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Pourquoi est-il si difficile de trouver l’amour ?

L’amour fait tourner le monde, depuis toujours mais souvent, il nous fait si mal…

Vous l’avez exprimé dans vos courriels, alors, commençons par ce sujet intemporel, avec quelques pistes des réponses, inspirées par les cas précis.

Le prince image Disney

Sommes-nous encore dans cet idéal des contes de fées, d’un prince sur son blanc destrier, de la belle endormie à réveiller par un baiser ?

Dans la conviction que l’amour est plus fort que tout, engagés dans sa quête illusoire et la croyance que si nous « tombons » sur la bonne personne, tous nos problèmes disparaîtront, comme par magie ?

Ou bien, dirigés par nos manques, blessures anciennes, schémas parentaux, voire transgénérationnels, inconscients de nos peurs enfuies et émotions refoulées et refusées, continuons nous à retomber dans les mêmes ornières et attirons toujours le même type de personnes ?

Et sommes-nous capables de vivre ces expériences, si douloureuses mais pleines d’enseignements comme des leçons de vie ou bien demeurons nous dans le rôle de victime ou refusons la relation par peur de souffrir, encore et à nouveau.

Tombons-nous amoureux de quelqu’un, juste parce qu’il nous apporte de l’attention, semble capable de remplir cette multitude de carences émotionnelles, répondre au besoin de se sentir accepté ?

Ou avons-nous juste besoin de combler notre solitude, cesser de nous sentir différent.

Bref, continuons nous encore de chercher à l’extérieur ce que nous avons la possibilité de nous offrir : l’acceptation et cet amour de soi, qui reste la chose la plus facile à dire mais si difficile à mettre en pratique.

C’est le travail de toute une vie, parfois, et si nous attendons de nous aimer suffisamment, nous risquons de ne jamais nous engager.

Nous ne pouvons pas espérer d’avoir réglé tous nos problèmes pour nous décider à agir, d’ailleurs, cela n’est point possible. Ce qui l’est, par contre, c’est de continuer, malgré ou avec eux, sans renoncer à les résoudre mais sans nous laisser paralyser.

Et la relation peut aider à le faire, à condition de ne pas compter sur l’autre pour combler nos manques ou guérir nos plaies car il devient alors une béquille et non un partenaire.

Les pistes les plus importantes

Chercher toujours dans les blessures « archaïques », celles de la petite enfance, qui nous influencent nos vies durant… comme dans la reproduction (souvent inconsciente aussi) des schémas familiaux, voire transgénérationnels, et cela, que nous les suivions ou tentions de nous construire « à l’opposé ».

La tendance à ne pas s’engager ou mal s’engager tire sa source d’une blessure, faite par un parent absent, démissionnaire, distant, castrateur ou encore parfois « nocif ».

Combien d’enfants des divorcés croient encore au mariage ? Et quand bien même, certains d’entre eux pensent qu’il est quelque chose de durable et possible, leurs réactions disent souvent le contraire.

Ces personnes se ferment à la possibilité de vivre pleinement une relation, en refusant de s’exposer au risque d’être blessé ou rejettent toute éventualité d’en entreprendre une nouvelle, voire partent, perdues d’avance, puisque au fond, elles ne croient pas que elle puisse être satisfaisante.

Car, comment construire soi-même un couple solide, alors que nos propres parents, qui servent toujours de modèle, en ont été incapables ? Alors, inconsciemment nous chercherons à éviter à tout prix de souffrir, à ne plus revivre cette douleur insupportable qui nous replongerait dans le passé. Le divorce douloureux laisse des traces et nous donne non seulement une mauvaise image du mariage mais la croyance que cela fait mal.

Aux blessures anciennes viennent s’ajouter nos déceptions amoureuses qui ont forgé une image de soi peu flatteuse. On se voit alors comme une personne qui n’a rien à offrir, indigne, incapable de susciter un sentiment véritable.

La plaie d’une rupture douloureuse encore non cicatrisée ou le deuil non fait d’un amour perdu, voire l’angoisse d’être abandonné (qui ravive toujours celle d’un abandon passé, vécu par l’enfant), nous empêchent de s’engager vraiment.

Suite à une trahison, il est parfois, pendant longtemps, inenvisageable de recommencer à s’impliquer dans une relation amoureuse, pour éviter à tout prix la douleur d’être à nouveau trompé.

Après une séparation mal vécue, une personne qui a été très déstabilisée peut avoir perdu confiance en elle, et en sa capacité à se sentir « aimable ». 

Et quand l’estime de soi est défaillante il devient difficile d’attirer un partenaire qui nous respectera, et même s’il nous aime sincèrement, nous douterons toujours, de nous, de lui, de la relation.

Mais… allons-nous succomber à ce triste constat ou bien serons-nous capables de nous lancer dans cette belle aventure : la découverte de ce qui nous sépare de l’amour.

Commençons par nos blessures : le rejet, l’abandon, l’humiliation, la trahison et l’injustice. Et nous les avons souvent toutes, dont une ou deux prédominantes. Elles ne seront pas traitées dans cet article, d’ailleurs, vous les connaissez probablement déjà mais les questions à poser sont :

– Vous vous dites être prêts mais ne vous « arrangez » vous, de façon inconsciente, bien sûr, de n’attirer que les « amours impossibles » ?

– Y aurait-il  une peur de l’autre, peur de l’amour, qui est aussi peur de la relation, puisque celle-là implique toujours des risques de souffrir à nouveau…

– Vous êtes-vous « construit » à l’opposé de votre mère/père, pour ne surtout pas lui ressembler mais…

  • Si on s’est senti rejeté par un parent, on le rejette à son tour.
  • Quand on le rejette, ce que l’on se rejette soi-même.
  • On fait tout le contraire pour être différent mais on répète tout de même les vieux schémas.

– Derrière le besoin d’indépendance (tout à fait légitime), n’y-aurait-il pas encore une, voire plusieurs peurs ?

– Confondez-vous besoins, manques, vide à combler avec l’envie, celle qui donne l’impression d’être « en vie », accompagnée du désir de vous investir, de construire ?

– Savez-vous faire la différence entre plusieurs degrés de ce sentiment, pour lequel, la langue française, pourtant si belle et riche, ne possède qu’un mot pour dire : « j’aime mon enfant »
et « j’aime le chocolat »…

Les Grecs anciens en avaient plusieurs, chacun teinté d’une signification différente. L’Eros désigne l’attirance sexuelle, le désir, tandis que son plus haut niveau s’approcherait de Philia : l’amitié, l’amour absolu, la compassion, voire Agapè : l’amour divin, universel, inconditionnel.

Pour ceux qui désirent approfondir cette question :

https://tarotpsychologique.wordpress.com/2014/06/06/amour-devouement-amour-celebration-amour-gratuit/

qui clôt une série sur l’échelle des sentiments.

Mais, puisque nous sommes dans le « concret » il est bon de rappeler que pour ne plus attirer notre partenaire en fonctions de nos manques, blessures, illusions, attentes, et répétitions des mêmes schémas nos vies durant, il est recommandé de considérer ces relations comme des leçons de vie et non pas une fatalité.

Si au lieu de penser en termes « d’échecs », nous apprenions, nous réfléchissions, et faisions tout pour ne pas retomber dans les mêmes travers…. et surtout continuer à endosser le rôle de victime.

Pour construire un « nous », composé de deux cercles indépendants « moi » « l’autre » et le troisième, qui englobe une partie mais pas la totalité des deux. Deux personnes autonomes, libres, conscientes de qui elles sont (avec leurs qualités, ainsi que leurs blessures et manques mais en connaissance de tout cela) qui forment une alliance et mettent dans le « nous » le meilleur, surtout leur volonté de construire ensemble dans la durée. En respectant l’autre dans son jardin secret, ses différences, ses failles.

Pas de « casseroles », de béquilles affectives, pas d’attente de ce que l’autre ne peut pas donner. Se trouver d’abord, ne pas aller « se noyer » dans l’autre et surtout ne pas attendre qu’il comble nos manques et nous fasse exister.

En résumé, ne pas chercher à l’extérieur ce que nous devons d’abord trouver à l’intérieur : l’amour de soi, la réconciliation, l’union alchimique de notre yin et notre yang.

Alors, prêts à prendre des risques, à sortir de votre « zone de confort », à être plus forts face à d’éventuelles déceptions ? Affronter « l’inconnu » qui se cache sous nos peurs, en étant conscients qu’aimer, comme vivre, est toujours s’exposer à la possibilité de souffrir et aux désillusions.

Et perdre ces dernières ne peut que nous aider à évoluer car chaque renoncement à une utopie est la reconquête de l’énergie perdue et une fenêtre qui s’ouvre à la vie.

Sans être obsédés par ce désir de trouver l’amour, décider si vous voulez vraiment rencontrer la bonne personne.

Sinon, vous le confierez toujours au hasard (qui d’ailleurs, à mon avis, n’existe pas) et vous ne croiserez donc que les rencontres au hasard ou plutôt, en fonction de cette loi qui fait que la vie nous envoie toujours ce que nous sommes prêts à recevoir, accompagné des leçons pour évoluer.

Le baiser du prince-charmant -image-de-walt-disney

Alors, si au lieu de vous demander « pourquoi », et garder cette nostalgie du prince et de la bergère, suivie de tous les regrets, vous vous mettiez sur le bon chemin en effectuant quelques réajustements et remises en questions ?

