous influencent nos vies durant… comme dans la reproduction (souvent inconsciente aussi) des schémas familiaux, voire transgénérationnels, et cela, que nous les suivions ou tentions de nous construire « à l’opposé ».

La tendance à ne pas s’engager ou mal s’engager tire sa source d’une blessure, faite par un parent absent, démissionnaire, distant, castrateur ou encore parfois « nocif ».

Combien d’enfants des divorcés croient encore au mariage ? Et quand bien même, certains d’entre eux pensent qu’il est quelque chose de durable et possible, leurs réactions disent souvent le contraire.

Ces personnes se ferment à la possibilité de vivre pleinement une relation, en refusant de s’exposer au risque d’être blessé ou rejettent toute éventualité d’en entreprendre une nouvelle, voire partent, perdues d’avance, puisque au fond, elles ne croient pas que elle puisse être satisfaisante.

Car, comment construire soi-même un couple solide, alors que nos propres parents, qui servent toujours de modèle, en ont été incapables ? Alors, inconsciemment nous chercherons à éviter à tout prix de souffrir, à ne plus revivre cette douleur insupportable qui nous replongerait dans le passé. Le divorce douloureux laisse des traces et nous donne non seulement une mauvaise image du mariage mais la croyance que cela fait mal.

Aux blessures anciennes viennent s’ajouter nos déceptions amoureuses qui ont forgé une image de soi peu flatteuse. On se voit alors comme une personne qui n’a rien à offrir, indigne, incapable de susciter un sentiment véritable.

La plaie d’une rupture douloureuse encore non cicatrisée ou le deuil non fait d’un amour perdu, voire l’angoisse d’être abandonné (qui ravive toujours celle d’un abandon passé, vécu par l’enfant), nous empêchent de s’engager vraiment.

Suite à une trahison, il est parfois, pendant longtemps, inenvisageable de recommencer à s’impliquer dans une relation amoureuse, pour éviter à tout prix la douleur d’être à nouveau trompé.

Après une séparation mal vécue, une personne qui a été très déstabilisée peut avoir perdu confiance en elle, et en sa capacité à se sentir « aimable ». 

Et quand l’estime de soi est défaillante il devient difficile d’attirer un partenaire qui nous respectera, et même s’il nous aime sincèrement, nous douterons toujours, de nous, de lui, de la relation.

Mais… allons-nous succomber à ce triste constat ou bien serons-nous capables de nous lancer dans cette belle aventure : la découverte de ce qui nous sépare de l’amour.

Commençons par nos blessures : le rejet, l’abandon, l’humiliation, la trahison et l’injustice. Et nous les avons souvent toutes, dont une ou deux prédominantes. Elles ne seront pas traitées dans cet article, d’ailleurs, vous les connaissez probablement déjà mais les questions à poser sont :

– Vous vous dites être prêts mais ne vous « arrangez » vous, de façon inconsciente, bien sûr, de n’attirer que les « amours impossibles » ?

– Y aurait-il  une peur de l’autre, peur de l’amour, qui est aussi peur de la relation, puisque celle-là implique toujours des risques de souffrir à nouveau…

– Vous êtes-vous « construit » à l’opposé de votre mère/père, pour ne surtout pas lui ressembler mais…

  • Si on s’est senti rejeté par un parent, on le rejette à son tour.
  • Quand on le rejette, ce que l’on se rejette soi-même.
  • On fait tout le contraire pour être différent mais on répète tout de même les vieux schémas.

– Derrière le besoin d’indépendance (tout à fait légitime), n’y-aurait-il pas encore une, voire plusieurs peurs ?

– Confondez-vous besoins, manques, vide à combler avec l’envie, celle qui donne l’impression d’être « en vie », accompagnée du désir de vous investir, de construire ?

– Savez-vous faire la différence entre plusieurs degrés de ce sentiment, pour lequel, la langue française, pourtant si belle et riche, ne possède qu’un mot pour dire : « j’aime mon enfant »
et « j’aime le chocolat »…

Les Grecs anciens en avaient plusieurs, chacun teinté d’une signification différente. L’Eros désigne l’attirance sexuelle, le désir, tandis que son plus haut niveau s’approcherait de Philia : l’amitié, l’amour absolu, la compassion, voire Agapè : l’amour divin, universel, inconditionnel.

Pour ceux qui désirent approfondir cette question :

https://tarotpsychologique.wordpress.com/2014/06/06/amour-devouement-amour-celebration-amour-gratuit/

qui clôt une série sur l’échelle des sentiments.

Mais, puisque nous sommes dans le « concret » il est bon de rappeler que pour ne plus attirer notre partenaire en fonctions de nos manques, blessures, illusions, attentes, et répétitions des mêmes schémas nos vies durant, il est recommandé de considérer ces relations comme des leçons de vie et non pas une fatalité.

Si au lieu de penser en termes « d’échecs », nous apprenions, nous réfléchissions, et faisions tout pour ne pas retomber dans les mêmes travers…. et surtout continuer à endosser le rôle de victime.

Pour construire un « nous », composé de deux cercles indépendants « moi » « l’autre » et le troisième, qui englobe une partie mais pas la totalité des deux. Deux personnes autonomes, libres, conscientes de qui elles sont (avec leurs qualités, ainsi que leurs blessures et manques mais en connaissance de tout cela) qui forment une alliance et mettent dans le « nous » le meilleur, surtout leur volonté de construire ensemble dans la durée. En respectant l’autre dans son jardin secret, ses différences, ses failles.

Pas de « casseroles », de béquilles affectives, pas d’attente de ce que l’autre ne peut pas donner. Se trouver d’abord, ne pas aller « se noyer » dans l’autre et surtout ne pas attendre qu’il comble nos manques et nous fasse exister.

En résumé, ne pas chercher à l’extérieur ce que nous devons d’abord trouver à l’intérieur : l’amour de soi, la réconciliation, l’union alchimique de notre yin et notre yang.

Alors, prêts à prendre des risques, à sortir de votre « zone de confort », à être plus forts face à d’éventuelles déceptions ? Affronter « l’inconnu » qui se cache sous nos peurs, en étant conscients qu’aimer, comme vivre, est toujours s’exposer à la possibilité de souffrir et aux désillusions.

Et perdre ces dernières ne peut que nous aider à évoluer car chaque renoncement à une utopie est la reconquête de l’énergie perdue et une fenêtre qui s’ouvre à la vie.

Sans être obsédés par ce désir de trouver l’amour, décider si vous voulez vraiment rencontrer la bonne personne.

Sinon, vous le confierez toujours au hasard (qui d’ailleurs, à mon avis, n’existe pas) et vous ne croiserez donc que les rencontres au hasard ou plutôt, en fonction de cette loi qui fait que la vie nous envoie toujours ce que nous sommes prêts à recevoir, accompagné des leçons pour évoluer.

Le baiser du prince-charmant -image-de-walt-disney

Alors, si au lieu de vous demander « pourquoi », et garder cette nostalgie du prince et de la bergère, suivie de tous les regrets, vous vous mettiez sur le bon chemin en effectuant quelques réajustements et remises en questions ?

Une bonne piste pour commencer 

Reconnaître que l’on a voulu ou que l’on en veut encore à ses parents, ses ex, sortir sa colère, sa violence, sans la diriger contre eux et surtout contre vous.