Une bonne piste pour commencer 

Reconnaître que l’on a voulu ou que l’on en veut encore à ses parents, ses ex, sortir sa colère, sa violence, sans la diriger contre eux et surtout contre vous.

Le faire, juste pour vous délester de ce fardeau…

Accueillir et accepter vos émotions, les plus enfuies, violentes, dérangeantes, en essayant de ne pas vous juger et ne surtout pas culpabiliser.

Nous sommes humains et nous avons non seulement le droit de les avoir mais aussi de les exprimer… du moment que ce n’est pas fait n’importe comment. Sinon il y aura toujours le risque de faire mal ou de se faire mal.

Si vous ne pouvez pas y arriver, tâchez au moins de vous observer dans vos refus, vos fuites, vos dérobades.

Et commencez le processus de guérison, en pratiquant la compassion pour soi… d’abord.

En veillant à ne pas la confondre avec la complaisance ou l’attachement à ses souffrances car si la responsabilité de ce qui est arrivé peut incomber aux personnes qui nous ont blessé, nous sommes toujours les seuls à s’occuper des conséquences que cela a engendrées.

Le pardon vient ensuite mais c’est une autre histoire…

Merci pour vos questions, j’ai répondu de mon mieux mais le meilleur article « généraliste » n’apportera jamais une réponse à votre cas, puisque nous sommes tous uniques, et bien que nous vivions les expériences semblables, elles ne sont jamais ressenties pareil, puisqu’il y a notre vécu, notre personnalité, nos « bagages » notre vision du monde etc…

Et tout ceci ne peut émerger que lors d’un échange personnel où nous allons ensemble, chercher dans vos émotions, blessures anciennes ou schémas de pensée ce qui provoque cette suite d’épreuves, pour que les  prises de conscience, qui viendront de vous car ce sont les seules valables, puissent se faire, non pas par une compréhension intellectuelle mais par le vécu émotionnel.

Mon rôle étant de vous guider vers vos propres réponses, et surtout à vous reconnecter à vos ressources, afin que vous puissiez vivre plus sereinement… et trouver cet amour vrai.

Bien à vous.

Elisabeth

Ces intemporelles leçons de vie

Sagesses

La certitude et le doute

Un matin, le Bouddha était en compagnie de ses disciples quand un homme s’approcha.
– Dieu existe-t-il ? demanda-t-il.
– Il existe, répondit le Bouddha.
Après le déjeuner, un autre homme s’approcha.
– Dieu existe-t-il ? demanda-t-il.
– Non, il n’existe pas, répondit le Bouddha.
A la fin de l’après-midi, un troisième homme posa la même question.
– Dieu existe-t-il ?
– C’est à toi de décider, répondit le Bouddha.
Dès que l’homme fut parti, un disciple s’exclama, révolté :
– Maître, c’est absurde ! Pourquoi donnez-vous des réponses différentes à la même question ?
– Parce que ce sont des personnes différentes, chacune parviendra à Dieu par sa propre voie.
Le premier me croira.
Le second fera tout ce qu’il peut pour prouver que j’ai tort.
Le troisième ne croira qu’à ce qu’il choisira lui-même.

La joie et l’amour

Un fidèle demanda au rabbin Moche de Kobryn :
– Comment dois-je mener ma vie pour que Dieu soit content de mes actes ?
– Il n’y a qu’une voie : cherche à vivre avec amour, répondit le rabbin.
Quelques minutes après, un autre disciple posa la même question.
– Il n’y a qu’une voie : cherche à vivre avec joie.
Le premier disciple s’étonna :
– Mais le conseil que vous m’avez donné était différent !
– Bien au contraire, dit Moche de Kobryn. C’était exactement le même.

L’ombre et la lumière

Un vieil homme Cherokee apprend la vie à son petit-fils. «  Un combat a lieu à l’intérieur de moi, dit-il au garçon. Un combat terrible entre deux loups. L’un est mauvais : il est colère, envie, chagrin, regret, avidité, arrogance, apitoiement sur soi-même, culpabilité, ressentiment, infériorité, mensonges, vanité, supériorité et ego.
L’autre est bon : il est joie, paix, amour, espoir, sérénité, humilité, bonté, bienveillance, empathie, générosité, vérité, compassion et foi.
Le même combat a lieu en toi-même et à l’intérieur de chacun. »
Le petit-fils réfléchit pendant une minute puis demanda à son grand-père : « Quel sera le loup qui vaincra ? »
Le vieux Cherokee répondit simplement :
«  Celui que tu nourris. »

Ces mille masques que j’ai peur d’enlever

S’il te plaît, entends ce que je ne dis pas. Ne me laisse pas te tromper. Que mon apparence ne te trompe pas. Car je ne suis qu’un masque. Peut être mille masques que j’ai peur d’enlever, même si aucun d’eux ne me représente vraiment. Je peux sembler être en sécurité, paraître même la confiance personnifiée, posséder le calme comme une seconde nature et n’avoir besoin de personne. Mais je t’en prie, ne me crois pas. Je peux sembler tranquille, mais ce que tu vois n’est qu’un autre masque sous lequel mon vrai moi est caché, dans la confusion, la peur et la solitude. Mais je le cache afin que nul ne le voit. Car j’ai peur.

La panique m’envahit en pensant que  je puisse le laisser voir. J’ai ainsi toujours besoin de créer des masques. Pour me cacher, et montrer une image prétentieuse qui me protègera d’un regard perspicace. Mais ce regard peut aussi être ma sauvegarde et mon salut, quand il vient accompagné de l’acceptation et de l’amour.

Alors, ce même regard se transforme en l’instrument qui me permet de me libérer de moi même, et de toutes les barrières que j’ai créé. L’instrument qui seul peut me rassurer sur ce que je ne peux réaliser : que j’ai vraiment une certaine valeur. Mais cela, je ne te le dis pas, je n’en ai pas le courage. J’ai peur que ton regard ne contienne pas l’acceptation de l’amour. J’ai peur que tu changes d’avis à mon sujet, que tu te moques de moi et que notre histoire ne me tue. J’ai peur de ne rien valoir, que tu le crois, et que tu me repousses. Alors je continue mon jeu de prétentions désespérées, avec une apparence de sécurité et un petit enfant tremblant derrière. Je poursuis le défilé de mes masques pour que ma vie ne soit qu’une fiction. Je te raconte ce qui ne compte pas mais rien de ce qui compte vraiment, ni de ce qui me tourmente à l’intérieur.

Pour cela, quand tu découvriras cette routine, ne te laisse pas tromper par mes paroles ; entend ce que je ne te dis pas. Tout ce que j’aimerais tant te dire mais que je ne sais pas et que je ne peux pas te dire. Je n’aime pas me cacher, je te le confesse. J’aimerais tellement être spontané, honnête et sincère mais il faudra que tu m’aides.

Toi, tu peux sortir à la lumière ma vitalité, tant que tu resteras aimable et attentif.
Car chaque fois que tu essayes de me comprendre mon cœur renaît et bat de nouveau. Je veux que tu saches combien tu es important pour moi et quel pouvoir tu as de faire de moi la personne que je suis.Il suffit que tu le veuilles. Je t’en prie…
Ecoute-moi...
Entends-moi...
Toi seul peux faire tomber ces barrières qui me cachent.
Toi seul peux arracher tous mes masques et me libérer de ma prison solitaire. S’il te plaît, ne m’ignore pas, ne m’abandonne pas, et sois patient. Quelque fois il semble que plus tu t’approches, plus je me rebelle.
Car c’est irrationnel mais c’est ainsi : je repousse ce dont j’ai le plus besoin.
Mais l’amour est plus fort que tout. Et c’est là mon espérance, ma véritable espérance.
Aides-moi à arracher ce masque, mais s’il te plaît, avec des mains douces car à l’intérieur il y a un petit enfant fragile, si fragile.

Qui suis-je, te demandes tu?
Je suis quelqu’un que tu connais très bien.
Je suis chacune des personnes que tu rencontres.
Je suis toi même.

Charles C. Finn.

Croître ensemble, progresser l’un par l’autre

Croître ensemble

L’acte sexuel peut donc être dissocié du mariage sans attirer pour autant la condamnation. Mais la voie normale passe par l’amour durable entre un homme et une femme, l’amour conjugal. L’amour est en lui-même un aspect de la voie : croître ensemble, progresser l’un par l’autre.

Malheureusement un amour conjugal réussi est, aujourd’hui, très rare. Si cet accomplissement est possible, il n’est pas probable. Tous les mariages ne sont pas des échecs mais bien peu ont une valeur suprahumaine et ont apporté tout ce qu’au fond d’eux-mêmes l’homme et la femme en attendaient.

Il n’y a sexualité parfaite que dans l’amour parfait, celui auquel rien ne manque, celui qui nous engage et nous anime entièrement, sans aucune frustration ou insatisfaction sur quelque plan que ce soit. La relation conjugale, la relation entre l’époux et l’épouse est la plus complète et la plus riche.

Une femme devrait être pour son mari tout ce que l’homme attend de la femme. Un époux devrait être pour son épouse tout ce que la femme attend des hommes. L’épouse doit être à la fois une maîtresse, une sœur, une mère, une fille, une amie, une infirmière, une associée et un juge ; l’époux, un amant, un frère, un père, un fils, un ami, un infirmier, un associé et un juge.

Toutes les relations possibles entre un homme et toutes les femmes, entre une femme et tous les hommes, sont réunies — ou devraient l’être — dans le couple. Le meilleur critère pour savoir si l’on s’aime et si on peut valablement se marier est de se demander honnêtement si toutes ces conditions sont remplies.

Sinon l’homme gardera toujours quelque part en lui la nostalgie de la maîtresse passionnée, possédant les attributs érotiques qui l’attirent le plus subjectivement et le plus intimement; la nostalgie de la femme camarade avec qui on peut être complice, parler, rire, partager ; de la femme mère qui sait servir, réconforter, consoler, rassurer; de la femme fille qu’il puisse protéger, guider, enseigner, à qui il puisse faire découvrir le monde et ses richesses ; de la femme sœur, qui partage ses rêves, dont il sent qu’elle et lui ont des affinités profondes, font partie de la même famille, qui lui donne la tendresse paisible et l’affection ; de la femme associée, qui comprend ses problèmes professionnels, l’aide et partage ses activités ; de la femme qui soigne, qui panse, qui secourt; de la femme en qui il a confiance pour l’aider à progresser, pour l’aider à se voir tel qu’il est, pour lui dire lucidement : « C’est ainsi » ou : « Ce n’est pas ainsi. »

Si une de ces femmes manque en la sienne, ou bien il la cherchera consciemment ailleurs, ou bien il niera, refoulera son regret et il la cherchera inconsciemment ailleurs. Il reprochera à son épouse de ne pas être aussi celle-là et son don à elle dans l’union sexuelle ne sera jamais parfait. Inversement, il en est exactement de même en ce que la femme doit trouver chez son mari.

Il semble qu’aucune femme et aucun homme ne soit assez complet pour assumer toutes ces tâches (dharma). En fait, un conjoint les accomplira d’autant mieux qu’il est plus libre intérieurement et son partenaire le ressentira d’autant mieux qu’il est lui-même aussi plus libre de sa subjectivité et de son mental.

L’époux et l’épouse doivent remplir l’un pour l’autre ces différentes fonctions. Mais celles-ci devraient être impersonnelles : la mère, la sœur, la fille. Plus le conjoint attend inconsciemment une certaine mère particulière, une certaine sœur, une certaine fille, moins il y a de chance, en effet, que son attente soit satisfaite.

La loi du mariage est la loi générale de l’être et de l’avoir : je suis un mari, et non pas : j’ai une femme. Ou encore : je suis son mari, et non pas : c’est mon épouse. Seuls peuvent obéir à cette loi des êtres libres et adultes. Tant que : « je t’aime » signifie « aime-moi », aucun mariage heureux et durable n’est possible. Une exigence infantile est condamnée à être déçue…

Arnaud Desjardins, extrait de Les chemins de la sagesse

 

Cinq critères d’un couple véritable

Swâmiji m’avait un jour énoncé cinq critères grâce auxquels on peut reconnaître la valeur profonde d’un couple. Ces cinq critères sont en fonction d’une durée, d’un chemin à suivre ensemble : to grow together, croître, grandir, s’épanouir ensemble, progresser sur la voie de la maturité, de la plénitude.

Couple vrai

Feeling of companionship Le sentiment d’être des compagnons

Le premier de ces critères est le sentiment d’être deux compagnons. Avoir un compagnon, c’est ne plus se sentir seul(e). Il y a quelqu’un à mes côtés qui me comprend, avec qui j’aime échanger, avec qui j’aime partager, avec qui j’aime agir, faire les choses ensemble.

Le mari ou la femme doit être aussi notre meilleur ami. L’épouse doit pouvoir jouer pour le mari tous les rôles qu’une femme peut jouer pour un homme ; et le mari doit pouvoir jouer pour sa femme tous les rôles qu’un homme peut jouer pour une femme. L’homme — ou la femme — se sent comblé et n’éprouve plus la nostalgie de trouver ailleurs ce qui ne lui manque plus.

Si ce sentiment d’avoir trouvé un véritable compagnon existe, il s’enrichit avec les années, avec les expériences partagées, avec les souvenirs, contrairement à la passion amoureuse ordinaire condamnée à perdre son intensité comme un feu qui se consume et s’éteint.

At easeness Être à l’aise

Le deuxième critère est encore plus simple. Aisance : le fait que les choses soient faciles, aisées. On se sent bien. C’est une relation qui ne nous amène pas à gaspiller une grande quantité d’énergie en émotions. Or, trop souvent, dans la fascination amoureuse, il y a émerveillement, il y a des moments intenses, mais il n’y a ni aisance ni facilité ; ou encore une certaine facilité de relation s’établit mais dans la routine, dans la monotonie et il reste au cœur un manque.

Two natures which are not too different
Deux natures qui ne soient pas trop différentes

Il est normal qu’il y ait une différence et une complémentarité entre un homme et une femme. Nous ne trouverons jamais notre alter ego : un autre nous-même qui, à chaque instant, soit uniquement l’incarnation de notre projection du moment. Nous ne trouverons jamais une femme qui sera toujours exactement ce que nous voulons, aura toujours exactement l’humeur ou l’état d’âme que nous souhaitons, l’expression ou le timbre de voix que nous espérons et prononcera les mots que nous attendons — jamais. Et cela, il faut le savoir.

C’est une demande infantile, indigne d’un adulte, destructrice de toute tentative de couple, de vouloir que l’autre soit uniquement le support de mes projections et réponde à chaque instant à ce que mécaniquement je demande. C’est une illusion que vous devez réussir à extirper. L’autre est un autre. Et, même si une communion s’établit, l’autre n’aura jamais notre inconscient, notre hérédité. Il y aura toujours une différence.

Mais si les natures sont trop différentes, aucune vie commune n’est possible et cet amour sera battu en brèche par la réalité. Les cas extrêmes vous paraîtront évidents. Si un homme est plutôt solitaire, aime les longues marches dans la campagne, la vie dans la nature, et qu’une femme ne rêve que de mondanités et de réceptions, il est certain que les natures sont trop différentes. Malheureusement, cela n’empêche pas de tomber amoureux.

Deux natures qui ne sont pas différentes, cela n’existe pas. « Deux natures qui ne soient pas trop différentes », sinon l’entente est au-dessus de nos capacités respectives. Il faudrait être bien plus avancé sur le chemin de la liberté intérieure pour pouvoir former un couple paisible avec un partenaire dont la nature est radicalement différente de la nôtre. La fascination amoureuse ignore superbement l’incompatibilité de deux natures.

On croit de bonne foi pouvoir s’aimer mais il n’y a pas de possibilité d’une véritable entente. La complémentarité de l’homme et de la femme repose sur la différence mais elle repose aussi sur la possibilité d’association, d’imbrication, de complicité.

Complete trust and confidence Une foi et une confiance totales

Bien sûr, beaucoup d’hommes et de femmes aujourd’hui sont blessés jusqu’au fond de l’inconscient par des trahisons passées vécues dans l’enfance ou la petite enfance. Ce genre de blessure ne facilite pas la communion, l’approche ouverte, le don mutuel de soi dans l’amour.

Est-ce que cette personne a su m’inspirer une réelle confiance ? Du fond de moi monte ce sentiment : elle peut faire des erreurs, elle peut se tromper, elle peut même accomplir une action qui me créera une difficulté momentanée mais elle ne peut pas me faire du mal. Fondamentalement, ce qui domine, c’est cette certitude.

Le mariage ne peut pas être une voie spirituelle vers la sagesse si cette confiance et cette foi n’existent pas, si vous vivez dans la peur. Vous avez à être plus forts que votre infantilisme et à ne pas détruire vous-mêmes une relation précieuse par une méfiance qui n’est en rien justifiée. Il faut que les partenaires ne soient plus totalement infantiles, aient une certaine compréhension de leurs propres mécanismes et décident de les dépasser, d’être plus adultes.

Seule cette confiance complète élimine le poison de l’amour, la jalousie. Je ne dis pas que c’est un vice ou un péché, c’est une émotion particulièrement infantile dans laquelle le mental invente ce dont il n’a aucune preuve. Rien n’est plus destructeur de l’amour que cette jalousie.

Strong impulse to make the other happy
Une forte impulsion à rendre l’autre heureux

Ce critère exige une approche adulte du couple. La demande d’être heureux grâce à un autre est naturelle, normale, légitime chez un homme ou une femme qui n’a pas encore atteint le bout du chemin et qui se sent encore incomplet. Mais il y a une manière tout à fait égoïste de vouloir rendre l’autre heureux, dans laquelle l’autre n’est pas vraiment en question.

C’est l’autre tel que je le vois à travers mes projections, mes demandes à moi, que je cherche à rendre heureux en lui offrant ce que j’ai envie de lui offrir, en faisant pour lui ce que j’ai envie de faire, et sans tenir compte de ses véritables demandes. On ne peut sentir ce dont L’autre a vraiment besoin que si l’intelligence du cœur est éveillée.

Ce bonheur est aussi une réalité simple, quotidienne, faite d’une accumulation de petits détails, et pas seulement de s’entendre dire « je t’aime ». Un être a besoin de respirer à chaque minute, et il a besoin de respirer l’amour tous les jours. Cette envie de rendre L’autre heureux ne se fabrique pas artificiellement, elle est là ou elle n’est pas là.

« Une forte impulsion à rendre L’autre heureux » est un sentiment permanent : « J’existe pour lui, que puis-je faire pour lui ? » Cette intelligence du cœur s’éveillerait très naturellement si les émotions ne venaient pas corrompre la possibilité d’un véritable sentiment.