Le faire, juste pour vous délester de ce fardeau…

Accueillir et accepter vos émotions, les plus enfuies, violentes, dérangeantes, en essayant de ne pas vous juger et ne surtout pas culpabiliser.

Nous sommes humains et nous avons non seulement le droit de les avoir mais aussi de les exprimer… du moment que ce n’est pas fait n’importe comment. Sinon il y aura toujours le risque de faire mal ou de se faire mal.

Si vous ne pouvez pas y arriver, tâchez au moins de vous observer dans vos refus, vos fuites, vos dérobades.

Et commencez le processus de guérison, en pratiquant la compassion pour soi… d’abord.

En veillant à ne pas la confondre avec la complaisance ou l’attachement à ses souffrances car si la responsabilité de ce qui est arrivé peut incomber aux personnes qui nous ont blessé, nous sommes toujours les seuls à s’occuper des conséquences que cela a engendrées.

Le pardon vient ensuite mais c’est une autre histoire…

Merci pour vos questions, j’ai répondu de mon mieux mais le meilleur article « généraliste » n’apportera jamais une réponse à votre cas, puisque nous sommes tous uniques, et bien que nous vivions les expériences semblables, elles ne sont jamais ressenties pareil, puisqu’il y a notre vécu, notre personnalité, nos « bagages » notre vision du monde etc…

Et tout ceci ne peut émerger que lors d’un échange personnel où nous allons ensemble, chercher dans vos émotions, blessures anciennes ou schémas de pensée ce qui provoque cette suite d’épreuves, pour que les  prises de conscience, qui viendront de vous car ce sont les seules valables, puissent se faire, non pas par une compréhension intellectuelle mais par le vécu émotionnel.

Mon rôle étant de vous guider vers vos propres réponses, et surtout à vous reconnecter à vos ressources, afin que vous puissiez vivre plus sereinement… et trouver cet amour vrai.

Bien à vous.

Elisabeth

Devenir un individu libre et relié selon Jung

Les étapes du processus d’individuation peuvent donner sens à notre besoin de changement et nous permettre de l’accueillir avec davantage de confiance.

Libre et relié

La phase d’accommodation

Elle correspond à l’enfance et aux premiers temps de notre vie d’adulte, lorsque nous apprenons à obtenir une sécurité affective en réglant nos comportements en fonction de ce qui est attendu de nous. Cette tendance nous conduit à adopter un personnage qui ne reflète pas la totalité de notre être.

La prise de conscience

Avec l’âge, ce personnage commence à nous étouffer. Nous avons le sentiment de nous être perdus en route, parfois d’avoir été bernés, ou encore d’être un imposteur. Ce que Carl Gustav Jung appelle notre « ombre » – ce qui sommeille en nous et que nous n’avons pas encore choisi d’être – se rappelle par vagues de nostalgie.

Le face-à-face

C’est le temps du doute. Nous commençons à réévaluer les fondements de notre existence, jusqu’à remettre tout en question. Nous vivons une tristesse qui s’apparente à un deuil : nous croyons pleurer notre jeunesse, nous pleurons le personnage que nous avons été. Celui-ci se fissure et laisse émerger le refoulé, dans ses aspects positifs et négatifs. La colère, les dérapages sont au rendez-vous.

Le début de l’intégration

L’incertitude et la confusion perdent du terrain. Les ajustements progressifs vont dans le sens d’une plus grande cohérence. La quête d’approbation a cédé le pas au désir de ne plus se trahir. C’est le moment où nous pouvons choisir de réorganiser nos priorités, trouver le moyen d’exprimer nos potentiels. Ces transformations positives s’accompagnent de heurts relationnels.

L’individuation

C’est, dans l’idéal, le moment où l’on devient un individu complet, doté d’une meilleure connaissance de soi. Nous accueillons avec plus de souplesse nos qualités et nos défauts, nos désirs contradictoires, nos conflits intérieurs. Et accédons à l’intégrité : la capacité à nous voir tels que nous sommes en tant qu’individus, mais aussi membres de la communauté humaine, reliés au vivant et à l’ensemble de l’univers.

D’après Christophe Fauré, Maintenant ou jamais ! Albin Michel

Test : Vous sentez-vous libre ? Qui n’a jamais eu la sensation de subir sa vie, de ne pas être libre de choisir, de décider ? D’obéir à ce que les autres attendent de nous ? Découvrez où vous en êtes sur le chemin de liberté en répondant à ce test !

 

Dépasser ses résistances pour évoluer

Identifier ce qui vous empêche d’avancer, c’est déjà progresser. Décryptage des phrases paralysantes qui peuvent tourner en boucle dans votre tête.

Résistances

Nous avons les moyens de fragiliser nos résistances, d’abord en tentant de les identifier. Quelles sont les situations, les pensées qui se répètent dans ma vie et que je ressens comme autant d’empêchements ? D’où me vient, par exemple, ce sentiment de me faire toujours avoir ou de n’être jamais écouté ? En quoi est-ce que je participe à la répétition de ce scénario ?

« On peut, au fil d’un long travail sur soi, découvrir ce programme qui nous constitue, explique Valérie Blanco, psychanalyste et auteure de Dits de divan (L’Harmattan, 2010), mais on n’en changera pas. En revanche, on peut décider d’y répondre autrement. » Moins dupe de soi, il s’agit d’apprendre à « se voir venir » : je me sens trahi, encore une fois… mais allez, non : je sais que je me fais mon film. L’objectif est de pouvoir avancer malgré, voire avec, ses résistances.

Outre ces blocages inconscients, nous sommes empêchés par quantité de peurs, souvent conscientes, elles, mais rarement rationnelles, et qui s’expriment dans toutes les mauvaises excuses que nous nous donnons pour ne pas agir. Analyses et conseils pour dépasser les plus courantes d’entre elles.

« Je sais ce que je perds, mais pas ce que je gagne »

Le nombre croissant de chômeurs et de travailleurs précaires est une réalité qui ne peut que favoriser l’angoisse de la chute financière et sociale. Pourtant, cela n’empêche pas certains de garder un esprit d’entrepreneur et le goût de l’aventure, de l’inconnu. « La peur de l’inconnu, c’est la peur du surgissement du réel, analyse Valérie Blanco, c’est-à-dire tout ce contre quoi on se cogne, que l’on ne comprend pas. Et, par excellence, la mort. »

D’après la psychologue et psychothérapeute Cécile Kapfer, auteure de Dépasser ses peurs (Ellébore, 2011), « cette peur est exacerbée par le fait que nous avons tendance à vivre en pilotage automatique la majeure partie de notre temps, refusant de nous remettre en question ».

La psychologue Marie Andersen, auteure de L’Art de sa gâcher la vie (Ixelles Éditions, 2012) y voit une marque de notre éducation : « Oser marcher sur un territoire non balisé, cela s’apprend dès l’enfance, pas à pas. Mais si on nous en a préservés, ou si l’on nous a fait comprendre que cet inconnu était source de danger, il restera pour nous un obstacle démesuré. »

Conseils : Cécile Kapfer propose d’abord de « prendre conscience que tout change, et nous aussi, y compris lorsque nous pensons ne pas changer : en devenir, chaque expérience, chaque rencontre, nous modifie ».

Marie Andersen ajoute : « Nous avons souvent l’impression qu’il faut faire un grand saut dans le vide entre ce que nous “perdons” et ce que nous gagnerons. Alors que, dans la pratique, ce n’est jamais une falaise entre deux territoires ; les événements s’entremêlent de façon complexe et inattendue. »

« Et si je me trompais ? »

En période d’instabilité, le réflexe est de se conformer toujours plus à la norme, et de faire taire l’audace que nos projets personnels expriment. Pour Valérie Blanco, cette crainte de « faire fausse route » renvoie à l’incertitude intrinsèque de tout désir : « Ce mouvement qui nous pousse en avant reste, par essence, une force méconnue ; elle peut s’incarner dans de petites choses comme dans de grands projets, mais il demeure impossible de s’en saisir pleinement. »

Marie Andersen, elle, entend là la peur de l’échec : « Nous avons tendance à diviser le monde de façon binaire, entre échecs et réussites, alors que la vie est davantage faite de demi-échecs et de demi-réussites : un échec est une tentative qui n’a pas abouti, mais qui est souvent riche de leçons, alors que certaines réussites peuvent nous envoyer dans des directions peu intéressantes. »

Conseils : considérons nos échecs passés. Pourquoi nous ont-ils autant marqués ? Ont-ils été aussi douloureux que nous le croyons a posteriori ? Que pouvons-nous en retenir de positif ?
« Pensons au sauteur en hauteur, suggère Marie Andersen : combien de barres a-t-il fait tomber avant de faire le saut qu’il souhaitait ? Des centaines, des milliers ! Et pourtant, qui peut dire qu’il a ainsi perdu son temps à “échouer” ? »

« Pour qui est-ce que je me prends ? »

Selon Valérie Blanco, « cela revient à dire : où est ma place ? À quelle place puis-je prétendre ? Et, au fond, à se demander : qui suis-je ? Question impossible, car c’est la question de l’être, insaisissable »… Cette peur fait également écho au sentiment d’imposture que la psychanalyse dit inévitable chez tout être humain : dès l’enfance, il met en place une stratégie de
« semblants » pour faire avec la castration imaginaire (ou frustration). Elle ajoute que, « ce sentiment d’imposture est peut-être plus fréquent aujourd’hui, car dans un monde moins ordonné, plus fluide, moins pyramidal, il est moins évident pour chacun de trouver sa place ».

Quant à Marie Andersen, elle entend dans cette interrogation la peur de réussir : « À l’instar de ces partis politiques qui préfèrent rester dans l’opposition sans chercher à obtenir le pouvoir, beaucoup de gens optent pour ne pas trop “se mouiller”. Parce qu’ils craignent qu’en cas de réussite leur situation soit pire : trop de responsabilités à assumer, et des risques d’échec encore plus importants auxquels se confronter. »

Conseils : regarder ce que nous avons accompli par nous-mêmes et les efforts que cela a pu nous demander nous permettra d’en tirer de la fierté, de la confiance, et de vouloir recommencer pour retrouver ces sensations positives. De même, voyager, pour se nourrir de l’énergie propre à d’autres cultures qui, elles, valorisent l’esprit d’initiative.

« J’attends le déclic »

J’attends d’être tout à fait prêt, j’attends que l’économie se porte mieux… Cette procrastination cache souvent un perfectionnisme : le projet doit être parfait ou ne doit pas être. Ce trait de personnalité est propre aux grands narcissiques, qui cultivent une image majestueuse d’eux-mêmes, mais aussi extrêmement fragile : au moindre échec, à la moindre faille, le risque de dépression devient une menace.

Mais « attendre », c’est aussi garder son désir insatisfait, donc, d’une certaine façon, l’entretenir. Ce qui, rappelle Valérie Blanco, est caractéristique de la névrose hystérique.

Conseils : s’il est évidemment utile de considérer son projet de changement à moyen et long terme et dans son ensemble, reste que c’est au quotidien, pas à pas, que celui-ci s’opère. Plutôt que de se fixer des objectifs démesurés, il est essentiel de se fixer un programme progressif, divisé en étapes à franchir. Une méthode des « petits pas » qui permet non seulement de relativiser l’apparent bouleversement que nous entamons, mais aussi d’être plus efficaces et de gagner en confiance.

« Je ne vais pas y arriver seul »

« Dès que l’on suit son désir propre, on peut bousculer la norme sociale, familiale, et les habitudes ou desiderata de l’autre, détaille Valérie Blanco, et cela nous renvoie à une certaine solitude. Néanmoins, le désir est un mouvement ; il nous entraîne donc de facto vers la sphère sociale et permet de faire lien. »

Pour Marie Andersen, cette crainte, « révélatrice de l’hyperindividualisme ambiant », renvoie aussi « au manque de confiance en notre capacité à nous débrouiller : je le vois surtout dans la génération des jeunes adultes qui, trop béquillés par leurs parents, n’ont pas eu à se frotter suffisamment au réel et à éprouver leur propre boîte à outils intérieure ». Ce manque d’autonomie éprouvée se manifeste ensuite dans la soumission très forte à la norme sociale, au groupe dont nous attendons qu’il agisse avant nous et nous porte.

Anne-Laure Gannac

Test : Que changeriez-vous dans votre vie ? Si j’avais un métier plus intéressant, si j’avais plus de temps pour moi, si j’étais mieux entouré(e)… Quand on réfléchit à sa vie, on est tenté de croire qu’elle se passerait beaucoup mieux si l’on pouvait en modifier quelques paramètres. Quels seraient ceux que vous aimeriez changer en priorité ? Faites le test !

Jusqu’où pouvons-nous changer ?

Il est dans notre nature d’aspirer à un mieux-être, mais aussi de résister aux évolutions. Dans un monde en mutation, saurons-nous nous réinventer ?

Changer

Le besoin de changer procède le plus souvent d’un mal-être. Ce que nous avons construit ne nous satisfait plus. Notre existence semble s’être rétrécie, l’ennui s’est installé, ou bien le sentiment d’être prisonniers d’un fonctionnement, d’une situation que nous aimerions pouvoir transformer. Comment ? Chacun a son idée : changer de métier, arrêter de fumer, perdre du poids, changer de coiffure, oser aimer, se séparer, quitter la ville, s’installer à l’étranger, se mettre à son compte, aller voir un psy, débuter une formation…

Changer un peu ou changer tout, l’envie s’exprime individuellement, collectivement : il est question aujourd’hui de changer d’économie, de société, de paradigme. Elle implique, dans une certaine mesure, de se dégager du connu, de se séparer d’une part de soi.

« La tâche, écrivait le psychanalyste J.-B. Pontalis, est aussi douloureuse qu’inéluctable et même nécessaire pour qui ne consent pas à rester sur place et que porte le désir d’avancer. » (in Le Dormeur éveillé, Gallimard, Folio, 2006). Pourtant, nous avons parfois du mal à reconnaître celui-ci à nous l’autoriser, à l’accueillir. À quoi correspond-il ? Sommes-nous d’éternels insatisfaits, d’incorrigibles utopistes ? Pouvons-nous réellement changer ?