Ces critères sont simples. Mais, s’ils sont réunis, tous les autres en découlent, y compris l’entente sexuelle.

Arnaud Desjardins Extrait de Pour une vie réussie, un amour réussi

http://www.svami-prajnanpad.org/index.html

Pour une vie réussie, un amour réussi

Couple

Le mariage est une union sacrée et pourtant, en Occident actuellement, on se marie, on se sépare, on change de partenaire, on divorce avec beaucoup de désinvolture et ceux qui restent ensemble ne sont pas pour autant heureux.

L’explication tient sans doute dans le fait que nous confondons la fascination amoureuse, la passion qui illumine un instant l’existence mais qui ne résiste pas aux années, avec l’Amour.

Il y a cinq critères qui permettent de savoir si deux êtres sont « faits l’un pour l’autre » et si leur union les conduira au bonheur, à l’amour éternel et non à la souffrance, aux brouilles, aux réconciliations, à ces amours agitées, meurtries, douloureuses qui durent parce qu’on n’a pas le courage de les rompre et qui n’apportent rien de ce à quoi aspire celui qui est engagé sur le Chemin de la Sagesse, la paix, la sérénité, la stabilité intérieures, la possibilité de s’épanouir et de communier véritablement.

Cette communion, qui est la culmination de l’amour ou du couple s’établit au cours des années et conduit à un accomplissement qui n’est pas banal : « une seule âme et une seule chair ».

La fascination amoureuse ne conduit jamais à cette véritable communion ; elle engendre une illusion de non-dualité qui maintient la séparation. Dans la mesure où cette non-dualité, cette véritable communion – un avec – peut s’établir entre l’homme et la femme, le mariage a été considéré comme une voie spirituelle, autant que la voie monastique.

Une relation de couple durable est un chemin qui conduit à la purification des émotions et à un effacement de l’ego. C’est une voie vers la destruction du mental, manonasha, et la purification du psychisme, chitta shuddhi.

Il existe deux types d’attraction sexuelle :
– l’attraction sexuelle immédiate, de surface, fondée sur les attributs érotiques purement physiques et qui ne conduira jamais qu’à une sexualité limitée.
– une autre attraction qui ne cessera de grandir et qui peut conduire à des sommets de vie érotique, qui est basée justement sur la satisfaction des cinq critères (à lire dans l’article suivant)… 

Cette attirance vient de la profondeur de l’être et non plus seulement de la fascination de surface. Elle conduira aisément à la fidélité. Sauf rares exceptions, un couple durable ne peut unir que deux êtres humains suffisamment adultes.

Car pour « faire », dans quelque domaine que ce soit, il faut « être ».

Une des grandes illusions de l’être humain est de tenter de changer sa manière de faire sans changer son être.

Pour changer son être, il faut d’abord comprendre et se comprendre. « Vous ne changerez pas ce que vous n’avez pas vu, ce que vous ne connaissez pas et que vous n’avez pas compris. » Autrement dit, un commencement de maturité sur la Voie, un commencement de sagesse, un peu moins d’infantilisme, un peu moins de vulnérabilité émotionnelle sont nécessaires pour réussir une vie à deux.

Celui qui veut rencontrer l’amour, le vrai, celui qui dure, doit comprendre que la première démarche c’est de changer suffisamment pour être digne de cette rencontre. Il faut se préparer, se libérer des comportements mécaniques, si on ne veut pas aller d’échec en échec.

La relation de couple, vue sous cet angle est donc un « Chemin » qui mène à la plénitude, à l’Amour et qui permet non seulement de « croître ensemble » mais aussi de croître ensemble dans la relation avec les autres. C’est donc une Voie spirituelle équivalente à la Voie monastique…

Arnaud Desjardins Extrait de Pour une vie réussie, un amour réussi

 

L’amour est un oui sans pitié

Deux rochers

Le véritable amour est un oui inconditionnel à l’autre. Qu’est-ce qu’un autre ? Ce qui n’est pas même : ni moi ni comme moi. L’autre m’échappe. Au-delà de moi, ne pouvant être compris dans les limites de mon savoir, il est mystère. L’amour est un oui sans condition au mystère qu’est l’autre.

Autrui n’a pas à être comme moi ni comme je veux qu’il soit : il n’a pas à correspondre à mes attentes. La première étape pour apprendre à aimer est donc de lâcher ses attentes. Celles-ci sont fondées sur le manque. Il y a en nous, gravée au cœur de notre chair, une souffrance qui correspond à tous nos manques passés.

Les attentes que nous projetons sur les autres sont des stratégies de soulagement de cette souffrance : nous voyons en l’autre l’objet qui va pouvoir nous combler. Cette femme dont je suis amoureux, je l’associe à ma mère dont l’amour m’a fait défaut sous une forme ou sous une autre, et je lui demande inconsciemment de me donner ce dont j’ai manqué. Nous avons tous de multiples carences affectives, car le manque est inhérent à la condition humaine.

Nos attentes, nos projections sur autrui témoignent d’un refus de cette sensation de manque. C’est ainsi que nous posons des conditions à notre accueil d’autrui : « Sois tel que mon manque est soulagé. » Ainsi, nous conditionnons ce dernier qui, pour se sentir aimé, doit se conformer à notre projet sur lui – donc cesser d’être lui-même.

Le simulacre de l’amour est une prison qui fait d’autrui l’otage de nos propres besoins, ce qu’il ne peut accepter qu’en nous enchaînant de la même manière. Aimer, c’est d’abord libérer l’autre de nos refus d’éprouver le manque et la souffrance.

Apprendre à aimer exige d’être impitoyable avec soi-même. L’amour accompli a deux faces. La plus connue est sa face féminine, l’accueil inconditionnel : « Qui que tu sois, quoi que tu fasses, je t’accueille, mon amour t’est donné. » C’est bien sûr l’essence de l’amour maternel, mais la polarité féminine de l’amour accompli se rencontre également en toute femme qui aime ainsi qu’en tout homme puisque, comme l’a montré Jung, tout être humain est porteur des archétypes féminins et masculins.

Moins connue est la face masculine de l’amour accompli. À l’instar de son homologue féminin, elle consiste dans un oui inconditionnel à l’autre. Mais ce n’est pas le même oui. Non pas accueil, mais désir inconditionnel de l’autre, ce n’est pas un oui de réceptivité mais d’action. Sa formule est : « Qui que tu sois, deviens-le ! »

C’est l’amour exigence, celui qui somme l’autre d’être digne de lui-même : « Cet être que tu es, ce mystère que je ne connais pas et qui t’échappe aussi à toi-même, je veux l’éprouver, je veux que tu me le donnes et que tu le donnes au monde. » C’est l’amour du père et le fondement de l’autorité paternelle authentique. C’est l’amour du véritable maître, s’il en est. Et c’est une dimension qui existe au cœur de tout véritable amour – raison pour laquelle celui-ci n’est jamais de tout repos ! Celui ou celle qui m’aime véritablement sera toujours sans pitié pour mes masques, mes tiédeurs et mes échappatoires, tout ce qui m’empêche de vivre et d’accomplir la vérité profonde de mon être.

Le désir inconditionnel sans l’accueil inconditionnel est dureté, ce n’est plus de l’amour, car il n’y a pas de compassion pour les faiblesses de l’autre. Mais l’accueil inconditionnel sans l’exigence du véritable désir est un confort régressif qui étouffe la vie. Ainsi peut-on imaginer que l’amour divin est indissolublement masculin et féminin. Dieu nous aime avec une tendresse impitoyable.

Denis Marquet

L’éternelle danse du yin et du yang

Oiseau de feu

Suite de https://tarotpsychologique.wordpress.com/2015/03/31/homme-interieur-femme-interieure/

— Bert : vous parlez aussi du fait de faire descendre l’esprit dans le corps.

— Marion : C’est exact. C’est un peu difficile à expliquer. Si vous regardez un bébé lorsque sa mère entre dans la pièce, tout son corps frémit. Pas que la tête, le sourire et les mains. Le corps tout entier est impliqué. Il me semble que dans notre société, nous sommes coupés de la réponse cellulaire. C’est bloqué. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’adolescents parlent de « se renfermer ». En fait ils se coupent du corps.

Mais dans ce cas la vie devient vite ennuyeuse. Vous ne voyez pas la beauté de l’automne avec le corps tout entier. Vous ne sentez pas, ne goûtez pas, ou même ne voyez pas de tout votre être. Vous expérimentez seulement avec la tête. Mais vivre quelque chose depuis la tête diffère totalement de l’expérience que l’on en fait avec le corps.

— Bert : les médias se moquent des « mouvements masculins » qui utilisent beaucoup le tambour. Les hommes qui l’utilisent disent que c’est une façon de quitter le monde de l’esprit et d’être en contact avec leurs sentiments. Ils sentent la puissance et le rythme dans leur corps. Que pensez-vous du tambour ?

— Marion : je l’utilise systématiquement dans le travail avec les femmes pour les mêmes raisons. Si vous jouez du tambour pour devenir plus conscient, c’est très, très puissant. Si vous utilisez le tambour pour voyager dans l’inconscient, c’est une autre histoire.

Mais cela est vrai quand vous faites l’amour, quand vous mangez, ou pour toute autre activité instinctuelle. Vous pouvez être dans l’inconscience, engloutir la nourriture, sans en être conscient. Vous êtes endormi. Vous pouvez vous endormir en jouant du tambour, et continuer dans un état de transe.