Un refus inconscient

Le psychiatre et psychothérapeute Christophe Fauré, dont l’ouvrage Maintenant ou jamais ! a été couronné par le prix Psychologies-Fnac, s’est intéressé à la transition du milieu de la vie. Chez nombre de ses patients, il a constaté, généralement entre 45 et 60 ans, mais aussi parfois plus tôt, la survenue d’un moment de tristesse et de confusion semblable à une dépression. Sans que rien ne puisse vraiment le justifier, leur vie semble avoir perdu de son sens.

Pour l’avoir éprouvé lui aussi, Christophe Fauré décrit ainsi le sentiment qui domine : « Tout se passe comme si l’identité que nous nous étions construite dans la première moitié de notre vie ne correspondait plus à la personne que nous sommes en train de devenir. »

Il explique ce décalage comme la manifestation de ce que Carl Gustav Jung appelait
le « processus d’individuation », une expérience psychique à laquelle aucun de nous n’échappe : il s’agit de devenir enfin qui nous sommes profondément, de laisser advenir le sujet qui, dans l’enfance et dans les premiers temps de construction de sa vie d’adulte, a d’abord appris à se réprimer pour se conformer à ce qui était attendu de lui. Cette transition peut être subtile et progressive, ou nous déséquilibrer brutalement, affectant nos vies amoureuse, familiale, professionnelle.

Idées clés

Il ne suffit pas de vouloir changer pour y parvenir. Inconsciemment, nous adoptons parfois des comportements contraires à nos désirs profonds.

45 ans-60 ans, le tournant. Il s’agit de devenir enfin qui nous sommes. Une transition qui peut être brutale chez les uns et progressive chez d’autres.

Se changer soi, c’est changer le monde. En nous autorisant à changer individuellement, nous pouvons impulser un élan collectif.

Cependant, assure le psychiatre et psychothérapeute, « ce n’est pas tant le processus intérieur de transition qui pose problème que le refus, conscient et inconscient, d’accueillir les changements qui se profilent ». Il faut au contraire accepter cette phase comme une promesse d’épanouissement et se donner les moyens d’exprimer ses potentiels en écoutant ses envies.

Or, dans l’époque « maniaco-dépressive » qui est la nôtre (l’expression est du philosophe Frédéric Worms, auteur de Revivre, Flammarion, 2012), notre espoir légitime d’un avenir meilleur se heurte à l’angoisse générée par le sentiment d’un effondrement global du monde.

Nous avons ainsi tendance à minimiser nos insatisfactions dans l’idée qu’elles ne sont que des états d’âme de privilégiés par rapport aux difficultés que vivent d’autres, plus durement touchés par la crise, les catastrophes écologiques ou la guerre. Notre projet individuel de changement entre en concurrence avec l’idée que l’urgence est d’abord de changer le monde, une tâche si complexe et colossale qu’elle inhibe notre puissance d’agir.

Un besoin collectif

« Comment bouger si nous n’avons pas la motivation d’une promesse ? Comment ne pas se laisser submerger par l’impuissance, le piège de l’attente ? » interroge le philosophe et psychanalyste Miguel Benasayag, estimant que nos sursauts d’indignation peinent souvent à déboucher sur autre chose que la plainte et la victimisation : « Je voudrais changer ma vie, mais je ne peux pas. Ma hiérarchie, l’économie, les autres m’en empêchent. » De fait, il nous est difficile de changer seuls. Nous avons besoin d’encouragements, d’un contexte porteur.

Bonne nouvelle : après des années de crise, notre société semble entrer dans une phase de résilience, sur le plan psychologique du moins. Selon une récente enquête Ipsos, les Français aspirent aujourd’hui à sortir du fatalisme ambiant. Certes, beaucoup subissent une baisse de pouvoir d’achat, le chômage, la discrimination, et ont perdu confiance dans les institutions.

Mais ils ont la volonté de rebondir et sont convaincus que le changement ne peut venir que d’en bas, porté par des initiatives individuelles et un nouvel esprit de solidarité. Cette énergie collective devient porteuse pour chacun, et réciproquement : en nous autorisant individuellement à changer, il est probable que nous alimentions cet élan collectif.

Cependant, il ne suffit pas de vouloir changer pour y parvenir. Freud l’affirmait déjà, nous tenons plus à nos névroses qu’à nous-mêmes. Blessés par l’expérience, nous mettons en place des mécanismes de défense qui nous protègent de l’anxiété et de la dépression, mais limitent nos capacités d’épanouissement.

Ces stratégies inconscientes nous conduisent à nier la réalité de nos pensées et de nos émotions. Elles peuvent nous conduire à adopter des comportements contraires à nos désirs profonds. Et nous nous enferrons dans des conduites d’échec et dans la répétition de nos erreurs.

Dans sa préface à la réédition du célèbre ouvrage d’Étienne de La Boétie, De la servitude volontaire, Miguel Benasayag souligne l’étonnante actualité de cette notion pour rendre compte de notre attachement à nos propres chaînes.

Hommes et femmes, écrit-il, « souhaitent être plus respectés, améliorer leurs conditions de vie, mais, contrairement à ce qu’ont cru les mouvements révolutionnaires, les mouvements libertaires, les héritiers de l’humanisme, ils ne souhaitent pas la liberté, qui est une chose toute différente ». Au contraire, nous pouvons même désirer une servitude qui s’exprime moins dans l’obéissance à un tyran – patron, conjoint… – que dans la recherche d’automatismes sécurisants dans lesquels couler nos existences.

En adoptant un régime végétarien, en nous adonnant intensivement au yoga, en nous tournant vers une pratique spirituelle nouvelle, nous introduisons un changement dans notre vie. Mais est-il le reflet de notre liberté ou une nouvelle expression de notre besoin de carcans ?

Un nouveau regard

Le changement n’est véritablement satisfaisant que s’il est précédé ou accompagné d’un changement intérieur : une forme de libération rendue possible au prix, parfois, d’un travail thérapeutique. « Changer, affirmait encore J.-B. Pontalis, c’est d’abord changer de point de vue sur soi, sur les autres. Et cette mutation fait que, percevant le monde autrement, on y vit différemment. »

Mais il ne s’agit pas seulement de changer « contre » quelque chose qui nous fait souffrir. Il convient aussi de s’interroger sur le « pour » : qu’espérons-nous atteindre par le changement ? Pour le philosophe Robert Misrahi, « notre désir le plus profond est un désir de joie ». Or nous ne le prenons pas au sérieux, car nous avons appris à voir en lui un manque qui ne peut jamais être comblé.

A l’opposé du bouddhisme, qui prône une extinction du désir, Robert Misrahi invite à le réhabiliter. Car il est l’essence même de notre dynamisme, ce qui nous attire vers l’avenir et nous mène aussi bien à des assouvissements élémentaires – étancher sa soif, parvenir au terme d’un voyage – qu’à un bonheur plus substantiel, lorsque notre être s’épanouit pleinement. Cette joie, prévient le philosophe, ne nous est accessible que si nous opérons trois « conversions intérieures ».

La première est de cesser de croire que nous sommes le résultat d’un déterminisme – le jouet de notre inconscient, le produit d’un système : nous sommes aussi source de liberté. La deuxième est de cesser de voir en l’autre un instrument ou un maître, et d’établir avec lui des relations de réciprocité qui permettent l’accomplissement de chacun.