Ou vous pouvez battre le tambour en toute conscience. Vous pouvez devenir totalement vivant si vous percevez vraiment le pouls de la terre, le pouls des autres. Et vous sentez vraiment la présence de l’esprit dans le tambour. Non seulement votre tambour, mais le tambour de chacun, qui vibre du même esprit.

— Bert : C’est ce qui se passe au Wisdom Council quand 200 hommes sont dans la même pièce.

— Marion : Absolument. Le tambour vous emmène sur un plan transcendant. Tout le monde est habité par le même esprit. C’est parfois très puissant. La première fois que cela m’est arrivé, j’étais électrisée. Je me sentais épuisée et sentais que je ne pouvais pas continuer. Et la personne à côté de moi a frappé le tambour exactement au même instant que moi, mais dans une tout autre énergie.

Et nous avons pris conscience que l’ensemble du groupe avait évolué de la même façon. Et quelque chose de complètement différent s’est produit. Vous y contribuez, je suis sûr que c’est quelque chose que vous connaissez. C’est particulièrement vrai dans la nature, quand vous percevez le pouls de la terre à travers le rythme.

— Bert : J’aimerais parler un peu de votre livre, The Ravaged Bridegroom.

— Marion : Je voudrais souligner que le titre du livre est The Ravaged Bridegroom : ravagé, pas ravi. Le sous-titre de Addiction to Perfection est « The Still Unravished Bride. » (l’épouse non encore ravie). Et il y a une énorme différence, Bert. J’ai été critiquée pour n’avoir pas fait ressortir le côté positif dans The Ravaged Bridegroom. Cela n’apparaît que dans le dernier chapitre. Mais ce que je dis, c’est que le masculin est tellement ravagé chez les femmes, qu’il leur faut le voir.

Nous ne pouvons parvenir au ravissement, qui est la pleine acceptation de l’amour, tant que nous n’avons pas travaillé le côté ravagé. Ce sont deux significations totalement différentes. Ravir,  c’est faire l’amour jusqu’au moment de la transcendance. Mais ravager, c’est détruire. Vous ravagez une ville. J’ai choisi ce mot exprès. Vous voyez, un époux ravagé ne peut pas ravir une épouse.

Ce que je mets en avant dans The Ravaged Bridegroom c’est l’agonie du masculin chez les femmes. Je fais ce que je peux avec les femmes pour guérir le masculin. Les hommes tentent de guérir le masculin en eux-mêmes, je le sais. Ce que je dis, c’est que tant qu’hommes et femmes ne trouvent pas la vierge enceinte en eux-mêmes, ne guérissent pas le féminin et le masculin en eux-mêmes, ils ne pourront pas goûter au mariage intérieur.

— Bert : Je dois avouer que la subtilité de la distinction m’avait échappé.

— Marion : Je pense qu’il est très important que nous ne perdions pas de vue ces subtilités. C’est cela que nous travaillons aujourd’hui, et non l’aspect grossier des grandes questions. Je pense que c’est l’une des énormes difficultés pour les féministes qui regardent les mouvements masculins.

Elles ne comprennent pas la différence entre l’archétype de la mère et la mère personnelle. Par conséquent, elles pensent que les hommes dénigrent la mère personnelle. Mais ce n’est pas du tout ce qu’ils dénigrent. Ils dénigrent le côté négatif de la mère archétypale.

— Bert : L’un des thèmes principaux dans The Ravaged Bridegroom est le « soul-making ». Le livre contient une description des plus succinctes de la relation entre l’âme et l’esprit que je n’aie jamais vue. L’âme est ce qui nous manque dans ce monde mécanisé et spécialisé qui nous empêche d’être des êtres humains à part entière. L’âme est la médiation entre l’esprit et le corps; c’est à travers l’âme que nous amenons l’esprit dans le corps. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

— Marion : cela rejoint un grand nombre de choses dont nous avons déjà parlé. Pour moi, l’âme est la partie éternelle qui vit dans le corps. Elle vit dans les limites des cinq sens, et utilise ce que l’on vit à travers les cinq sens pour créer de la poésie, écrire de la musique, pour danser. Tous les arts naissent à travers l’âme.

Mais si vous êtes un danseur, et que vous avez travaillé très très dur pour que votre corps adopte la parfaite posture, que vos muscles soient puissants, et que vous êtes vraiment en mesure de laisser passer votre âme à travers la danse, souvent quelque chose se produit qui vous électrise. Par exemple, la musique pénètre votre corps, ou vous sentez l’esprit s’installer. Et vous êtes dansé.

Ou, si vous êtes un écrivain, il y a un moment où vous avez fait tout ce que vous pouviez pour développer votre technique, mais vous ne faites encore que des gribouillis en provenance de l’ego. Si l’esprit vient, cela s’écrit à travers vous.

C’est vrai pour n’importe quel art. C’est pour moi le mariage intérieur : le moment où l’âme et l’esprit se rencontrent. L’âme a fait tout ce qu’il fallait pour se préparer, mais il faut encore l’esprit pour passer vraiment au niveau transcendant. L’ego est considérablement élargi, et dans une autre dimension.

— Bert : Si on n’est pas consumé par le processus.

— Marion : C’est une possibilité.

— Bert : Dans The Ravaged Bridegroom vous évoquez une violoncelliste qui entre dans votre bureau, sourit et dit « Trop d’esprit ». Puis elle joue un morceau. Et vous voyez un lien, qu’elle n’avait pas vu auparavant, entre sa compétence technique, et l’âme et l’esprit à travers elle.

— Marion : Elle jouait du Wagner, nuit après nuit. Chaque soir, avec le violoncelle, elle percevait l’énergie de la musique wagnérienne, qui passait directement à travers son corps. Et son corps allait vers l’épuisement professionnel en raison de l’intensité du rythme archétypal. Elle a discipliné son corps et son ego pour être en mesure de prendre le pouvoir sur cette musique. Il faut une force énorme pour s’ouvrir à l’autre côté.

— Bert : Vous parlez de force physique et de la force de l’ego.

— Marion : et de force d’âme.

— Bert : Contrairement, par exemple, à Keats, terrassé par l’Oiseau de feu à 25 ans.

— Marion : Oui, c’est vrai. Mais il avait aussi la tuberculose. Son corps ne pouvait pas supporter ce qui lui arrivait. Mais, oui, la plupart des romantiques ont été consumés vers la trentaine. La même chose s’est produite avec les femmes. Regardez Sylvia Plath, Anne Sexton ou Emily Brönte. Elles aussi ont été consumées par l’Oiseau de feu. L’énergie qui les habitait était plus qu’elles n’en pouvaient supporter.

Je pense aussi que lorsque l’on entre en contact avec l’autre côté, il est parfois difficile d’en revenir. Certains scientifiques disent qu’Albert Einstein a vu la formule de Dieu et est devenu un avec elle. Ou regardez les derniers quatuors de Beethoven. Beethoven est vraiment dans l’autre dimension. Vous pouvez percevoir cela en les écoutant. Vous entrez dans un espace d’où vous avez du mal à revenir. Il y a cependant des moments où il est juste de composer avec cela. Mais uniquement au moment opportun.

— Bert : Du point de vue de Robert A. Johnson (point de vue traditionnel jungien), l’âme est féminine, chez l’homme et la femme. Ça ne me parle pas. On dirait que le féminin est le pont vers l’âme d’un homme, et le masculin est la porte de l’âme pour les femmes, mais que l’âme est un équilibre yin-yang entre masculin et féminin. A quel point suis-je largué ?

— Marion : Je ne me soucie pas trop des catégories, Bert. A mon avis, et je pense que Robert Johnson serait d’accord, l’âme est le réceptif, cette part de réceptivité qui peut s’ouvrir à l’esprit. Je pense que si vous considérez l’âme comme yin et yang à la fois, vous devez aussi considérer l’esprit à la fois comme yin et yang. Ensemble ils forment un microcosme, celui du Dieu et de la Déesse. En d’autres termes, l’individu a en lui un microcosme, relié au macrocosme du Dieu et de la Déesse dans une étreinte divine.

— Bert : Dans la danse.

Marc Chagall Cantique-des-cantiques-I

— Marion : Dans la danse, oui. Mais je garderai aussi en tête que le yin contient en lui une part de yang, et que le yang contient du yin en lui. Il doit y avoir un peu de yang dans le yin pour que le féminin puisse s’affirmer. Ils évoluent constamment dans une danse.

Les deux sont nécessaires pour que le féminin découvre le masculin dans son entier et que le masculin fasse l’expérience du féminin dans son entier. Que l’on danse ou que l’on fasse l’amour, il faut que le féminin active sa part masculine pour que le féminin s’ouvre en l’homme. Cela se poursuit, dans une ronde, de sorte que chacun goûte à la totalité de lui-même.

— Bert : Parvenir simultanément à la totalité de soi et se perdre dans l’autre à la fois.

— Marion : C’est ça. Momentanément. Ou mieux encore, se dépasser soi-même, ce qui nous ouvre à un autre niveau de conscience.

— Bert : Dans l’histoire d’Ivan et de l’Oiseau de feu, dans la série On Men and Women, Ivan découvre l’improbable maison de Baba Yaga qui tourne sur une patte de poulet. Il dit : « Arrête, comme lorsque ton père était en vie. » L’image qui me vient, c’est que la maison est votre conteneur, c’est là où vous habitez. Baba Yaga était une sorcière parce que, son père étant mort, sa vie tournait à la folie. Pouvez-vous évoquer pour nos lecteurs le rôle que jouent les pères pour leurs filles ?