La troisième, enfin, est de comprendre que notre vie se passe entre la naissance et la mort. « Le bonheur, écrit-il, ne peut pas être simplement défini comme un regard rétrospectif sur nos vies. Il doit être une expérience au présent, une joie active, une création de chaque instant. »

Prêts ? Changez !

Laurence Lemoine

Épictète m’a appris à lâcher prise

Laurent Gounelle s’est replongé dans l’œuvre du stoïcien et y a puisé des conseils pour vivre dans le monde d’aujourd’hui, des « concepts applicables par chacun dans sa vie ». Une philosophie du bonheur qu’il décrypte pour Clés en cinq citations.

Épictète

Ce ne sont pas les choses qui troublent les hommes, mais les évaluations prononcées sur les choses

Notre réaction aux événements est en grande partie guidée par nos filtres, nos croyances, notre ego. Nous interprétons les faits, les étiquetons, leur donnons un sens subjectif. C’est donc souvent notre évaluation qui est responsable de ce que l’on ressent, plus que la chose évaluée.

Nous affirmons qu’il ne fait pas beau, alors que la pluie, en soi, est neutre.  Pour Épictète, notre énergie doit être au service de l’élévation de notre raison : si l’on ne peut contrôler les événements, on peut apprendre à choisir notre réaction. Et si cet apprentissage passait par une phase d’acceptation ? C’est parce que j’accepte les choses que je cesse de les juger compulsivement.

Ne cherche pas à faire que les événements arrivent comme tu veux, mais veuille les événements comme ils arrivent, et le cours de ta vie sera heureux

Un des éléments-clés de la philosophie d’Épictète repose sur la nécessaire distinction entre ce qui est de notre ressort (le jugement, l’impulsion, le désir…) et ce qui ne l’est pas (l’avoir, la réputation, le pouvoir…).

Quand les événements ne se déroulent pas comme on l’aurait souhaité, accepter ce qui survient, sans résignation ni regret, permet de rester centré, en phase avec l’instant présent, sans s’abîmer dans la colère, l’amertume ou le pénible sentiment d’impuissance.

L’ancien proactif que j’étais a découvert un certain plaisir à se laisser aller à accepter ce qui arrive sans chercher à reprendre en main les rênes d’un destin qui, pour une part au moins, nous échappe. Se glisser dans le flot de la vie et accueillir ce qu’elle nous donne…

Combien de temps différeras-tu encore de te juger toi-même digne du meilleur, et de ne transgresser en rien ce que décide la raison ? […] Quel maître attends-tu donc encore pour lui confier le soin d’accomplir ta propre correction ?

Ces questions m’interpelèrent, il y a des années, alors que je parcourais le monde à la rencontre de sages, de mentors et de maîtres spirituels. Elles furent un choc. Ce que je recherchais avidement à l’extérieur, c’était à l’intérieur de moi-même que je pouvais le trouver. La sagesse devait émerger du tréfonds de mon âme. « Fouille au-­dedans », conseillait Marc Aurèle, lui-même profondément influencé par la pensée d’Épictète.

L’empereur philosophe affirmait : « Il est absolument évident qu’il n’y a dans la vie nulle situation plus propice à la philosophie que celle où tu te trouves maintenant ! » Une phrase qui me vient souvent à l’esprit quand je dois affronter une situation désagréable…

Personne d’autre ne te nuira si toi, tu ne le veux pas. On te nuira à partir du moment où tu jugeras que l’on te nuit

Nous pouvons, en effet, décider de ne pas nous laisser atteindre par un événement extérieur, et choisir délibérément de conserver notre sérénité. Cette attitude ne nous est pas forcément naturelle, mais si nous en faisons l’effort initial, le bénéfice que nous en retirons est tel que nous en adoptons vite l’habitude.

Imaginez que vous parveniez à n’être en rien touché par la mauvaise action d’un autre à votre égard, par une injure, une marque de mépris, le jugement d’un collègue ou d’un voisin. Quelle liberté ! Quel bonheur !

Le maître de chacun est celui qui a pouvoir  sur ce que chacun veut ou ne veut pas, pour le lui dispenser ou le lui enlever. Donc : celui qui veut résolument être libre, qu’il ne veuille ni ne fuie rien de ce qui est à la portée d’autres que lui ; sinon, de toute nécessité, il sera esclave

La substance du bien est dans ce qui est à notre portée. Une seule voie conduit à la liberté : le dédain pour ce qui est hors de notre pouvoir, pour ce qui ne dépend pas de notre raison. Ainsi, celui qui brigue des honneurs, ou même simplement l’estime des autres, perd sa liberté au profit de ceux dont dépend son objectif. C’est pourquoi Épictète affirme par ailleurs : « Tu peux être invincible si tu ne descends jamais dans l’arène d’une lutte où il n’est pas à ta portée de vaincre.

L’Homme qui voulait être heureux (2008) – Éditions Anne Carrière
Les dieux voyagent toujours incognito  (2010) – Éditions Anne Carrière
Le philosophe qui n’était pas sage (2012) – Coédition Plon – Kero
Le jour où j’ai appris à vivre (2014) – Éditions Kero

Il faut lâcher, même le lâcher-prise

Comment être maître de son existence sans tomber dans l’hypercontrôle ? Quand savoir s’abandonner sans pour autant se résigner ? À l’occasion de la sortie de son ouvrage, Petit traité de l’abandon, le philosophe Alexandre Jollien nous livre quelques-uns de ses secrets pour agir, et non pas réagir.

Lâcher prise

Psychologies : Comment entendez-vous l’expression « prendre sa vie en main » ?

Alexandre Jollien : Longtemps, j’ai cru que cela signifiait maîtriser sa vie. Tenter de tout maîtriser. Par exemple, j’avais souvent des envies de changements radicaux, je prenais de grandes résolutions : « Demain, je ferai ceci et tout ira bien, je ferai cela et ma vie sera parfaite. » Mais sans rien tenir sur le long terme.

Parce que j’étais dans une démarche volontariste qui consistait à vouloir changer la vie, sans l’intégrer. Aussi, aujourd’hui, je préférerais dire : « Prendre sa vie dans les bras. Accueillir sa vie.» Lorsque je prends ma petite fille Céleste dans mes bras, elle s’y abandonne. Oui, pour moi, être pleinement acteur de sa vie, c’est cela : essayer de s’abandonner à la vie. C’est devenu tout mon projet.

Alors même que ce mot « abandon » m’a traumatisé, enfant. Lorsque mes parents m’ont placé dans un institut pour personnes handicapées, je l’ai vécu comme un abandon de leur part, même si, dans les faits, ce n’était pas le cas. Aujourd’hui, je comprends que ce mot est la clé. Et je me rends compte que, quand je voulais tout maîtriser, je maîtrisais moins que maintenant, depuis que j’apprends à donner ma confiance à la vie.

Est-ce le fameux lâcher-prise ?

Je n’aime pas cette expression. J’ai vu trop de gens souffrir d’angoisse ou de deuil, à qui
l’on disait : « Il faut lâcher prise », ou « Il faut accepter ». C’est leur infliger une exigence supplémentaire. Et puis, cela peut laisser entendre que, en appliquant des règles, des
« méthodes », nous pourrions atteindre le lâcher-prise une fois pour toutes et que, ensuite, nous serions définitivement prémunis contre la souffrance. Or, ce n’est pas cela, la vie. Et ce n’est pas cela, l’abandon.