— Marion : C’est certainement un des enjeux qui m’est le plus cher. La relation au père peut ou bien construire ou bien détruire une jeune fille. Si le père n’est pas présent, s’il s’est fait tuer à la guerre, s’il est ivre, ou divorcé, ou quoi que ce soit d’autre, elle peut l’idéaliser à un point tel qu’elle ne peut se tourner vers d’autres hommes, parce qu’elle se met à penser : « Si seulement papa était là, tout irait bien. »

Elle se tourne vers les hommes pour que tout soit parfait. Naturellement, ils ne peuvent la satisfaire. Alors, elle devient amère, toujours à la recherche de la perfection que son père, à ce qu’elle croit, pourrait apporter. Comme vous le disiez à propos de Baba Yaga, l’énergie peut être contenue, et la maison peut cesser de tourner sur sa patte de poulet quand il existe une énergie masculine suffisamment puissante pour la contrôler.

C’est une chose plutôt rare dans notre culture, trouver ce genre de force capable d’arrêter cette énergie qui tourne en boucle. C’est ce dont nous parlions tout à l’heure, le tourbillon d’énergie qui veut tout balayer.

— Bert : Le perfectionnisme.

— Marion : Oui. L’énergie qui veut encore abattre d’autres arbres, avaler plus de nourriture, acheter plus de choses dans les magasins, regarder davantage la télévision, c’est un tourbillon. Tout va si vite que les gens ne peuvent pas s’arrêter. Mettre fin à ce tourbillon requiert une autorité intérieure qui permet de se dire : « Assieds-toi, reprends-toi, et médite. » Le corps doit aussi être apaisé et rééquilibré de cette façon. Combien de personnes sont capables de faire cela au sein de ce tourbillon ?

— Bert : Si l’on continue sur le sujet père-fille, la fille atteint l’adolescence, sa sexualité et sa beauté s’épanouissent. Le père, qui la tenait autrefois sur ses genoux, l’embrassait et la serrait dans ses bras, semble avoir du mal à composer avec sa fille et peut parfois démissionner.

— Marion : Je pense que cette séparation est normale. Et cela nous ramène maintenant à la raison pour laquelle les hommes doivent travailler de leur côté, de même que les femmes, avant de se retrouver à un tout autre niveau. Une fille qui découvre sa féminité naissante se comportera avec son père d’une façon très différente.

Elle ne peut plus être aussi ouverte parce qu’elle a maintenant affaire à un être également tourné vers la sexualité. Naturellement, cela la fait reculer. Dans des circonstances normales, elle se retirerait dans la compagnie d’autres femmes jusqu’à ce qu’elle puisse avoir confiance dans sa propre féminité. Mais il est rare dans notre culture d’avoir cette opportunité. De la même façon, pour les garçons, le père doit rester présent.

Si le père ressent une attirance sexuelle envers la fille, il doit le reconnaître. S’il le fait, sa fille ne le percevra pas à un niveau inconscient, et elle est donc libre. De même, si la mère reconnaît consciemment ce qui est, elle libère son fils. Elle n’a pas besoin de l’évoquer, juste à en être consciente.

— Bert : Cela évoque le travail sur l’ombre.

— Marion : C’est un travail sur l’ombre, oui. Un gros travail sur l’ombre. Je pense que cela rejoint ce que nous évoquions au tout début. Le travail sur l’ombre doit se faire chez les hommes, et il doit se faire chez les femmes, pour prendre conscience des énergies enfouies dans le corps. Une fois qu’elles sont acceptées et reconnues comme leur appartenant, les gens n’ont plus à craindre l’autre sexe.

— Bert : Le travail sur l’ombre est exactement ce qui doit se produire dans le travail entre personnes du même sexe.

— Marion : C’est juste. Et lorsqu’ils se retrouvent, quelque chose de totalement différent se produit. Parce que chacun peut percevoir sa propre ombre. Ou, comme vous le disiez plus tôt, ils n’ont plus de difficulté à accepter leurs propres appétits parce qu’ils font partie d’eux. Et vous savez que, si vous composez avec cela consciemment, cela ne sera pas hors contrôle.

— Bert : Donc si un homme parle de l’avidité d’une femme ou de sa cupidité, elle ne réagira pas immédiatement en le niant farouchement et en se fâchant. Parce qu’elle reconnaît qu’il dit juste. Il peut donc dire : « Je peux t’aimer malgré cela, te respecter et me relier à toi. Je vois que c’est là, mais je ne te condamne pas en tant que totalité. »

— Marion : Oui. Je pense que, de nos jours, l’un des plus grands problèmes entre les hommes et les femmes qui travaillent vraiment dur, c’est que les femmes tentent d’aller vers ce que je appelle leur propre virginité — c’est-à-dire la femme véritable — parce qu’elle est qui elle est. Je n’utilise pas le mot « vierge » dans le sens de chaste, mais plutôt : « Voilà qui je suis. J’ai travaillé, j’ai tenu mon journal, j’ai travaillé sur mon corps, j’ai travaillé dur pour accepter mon propre système de valeurs. »

— Bert : Vous avez dit quelque chose d’autre, aussi, dans votre livre, que la vierge est une femme qui a préparé son corps pour donner naissance à l’enfant divin.

— Marion : Tout à fait. Cet enfant divin, vous voyez, c’est la nouvelle conscience. Mais ce qui se passe en termes de relations humaines, c’est que souvent la femme se tourne vers l’homme qui l’aime et dit : « Voilà ce que je pense. » Et ce n’est peut-être pas du tout ce que l’homme pense ou ressent ; de son côté, il peut sentir que cela vient de la méchante sorcière, de la mauvaise mère. Et il le perçoit une fois encore comme la même vieille rengaine. Il a travaillé tellement dur pour faire face à ce côté de lui-même, et la voilà qui le lui ressert de nouveau.

Je pense qu’il est vraiment très important de reconnaître la différence entre la voix de la vierge et celle de la mauvaise mère. Je n’aime plus utiliser le mot « sorcière ». C’est le mot utilisé dans les contes de fées pour décrire cette sombre énergie en lien avec Baba Yaga qui terrassera toujours un homme.

Mais la voix de la vierge est beaucoup plus calme ; elle dit : « Tu sais, je suis différente de toi. Ce sont mes sentiments et mes pensées. Oui, ils sont différents des tiens. Nous n’allons pas nous entendre là-dessus. Mais tout va bien. » Je pense qu’il y a beaucoup d’hommes découragés et en colère lorsqu’ils sentent cela poindre chez une femme.

— Bert : L’expression de la différence est perçue comme une expression de défiance ?

— Marion : Oui. Je pense que les femmes qui ont travaillé dur sur elles-mêmes ne sont pas le moins du monde concernées par le défi. Ce qui les intéresse, c’est de s’en tenir à leur propre réalité, que cela convienne à leur partenaire ou pas.

— Bert : Du côté des hommes, il y existe une tendance à réprimer nos propres sentiments ou nos désirs pour devenir ce que l’on pense que les femmes veulent que l’on soit. Les hommes devraient également se dire : « C’est que je pense, c’est ce que je ressens, voilà où j’en suis. »

— Marion : Oui. En d’autres termes, ils doivent aussi cultiver leur propre vierge. Les deux sexes doivent passer par le développement du masculin et du féminin. Je pense que beaucoup d’hommes se sentent emprisonnés par la mère, et quand les femmes s’expriment de cette voix de vierge, ils pensent que c’est encore un de ces vieux trucs. Mais cela n’a rien à voir avec cela, c’est quelque chose de nouveau.

— Bert : Une des choses qui commencent à se produire dans certains cercles du Wisdom Council est que les hommes qui étaient en colère contre leur père sont à présent en colère contre leur mère. Dans The Ravaged Bridegroom, vous décrivez ce qui s’est produit dans l’un des ateliers de Robert Bly sur la Grande Mère, lorsque vous avez demandé ce qu’évoquait le mot « mère ». Les femmes ont répondu des choses comme « sûr » et « nourrir ». Les hommes restaient silencieux. Vous les avez questionnés, et tout le monde a été choqué par ce qu’ils ont répondu :
« castration », « domination ».

— Marion : Les femmes ne pouvaient pas croire ce qu’elles entendaient ! Mais ces sentiments doivent sortir. Et il doit y avoir un espace suffisamment accueillant et sûr pour qu’ils puissent s’exprimer. C’est à ce niveau-là, je pense, que beaucoup d’entre nous sont en difficulté dans les groupes.

Le contenant n’est pas assez solide pour un amour transcendant. Cela demande un amour immense pour faire tenir ensemble ces polarités. Je pense que nous devons avoir des rituel au début, au milieu et à la fin, afin de faire tenir les contraires ensemble. Je ne vois pas d’autres moyens pour qu’ils puissent tenir ensemble.

— Bert : Je pense que vous avez raison sur ce point. J’apprécie le temps que vous m’avez consacré. Y a-t-il autre chose que vous aimeriez dire à nos lecteurs ?

— Marion : Simplement qu’il est vraiment important de prendre ce temps. Mon objectif est de maintenir la vitalité du dialogue entre les sexes et d’essayer d’aller vers un tout nouvel espace. Je suis donc honorée de parler avec vous.

— Bert : Et je suis honoré que vous parliez ainsi avec moi  et nos lecteurs.

Interview de Marion Woodman par Bert H. Hoff
Article original, « Inner Man, Inner Woman, an interview with Marion Woodman », est publié sur le site http://www.menweb.org/woodman.htm

Traduction française : Michèle Le Clech

 

 

Homme intérieur femme intérieure

Marion Woodman, analyste jungienne de renom, a longtemps animé des ateliers pour hommes et femmes avec Robert Bly. Elle est l’auteur de Obsédée de la perfection, La Vierge enceinte. Un processus de transformation psychologique, et The Ravaged Bridegroom: Masculinity in Women, des livres très édifiants pour les femmes. Bert H. Hoff l’a rencontrée à Toronto en 1993 pour parler du travail intérieur des hommes et des femmes et sur les moyens de les rapprocher.

Fémin sacré

— Bert : Pourquoi le travail intérieur des hommes est-il important ?

— Marion : Nous avons atteint un stade dans l’évolution de la conscience. Les femmes ont besoin de faire ce travail seules, et les hommes ont besoin de le faire de leur côté afin de parvenir à une nouvelle compréhension — celle de leur propre féminité pour les femmes et celle de leur propre masculinité pour les hommes — afin que les deux sexes se retrouvent à un autre niveau.

C’est pour que nous puissions finalement nous parler et comprendre l’autre à un autre niveau que nous faisons ce travail séparément. Naturellement, en travaillant sur les rêves des femmes, à mesure qu’elles deviennent plus conscientes de leur propre féminité, une toute nouvelle masculinité se développe en elle. Cela est également vrai pour les hommes : quand ils travaillent sur ​​leur masculinité, ils découvrent peu à peu une nouvelle féminité. Le dialogue est très différent de ce qu’il était il y a cinq ans encore.

— Bert : Le dialogue intérieur ?

— Marion : Non seulement le dialogue intérieur, mais comme ce qui est dedans est comme ce qui est dehors, quand vous commencez à dialoguer avec l’intérieur, le dialogue extérieur est très différent. A la place du jugement ou des reproches, nous commençons à comprendre ce qu’est l’amour. Nous commençons tout juste à entrevoir ce qu’est la rencontre d’âme à âme.

Il y a quinze ans, j’ai essayé des groupes mixtes, et les hommes comme les femmes ont souhaité travailler séparément. Tant qu’ils essayaient ensemble, ils ne parvenaient pas à trouver leur centre. Mais aujourd’hui, ils veulent travailler ensemble. Les gens qui ont fait un travail sur eux-mêmes de leur côté sont très très heureux, et impatients, de travailler ensemble d’une toute autre façon.

— Bert : C’est donc ce que se passe dans la série On Men and Women et les conférences Applewood que vous faites avec Robert Bly ?

— Marion : Oui. Nous essayons d’amener le dialogue à un autre niveau, là où nous pouvons véritablement partager ce qui se trouve au plus profond de nos cœurs. Cela signifie que vous ne serez pas jugé. A la minute où vous vous sentez jugé, vous n’êtes plus vous-même.

— Bert : Lorsque ma femme et moi étions dans ce dialogue, je me rappelle que, dans la vidéo d’Applewood, vous évoquez l’esprit rencontrant l’esprit, et l’âme qui rencontre l’âme. Mais peu importe combien on y travaille, il y a des trucs qui remontent et, la plupart du temps, on explose l’un contre l’autre.

— Marion : C’est vrai. Je crois qu’il y a beaucoup de colère et de chagrin enfouis dans le corps. Cela a non seulement à voir avec notre génération, mais aussi avec les générations passées. Tant que cela n’a pas été libéré au niveau personnel, vous ne pouvez pas aller au-delà — jusqu’à ce que j’appellerais le plan de l’âme, le plan de la transcendance.

Cette colère personnelle doit être reconnue. Si vous essayez de faire fi, elle reviendra tôt au tard et fera obstacle au dialogue. C’est ce que j’appelle le travail de l’âme, parce que tant que nous restons uniquement sur le plan sexuel, biologique, nous ne sommes pas vraiment conscients de ce qu’est le véritable amour. Nous pensons encore en termes de nécessité ou de dépendance. Je pense que nous tendons aujourd’hui vers un amour beaucoup plus vaste que celui qui se situe au niveau biologique.

Quand les yeux et les oreilles intérieurs sont ouverts, nous sommes conscients d’une sensibilité et d’une sensation qui vont bien au-delà de ce que l’on connaissait il y a vingt ans. Cela n’est naturellement pas vrai pour tout le monde, bien sûr. Certaines personnes ont toujours été à un niveau plus élevé. Nous évoluons tous à différents niveaux. Mais en tant que culture, nous commençons à réaliser que quelque chose est en pleine évolution.

— Bert : Je crois que c’est quelque chose que l’on peut voir dans le livre de Robert Bly, L’Homme sauvage et l’enfant. L’avenir du genre masculin, ou dans celui de Clarissa Pinkola Estes, Femmes qui courent avec les loups, qui sont en tête de liste des best-sellers du New York Times. Il semble y avoir dans la société une faim, un besoin de descendre à ce niveau.

— Marion : Oui. Je crois que les gens sont beaucoup plus conscients de leurs partenaires intérieurs. Ils reconnaissent que si une véritable relation avec le partenaire intérieur se met en place, c’est source de créativité dans leur vie.

C’est ce que Jung appelle le mariage royal — le mariage intérieur où vous épousez votre propre dieu intérieur ou, dans le cas des hommes, votre déesse intérieure.

Mais cette reconnaissance rend la relation personnelle avec un homme ou une femme réels libre des projections du dieu ou de la déesse. Vous n’attendez donc pas d’une personne davantage que ce qu’elle peut donner, et elle n’a donc pas besoin d’essayer d’être parfaite.

— Bert : Cela signifie-t-il que nous ne devrions pas nous marier avant d’avoir travaillé la relation intérieure ?

— Marion : Je ne sais pas. Je crois que certaines personnes, même si elles se marient, peuvent continuer à travailler la relation. Je connais beaucoup de couples qui ont travaillé toute une vie sur la relation qu’ils ont commencée lorsqu’ils avaient une vingtaine d’années. Et le mariage qu’ils vivent aujourd’hui n’est pas le même qu’au début.

— Bert : Ils se sont éveillés et s’inscrivent tous les deux dans la vie…

— Marion : Oui. Le grand danger est que l’un évolue plus vite que l’autre dans la relation. A certains moments, ils auront l’impression de s’éloigner l’un de l’autre. C’est dans ces moments-là qu’une bonne dose de patience est nécessaire.

— Bert : Il me semble avoir vu beaucoup de choses semblables, où l’un des partenaires évolue et pas l’autre. Habituellement, ils finissent par se séparer pour pouvoir évoluer à part.

— Marion : C’est vrai… pour un certain temps. Ou peut-être bien qu’ils doivent se séparer pour toujours. S’ils ne travaillent pas tous les deux sur eux-mêmes, alors il y en a un qui devra continuer seul. Pourtant, s’ils ont suffisamment de patience pour tenir bon, s’ils travaillent tous les deux, il arrive souvent qu’ils se retrouvent après la séparation. Parce qu’ils reviennent vers une autre personne.

— Bert : L’un des thèmes de votre livre Obsédée de la perfection est que plus les femmes s’impliquent activement dans le monde extérieur, plus elles sont dépossédées de leur féminité par la poursuite d’objectifs masculins qui sont en eux-mêmes une parodie de ce que le masculin est vraiment. « Le travail parfait, la maison parfaite, des vêtements parfaits, et donc ? Qu’est-ce que ça apporte ? Il doit y avoir plus que cela. » Vous semblez décrire le stress et le vide dont parlent les hommes dans nos Wisdom Council circles.

— Marion : Je vois le patriarcat comme un principe de pouvoir, qui veut le contrôle sur soi, sur l’autre ou sur la nature. Je crois que cela affecte autant les hommes que les femmes, car cela génère ambition et aspirations à la perfection, rivalité, efficacité outrancière. Si l’on persiste dans ce sens, on s’éloigne du cœur. Vous portez un masque — tout en faisant de votre mieux pour poursuivre vos objectifs. Mais le soir, quand vous rentrez chez vous, vous êtes si épuisé que vous n’avez pas de temps pour ce que j’appellerais les valeurs féminines.

Je ne dis pas que les valeurs féminines devraient se trouver à la maison et les valeurs masculines au travail. Dans l’idéal, il devrait y avoir un équilibre entre le masculin et le féminin dans les deux sphères. Mais si vous ne l’avez pas à la maison, ni dans les relations personnelles, vous vous sentez vide. En cela, les hommes ne sont pas différents des femmes.

— Bert : Mon patron ne me paie pas pour que je m’occupe de mon âme au travail, mais quand je rentre, j’imagine que c’est ce que j’ai à faire.

— Marion : Ne croyez-vous pas, cependant, qu’en vous occupant de votre âme, vous percevez de mieux en mieux les gens tels qu’ils sont, même au travail ?

— Bert : Oui, c’est vrai. Je suis plus ouvert et, dans les relations au travail, je suis conscient de certaines choses que je ne remarquais pas avant.

— Marion : C’est comme un espace où l’on peut travailler. Et cela entraîne une toute autre qualité d’âme sur votre lieu de travail ainsi que dans toute relation. Et je crois que les gens le perçoivent. Si vous êtes suffisamment conscient pour les voir tels qu’ils sont, ils se comportent envers vous d’une manière différente.