Qu’est-ce que cela signifie, alors, concrètement ?

Qu’il faut lâcher, même le lâcher-prise ! C’est-à-dire que, lorsque nous allons mal, nous ne devons pas chercher à nous rajouter des efforts pour aller mieux. Mais simplement accueillir. Être là. Un jour que je n’allais pas bien, j’ai demandé à un moine de m’apprendre des exercices spirituels. Il m’a répondu : « Apprends déjà à te détendre. » Et j’ai passé l’après-midi à regarder un bon film !

L’abandon, c’est se laisser aller dans les hauts et dans les bas. Car ça passe. Tout passe, et ce n’est jamais dramatique. Nous pouvons bien tenter de tout changer dans notre vie, cela ne la modifiera pas dans ce qu’elle est intrinsèquement : ce mouvement perpétuel de hauts et de bas.

Comment apprenez-vous à abandonner ?

En pratiquant la méditation depuis deux ans. S’obliger à être assis – ou, dans mon cas, allongé – et laisser passer les pensées, agréables ou douloureuses, sans jugement, pendant une heure, chaque matin. Cela peut sembler rigoriste, mais je crois qu’il y a peu de choses dans la vie que nous maîtrisons, alors ce que nous pouvons faire, il faut le faire. Il faut nous y tenir.

Et depuis que je pratique le zen, tout en niant la réalité. Un arbre pousse sans se poser la question du pourquoi il pousse. C’est cela, agir. Nous, nous perdons un temps considérable à nous demander : « Si je fais ceci, qu’est-ce qui va se passer ? », ou « Que va-t-on penser de moi ? ».

Cela nous arrache au présent et à l’action, pour n’être plus que dans la réaction. Au fond, nous jouons un rôle, et c’est cela qui donne le sentiment de ne pas être acteur de notre vie : nous nous oublions en même temps que nous idéalisons le regard de l’autre. Pour prendre sa vie en main, il faut commencer par être vrai. Non pas être méprisant et égoïste, mais s’efforcer de ne pas jouer de rôle.

Nous ne partons pas tous avec les mêmes chances pour devenir acteurs de nos vies. Vous-même devez composer avec le handicap. Comment éviter de s’enfermer dans un statut de victime ?

En portant l’attention sur le présent. Cela me demande un effort constant; je suis souvent tenté de regarder le passé, de me dire victime de mon histoire, de mon enfance, etc. Alors, pour revenir au présent, j’essaie de parler d’« aujourd’hui » : aujourd’hui, je vais voir tel ami, aujourd’hui, je passe l’après-midi avec mes enfants… Cet « aujourd’hui » me sort du statut de victime.

Et j’essaie de bannir les conditionnels, les « j’aurais dû ». Quand je sens cette pensée monter en moi, je la laisse passer en revenant au présent. Car plus nous regrettons, moins nous pouvons être actifs. Nous avons tous, en nous, cette capacité à vivre le présent, il suffit de regarder un enfant pour nous en convaincre : il est « là ». Le problème, c’est que nous avons perdu cette aptitude. La méditation m’aide à la retrouver.

Partant de cette idée d’abandon, on peut se dire qu’il suffit de se résigner et ne plus agir ?

Ce n’est pas de la résignation, au contraire, l’abandon est un engagement. Lui seul permet d’être véritablement dans l’action. Il y a une différence fondamentale entre agir et faire. Notre société pressée nous incite davantage à faire, à réagir qu’à agir. Agir, c’est être là et avancer avec ce qui est. Faire, c’est vouloir ajouter des choses au réel tout en niant la réalité.

Pourquoi est-ce si difficile ?

Parce que nous avons peur, en étant vrais, de ne pas être aimés. C’est pour cela que je m’efforce de faire comprendre à mes enfants qu’ils n’ont rien à faire pour être aimés. Même si c’est parfois difficile de le faire entendre sans tomber dans le discours tout permissif. Aussi, quand je dis à mon fils : « Tu peux mettre le feu à l’appartement, je t’aimerai toujours », je m’empresse d’ajouter :
« Mais je te déconseille sérieusement de le faire ! » [Rires.]

Vous dites qu’il faut savoir agir plutôt que réagir. Mais la nuance est difficile à cerner, au quotidien…

Oui, elle l’est, parce que lorsque nous sommes face à un choix ou dans une situation douloureuse, nous sommes tentés de prendre une décision radicale, précipitamment. Cette capacité à être immédiatement réactif est peut-être un atout dans le milieu professionnel, mais, dans la vie quotidienne, elle nous prive du temps de la réflexion.

Ce temps qui permettra d’être non plus dans la réaction, mais dans la véritable action, celle qui prend en compte la réalité. Se demander : « Qu’est-ce qui est essentiel pour moi à ce jour ? Travailler beaucoup ? Être avec mes enfants et ma femme ? »

Sauf que ce n’est pas toujours simple de savoir ce qui est bon pour soi…

Non, comme le dit le zen, il reste toujours le grand doute : « Est-ce que je vais réussir ? Est-ce que je suis sur la bonne voie ? » C’est inévitable. Et puis, le risque est de vouloir figer les choses : « Le bien, pour moi, c’est ça ! » Quand je cherchais un auxiliaire de vie, j’ai commencé par faire une sorte de portrait-robot idéal.

Ma femme m’a dit, à raison : « Tu te coupes de la réalité en faisant cela ! » C’est pareil pour le bonheur. Il est tentant de se dire : « Je serai heureux, je serai pleinement acteur de ma vie quand j’aurai ceci. » Non, le bonheur, l’action, c’est maintenant, aujourd’hui, à chaque instant, par chaque acte que je choisis de poser.

Parfois, les circonstances nous empêchent : nous devons gagner notre vie, supporter tel collègue, tel voisin, etc. Dans ce cas, pouvons-nous vraiment éviter de nous sentir victime de notre vie ?

Oui, je suis conscient que cette approche peut échapper à ceux qui se trouvent sous le poids du stress ou sous la pression d’un patron, par exemple. Je viens d’une famille d’ouvriers et je ne l’oublie jamais : mon père n’a jamais lu un livre, il était épuisé par son travail et n’avait aucune possibilité d’en changer.

D’abord, je crois, avec Spinoza, que tenter de voir ce qui nous a poussés à vivre de cette façon peut aider à nous libérer. Ne pas culpabiliser d’être stressé, d’être tombé dans un guet-apens ou d’avoir pris telle ou telle décision professionnelle. Car c’est une de ces « passions tristes » qui nourrissent l’idée du « j’aurais dû ». Non : nous n’avons pas toujours le choix.

Ensuite, ce qui me paraît essentiel, c’est de s’entourer d’amis et de les apprécier. « Prendre sa vie en main », « être acteur de sa vie » peuvent s’entendre comme des postures individualistes, mais c’est le contraire. Je crois profondément que cela passe par la capacité à partager ses expériences et ses émotions, et à demander du soutien à ses amis.

Il faut savoir nous décharger un peu de nos fardeaux pour être capable de maîtriser le peu qu’il nous est possible de maîtriser. Mais cela demande d’apprendre à faire confiance, et c’est du travail. Pour moi, en tout cas, qui ne suis pas d’une nature confiante : j’ai peur sans cesse, des maladies, de la mort… Mais j’y travaille, grâce à la méditation.

À vous entendre, nous pourrions penser que la méditation guérit de tout !

Non, je ne veux surtout pas laisser entendre que la méditation rend la vie plus belle ! Elle peut simplement aider à retrouver une certaine spontanéité. À profiter de ce que nous donne le présent. Le regard de mes enfants est tout sauf un dû, il peut disparaître demain, de même que la compréhension de ma femme, le soutien de mes amis… Au fond, pour moi, être acteur de sa vie, paradoxalement, ce serait savoir contempler ce qui est là. Tant que je fuis ce qui est sous mes yeux, je n’agis pas dans ma vie : je la subis en courant.

Vous vous apprêtez (au moment de cet entretien, en octobre 2012) à partir vivre un an en Corée avec votre famille : c’est un choix important. Qu’est-ce qui vous a décidé ?

Avec ma femme, nous nous demandions : « Qu’est-ce qui nous ferait vraiment du bien, là, aujourd’hui ? » Ma réponse a été : « Nous recentrer sur la méditation et prendre un peu le large. Partir… à Séoul ? » Elle a répondu : « Super ! » Passé la joie, je ne vous cache pas que nous avons été tentés de revenir en arrière : ici, nous avons des amis, les enfants sont heureux…

C’est là qu’intervient une vertu zen que j’aime beaucoup : la détermination. Ce n’est pas une obstination bornée, c’est le choix d’avancer, de progresser dans ce que je suis. Il est normal d’avoir peur du changement. Mais quand on tourne une page, on ne peut pas attendre que la page qui arrive soit identique. C’est toujours un saut dans le vide… Et c’est là que l’on mesure l’importance d’avoir à ses côtés une personne qui nous soutient et nous accompagne dans notre détermination.

Anne-Laure Gannac

Alexandre Jollien Petit traité de l’abandon, Seuil

Lâcher prise, c’est accepter ses limites

A force de vouloir contrôler tout ce qui nous entoure, nous gaspillons notre énergie et perdons notre sérénité. D’où le fameux « lâcher-prise » ! Une attitude intérieure d’ouverture à la vie et aux autres dont l’écrivain Gilles Farcet nous livre quelques clés.

Atlas Le Guerchin (1646)

Il faut, paraît-il « lâcher prise ». C’est en tout cas ce que tout un chacun peut lire ou entendre répéter dès qu’il est question d’une approche spirituelle de l’existence. Si cette expression a fait florès au point de devenir un cliché du développement personnel, ce qu’elle recouvre n’en reste pas moins confus. Elle est prétexte à bien des malentendus.

Qu’avons-nous, au juste, à « lâcher » ? Quelle est donc cette « prise » qu’il conviendrait de desserrer ? Cette attitude est-elle compatible avec un positionnement responsable ? Si oui, comment passer du concept à la pratique ? Les enseignements de sagesse traditionnels s’articulent tous autour de cette question. Nous pouvons donc nous tourner vers eux et y chercher des réponses, qu’il nous appartient ensuite de faire nôtres.

Avant de prétendre « lâcher », encore faut-il savoir ce que nous « tenons » ?

Au commencement de toute « prise » se trouve l’ego, une conviction, un ressenti dont tout découle. Moi, Pierre ou Paul, j’existe indépendamment du tout, séparé, seul face à l’autre, c’est-à-dire tout le reste, tout ce qui n’est pas « moi » et qui, étant « autre », n’obéit pas toujours
à ma loi.

L’identification à ce très cher moi se paie au prix fort : me ressentant séparé, je vis à la fois dans la peur et dans une illusion de toute-puissance. « Seul contre tous », « Après moi le déluge », telles sont en somme les deux croyances sur lesquelles se dresse l’ego. Lâcher-prise, c’est abandonner une illusion, celle de la séparation. 

Ce lâcher-prise ne sous-entend en rien une négation de l’individualité. Pierre reste Pierre, Paul demeure Paul. Simplement, la partie se reconnaît comme expression du tout, la vague se sait forme du grand océan et, du même coup, reconnaît les autres vagues comme autant d’expressions de ce qu’elle-même est au plus profond.

Par un apparent paradoxe, l’autre à la fois disparaît – nul ne peut plus m’être essentiellement étranger – et se trouve comme jamais reconnu dans sa différence existentielle. Le moi séparé cesse d’être l’étalon, la mesure de toute chose. Il n’y a plus de moi pour exiger de l’autre qu’il se conforme à mes critères. Le lâcher-prise se produit dès lors que le moi accepte de l’autre, de tout autre, qu’il soit autre.

Voilà pour la métaphysique, qu’en est-il de la pratique au quotidien ?

Le sens du moi séparé se maintient instant après instant par le refus plus ou moins conscient de l’autre (c’est-à-dire de ce qui est – « Moi, je ne veux pas qu’il pleuve ce matin », « Moi, je ne veux pas que ma femme fasse cette tête », « Moi, je refuse que ce qui est soit et je prétends mettre autre chose à la place » –), refus qui s’accompagne de la prétention sous-jacente à tout contrôler.

Le fait même que « moi, je ne veuille pas » implique la conviction qu’il pourrait en être autrement parce que tel est mon souverain désir. Nous refaisons sans cesse le monde à grands coups de « si », de « quand », au nom de ce qui « devrait être », « aurait pu être », « pourrait éventuellement être », et nos pensées vagabondent dans le passé ou le futur. Il est bien rare que nous soyons vraiment  » ici et maintenant  » – alors même que nous ne pouvons en fait être ailleurs qu’ici et à un autre moment que maintenant. 

Quoi que mon mental prétende, je me trouve là où sont mes pieds. Si je pense au passé ou au futur, c’est toujours maintenant. Passé, futur, ailleurs n’existent qu’en tant que pensées surgissant ici et maintenant.

La pratique la plus simple et efficace du lâcher-prise consiste donc à s’exercer à demeurer un ici et maintenant avec ce qui est ?

Cette pratique n’exclut en rien l’aptitude à prévoir, à organiser ni ne nous dispense de nos responsabilités. L’attitude d’ouverture inconditionnelle à l’instant ne conduit nullement à baisser les bras, à tolérer l’intolérable. Le lâcher-prise, dans l’immédiateté, est totalement compatible avec l’action dans la durée.

Le lâcher-prise n’est pas se résigner mais être conscient de ses limites. Je marche dans la rue, un vieillard se fait renverser sous mes yeux. Le fait que je pratique ici et maintenant le lâcher-prise (sur des questions comme : est-ce grave ? sa vie est-elle entre mes mains ?) ne me conduit pas à m’abstenir de lui venir en aide. Bien au contraire, en m’épargnant les pensées parasites ou les atermoiements, ce positionnement intérieur me permet d’agir plus vite, dans la mesure exacte de mes possibilités.

Ici et maintenant, il m’appartient de poser un acte, de proposer quelque chose… dont la vie disposera ?

Ainsi je garde toute mon énergie pour agir, plutôt que de la gaspiller. En renonçant à contrôler l’avenir, j’obtiens souvent de meilleurs résultats ici et maintenant. En vérité, notre seul pouvoir, notre seule responsabilité réelle, s’exerce dans l’instant présent, lequel, bien sûr, prépare les instants futurs mais sans que nous puissions obtenir de garanties quant à l’avenir, y compris la seconde suivante.