— Bert : Dans Obsédée de la perfection vous dites que la perfection est une défaite. Vous ajoutez que vivre sa vie suivant des principes n’est pas vivre sa vie propre. Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

— Marion : La perfection n’est pas une qualité humaine. Nous ne sommes pas parfaits. La plupart d’entre nous veulent la complétude. Nous voulons parvenir à notre propre totalité. Et donc, placer la perfection en première place consiste essentiellement à dire : « Je ne suis pas un être humain, je peux être semblable à un Dieu. Et je n’ai rien à voir avec les passions, la cupidité, la crasse des humains. Je vaux mieux que ça. »

Cela vous place dans ce que j’appelle une perspective suicidaire parce que c’est inatteignable. C’est là que la dépendance entre en jeu. Le toxicomane essaie d’atteindre ce genre de perfection et se retrouve de plus en plus rejeté hors de la condition humaine, de plus en plus tourné vers la perfection. Et cela finit dans la mort, parce que vous ne sauriez être parfait. En tentant d’échapper à vos imperfections, vous entrez dans une dépendance qui porte en elle un désir de mort. Parce que vous échouez continuellement.

— Bert : Je me sens plus enclin à faire place à la convoitise dans ma propre vie plutôt qu’à la cupidité ou la saleté. Mais j’imagine que je dois reconnaître cette ombre intérieure et cette cupidité toute humaine.

— Marion : Le problème, Bert, c’est que si vous essayez d’être parfait, vous allez à une vitesse terrible. Parce que vous essayez de réaliser l’impossible. Et nos instincts ne peuvent pas faire face à cette vitesse. Ainsi, la satiété naturelle n’est jamais atteinte. Et la cupidité est totalement hors contrôle.

C’est la société de consommation américaine, telle que je la vois. Dans des circonstances normales, les gens mangent ce dont ils ont besoin, achètent ce dont ils ont besoin et vivent selon les besoins de l’instinct. Mais si votre corps va si vite qu’il ne peut se rendre compte à quel moment il est satisfait, alors toutes ces pulsions deviennent incontrôlables. Il n’existe aucune satisfaction, jamais. Cela vous parle-t-il ?

— Bert : Oui, je le vois bien sur le plan culturel. Pour qu’un film ou une émission de télévision ait un impact, il ne suffit de vous faire savoir que quelqu’un a été tué. Il vous faut voir les détails les plus gore. Nous sommes tellement sur-stimulés que cela se doit d’être beaucoup plus dramatique.

— Marion : Oui. Je viens de voir Age of Innocence. Et là c’est tout le contraire : tout est dans la retenue et le contrôle. J’ai trouvé ce film très fort. Il n’y est pas ouvertement question de sexe, mais dans l’une des scènes, le héros enlève le gant de sa bien-aimée. C’est tellement sensuel que cela vous fait presque frémir.
Je pense qu’il se pourrait bien qu’il y ait une réaction contre toute cette sur-stimulation.

— Bert : Si nous ne nous consumons pas avant.

— Marion : Tout à fait. Ou si nous ne restons pas si dépendants de la dramatisation de ce que nous sommes à toujours acheter encore et encore. Nous sommes littéralement détruits par nos propres ordures.

— Bert : Sur le plan psychique et écologique.

— Marion : Oui.

acteon chasseur

— Bert : Vous nous avez un peu parlé du patriarcat et vous faites une grande différence entre le patriarcat et le masculin. Gregory Max Vogt a écrit un livre, Return to Father, dans lequel il dit que le patriarcat n’est pas aussi mauvais que nous le pensons, qu’il a apporté, et doit encore apporter de précieuses contributions.

Il y évoque un patriarcat homologue qui rejette l’autoritarisme et la compétitivité, et valorise le chasseur,  le constructeur, l’amant, le philosophe, le protecteur de la société et le visionnaire. Y a-t-il, dans l’aspect positif du patriarcat, quelque chose de valable que l’on pourrait garder ?

— Marion : Oh, absolument. Tous les archétypes que vous avez énumérés, je les qualifierais de masculins. Pour moi, le patriarcat est devenu une parodie de lui-même, parce qu’il s’est engouffré dans le contrôle. Lorsque le chasseur chasse simplement pour le plaisir de tuer des animaux, ou le plaisir d’abattre des arbres, ou de détruire la nature, il n’est plus un chasseur naturel.

Non, je suis tout à fait d’accord pour dire que tant qu’il reste dans des limites naturelles, il s’agit d’un masculin authentique. La même chose est vraie de l’amant, s’il aime véritablement. Mais s’il se contente de passer d’une chambre à l’autre pour prouver sa « masculinité », il essaie de contrôler quelque chose qui est perdu au fond de lui. Pour moi, tous ces archétypes sont masculins. Et je voudrais également y ajouter le masculin créatif.

Mais pour parvenir au côté positif du patriarcat, la plupart d’entre nous doivent véritablement dépasser une énorme peur, celle d’être contrôlé par un individu ou une institution ou une attitude culturelle. Parce que l’on s’attend à être jugé et que l’on s’attend à ce que quelqu’un nous contrôle.
A l’école, par exemple, il y a cette terrible impression qui veut que le professeur contrôle ce que pensent les élèves. Leur attitude est donc : « Bon, on va la fermer, et s’asseoir, mais on ne nous contrôlera pas. » A mon avis, cela commence très tôt à l’école primaire, voire à la maternelle.

C’est une chose très complexe, Bert, parce que beaucoup de gens ne réalisent pas qu’ils contrôlent leurs attitudes. A mon avis, beaucoup de parents s’imaginent que si leurs enfants ne vivent pas selon leurs critères et n’essaient pas d’honorer leurs valeurs, ils les déshonorent par leur désobéissance. Si les parents s’observaient mieux, ils constateraient que c’est leur attitude de toute puissance qui anéantit l’enfant.

Revenons-en à l’âme. Peut-on percevoir l’âme de l’autre et permettre à cette âme d’évoluer à sa façon, que cela nous plaise ou pas ?

— Bert : c’est parfois un processus très difficile que de lâcher prise.

— Marion : Eh bien, c’est là le secret. C’est sur ce point que le patriarcat achoppe. Quand je parle du patriarcat, je parle des femmes autant que des hommes — certaines femmes sont pire que les hommes dans ce domaine. Ce n’est pas lié au sexe. C’est une attitude : « Je sais ce qui est le mieux pour vous. Vous feriez mieux de faire les choses comme je vous dis. » Je peux ne pas l’exprimer, mais simplement l’attendre.

— Bert : Dans vos vidéos et dans vos livres, vous soulignez l’importance du travail sur le corps. Pouvez-vous nous éclairer un peu ?

— Marion : J’en parle, Bert, parce que je pense que notre culture est une culture où prime la tête, cette culture vit à partir du cou. Beaucoup de gens prétendent ignorer les émotions et tous leurs côtés d’ombre. Je voudrais souligner que le meilleur de nous se trouve souvent enfoui au plus profond de notre ombre.

Beaucoup de gens ont peur d’exprimer leurs sentiments véritables, et ces sentiments restent piégés dans le corps. Pour être quelqu’un d’entier, il vous faut, à mon sens, savoir ce qui se passe sous vos muscles. Parce que si vous l’ignorez, ce côté est réprimé et, tôt ou tard, il explosera.

Beaucoup de gens disent « Je t’aime », mais s’ils ne l’expriment pas par le corps, vous ne pouvez pas leur faire confiance. La sphère instinctive doit être rendue consciente. C’est en cela que le travail sur le corps est important. Dans ce travail, les instincts deviennent conscients. Ils font ensuite partie du tout. Au lieu de bloquer toute l’énergie dans la tête, le cœur et le corps s’ouvrent.

A suivre…

Interview de Marion Woodman par Bert H. Hoff
Article original, « Inner Man, Inner Woman, an interview with Marion Woodman », est publié sur le site http://www.menweb.org/woodman.htm

Traduction française : Michèle Le Clech

Marion Woodman : La chrysalide…

Papillon

Pour pouvoir nous trouver nous-mêmes, il nous faut absolument une chrysalide. Et pourtant, notre société extravertie accorde peu de place à la contemplation introvertie. Nous sommes censés être des gens d’action, au service des autres, se dévouant pour de bonnes causes ; nous nous devons d’être généreux, énergiques, fidèles au devoir social.

Si nous choisissons d’être, ceux que nous aimons risquent, par réflexe, de s’imaginer que nous ne faisons rien. Il se peut même qu’au début nous partagions nous-mêmes cette impression. Nous commençons à regarder la boue primitive qui fait surface dans nos rêves. C’est le chaos.

Nous nous demandons à quoi ça sert d’aller fouiller au fond, pour ne soulever que de la vase. Un débat intérieur s’amorce en nous : « Je devrais être en train de faire quelque chose d’utile. Mais, en vérité, je ne peux rien faire d’utile s’il n’y a pas de moi pour le faire.

Je ne peux aimer personne d’autre s’il n’y a pas de moi pour aimer. Si je ne me connais pas moi-même, je ne peux pas m’aimer ; et si je ne m’aime pas, l’amour que je porte aux autres n’est probablement qu’une projection de mon besoin d’être accepté. Je joue un rôle afin d’être aimé. Je crains le rejet. Si personne ne m’aime, je n’existerai plus. Mais qui aiment-ils au juste ? Qui suis-je ? »

Et voilà pourquoi nous entrons dans la chrysalide : pour subir une métamorphose qui nous permettra d’être un jour capable de nous lever et de dire « Je suis ».

Marion Woodman, La Vierge enceinte – Un processus de transformation psychologique

 

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