« La vie, c’est ce qui vous arrive pendant que vous êtes en train de faire d’autres projets », a dit John Lennon. Lâcher prise, c’est aussi cesser d’aborder l’existence avec une mentalité d’ »assuré tous risques ». Quelle que puisse être la prétention du moi à contrôler l’avenir, la vie n’est pas une mutuelle et n’offre aucune garantie.

Une pratique assidue du lâcher-prise soulage d’un grand poids ?

Elle nous affranchit du complexe d’Atlas portant le monde sur ses épaules. Elle fait coïncider le plus profond détachement avec le plus authentique sentiment de responsabilité envers soi-même et les autres. Elle est aussi le fondement de la vraie confiance en soi. Tant que je me crois séparé et m’attribue un pouvoir sur ce qui est, je ne peux que me surestimer ou me sous-estimer.

Dès l’instant où le moi est remis à sa place, il est reconnu pour exactement ce qu’il est, avec ses forces et ses faiblesses, ses limites naturelles totalement acceptées. Représentons-nous un instant notre rôle de parent, de citoyen, de conjoint ou encore l’exercice de notre activité professionnelle envisagés sous cet angle… Mais cette attitude, en elle-même simple, est difficile à pratiquer.

Elle va à l’encontre de nos conditionnements les plus ancrés. Toute la sagesse pratique du lâcher-prise se trouve sans doute synthétisée dans la magnifique prière des Alcooliques anonymes : « Donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux pas changer, le courage de changer celles que je peux changer et la sagesse d’en voir la différence. »

Comment s’y prendre

Lâcher prise sur une rancœur, une peur, une émotion négative, revient souvent à détourner son regard de la difficulté… sans pour autant la fuir. Quelques pistes pour y parvenir :

Se centrer sur sa respiration quand l’obsession du problème réapparaît : imaginer qu’à chaque expiration on repousse la colère, la tristesse, les sentiments négatifs ; et qu’à chaque inspiration on inhale la confiance, la joie, la gratitude.

En relaxation, visualiser des horizons, des paysages ouverts. Se mettre en scène en se voyant libéré du problème. 

Créer des rites pour se séparer symboliquement de ce qui nous fait mal: écrire une lettre de ressentiment puis la jeter au feu, organiser avec soin une véritable «cérémonie de divorce », déclarer à haute voix, devant un entourage choisi, sa volonté de se libérer de ses émotions négatives…

Pascale Senk

Gilles Farcet, auteur, entre autres ouvrages, de Regards sages sur un monde fou (La Table ronde, 1997), un livre d’entretiens avec Arnaud Desjardins dont il était l’un des collaborateurs à l’ashram d’Hauteville, en Ardèche.

Ce nécessaire passage à l’action

Pour agir, nous devons nous libérer des pensées négatives, écouter nos rêves et, surtout, accepter de nous poser en individus responsables de nos destins.

Champ de coquelicots

C’est l’aiguillon du temps, « la prise de conscience qu’il sera peut-être bientôt trop tard qui nous incite à agir malgré nos peurs, affirme le psychanalyste Jacques Arènes. Éternels, nous remettrions sans cesse à plus tard le moment fatidique ». Mais l’envie pressante de passer à l’action et de cesser d’être à côté de sa vie ne suffit pas toujours.

« Certains individus sont inhibés depuis si longtemps qu’ils ne savent plus comment s’y prendre», affirme le psychiatre Frédéric Fanget, auteur d’Où vas-tu ?. Il s’agit par conséquent d’apprendre, par un travail personnel, à « débloquer le frein à main des pensées négatives » (« je suis
trop nul ») et d’explorer les peurs qui nous maintiennent dans la passivité (« que va-t-il se passer si je quitte ce travail que je n’aime pas ? »).

Les perfectionnistes qui ne s’accordent aucun droit à l’erreur doivent réaliser que leur rigidité mentale inhibitrice cache un profond sentiment d’infériorité. Frédéric Fanget nous propose également de remettre en cause tous ces modèles de réalisation de soi prônés par la société (être en couple, fonder une famille, avoir un poste valorisant, etc.) qui nous incitent à oublier nos propres idéaux.

Prendre sa vie en main

Comment sortir du cercle vicieux de l’inhibition et de l’inaction pour entrer dans celui, vertueux, de l’action et de la réussite ? En avançant progressivement : « Je décide de faire quelque chose de facile et dont j’ai très envie, je pense que je peux y arriver, j’essaye, je réussis, je me sens efficace; du coup, j’ai envie de recommencer », explique le psychiatre.

Selon lui, il est toujours possible de renouer avec le fil de son désir et de redessiner son chemin de vie. Et si, pour certains, la psychothérapie constitue un passage obligé, d’autres verront leur destin transformé par une bonne rencontre, une parole éclairante, un déclic salvateur. Ou par un proche qui croit en eux.

« Quand le psychiatre Christophe André m’a proposé d’écrire un livre, j’ai d’abord pensé : “J’en suis incapable, je n’ai rien à dire”, se souvient Frédéric Fanget. Puis je m’y suis mis. Et je ne le regrette pas. Mais sans cette proposition, je crois que je n’aurais jamais écrit. »

Pour agir nous avons aussi besoin de rêves. « S’accomplir, c’est regarder vers l’avenir, affirme le psychothérapeute Alain Delourme, auteur de Construisez votre avenir. C’est grâce à ses projets que l’individu permet au futur de ne pas être une répétition du passé ou de ne pas se poser en simple succession mécanique du présent. »

Nous avons également besoin de nous sentir pleinement responsables de nos vies. Fritz Perls (1893-1970), psychiatre et psychanalyste allemand, inventeur de la gestalt-thérapie, invitait ses patients à s’y entraîner : « J’ai conscience de bouger ma jambe et j’en assume
la responsabilité »; « Je ne sais pas quoi vous dire et j’en assume la responsabilité ». Progressivement, ces exercices viennent à bout de cette tendance très humaine qui consiste à mettre les autres ou les événements en position de décider pour nous.

L’analyse de Michel Lacroix

« Durant l’Antiquité et le Moyen Âge, l’épanouissement de soi ne passait pas nécessairement par l’action, mais plutôt par l’inaction, la contemplation. Pouvait s’épanouir celui qui vivait libéré des tâches matérielles et loin du concret. Cela a changé à partir du XIXe siècle. Depuis, l’action est mise en valeur comme la condition sine qua non de la réalisation de soi.

Se réaliser, c’est tendre vers un perfectionnement de soi, ce qui implique nécessairement un passage à l’acte. “Un homme est la somme de ses actes”, écrivait Malraux (In La Condition humaine (Gallimard, “Folioplus classiques”, 2007).). Cela dit, attention au piège de l’hyperactivité. Le défi est d’équilibrer les moments d’action et les instants de lâcher-prise. »

Isabelle Taubes

Où vas-tu ? de Frédéric Fanget. Conseils, explications et exercices pour renouer avec le plaisir d’agir et cesser de passer à côté des choses importantes (Les Arènes, 2007).

Construisez votre avenir d’Alain Delourme. Des clés pour cesser de rêver sa vie et devenir capable de vivre ses rêves (Seuil, 2006).

Se réaliser de Michel Lacroix (Robert Laffont)